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(ex-Tout le Pouvoir aux Travailleurs & ex-Unité Rouge)

VOIE MARXISTE-LÉNINISTE OU VOIE NEO-RÉVISIONNISTE

Tout le pouvoir aux travailleurs et Unité rouge ont réalisé leur unité politique et organique, sur la base des positions affirmées dans le Bulletin marxiste-léniniste n° 1, L’accord existant entre les camarades de ces deux organisations porte donc sur les contradictions essentielles que les communistes ont pour tâche de résoudre, aujourd’hui en Belgique. C’est-à-dire qu’ils partagent la même analyse du mouvement marxiste-léniniste, qu’ils s’assignent pour tâche principale d’unir ce mouvement tout en se démarquant du néo-révisionnisme, et qu’ils ont entrepris les tâches d’éducation idéologique et théorique imposées par la construction du programme.

L’unification de TPT et d’UR représente plus qu’une fusion de deux organisations. Elle est avant tout un pas important dans la construction du centre. A l’étape actuelle de l’édification du Parti, les communistes envisagent toutes les tâches qu’ils ont à accomplir et toutes les contradictions qu’ils doivent résoudre, non plus seulement à l’échelon de leur organisation, mais principalement au niveau de tout le mouvement, C’est dans cet esprit que l’unification a été comprise et réalisée. Le nom d’Union des Communistes Marxistes-Léninistes de Belgique que nous prenons, indique notre volonté de construire le Parti communiste marxiste-léniniste c’est ce que nous concrétisons aujourd’hui en formant le noyau du centre et en nous démarquant entièrement du néo-révisionnisme.

La présente critique du néo-révisionnisme, l’ennemi principal dans le mouvement marxiste-léniniste, a été faite en commun par TPT et UR, Elle constitue un facteur important de leur unité. C’est dans la lutte contre le révisionnisme moderne et le néo-révisionnisme que la ligne communiste s’élabore, et c’est dans cette lutte seulement qu’elle continuera à progresser.

« Pour les membres du Parti, la première question, qui est aussi la plus importante, est celle de la pensée directrice et de l’orientation politique, c’est-à-dire qu’il faut pratiquer le marxisme-léninisme, et non le révisionnisme. » (Renforcer l’esprit de parti prolétarien, Pékin Information, 52, 1971)

I. DEUX VOIES POUR LA CONSTRUCTION DU PARTI.

Le Centre est en train de se former parce que des marxistes-léninistes ont déclenché la lutte pour l’unification politique du mouvement communiste (marxiste-léniniste) et du prolétariat.

Pour mener à son terme ce travail révolutionnaire, les marxistes-léninistes partent de la pratique politique dans la classe ouvrière et dans l’avant-garde révolutionnaire, et résoudront par la théorie communiste les problèmes concrets posés par la pratique.

– Inéluctablement, l’issue des luttes du prolétariat et des différentes classes et couches exploitées dépend de l’existence ou de la non-existence du Parti Communiste. Des milliers de prolétaires, des progressistes révolutionnaires, des révolutionnaires honnêtes, des militants découragés momentanément, aspirent aujourd’hui à l’organisation de la cause communiste vers la dictature du prolétariat.

L’impérialisme agonise, il broie les masses travailleuses et les peuples du monde dans l’étau de l’oppression et de la guerre impérialiste pour retarder sa fin.

– Cette décadence impérialiste a fait apparaitre l’opportunisme de façon exacerbée. En Belgique, depuis dix années, dans les milieux et cercles d’avant-garde, qui étaient le point d’attraction des éléments sincères et conscients de la classe ouvrière, la contre-révolution intérieure a fait rage. Les partis « communistes » se sont succédé, avec la régularité des saisons. Aucune lutte politique communiste n’est venue riposter à leurs agissements, à leur idéologie, leurs politiques et leurs méthodes, afin de démasquer le révisionnisme et de rallier les éléments trompés.

– Au mois de mai 1968, la classe ouvrière de France, les masses laborieuses, les étudiants et intellectuels déclenchent une grève générale. Ils bloquent l’appareil productif capitaliste. Cette lutte de classe arrache le masque du révisionnisme moderne de France et d’Europe, et fait avancer vers le marxisme-léninisme-pensée-maotsétoung nombre de révolutionnaires de France et d’Europe.

– En Belgique, les tendances révolutionnaires nées de la lutte contre le révisionnisme, principalement les groupes provenant des centres universitaires, tirent les leçons de la lutte des masses, se lient à la classe ouvrière. C’est une réponse pratique donnée à la contradiction entre le marxisme-léninisme et le révisionnisme moderne, réponse militante qui a mené à la formation d’un mouvement marxiste-léniniste. Ce mouvement se renforcera en démasquant l’opportunisme dans ses rangs.

– 1968 a été une année décisive pour la construction du Parti Communiste en Belgique. Non pas dans le sens où furent posées correctement les contradictions politiques ni élaborée leur résolution pratique, mais dans le sens où les conditions concrètes furent réalisées pour un essor révolutionnaire de l’avant-garde : mai 68 en France a amené une partie de la jeunesse étudiante de Belgique à prendre conscience des contradictions du système impérialiste, à se mettre aux côtés du prolétariat. Les idées marxistes-léninistes connaissent une large diffusion dans les milieux intellectuels et progressistes. A Louvain, principalement, le mouvement étudiant, après s’être fourvoyé dans le nationalisme bourgeois, s’oriente vers le marxisme-léninisme. Les principes de la Révolution Culturelle trouvent un terrain prêt à les recevoir. La pensée-maotsétoung indique clairement la voie aux révolutionnaires du monde entier : il faut se lier aux masses, pratiquer le marxisme-léninisme, ne craindre ni les épreuves ni la mort, lutter pour la dictature du prolétariat.

La réaffirmation de ces principes, leur enrichissement et la liaison effective de l’avant-garde étudiante avec la classe ouvrière constitueront la première tentative de fusion des idées de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Tsé-toung avec le mouvement ouvrier spontané. Dans ce départ, les erreurs (spontanéisme, économisme) étaient inévitables, mais « ce qui est important, c’est ce qui nait et se développe ».

En Belgique, les diverses tendances du mouvement ont appliqué, selon leurs propres conceptions politiques et idéologiques, avec un succès et une énergie variables, l’un ou l’autre enseignement du marxisme-léninisme-pensée-maotsétoung. Cela a produit, actuellement, une désunion de l’avant-garde, qui freine le développement du Parti. Toutefois la désunion politique actuelle est seulement l’aspect contraire de l’unité politique. Cela signifie que pour passer d’un aspect, désunion, à l’autre, unité, il faut mener une lutte. Cette lutte doit partir de la contradiction principale à l’intérieur du mouvement à l’étape actuelle. La contradiction principale ressort des données de la pratique révolutionnaire qui se soumet aux besoins du prolétariat et aux principes communistes.

La classe ouvrière lutte sans direction politique, et le marxisme-léninisme-pensée-maotsétoung affirme qu’il faut un Parti prolétarien révolutionnaire. Voilà la contradiction vivante entre le besoin de la classe ouvrière et les principes communistes. Les marxistes-léninistes doivent donc considérer aujourd’hui que quiconque met des entraves à l’édification du Centre, s’écarte du marxisme-léninisme et rejoint l’opportunisme.

L’attitude vis-à-vis du Centre et du Parti est la démarcation entre marxistes-léninistes et opportunistes à l’intérieur du mouvement.

Les marxistes-léninistes considèrent que pour édifier le Parti révolutionnaire, à cette étape, il faut édifier la conscience et l’idéologie communistes des militants du mouvement. Cela doit être une préoccupation continue. Nous nous tenons fermement à la contradiction principale dès le départ, en adoptant la méthode scientifique à l’égard de tous les problèmes existants.

L’unité des marxistes-léninistes est un devoir absolu, dont dépend l’avenir, l’avance ou le retard, de la Révolution.

Les conditions historiques de la formation du mouvement marxiste-léniniste ont produit plusieurs organisations. Cette situation fournit une base au polycentrisme et à l’esprit de fraction.

Nous partons de ces conditions concrètes dans notre lutte pour la centralisation politique et organisationnelle nationale.

Nous nous basons sur le matérialisme historique et le matérialisme dialectique pour avancer ceci : le prolétariat n’a aucune raison de se séparer en plusieurs partis, il n’y a pas de cause objective à un tel phénomène. Dans l’histoire du mouvement communiste mondial, et quelles que soient les formes prises par les caractères nationaux, l’avant-garde communiste a toujours combattu le polycentrisme et l’esprit de fraction national et international.

II. POSITION POLITIQUE DE LA LUTTE DES MARXISTES-LÉNINISTES CONTRE LE NEO-REVISIONNISME.

L’ENJEU DE LA LUTTE IDÉOLOGIQUE

Notre tâche centrale actuelle est la construction du Parti communiste marxiste-léniniste.

La première étape de cette construction impose la création d’un Centre qui doit se former dans la lutte contre l’opportunisme de droite et « de gauche », et qui aura principalement à travailler au programme, à la stratégie et à la tactique, tout en assumant ses tâches directes envers la classe ouvrière (propagande de masse, mise sur pied de cellules d’usine).

La lutte contre toutes les formes de l’opportunisme est le moyen principal par lequel se constitue cette avant-garde idéologique du mouvement qui doit prendre en main l’édification du Parti et de la ligne. Elle porte nécessairement sur la définition de la contradiction principale dans le mouvement et sur l’accomplissement de la tâche centrale qui découle de celle-ci.

L’histoire des Partis Communistes − en particulier celle des années 1893-1903 du PCUS − montre que la première étape de la construction du Parti se caractérise notamment par l’importance prépondérante des tâches internes. Notre tâche interne immédiate est de réaliser l’unité des organisations en un seul Centre. Cette unité se réalisera par la lutte idéologique contre toutes les idées, les pratiques et les styles erronés, qui contrarient l’exécution correcte de nos tâches politiques. Les marxistes-léninistes doivent combattre toute idée de polycentrisme, dans le présent et dans l’avenir.

La question de l’unité des marxistes-léninistes est une question politique fondamentale. De sa solution dépend actuellement la construction du programme, de la stratégie et de la tactique communistes.

L’exécution des tâches internes permet seule l’approfondissement de la propagande de masse et le développement de la construction des cellules.

La lutte idéologique qui s’est engagée sur les questions de l’unité, de la construction du Centre, de la conception du programme, détermine l’avenir politique du mouvement marxiste-léniniste qui s’est formé en Belgique au cours de ces dernières années. Si le Parti devait se construire d’une façon révisionniste, il ne pourrait mener la classe ouvrière à la victoire ; au contraire, il serait un frein à sa lutte. L’importance de l’enjeu impose à tous les communistes conséquents de se donner pour tâches principales d’éclaircir l’idéologie de tous les camarades sur la question de l’unité et sur la façon de construire la ligne et le Parti, et d’engager organisationnellement les militants qui reconnaîtront l’ensemble des positions marxistes-léninistes sur le Centre et le Parti comme étant la réponse concrète à nos besoins justement énoncés. Il n’est pas possible de construire le Parti (ni le Centre) sans remporter la victoire idéologique et théorique sur toutes les formes actuelles du révisionnisme et de l’opportunisme.

QUALIFICATION POLITIQUE DES DEUX LIGNES

La ligne marxiste-léniniste ne peut se construire que dans la lutte contre l’opportunisme. C’est une loi du matérialisme dialectique.

« C’est dans la lutte seulement que le marxisme peut se développer : il en a été ainsi dans le passé, il en est ainsi dans le présent, et il en sera nécessairement ainsi dans l’avenir. Ce qui est juste se développe toujours dans un processus de lutte contre ce qui est erroné » (Mao Tsé-toung, « De la juste solution des contradictions au sein du peuple », p.158)

C’est au sein même de ceux qui se réclament du marxisme-léninisme qu’apparaît cette ligne opportuniste.

Le président Mao a indiqué : « Toute chose se divise invariablement en deux. » (Pékin Information, 21, 1971, p.6) « La loi de la contradiction inhérente aux choses, aux phénomènes, ou loi de l’unité des contraires, est la loi fondamentale de la dialectique matérialiste. » (De la contradiction, I, p.347)

La ligne juste est le résultat du processus unité-critique-unité mené avec les camarades qui commettent des erreurs, et de la lutte livrée contre les éléments opportunistes démasqués.

La façade idéologique empruntée aujourd’hui par ces derniers sera nécessairement l’« adhésion » simulée à la pensée-maotsétoung. Ceci est inscrit dans la logique de l’histoire du mouvement communiste. Dès que le marxisme fut devenu la tendance dominante dans le mouvement révolutionnaire, les opportunistes, Bernstein, les menchéviks et ensuite Kautsky se sont cachés derrière la « fidélité » à la pensée de Marx et d’Engels ; les trotskystes et les révisionnistes modernes essaient de faire croire qu’ils sont marxistes-léninistes ; après que le marxisme-léninisme eut remporté la victoire idéologique et théorique sur le révisionnisme moderne en Chine et dans le monde, Liou Chao-chi et ses agents devaient nécessairement cacher leur trahison sous l’apparent « attachement » à Staline et à la pensée-maotsétoung.

« Tous les pseudo-marxistes dans l’histoire se présentent immanquablement sous un déguisement et emploient les termes du marxisme pour couvrir leurs paroles et leurs actes antimarxistes. Aujourd’hui, par suite de la consolidation sans précédent de la dictature du prolétariat, de l’assimilation de la pensée-maotsétoung par le peuple et du haut prestige de notre grand dirigeant, le président Mao, ces pseudo-marxistes, arrivistes bourgeois et conspirateurs, infiltrés dans notre Parti, ne peuvent que recourir à la double tactique contre-révolutionnaire pour s’opposer au marxisme, au léninisme, à la pensée-maotsétoung. Autrement, ils ne tiendraient pas un seul jour. » (Pékin Information, 52, 1971, p.7)

Les marxistes-léninistes se définissent idéologiquement et théoriquement en construisant leur ligne et leur style sur les principes pour lesquels Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Tsé-toung ont victorieusement lutté. Au point de vue politique, ils situent avec justesse la contradiction principale caractérisant la situation générale qu’ils ont pour tâche de transformer. Il s’agit actuellement en Belgique d’unir, par la construction du Parti, le mouvement ouvrier spontané et la théorie communiste.

Ces deux points démarquent les marxistes-léninistes des autres tendances du mouvement révolutionnaire.

1. C’est ainsi que la lutte contre le spontanéisme (que Lénine appelait révisionnisme de gauche) a tracé la ligne de démarcation avec l’ultra-« gauche » sur la conception du Parti, la nécessité et la façon concrète de le construire. Jusqu’à présent, nous avons constaté, tant à TPT qu’à AMADA, qu’à partir du moment où à l’intérieur de l’organisation une tendance spontanéiste prend de la consistance, elle ne peut s’accommoder du processus unité-critique-unité, soit que cette prétendue « gauche » quitte volontairement l’organisation (ce qui de la part d’une ligne erronée s’appelle du scissionnisme), soit qu’elle se révèle en opposition directe avec les objectifs marxistes-léninistes d’une majorité à laquelle elle refuse de se soumettre (ce qui ne peut entrainer que son expulsion).

En quittant l’organisation − de son plein gré ou parce qu’on l’y a obligée − la tendance spontanéiste quitte en même temps le mouvement marxiste-léniniste. Si la lutte idéologique est bien menée (c’est-à-dire si elle porte sur la contradiction principale, qu’elle s’appuie sur les principes et qu’elle associe largement la base de l’organisation), la ligne de démarcation apparait vite à tous les militants marxistes-léninistes. Et pour peu que les spontanéistes développent leurs erreurs de façon « conséquente », la contradiction qu’ils créent entre leurs conceptions, leur pratique et d’autre part les positions « maoïstes » qu’ils prétendent encore défendre, est bientôt relevée par des tiers ainsi les spontanéistes de « Gauche Ouvrière » ont rejoint les anarchistes de « Lutte de Classe » dans la mesure où ceux-ci ne les rejettent pas et essaient de s’associer avec eux.

Il reste qu’un état d’esprit spontanéiste continue à se manifester à l’occasion chez certains marxistes-léninistes, mais il est toujours vite débusqué, parce que la lutte idéologique que nous avons menée avec succès contre ce courant, nous a familiarisés avec ses différentes manifestations et parce que ces velléités, si elles trahissent incontestablement des conceptions petites-bourgeoises, sont en partie imputables à une insuffisance d’éducation politique ; la discussion fait très vite apparaitre ces erreurs aux camarades mêmes qui les avaient commises. Les corriger est dès lors relativement facile.

2. Il est clair que le danger principal est actuellement, en Belgique comme dans le monde, le révisionnisme, et qu’il revêtira dans le mouvement marxiste-léniniste une forme plus subtile que celle du révisionnisme moderne, les apparences de l’« adhésion » à la pensée-maotsétoung, bref la forme du néo-révisionnisme.

Les néo-révisionnistes s’accrochent désespérément à la façade « marxiste-léniniste », plus que les spontanéistes ne réussiront à le faire ; sur le papier ils définissent la contradiction principale de façon « correcte », mais ils s’emploient de toutes leurs forces à la « résoudre » selon leur conception bourgeoise du monde. Ils sont les continuateurs du révisionnisme moderne, ils naissent et ils naitront de sa décomposition idéologique et théorique. Ils en portent tous les stigmates, depuis le début de leur existence organisée (dès leur constitution en « Parti », par exemple) ou les acquerront progressivement.

DÉFINITION POLITIQUE DU NÉO-RÉVISIONNISME EN BELGIQUE

Le néo-révisionnisme est la forme la plus récente du révisionnisme à l’époque de la pensée-maotsétoung.

Leur opportunisme foncier entraine les néo-révisionnistes à construire une ligne subjectiviste complètement étrangère aux principes scientifiques du matérialisme dialectique, et à la présenter sous l’enseigne de la pensée-maotsétoung.

Les principes de fonctionnement du Parti et le style de travail dépendent avant tout de la nature idéologique de la ligne. Le centralisme démocratique ne peut exister puisque les dirigeants ne concentrent pas les idées justes. La base est composée d’instruments dociles. Quand elles sont censées exister, l’« éducation politique » et la « lutte idéologique » évitent les contradictions brûlantes et ne s’appuient pas sur les principes.

Les néo-révisionnistes ne peuvent réaliser la liaison avec les masses sur une base politique marxiste-léniniste. L’autocritique devient impraticable, puisqu’ils ne défendent pas les véritables intérêts du prolétariat.

Au contraire, les révisionnistes et les néo-révisionnistes se signalent toujours par leur prétention, leur présomption, leurs mensonges.

Les « positions politiques » que le néo-révisionnisme prend en Belgique, se sont jusqu’à présent signalées par leur diversité et leur inconsistance interne.

Ceci s’explique par deux facteurs :

1. Le révisionnisme est au point de vue théorique le refus d’appliquer le marxisme-léninisme intégralement. Il traduit l’idéologie de la capitulation : devant les idées bourgeoises à l’intérieur du Parti, devant l’impérialisme et le capitalisme dans la lutte de classes. Il est dès lors caractéristique du révisionnisme de liquider la lutte pour la dictature du prolétariat, en consacrant le plus clair de ses efforts politiques à la tactique, en coupant celle-ci de la stratégie et en la modifiant constamment, Pour ces raisons, il n’y a pas nécessairement de « positions » typiques de la ligne révisionniste.

« Le maître-mot de Bernstein : ‘Le but final n’est rien, le mouvement est tout’, traduit la nature du révisionnisme mieux que quantité de longues dissertations. Définir sa conduite en fonction des circonstances, s’adapter aux événements du jour, à la versatilité de menus faits politiques, oublier les intérêts vitaux du prolétariat et les traits essentiels de l’ensemble du régime capitaliste, sacrifier ces intérêts vitaux au nom des avantages réels ou supposés de l’heure : telle est la politique révisionniste. Et de l’essence même de cette politique découle ce fait évident qu’elle peut varier ses formes à l’infini, et que chaque question un peu ‘nouvelle’, chaque changement un peu inattendu ou imprévu des événements − ce changement dût-il ne modifier que la ligne essentielle du développement qu’à un degré infime et pour le plus court délai −,engendreront, inévitablement et toujours, telles ou telles variétés du révisionnisme. » (Lénine, Marxisme et révisionnisme, t.15, p.34)

2. L’inconsistance des « positions » n’est jamais aussi forte que dans les apparitions récentes du révisionnisme. Aujourd’hui la tendance néo-révisionniste(comme le mouvement marxiste-léniniste, dont il est l’antithèse) n’est encore qu’un courant idéologique. Les communistes − et ceux qui feignent de l’être − ne sont pas encore partie prenante dans une lutte politique de classes. Nous avons entamé la première étape de la construction du Parti. A ce degré de développement, les organisations n’ont pas encore noué de solides rapports avec leur base sociale. Les néo-révisionnistes n’ont pas eu le temps de regrouper leur clientèle naturelle, l’aristocratie ouvrière, certaines couches petites-bourgeoises, éventuellement des petits capitalistes. Ils doivent encore l’arracher au révisionnisme moderne (ce qu’ils font en se montrant plus combatifs que lui), L’absence de liens avec la base, et par conséquent de sanctions sensibles à leur activité, laisse aux néo-révisionnistes une grande latitude dans le choix de leurs « positions ». Ils n’ont pas trouvé leur assiette politique. D’où la diversité bariolée de certains aspects idéologiques et politiques qu’on peut trouver chez eux : le néo-révisionnisme est une macédoine où par exemple le révisionnisme moderne fait bon ménage avec le socialisme utopique. Le fait que les néo-révisionnistes ont pu changer en cours de route la définition de l’ennemi principal (bourgeoisie belge ou impérialisme américain) sans pour autant rien modifier à leur stratégie ni à leur tactique et sans que soit changée la nature de classe de leur idéologie, est la meilleure preuve de leur inconsistance politique fondamentale.

Le néo-révisionnisme est un détachement de la bourgeoisie dans le mouvement marxiste-léniniste. Sous couvert de suivre la ligne « marxiste-léniniste » et de construire le Parti « marxiste-léniniste », il a trompé et opprimé un grand nombre de révolutionnaires, intellectuels et ouvriers, qu’il a réussi à désorienter et souvent à décourager.

Tant en Belgique qu’en Europe, le P« C »B (Voix du Peuple) et ses complices ont objectivement retardé la constitution de Partis authentiquement marxistes-léninistes, En démasquant dans chaque pays ces agents de la bourgeoisie, les communistes traceront la ligne de construction de leur Parti.

ORIGINE IDÉOLOGIQUE DU NÉO- RÉVISIONNISME

Le néo-révisionnisme est issu de la conception bourgeoise du monde.

En Belgique, il a été jusqu’à présent le fait d’arrivistes et de conspirateurs du genre Khrouchtchev. L’analyse concrète montre à suffisance la nature ambitieuse, carriériste, aventuriste des personnages qui ont mis en œuvre une machine politique dans le seul but de servir leurs intérêts égoïstes.

Mais si la nature idéologique et politique de cette nouvelle forme de trahison est clairement établie, tous les aspects que le néo-révisionnisme prendra à l’avenir ne sont pas cependant prévisibles. Nous devons être vigilants et comprendre que lorsque les trois « Partis » actuels en Belgique seront mis hors d’état de nuire, le danger du néo-révisionnisme dans nos rangs ne cessera pas pour autant d’exister. Ces Partis « communistes » sortaient directement du révisionnisme moderne (ou l’un de l’autre !), sans avoir fondamentalement rompu avec lui idéologiquement, politiquement et organiquement.

La situation actuelle du mouvement communiste n’est plus celle de 1963. Il existe à présent un mouvement marxiste-léniniste qui, depuis sa formation, s’est démarqué du révisionnisme moderne. C’est désormais dans ses rangs mêmes qu’apparaitra un opportunisme qui aura donc suivi le même cours historique que les marxistes-léninistes, qui sortira de la participation aux mêmes luttes ouvrières.

L’origine sociale des intellectuels communistes et le poids de dizaines d’années de révisionnisme et de néo-révisionnisme en Belgique pèsent très lourdement sur nous. Des conceptions révisionnistes et réformistes surgissent spontanément dans nos rangs, sans que nous en ayons nécessairement tout de suite conscience. Nos idées, notre pratique, notre style doivent à tout moment être soumis à la critique impitoyable des principes et de la théorie.

Si la vigilance des marxistes-léninistes se relâchait, l’évolution suivie par cet opportunisme de nouvelle venue suivrait exactement la même orientation que les aventuriers du groupe Grippa. L’issue de cette tendance, à mesure qu’elle se systématiserait, serait la même trahison révisionniste.

Le PCC cite deux sources concrètes au manque d’esprit de parti prolétarien : outre « les arrivistes et les conspirateurs du genre Khrouchtchev », il dénonce « les idées et le style erroné (qui) graduellement (amènent à) commettre de graves erreurs dans l’orientation politique et la ligne politique. » (Pékin Information, 52, 1971, p.6 et 7). Les erreurs les plus graves sont celles qui nous empêcheraient d’accomplir correctement nos principales tâches actuelles : nous attaquerons avec vigueur le sectarisme qui mettrait obstacle à notre unité et le subjectivisme qui nous écarterait des positions politiques que le mouvement doit maintenant construire, à commencer par la position sur le Centre et la conception du programme.

1. Nous ferons la guerre au refus de l’unité (et à son pendant, l’« unité » sans principe), au refus de mener la lutte idéologique (et au refus de la mener sur la contradiction principale, ce qui revient au même).

« Il est nécessaire de ‘s’unir avec l’immense majorité des masses et des cadres, avec les 95 pour cent des masses et des cadres’. Toutes les tendances au sectarisme et toutes les paroles et actes nuisibles à l’unité du Parti et à l’unité entre le Parti et le peuple sont contraires aux cinq exigences fondamentales auxquelles doivent répondre les membres du Parti (cf. Statuts du PCC, art.3). La pratique de la coterie et du sectarisme au lieu de l’unité avec les larges masses et avec le grand nombre de cadres, et l’introduction du style de travail bourgeois corrompu dans le Parti signifient en fait transformer le Parti et le monde conformément à la conception bourgeoise du monde. » (Pékin Information, 52, 1971, p.6)

Le refus de la lutte idéologique peut se manifester dans la théorie des « instruments dociles » ou dans le fait de qualifier de « petite chose » les principes idéologiques du marxisme-léninisme.

2. Le subjectivisme mis à « résoudre » les problèmes qui se posent à nous, est le second danger principal qui nous menace.

« Pour juger si un membre du Parti a l’esprit de Parti, il faut voir en premier lieu s’il s’en tient réellement au marxisme, au léninisme, à la pensée-maotsétoung et utilise le matérialisme dialectique pour examiner et résoudre les problèmes…Le président Mao a souligné » : ’ Il faut noter que l’absence d’une attitude scientifique, c’est-à-dire l’absence d’une attitude marxiste-léniniste qui unit la théorie à la pratique, signifie manque ou insuffisance d’esprit de parti.’ « Le président Mao a sévèrement critiqué ce mauvais style bourgeois en ces termes : » ’Adopter ce style de travail pour soi-même, c’est nuire à soi-même ; l’adopter pour les autres, c’est nuire aux autres ; l’adopter pour diriger la révolution, c’est nuire à la révolution.’ « La théorie séparée de la pratique ou le subjectif coupé de l’objectif, telle est la conception idéaliste bourgeoise du monde. » (Pékin Information, 52, 1971, p.5-6)

« Le refus du matérialisme dialectique, des principes du marxisme-léninisme, sont un signe de la conception bourgeoise du monde ; il mène immanquablement à l’opportunisme, au révisionnisme, et il se cache sous le couvert du ‘marxisme‘. Le divorce entre les idées subjectives et la réalité objective, la désunion entre la connaissance et la pratique sont autant de caractéristiques de l’opportunisme de tout acabit. » (Pékin Information, 52, 1971, p.7)

Une « analyse » subjectiviste se traduit en des conceptions et une activité praticistes (on « résout » les problèmes au jour le jour, au petit bonheur ; on « élabore » la tactique avant d’avoir une stratégie, etc.). Cette ligne se concrétise dans l’économisme : les questions immédiates reçoivent la priorité sur la vue d’ensemble, les revendications économiques et démocratiques sur la lutte pour le socialisme, le programme minimum est mis en évidence aux dépens du programme maximum et ce dernier ne fait plus à la longue office que de décor « révolutionnaire », le lien entre les deux devenant de plus en plus ténu ; en un mot, on sombre dans le réformisme et bientôt dans la trahison ouverte.

En conclusion,

« toutes les idées sectaires relèvent du subjectivisme et sont incompatibles avec les besoins réels de la révolution ; il faut donc lutter à la fois contre le sectarisme et contre le subjectivisme. » (Mao Tsé-toung, Pour un style de travail correct dans le Parti, III, p.46)

LA POSITION DES MARXISTES-LÉNINISTES SUR LE NÉO-RÉVISIONNISME

Les deux lignes existent à tout moment, et les ennemis du marxisme-léninisme prendront toujours le masque le plus subtil. Le néo-révisionnisme est inévitable, et il est nécessairement un phénomène international. Nous souscrivons donc fermement au projet de résolution prise par la réunion préparatoire de la Conférence des Partis et Organisations marxistes-léninistes d’Europe, selon laquelle :

« La Conférence considère comme une tâche importante de tous les partis et organisations communistes (marxistes-léninistes) l’élaboration d’une analyse des aspects idéologiques, politiques et organisationnels du néo-révisionnisme en Europe, ce qui n’est possible que par leur coopération, par l’échange systématique de leurs expériences. En démasquant la nature politique du néo-révisionnisme, les partis et organisations communistes (marxistes-léninistes) avanceront d’un grand pas vers l’unité du mouvement marxiste-léniniste et de la classe ouvrière en Europe. »

Le projet de déclaration dit ensuite :

« Bien qu’on ne puisse aujourd’hui faire la systématisation complète du néo-révisionnisme au niveau de l’Europe, on doit cependant, dès à présent, dans chaque pays, mener la critique aussi loin que possible, selon l’étape atteinte dans la réorganisation du parti. »

En Belgique, les coups portés jusqu’à présent au néo-révisionnisme n’ont pas suffi à le démonter idéologiquement et politiquement, Ceux qui eurent le mérite de commencer cette lutte n’ont, pour des raisons diverses, pu la mener à son terme.

En 1967, lors de la scission entre le P« C »B (Voix du Peuple) et le groupe qui allait devenir le P« CML »B (Clarté), des critiques avaient été faites par une partie révoltée de la base (des étudiants, des membres de la jeunesse) contre les dirigeants de la Voix du Peuple. Elles portaient sur l’ensemble de l’activité du Parti : l’idéologie, la ligne, le fonctionnement, le style de travail. L’accent était mis sur l’idéologie (la démarcation étant faite sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, les méthodes de direction et le style de travail). Ceux qui lançaient alors ces critiques ont montré par la suite qu’ils n’en avaient pas eux-mêmes compris la portée réelle, puisqu’il ne leur fallut pas beaucoup de temps pour tomber dans un spontanéisme exacerbé, confondant grossièrement le communisme avec la caricature que la Voix du Peuple leur avait servie sous ce nom.

D’autre part, les camarades d’Unité Rouge avaient de leur côté entrepris la lutte contre Clarté et l’Exploité, mais l’insuffisance de leur pratique de masse et l’isolement dans lequel ils se tenaient (à l’égard des spontanéistes précisément), donnaient à leurs attaques un caractère passablement abstrait qui en restreignait l’efficacité.

A présent qu’il existe un mouvement marxiste-léniniste, que des camarades commencent à être capables d’appliquer les principes, d’unir la théorie à la pratique, les « beaux jours » des néo-révisionnistes sont comptés. La nature politique et idéologique de leurs erreurs, la pratique criminelle de certains dirigeants, Grippa en tête, apparaissent clairement. L’analyse que les marxistes-léninistes sont capables de faire du néo-révisionnisme, les attaques qu’ils peuvent et doivent lancer contre lui gagneront en force et en précision à mesure qu’ils élaboreront et appliqueront leur propre ligne et à mesure que la clarification politique se fera dans tous les pays où les néo-révisionnistes sévissent encore. La première tâche que nous devions accomplir, c’était cette mise en accusation idéologique et, pour nous-mêmes, cette mise en garde politique contre tant d’erreurs et de crimes.

La critique de la politique du néo-révisionnisme n’a pas encore, à notre connaissance, été entreprise de façon systématique dans aucun pays (à l’exception de la Chine). Le fait pour les communistes belges d’entreprendre cette tâche n’a rien d’inattendu. Elle leur incombait par priorité, étant donné que c’est dans leur pays que le néo-révisionnisme a construit son premier parti européen (dès 1963), et que ce Parti, ayant pu développer librement sa ligne erronée et duper des centaines de révolutionnaires sincères, constitue jusqu’à ce jour l’exemple le plus achevé du néo-révisionnisme en Europe et du danger qu’il fait courir aux militants communistes et à l’avant-garde de la classe ouvrière.

Notre position politique sur le néo-révisionnisme est que la contradiction qui oppose sa ligne à la ligne marxiste-léniniste est antagoniste. La seule attitude juste à son égard est la rupture complète.

Il ne faut toutefois pas confondre la ligne et les personnes et, parmi celles-ci, il est nécessaire de distinguer entre la base et les dirigeants. Avec les révolutionnaires honnêtes, il est du devoir des marxistes-léninistes de lutter dans un esprit d’unité.

Sur le danger néo-révisionniste à l’intérieur des organisations marxistes-léninistes, nous disons ceci : Le mouvement aborde la construction du Parti. C’est un moment décisif pour les luttes révolutionnaires et pour l’avenir du socialisme en Belgique. Les marxistes-léninistes ne toléreront pas que des opportunistes infiltrés dans leurs rangs puissent faire dévier la ligne communiste. Ceux qui persisteront dans leurs erreurs seront démasqués et exclus du mouvement. Tous les militants marxistes-léninistes doivent participer à la clarification des idées, par la discussion, l’étude et l’enquête. C’est pour eux une obligation de défendre l’unité et le respect des principes du matérialisme dialectique.

La lutte idéologique entreprise vise également à rallier les militants que la ligne de la Voix du Peuple a trompés et que la pratique a finalement découragés. Certains d’entre eux n’ont critiqué dans le P« C »B (Voix du Peuple) que la bureaucratie de la direction et l’absence de liaison avec les masses : ils rafistolent aujourd’hui un « maoïsme » sur base d’une idéologie anarchisante. D’autres sont marqués par la fausse conception du centralisme démocratique qui avait cours à la Voix du Peuple : ils y voient un principe d’organisation militariste, détaché de la ligne politique et se suffisant à lui-même. Ils ont aujourd’hui tendance à redouter le centralisme et à l’identifier complétement avec la discipline.

D’autres encore, échaudés par leur expérience négative, ont adopté une position attentiste, refusant de militer actuellement en craignant de prendre leurs responsabilités de marxistes-léninistes ou en refusant de devenir des révolutionnaires conséquents. Avec tous les camarades qui néanmoins reconnaissent la nécessité vitale du Parti nous désirons engager la discussion ; nous leur demandons de nous communiquer leurs critiques et leurs opinions. Les marxistes-léninistes ne se laisseront pas intimider par les armes habituelles des opportunistes, la calomnie, le chantage, la démagogie, les accusations de « dogmatisme », d’« intellectualisme », etc. Qu’en est-il au juste du danger de dogmatisme ?

Ce danger existe. Est-il grave ? Beaucoup moins que le danger de l’opportunisme de droite et du révisionnisme, qui est actuellement l’ennemi principal du marxisme-léninisme. En réalité le dogmatisme est une limite que l’attachement aux principes nous fera côtoyer aussi longtemps que nous ne pourrons pas en toute occasion les mettre en pratique de façon complètement satisfaisante. C’est ainsi. Mais tenir aux principes comme à la prunelle de ses yeux est pourtant la seule façon de progresser.

Il y a la pente de la facilité, les « succès » superficiels, la recherche du nombre pour le nombre, l’« unité » sans principe, le « programme » aux moindres frais, la démagogie, bref le révisionnisme, et il y a la fidélité absolue aux principes, l’application du matérialisme dialectique, avec les capacités théoriques encore limitées, avec la pratique de masse encore restreinte qui sont actuellement les nôtres.

Ceux qui s’en tiennent aux principes l’emporteront. Seuls ceux qui s’en tiennent aux principes défendent les véritables intérêts des masses. Telle est la sanction objective de la politique marxiste-léniniste : « La théorie de Marx est toute-puissante, parce qu’elle est vraie. »

III, L’ANALYSE CONCRÈTE DU NÉO-RÉVISIONNISME EN BELGIQUE.

Cette analyse porte sur les trois « Partis » néo-révisionnistes belges.

Pour la mener nous avons confronté les données recueillies aux principes du marxisme-léninisme. Ces données elles-mêmes proviennent 1) de notre expérience directe et indirecte des Partis (par lesquelles il est possible de connaitre l’origine, l’évolution et, pour une part, la pratique) ; 2) de l’étude des « programmes », des brochures, de la presse et de quelques textes intérieurs significatifs ; 3) d’une enquête menée auprès d’anciens dirigeants, responsables et militants.

1. LE PARTI « COMMUNISTE » DE BELGIQUE (Voix du Peuple)

INTRODUCTION

En 1960, le peuple du Congo ouvrait une voie dans sa lutte de libération nationale, en prenant les armes contre le colonialisme belge et l’impérialisme américain. En Belgique à cette époque, le P« C »B condamnait l’insurrection du peuple congolais et s’attelait à la politique colonialiste de la bourgeoisie financière. La longue habitude politique social-colonialiste du P« C »B révisionniste trouvait son aboutissement monstrueux dans le soutien à la bourgeoisie impérialiste.

En décembre 1960, la classe ouvrière de Belgique se révoltait contre l’exploitation et les menaces de l’aggravation de cette exploitation. La classe ouvrière déclencha la grande grève contre la loi unique et soutint un combat résolu qui s’amplifia de semaine en semaine. Le P« C »B révisionniste s’opposa à toute initiative de classe et aux justes violences du prolétariat. Il en appela à la raison bourgeoise, à la sauvegarde du capital financier. Il allait déployer la contre-révolution active en rejetant toute occasion de faire de la lutte de masse une vaste et agissante école de la révolution.

Ces deux faits criminels du révisionnisme, le social-colonialisme et la contre-révolution pendant la grande grève, eurent des conséquences jusqu’en 1963 au sein du Parti révisionniste belge.

A la même époque, au niveau mondial, se menait la lutte entre la ligne communiste et la ligne révisionniste.

La réfutation du révisionnisme moderne par le PCC et le PTA et l’affirmation de la juste ligne générale du mouvement communiste international, allaient elles aussi entrainer des conséquences au sein du Parti révisionniste belge. Une opposition de gauche s’y créa, qui assuma la défense des principes de l’internationalisme prolétarien, se plaçant sur les positions de la Conférence de Moscou des 81 Partis communistes et ouvriers. Mais cette tendance de gauche critiqua exclusivement la politique internationale du P« C »B révisionniste, sans soulever sérieusement la question de la politique nationale du révisionnisme depuis l’après-guerre.

Cette tendance de gauche du Parti révisionniste fut exclue en 1963, sur les questions de politique internationale, sans avoir mené une lutte conséquente pour assurer au sein du Parti la victoire des positions marxistes-léninistes.

Les exclus recréèrent immédiatement un nouveau Parti ; en dérogeant toutefois gravement à la plupart des principes marxistes-léninistes. Après avoir « relevé » opportunément le drapeau de l’internationalisme prolétarien, la direction du nouveau Parti, au lieu d’éclaircir la conscience de la majorité des militants, entretint tout aussi opportunément le brouillard qu’y avaient apporté les conceptions révisionnistes.

Alors que l’idéologie des militants du nouveau Parti réclamait, timidement, la critique et l’autocritique de la nouvelle direction, il fut toujours opposé à cette juste mais faible revendication un refus radical de toute analyse, de toute critique et autocritique réellement marxiste, réellement révolutionnaire, tant de la ligne et de l’idéologie du P« C »B révisionniste, que du rôle des nouveaux dirigeants dans leurs anciennes fonctions.

Ce refus pratique de la critique marxiste brisait sans retour avec la philosophie et la science marxiste-léniniste-pensée-maotsétoung, avec la pratique communiste. Il devait marquer d’une façon irréversible tout le processus de dégénérescence de l’organisation.

Le Parti « Communiste » de Belgique, composé de trois branches (Parti « Communiste » wallon, son CC et son BP, le Parti « Communiste » flamand, la Fédération bruxelloise avec un secrétariat), était dirigé par un CC et un BP national. Il est le modèle le plus achevé du néo-révisionnisme. Issu du révisionnisme moderne, il est passé par le néo-révisionnisme pour revenir au révisionnisme moderne : la boucle est bouclée.

Par l’histoire de ce Parti, on peut connaitre tout le processus, de la formation à la dégénérescence, du néo-révisionnisme.

Le néo-révisionnisme, comme le révisionnisme moderne, part d’une conception bourgeoise du monde, une conception idéaliste. Elle conduit à un Parti fonctionnant par un « centralisme » de type bureaucratique et par une « démocratie » de type libéraliste (aspect dominant la bureaucratie), tant dans les rapports avec les masses qu’à l’intérieur du Parti.

On l’appelle néo-révisionnisme parce que sa phraséologie est apparemment marxiste-léniniste soutien à la Chine, à l’Albanie, à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, aux luttes de libération nationale, mais sa pratique en Belgique est fondamentalement réformiste, basée sur des « revendications immédiates » et non sur une stratégie révolutionnaire et un programme marxiste.

« Étudiant les processus objectifs du capitalisme dans leur développement et leur disparition, la théorie du marxisme aboutit à cette conclusion que la chute de la bourgeoisie et la prise de pouvoir par le prolétariat sont inévitables, de même que le remplacement du capitalisme par le socialisme. La stratégie du prolétariat ne peut être qualifiée de réellement marxiste que si elle a mis cette conclusion fondamentale de la théorie du marxisme à la base de son activité…

Il va sans dire que la stratégie conçue en vue du programme minimum différera nécessairement de celle conçue en vue du programme maximum, et qu’une stratégie ne peut être qualifiée de réellement marxiste que si elle s’inspire des objectifs du mouvement formulés dans le programme du marxisme …

La tâche essentielle de la stratégie est de déterminer la direction générale que doit prendre le mouvement de la classe ouvrière, et où le prolétariat pourra porter à l’adversaire le coup principal avec le plus d’efficacité afin de réaliser les objectifs fixés par le programme. Le plan stratégique est un plan qui vise à organiser le coup décisif dans la direction où il est susceptible de donner dans les moindres délais le maximum de résultats …

La tactique, partie de la stratégie, lui est subordonnée et s’applique à la servir … La tactique a essentiellement pour tâche de déterminer les voies et moyens, les formes et méthodes de lutte qui répondent le mieux à la situation concrète du moment donné, et préparent le mieux le succès stratégique. Aussi les actions tactiques et leurs résultats doivent-ils être appréciés non en eux-mêmes, non au point de vue de leur effet immédiat, mais au point de vue des tâches et des possibilités de la stratégie. »(Staline, De la stratégie et de la tactique des communistes russes, p.8,9,11,12)

Lorsqu’une organisation n’a ni programme ni stratégie, il va de soi que sa tâche la plus urgente est d’y travailler, ce qui implique la nécessité de construire un Parti communiste (voir la Proposition pour l’unité des marxistes-léninistes de Belgique, Bulletin marxiste-léniniste n° 1). Lorsqu’une organisation croit faussement avoir un programme et une stratégie révolutionnaire, ou, ce qui revient au même, fait passer la tâche de leur construction au second plan, elle tombe inévitablement dans le réformisme :

« Définir sa conduite d’une situation à l’autre, s’adapter aux événements du jour, aux changements des menus faits politiques, oublier les intérêts vitaux du prolétariat et les traits essentiels de l’ensemble du régime capitaliste, de toute l’évolution capitaliste, sacrifier ces intérêts vitaux au nom des avantages réels ou supposés de l’heure : telle est la politique révisionniste. » (Lénine, Marxisme et révisionnisme, t.15, p.43)

Telle est la politique du néo-révisionnisme.

Le fonctionnement du Parti est le suivant : libéralisme envers les sympathisants pour les pousser à adhérer, envers les militants dociles pour qu’ils deviennent cadres ; sectarisme envers les militants et les cadres qui remettent l’un ou l’autre point en question suite aux difficultés rencontrées inévitablement, envers les sympathisants qui hésitent trop longtemps ou qui critiquent trop. C’est-à-dire : refus de la lutte idéologique, dictature bourgeoise envers les opposants, démocratie bourgeoise envers les serviles.

Quand les idées du socialisme, de la dictature du prolétariat apparaissent comme « stratégie » pour la Belgique, elles sont plaquées, stéréotypées, non reliées à la lutte de classe comme étant la solution de tous les problèmes fondamentaux de la population belge. Bref, pas de programme ni de stratégie et surtout pas la moindre conscience de cette lacune. Ce qui tient lieu de stratégie, c’est la façade, le langage pseudo-révolutionnaire.

C’est la voie bourgeoise dans le mouvement marxiste-léniniste. Le P« C »B (La Voix du Peuple) a mis en pratique l’individualisme bourgeois, qui va de la soif du pouvoir jusqu’aux méthodes fascistes. Cette conception du monde a pour conséquence une attitude prétentieuse, bureaucratique, vantarde, méfiante et hypocrite envers la base et les masses, Ce sont les défauts des révisionnistes et des gens qui passent du soutien formel à l’URSS au soutien formel à la Chine, sans autocritique sérieuse ce sont des conspirateurs et des arrivistes.

Mais ces défauts peuvent aussi surgir parmi nous, du fait que le révisionnisme et le néo-révisionnisme n’ont jamais été critiqués politiquement. L’entourage bourgeois et l’origine sociale bourgeoise des intellectuels communistes renforcent ce danger, Il faut donc abattre idéologiquement et politiquement ces « marxistes-léninistes » en paroles, réformistes dans les faits, pour qu’ils ne se relèvent plus et pour que leur descendance, consciente et non consciente, soit démasquée.

ORIGINE POLITIQUE DU P« C »B (VOIX DU PEUPLE)

1. Lutte à l’intérieur du P« C »B révisionniste avant la scission de 1963

Avant la scission, deux tendances existaient dans le P« C »B. L’issue de la lutte entre ces deux tendances a été la scission.

Connaitre la lutte entre ces deux lignes est essentiel pour comprendre la nature du Parti, Mais, comme pour le programme, l’historique n’a jamais été fait par le P« C »B (VdP) de façon concrète.

Dans « Marxisme-léninisme ou révisionnisme », le P« C »B est apprécié favorablement au moins jusqu’au XIIIe Congrès de 1960 (p,18 et 152). Ainsi, en 1954, d’après le Parti, les thèses du XIe Congrès sont bonnes, d’ailleurs Grippa a été exclu du Comité Central en 1951, pour avoir défendu prématurément ces thèses (op.cit., p, 128).

Que s’est-il passé dans le P« C »B pour qu’il dégénère ? En 1954, un groupe dirigeant fractionnel aurait pris le pouvoir dans le Bureau Politique et aurait procédé par coup de force envers le Comité Central (op.cit.,p, 163), Comme dans le Comité Central, il y avait plusieurs dirigeants du futur Parti (Glineur, Trifaux), on rejette la principale responsabilité sur le Bureau Politique. Seuls les membres du Comité Central qui n’auraient pas réagi sont coupables. Mais le Parti ne dit pas qui a effectivement réagi, ni dans quel sens. Quoi qu’il en soit, depuis des années, des « marxistes-léninistes » auraient lutté au sein du Parti, même si les exemples avancés datent de 1960 (Grande Grève) ou ne concernent que des problèmes internationaux (Yougoslavie, Cuba, Algérie…) (op.cit., 181).

De plus, il n’y a ni preuve, ni explications politiques, ni autocritique.

La lutte entre les deux lignes est tellement fumeuse que dans Forger, tremper, renforcer le Parti marxiste-léniniste, qui parait en 1966, la version est différente, plus élaborée, plus vraisemblable pour l’extérieur : en 1943, des opportunistes prennent le pouvoir après l’arrestation des principaux dirigeants par les nazis ; ce sont ces opportunistes qui ont collaboré avec la bourgeoisie au gouvernement en 1945, qui ont liquidé les comités de lutte syndicale, qui ont pratiqué l’opportunisme de droite, « de gauche » et puis sont tombés dans le révisionnisme (p. 25) ; le XIVe Congrès (en 1963) serait le premier congrès révisionniste. Et avant ? Les « marxistes-léninistes » luttaient dans le Parti mais ils considéraient à tort que les erreurs de la direction étaient au sein du peuple, « par manque de connaissance » ; mais, si les erreurs n’étaient pas au sein du peuple, pourquoi les congrès précédant le XIVe ne sont-ils pas révisionnistes ?

De plus, ces curieux « marxistes-léninistes » qui se baladaient dans tous les organes dirigeants jusqu’au Comité Central devaient être tellement clandestins que les dirigeants opportunistes ne les ont jamais remarqués (ils auraient été éliminés du Comité Central aussitôt), et qu’eux-mêmes devaient être inconscients de leur marxisme-léninisme puisqu’ils n’avancent aucune preuve et que leurs exemples (cf. appréciation de la grève 1960-1961) ne sont absolument pas convaincants.

C’est pourquoi p. 4 la lutte des « marxistes-léninistes » commence à partir de 1945 et a une grande ampleur à partir de 60. Rien de sérieux, ni dans « Marxisme-léninisme ou révisionnisme », ni dans « Forger, tremper, renforcer le Parti marxiste-léniniste ». Il est certain qu’il y eut des camarades combatifs, révoltés qui s’opposaient régulièrement à la direction du P« C »B, mais pourquoi prétendre à travers tout qu’il s’agissait d’une ligne marxiste-léniniste ?

2. Origine des dirigeants

La réponse est ici. Tous les principaux dirigeants du Parti « nouveau » proviennent du P« C »B. Ils ont tous participé à la direction de ce Parti à différents échelons. Grippa a été après la guerre chef de cabinet ministériel ; en 1962, il était chargé des relations avec les Partis frères. Dans un projet de résolution, soumis au Comité Central le 24/3/1962 et qui n’a été connu du « nouveau » Parti que bien plus tard, Grippa défendait l’URSS et les réformes de structure. De même, Trifaux et Glineur ont eu leur place au Comité Central, et ainsi de suite. Ce n’est pas nécessaire de les reprendre un à un. Aucun n’a fait d’autocritique sérieuse. Depuis le début, depuis 1963, le « nouveau » Parti est pourri au sommet par des dirigeants révisionnistes qui remettent une chemise blanche en cachant leur passé. De toute façon, ils auraient été incapables de faire une autocritique marxiste-léniniste parce qu’ils rejetaient les principes marxistes-léninistes, comme nous le verrons plus loin. Cependant, reconnaitre leur passé, même sans pouvoir le critiquer valablement, aurait été une preuve qu’ils n’étaient pas des arrivistes, ni des conspirateurs. Mais tout prouve qu’ils le sont.

3. Origine du programme

Dès la scission avec le P« C »B, en été 1963, la « ligne politique » est tracée. Elle est composée de revendications de combat et de principes tirés des 25 points du PCC. L’essentiel se trouve déjà dans Marxisme-léninisme ou révisionnisme qui parait en juin 63 et qui contient la base politique et idéologique du futur Parti. On y trouve une polémique calquée des principes marxistes-léninistes sur la guerre et la paix, la coexistence pacifique, le soutien aux luttes révolutionnaires, c’est-à-dire une polémique calquée sur le débat brillamment mené par le PCC, et appliqué superficiellement à la politique du P« C »B envers l’Algérie, le Congo, Cuba, la Chine… Quant à la lutte de classes en Belgique, les critiques sont superficielles, opportunistes. L’attitude du P« C »B pendant la grève 1960-1961 est « sévèrement » critiquée, mais il s’agit de la seule critique qui se veut marxiste-léniniste à propos du révisionnisme dans la politique intérieure ; or, cette critique est totalement économiste.

Comment la VdP croit-elle vérifier l’idéologie du P« C »B ? Que lui reproche-t-elle ?

De ne pas faire de propagande pour la Révolution socialiste, de ne pas préparer la lutte armée et la clandestinité ? De ne pas s’appuyer sur un mouvement de masse très combatif pour faire la fusion du socialisme avec le mouvement spontané ?

Pas du tout. Le P« C »B aurait dû être plus déterminé, aurait dû mieux coordonner les comités de grève. Le P« C »B devrait moins compter sur le Parlement et plus sur l’action de masse. Rien de révolutionnaire dans tout cela : seulement de la surenchère.

De ce point de vue, il n’est pas étonnant que soit mise en avant une série impressionnante de revendications immédiates, pour prouver sa foi révolutionnaire. Ces revendications sont reprises du P« C »B (voir XIe Congrès, par exemple) MOINS certaines réformes de structure critiquées par le PCC auparavant dans « Encore une fois sur les divergences entre le camarade Togliatti et nous ». Le Parti attache beaucoup d’importance à ces revendications :

« Les organisations du Parti se plaçant sur les positions marxistes-léninistes, ont pour devoir de tracer les principaux objectifs immédiats de l’action de la classe ouvrière, d’en déterminer les moyens, de l’organiser et de promouvoir les alliances nécessaires. » (Marxisme-léninisme ou révisionnisme, p. 188)

Sans programme, sans stratégie, sans connaitre les ennemis et les amis, il faut des revendications et promouvoir les alliances ! Sur quelles perspectives ? Sur quels principes ?

Les revendications sont assénées p. 48 et p. 189 dans « Marxisme-léninisme ou révisionnisme ».

En résumé, l’origine politique du programme est la suivante revendications révisionnistes avec de la surenchère, moins celles réfutées par le PCC, plus les principes de l’Internationalisme prolétarien définis dans les « 25 points » du PCC, sans oublier le fédéralisme repris à André Renard et autres socialistes de « gauche ». Le tout ensemble constitue la « ligne politique » du nouveau Parti.

En conclusion, le « nouveau » Parti est une caricature de l’« ancien » Parti ; il est édifié sans principes, bureaucratiquement. A aucun moment, le problème de la construction du Parti n’est examiné à la lumière des principes. Tous les écrits de Lénine, Staline, Mao, toute l’expérience historique du mouvement communiste sont rejetés, reniés. Il s’agit d’avoir un Parti qui « impressionne ». C’est pourquoi il est construit en dehors de la lutte de classes, en dehors d’un processus qui va de la connaissance sensible à la connaissance rationnelle pour revenir à la pratique révolutionnaire, Le Parti est une création bourgeoise.

ANALYSE DU PROGRAMME

Le programme est là depuis le début, prêt à servir,

« la ligne de démarcation entre les marxistes-léninistes et les révisionnistes ayant été tracée nettement et complètement sur le plan idéologique, politique et d’organisation » (Forger, tremper, renforcer le Parti marxiste-léniniste, p. 6).

Donc, dès 1963, il « existe » un Parti communiste, avec une ligne révolutionnaire et une idéologie révolutionnaire. Ce Parti s’appuie d’ailleurs sur une analyse fouillée de la Belgique !

En juin, se tenait le Congrès de la Fédération bruxelloise du nouveau Parti et

« jetait les bases de la ligne politique marxiste-léniniste d’un Parti révolutionnaire prolétarien, appliquant la vérité universelle du marxisme-léninisme aux conditions concrètes de notre pays et de la situation actuelle ».

Puis, comme certains n’étaient pas convaincus (nous avons vu d’où venait cette ligne), le Parti répond :

« A l’analyse concrète, approfondie, marxiste-léniniste, de la situation objective, de la lutte de classes, des contradictions fondamentales existant actuellement en Belgique et dans le monde, analyse sur laquelle le Parti s’est appuyé pour élaborer sa ligne politique, le groupe antiparti n’oppose rien d’autre qu’une accusation, sans fondement, calomniatrice selon laquelle cette analyse faite par le Parti serait ‘subjective’ » (Forger, tremper, renforcer le Parti marxiste-léniniste, p. 39).

En fait, il n’existe aucune analyse marxiste-léniniste de la Belgique. En 1972, c’est toujours le cas. C’est pourquoi, il est impossible de critiquer la ligne du Parti en la mesurant à une ligne marxiste-léniniste. Mais il faut prouver qu’il n’existe aucune analyse sérieuse et que tout le Parti baignait dans le réformisme.

1. Révolution socialiste ou indépendance nationale

Il s’agit d’abord de déterminer quelle est la contradiction principale en Belgique. La Belgique pose des problèmes à ce sujet puisqu’elle est à la fois dépendante d’impérialismes étrangers (US, allemand, français) et est elle-même impérialiste (au Congo, en Angola…).

Si l’ennemi principal est la bourgeoisie belge et son État (c’est notre position mais elle est totalement insuffisante pour établir une stratégie), il faut lutter pour la dictature du prolétariat, sans autre étape. Mais si l’ennemi principal est l’impérialisme US, il faut faire la révolution en deux étapes ; dans la première étape, faire un front allant de la classe ouvrière jusqu’à la bourgeoisie nationale, avec un programme qui permet d’unir ces classes, puis dans une deuxième étape passer à la révolution socialiste, c’est-à-dire passer de la démocratie nouvelle à la dictature du prolétariat (cf. Mao, La Démocratie nouvelle).

Le programme, la stratégie et les tactiques du Parti sont évidemment différents dans un cas ou dans l’autre. Une erreur au sujet de la contradiction principale entraine des conséquences très graves. Il suffit d’imaginer le FNL du Sud-Vietnam déchiré par la lutte entre les communistes et la bourgeoisie nationale et ses alliés petits-bourgeois, à la suite d’une erreur du PC. Pour prendre l’autre cas, il suffit de savoir quels étaient les partis qui en octobre 17 prétendaient que l’ennemi principal en Russie était l’impérialisme allemand et non la bourgeoisie russe.

Se tromper sur la contradiction principale, c’est se ranger dans le camp de l’ennemi, consciemment ou inconsciemment. Le Parti dirigé par Grippa, non seulement n’avait aucune analyse de la Belgique, mais en plus A CHANGE DE CONTRADICTION PRINCIPALE, d’une façon subjectiviste. Le Parti est passé de « la lutte contre l’État bourgeois, pour le socialisme » à la « nouvelle résistance » contre l’impérialisme US, SANS ANALYSE, SANS AUTOCRITIQUE, sans discussion dans tout le Parti.

Dans « Marxisme-léninisme ou révisionnisme », publié en 1963, le Parti lutte pour la dictature du prolétariat (p. 90), en brisant l’Etat bourgeois (p. 120). La lutte pour le socialisme détermine tout (p. 116).

En mai 65, parait « Une polémique sur les principes contre une polémique déloyale », qui met la dictature du prolétariat en avant, comme seule perspective, et critique l’UGS (trotskyste) qui remplace cette lutte par la lutte pour les réformes de structure.

Puis, petit à petit, l’ennemi principal change vers le milieu de 1965 ; pendant une période, deux ennemis principaux se partagent la vedette suivant les circonstances. L’impérialisme américain deviendra le seul ennemi principal en Belgique fin 1965. Du moins, on peut le déduire parce que rien n’est annoncé, expliqué.

Au début, dès 1964, le Parti réclamait l’indépendance nationale (VdP 18, Voir annexe 1), mais cette revendication apparaissait noyée parmi d’autres, telles que les revendications professionnelles, démocratiques… La bourgeoisie belge était donc principalement visée, alors que les impérialismes US et allemand, qui avaient des bases en Belgique, des usines, etc., étaient moins inquiétants que l’Etat belge.

Vers mars 65, le Parti « se rend compte » que les charbonnages ferment et que le charbon belge est remplacé par le charbon US ; il relit aussi sans doute le point 10 des « 25 points », dont voici un extrait :

« Dans les pays impérialistes et capitalistes, il est nécessaire de faire triompher la révolution prolétarienne et d’établir la dictature du prolétariat pour résoudre à fond les contradictions de la société capitaliste.… Dans les pays capitalistes que les impérialistes américains contrôlent ou essaient de contrôler, la classe ouvrière et les masses populaires doivent diriger principalement leurs attaques contre l’impérialisme américain, et aussi contre le capital monopoliste et les autres forces de la réaction intérieure qui trahissent les intérêts de la nation… » (Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste international, 1963).

Cette proposition du PCC nécessite un examen sérieux de la situation mondiale, des contradictions fondamentales du monde contemporain, de la place de la Belgique dans le monde impérialiste, afin de déterminer les amis et les ennemis de la population belge pour une analyse de classe. Pour le « Parti », rien de tout cela n’est nécessaire, des brics et des brocs suffisent à construire la ligne politique.

En mars 65, les mineurs de la Batterie luttent pour leur emploi. La VdP 11 parait avec un éditorial sur le Vietnam et en-dessous : NON AUX FERMETURES. Dans la VdP suivante, il est écrit : « Une lutte commune contre un ennemi commun, Batterie-Vietnam », en éditorial.

Les mineurs, comme les combattants vietnamiens, luttaient contre l’impérialisme US, ennemi numéro 1 des peuples vietnamien et de Belgique. Cela n’empêche nullement le « Parti » de publier Polémique sur les principes… en mai 65 et d’y défendre, comme nous l’avons vu, la dictature du prolétariat en tant qu’objectif premier du peuple belge ; l’indépendance nationale y est aussi défendue bec et ongles contre l’UGS qui ne s’attaque (mal d’ailleurs) qu’à l’Etat bourgeois.

En novembre 65 (VdP 47), l’impérialisme US est bien l’ennemi principal et le MPW (mouvement populaire wallon, combattant pour le fédéralisme) est violemment attaqué parce qu’il refuse de lutter pour l’indépendance nationale.

La dictature du prolétariat et le socialisme sont des objectifs qui n’apparaitront plus qu’à l’occasion du premier mai, ou à la fin de l’un ou l’autre article, par distraction sans doute. Désormais l’accent est mis sur l’indépendance nationale et le fédéralisme. Nous reviendrons sur le fédéralisme, mais on peut déjà se demander pourquoi ces deux revendications sont placées sur le même pied.

En décembre 65, Grippa fait une conférence à l’ULB, conférence publiée sous le titre « L’impérialisme américain a pris la relève de Hitler ». Cet exposé, en fait, tient lieu d’analyse, de justification (implicite) pour le changement d’orientation. Voyons cette « analyse ».

Il y est expliqué que l’impérialisme US est l’ennemi numéro 1 des peuples du monde ; suit toute une série d’agressions commises dans le monde, ainsi que les chiffres concernant la surexploitation de la zone des tempêtes. Ces données proviennent pour l’essentiel de Pékin Information.

Pour ce qui concerne l’Europe, il y est affirmé :

« Le Marché Commun (la C.E.E.), la C.E.C.A., l’Euratom constituent également des moyens d’assujettissement économique et politique, liés d’ailleurs à l’assujettissement militaire. Car, dans la conjoncture actuelle, c’est une aberration de croire que l’Europe des trusts peut être une construction permettant de s’opposer à l’impérialisme américain. En fait, celui-ci a voulu le ‘Marché Commun européen’ comme un des instruments de sa pénétration et de sa domination économiques, politiques et militaires en Europe. » (p. 38)

Dans ces conditions, il est évident qu’

« en Belgique, les éléments dominants du capital financier, représentés notamment par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et quelques autres grands trusts, se sont complètement alignés sur la politique de l’impérialisme américain en se subordonnant à lui. »(p.75)

Inutile de dire que les faits démentent toutes ces affirmations gratuites et que la réalité est, malheureusement pour les néo-révisionnistes, un peu plus complexe.

Grippa cite aussi les pactes militaires qui nous lient aux USA (OTAN), ainsi que les investissements relativement importants de capitalistes US. Il en tire comme conclusion que le Parti a raison de mettre en avant les mots d’ordre d’indépendance nationale, de fédéralisme et de solidarité internationale, qu’il faut former un front uni populaire, que la révolution socialiste suivra (p.74).

Avec des analyses pareilles, on peut tout « prouver » ; d’autres, d’ailleurs, comme Clarté, s’arrangent pour « prouver » l’inverse, c’est-à-dire que l’Etat belge est la cible principale. Même si cette position est plus correcte, elle est opportuniste tant qu’elle reste basée sur des faits épars, des « intuitions », bref sur une connaissance sensible uniquement.

Les uns comme les autres, qui s’estiment satisfaits de leur « analyse » (et c’est le cas de tous les néo-révisionnistes), ont ceci de commun : la réalité doit correspondre à leurs idées ; si ce n’est pas le cas, il est plus facile de camoufler la réalité que de transformer sa pensée !

A partir de ce moment, tout « confirmera » que l’analyse est correcte. « Dans Forger, tremper, renforcer le Parti marxiste-léniniste », p.30, le Parti affirme que « notre analyse scientifique, marxiste-léniniste de la situation internationale et de la situation dans notre pays montrait que nous pouvions connaitre dans un délai historique relativement court une situation révolutionnaire en Belgique… » (Cette situation révolutionnaire peut d’ailleurs surgir de nombreux facteurs, sauf du subjectivisme.) En conséquence, il faut lutter « pour l’indépendance nationale, le fédéralisme et instaurer une démocratie populaire ». Heureusement, le Parti ne s’est pas attardé à décrire la démocratie populaire.

D’autres, aujourd’hui, n’ont pas hésité à décrire notre futur régime socialiste ils sont conséquents avec eux-mêmes. Sans analyse de la Belgique, sans connaitre les lois de la révolution, il est seulement possible de décrire les principes de la dictature du prolétariat, de décrire l’édification du socialisme en Chine pour gagner au marxisme-léninisme les ouvriers avancés, mais de là à inventer ce que sera en Belgique le socialisme…

En janvier 66, le CC (VdP 3) appelle à l’action contre l’impérialisme US et ses acolytes.

L’action des mineurs de Zwartberg est dirigée contre l’impérialisme US.

Puis se lève la « Nouvelle Résistance » à l’appel du Parti (Que faire ? de novembre 1966, voir annexe 2) et désormais toutes les luttes qui se produisent en Belgique sont autant de signes que cette nouvelle résistance s’organise. Toute la propagande, affiches, tracts, chants… sont dirigés contre l’impérialisme US (voir les VdP et le texte « Lettre ouverte à François Perin », par exemple).

Ce qu’il faut retenir de cette légèreté envers la contradiction principale, c’est que celle-ci change au gré du vent et que la révolution socialiste n’est nullement l’objectif stratégique. Même au début, lorsque celui-ci était affirmé, en fait la nécessité de la révolution violente et de la dictature du prolétariat apparaissait stéréotypée, plaquée, sans rapport avec l’action quotidienne (Vérité 1 de 1965, voir annexe 3).

A aucun moment le Parti ne part du désir d’accomplir la révolution socialiste pour étudier et enquêter dans les masses afin de déterminer le chemin à parcourir jusqu’à la révolution, pour connaitre la réalité de notre pays afin de réaliser la révolution socialiste le plus tôt et aux moindres frais pour le prolétariat.

En fait, la perspective du socialisme est un trompe-l’œil de la pire espèce. Ces mots qui surgissent de temps à autre socialisme, violence, dictature du prolétariat, à quoi servent-ils ?

Simplement à cacher la vraie ligne politique du Parti, celle qui est développée, celle qui est précise, chiffrée, argumentée, « analysée », celle qui apparait dans les affiches, aux premières pages des journaux, celle qui existe au grand jour ; alors que la perspective du socialisme disparait dans les petites réunions, dans quelques lignes en bas de page, en fin de rapport, sous forme de mot d’ordre le premier mai. Et quand l’indépendance nationale devient l’objet prioritaire, le socialisme se réfugie dans une deuxième étape sur laquelle il est inutile de s’appesantir, tellement elle est lointaine.

Et qu’y a-t-il alors sur les drapeaux du Parti ? Les revendications immédiates de combat depuis le premier numéro de la Vérité, distribuée à des milliers d’exemplaires jusqu’à la dernière VdP, en passant par les affiches collées des dizaines de fois sur les murs de Bruxelles, Charleroi…, les tracts, bref, tout l’appareil de propagande. Toujours l’accent est mis sur des revendications concrètes, tangibles (Vérité 1 de 63, voir annexe 4).

D’ailleurs l’objectif de l’indépendance nationale est présenté comme une revendication immédiate et non comme une révolution démocratique ; c’est pourquoi le Parti ne mit jamais l’accent sur un programme servant le prolétariat, la petite-bourgeoisie et la bourgeoisie nationale sur la perspective de la démocratie nouvelle. Il existait des dizaines de revendications de toutes sortes. D’où venaient-elles ? Nous l’avons dit des révisionnistes avec un peu de surenchère, puis plus tard, des petites revendications étaient ajoutées de temps à autre, suivant les circonstances. Or, les revendications sont fonction de la contradiction principale ; chaque revendication est un moyen d’élever le niveau de conscience sur la contradiction principale, de préparer la révolution. Si l’on ne procède pas ainsi, on fait du réformisme.

« Tout en dirigeant activement les luttes d’intérêt immédiat, les communistes des pays capitalistes doivent les lier à la lutte d’intérêt général et à long terme, éduquer les masses dans l’esprit révolutionnaire du marxisme-léninisme, élever sans cesse leur conscience politique et assumer la tâche historique de la révolution prolétarienne. Si l’on n’agit pas ainsi, si l’on prend le mouvement d’intérêt immédiat pour le tout, si l’on ne cherche qu’à s’en tirer momentanément, si l’on ne fait que se plier aux évènements de l’heure, en sacrifiant les intérêts vitaux du prolétariat, c’est de la social-démocratie à cent pour cent. » (point 10 des « 25 points »)

Mais pour lier la lutte d’intérêt immédiat à la lutte d’intérêt à long terme, il faut connaître les intérêts à long terme avec précision.

Le Parti n’a pas accompli sa tâche principale :

« La tâche du Parti du prolétariat est d’analyser, sur la base des théories marxistes-léninistes, les conditions historiques concrètes, d’élaborer une stratégie et des tactiques justes et de diriger les masses populaires. » (point 12 des « 25 points »)

Nous avons vu le sérieux avec lequel le Parti change d’ennemi principal et comment il opère pour que l’objectif principal, révolutionnaire, se transforme en objectif immédiat, réformiste.

Un autre objectif important (celui-ci depuis 1963) est le fédéralisme.

Le fait qu’on retrouve toujours le fédéralisme à côté de l’indépendance nationale à partir de la fin 1965 est une nouvelle preuve que l’objectif principal (indépendance nationale) est assimilé à une revendication et ne constitue nullement une étape vers la révolution socialiste.

Voyons pourquoi le Parti attache tellement d’importance à cette revendication nationale.

2. Le fédéralisme

Quand on regarde toute la propagande du Parti depuis 1963, une large place est accordée au fédéralisme, peut-être la plus grande, en tout cas jusqu’au moment où l’indépendance nationale viendra à ses côtés.

D’où provient cette revendication et sur quelle analyse s’appuyait le Parti ?

Cette revendication a été relancée par André Renard en 1960 pendant la Grande Grève (dans « Marxisme-léninisme ou révisionnisme », p.69, elle est considérée plutôt comme une diversion) et a été reprise par de nombreux ouvriers wallons qui se sentaient abandonnés par leurs frères flamands et dont la région dépérissait.

Quelle est l’analyse du Parti ?

Le Parti se base sur le principe léniniste du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et constate qu’il existe deux peuples et trois communautés (Flandre, Wallonie, Bruxelles ; les Belges de langue allemande sont laissés pour compte), Il en déduit que le fédéralisme est la meilleure façon de réaliser l’autodétermination des peuples de Belgique, parce que s’attaquant à l’Etat unitaire. En effet, exiger le fédéralisme peut ébranler l’Etat unitaire, et donc faciliter la révolution. Mais on n’envisage pas que la lutte pour le fédéralisme peut aussi ébranler l’unité des travailleurs. Brillante analyse !

En réalité, il faut connaître les intérêts et les contradictions des monopoles belges et internationaux, la façon dont ils se servent de l’Etat belge, et il faut également qu’il y ait une volonté de la population belge pour l’autodétermination. Faute de connaître ces deux pôles de la contradiction, il est impossible de soutenir l’autodétermination comme revendication progressiste et encore moins le fédéralisme comme façon de réaliser l’autodétermination. La seule « justification » qu’on peut trouver est hélas beaucoup plus simple et plus « tragique » 600.000 Wallons ont signé un pétitionnement pour réclamer le fédéralisme, soutenus par tous les socialistes de « gauche » que le Parti espérait recruter. Si le Parti a mis le fédéralisme à son programme, une seule raison l’explique : l’opportunisme envers le peuple wallon et envers les socialistes de « gauche ». Parce que le principe léniniste est clair :

« Les différentes revendications de la démocratie, dit Lénine, y compris le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, ne sont pas un absolu, mais une parcelle de l’ensemble du mouvement démocratique (aujourd’hui : socialiste) mondial. Il est possible que dans certains cas concrets la parcelle contredise le tout, alors il faut la rejeter. » (extrait des Principes du léninisme)

Il faut donc connaître la situation MONDIALE et la situation belge. Nous n’avons une connaissance scientifique ni de l’une ni de l’autre. Se lancer dans la lutte pour le fédéralisme est de l’opportunisme le plus plat puisqu’il est impossible de rattacher cette lutte d’intérêt immédiat à l’intérêt général.

D’autres « justifications » apparaitront de temps à autre, par exemple une série d’articles de Massoz sur la « petite histoire » nationale, extraite de quelques livres bourgeois. Cette histoire des peuples flamand et wallon s’arrêtera vers les années 1840 ; seuls nos grands-pères en auront retiré satisfaction. Une modification « théorique » sera apportée plus tard (voir Lettre ouverte à François Perin) avec la création du peuple de Bruxelles (!) et l’exigence d’un fédéralisme à trois : la lutte pour le fédéralisme ouvre la voie à la démocratie populaire. Ce n’est pas tout. Il ne s’agit pas seulement d’un bavardage de théoricien en chambre. Le réformisme « militant » mène loin : dans la Vérité 1 de 1964, on lit un appel au peuple wallon, d’un chauvinisme exacerbé (voir annexe 5).

De plus, le fédéralisme est réclamé pour 1964 (VDP 2 de 1963), en comptant sur le soutien, ni plus ni moins, de la FGTB, de la CSC et du MPW.

Pendant les élections, le Parti collait des affiches du type Voter PSB, c’est liquider la Wallonie. Votez fédéralisme PCW (VDP 40 de 1964)

Et nous trouvons à la fin d’un message du Comité Central du PCW : Vive la Wallonie libre et indépendante ! (VDP 11 de 1965)

Le PCW base toute son activité sur la lutte pour le fédéralisme et développe l’esprit chauvin parmi ses membres et les sympathisants. Le marxisme-léninisme remplacé par le chauvinisme, voilà une des voies du réformisme.

Le fédéralisme qui soulève des problèmes complexes en Belgique, problèmes qui ne sont pas encore résolus, est repris tel quel par le Parti. Première erreur. Puis, il est utilisé non pour développer une éducation révolutionnaire, mais pour flatter les sentiments chauvins de certains Wallons. Deuxième erreur. Chacune de ces erreurs relève de l’opportunisme de droite ; elles sont caractéristiques des réformistes. Passant des compromis avec la bourgeoisie en abandonnant les objectifs révolutionnaires, flattant les sentiments chauvins qui existent dans certaines couches de la population, les néo-révisionnistes prennent la même route que leurs frères socialistes en 1914 quand ils sont tombés dans le social-chauvinisme délirant, dans la trahison ouverte du prolétariat !

3. Réformisme ou marxisme-léninisme

« Pour le réformiste, la réforme est tout ; le travail révolutionnaire, lui, n’est là que pour l’apparence, pour en parler, pour jeter de la poudre aux yeux. C’est pourquoi, avec la tactique réformiste, dans les conditions du pouvoir bourgeois une réforme devient de façon inévitable un instrument de renforcement de ce pouvoir, un instrument de désagrégation de la révolution.

Pour le révolutionnaire, au contraire, le principal c’est le travail révolutionnaire, et non la réforme ; pour lui la réforme n’est que le produit accessoire de la révolution. C’est pourquoi, avec la tactique révolutionnaire, dans les conditions du pouvoir bourgeois, une réforme devient naturellement un instrument de désagrégation de ce pouvoir, un instrument de renforcement de la révolution, un point d’appui pour le développement continu du mouvement révolutionnaire. Le révolutionnaire accepte la réforme afin de l’utiliser comme un prétexte pour combiner l’action légale et l’action illégale, afin de s’en servir comme d’un paravent pour renforcer le travail illégal en vue de la préparation révolutionnaire des masses au renversement de la bourgeoisie. » (Staline, Les principes du léninisme)

C’est clair. Comparons avec l’appréciation du Parti par lui-même :

« Notre Parti, édifié sur les principes du centralisme démocratique, pratique la critique et l’autocritique afin d’être à même de corriger ses erreurs éventuelles (quelle modestie !). Il entend déployer, et déploie déjà effectivement une activité de masse sur tous les fronts de lutte : économique, revendicatif, politique et idéologique. Il pratique l’internationalisme agissant.

Il entend éduquer, élever la conscience de ses membres et des masses populaires dans l’esprit du marxisme-léninisme. Il mène une politique destinée à unir les travailleurs autour du prolétariat dans la lutte quotidienne contre le capitalisme, contre l’impérialisme, dans un front uni populaire.

Il préconise et organise la lutte pour les réformes favorables à la classe ouvrière qui, de ce fait, ont un caractère anti-opportuniste, anti-réformiste (!!!). (…) Dans la lutte quotidienne contre le Capital, notre Parti, avant-garde de la classe ouvrière, aura toujours en vue la réalisation du but final. » (Une polémique sur les principes contre une polémique déloyale, p.36)

Cet extrait montre que la direction du Parti comprenait quelques fins renards. Toute la presse, les tracts, toute l’agitation propagande vers les masses sont axés sur des réformes (VDP 41 de 1965) sans ligne politique marxiste, le Parti ne relie évidemment pas ces réformes à la révolution, sauf par quelques formules vagues, abstraites et creuses qui doivent faire illusion. L’extrait ci-dessus relève de ce genre, tout en étant plus subtil que la propagande habituelle. On y trouve en effet l’influence de Lénine et de Staline dans la dernière phrase citée, mais tout ce qui précède est une habile déformation de leurs thèses.

En fait, les réformes ne servent pas le but final, au contraire… le but final sert les réformes. Plus exactement, le but final sert de façade pour justifier la lutte pour les réformes.

« (Le Parti) entend déployer, et déploie déjà effectivement une activité de masse sur tous les fronts de lutte… » Pourquoi cette énumération ? Où sont les priorités ? Quel est le rapport entre la lutte idéologique, revendicative, économique et politique ? Que vient faire ensuite la lutte quotidienne contre le capitalisme et l’impérialisme ?

Les travailleurs mènent aussi une lutte quotidienne, sans le Parti communiste ! Et enfin, « les réformes favorables à la classe ouvrière » sont de fait « anti-opportunistes, anti-réformistes », c’est-à-dire révolutionnaires ! Toute réforme favorable à la classe ouvrière est révolutionnaire ! Donc, luttons pour les réformes !

C’est faux, archifaux. Une réforme accordée par la bourgeoisie sert à « calmer » les ouvriers (ex. l’AMI), une réforme arrachée par les révolutionnaires par une action de masse et avec une propagande politique est une contribution à la Révolution, sans plus. Réforme ou Révolution ? Le Parti répond « réforme révolutionnaire » !

La lutte économique revendicative sert à préparer la lutte politique pour le pouvoir, de même la lutte idéologique contre les courants bourgeois et petit-bourgeois sert également à lancer les classes exploitées à l’assaut de l’Etat bourgeois ; il ne s’agit pas seulement de luttes quotidiennes, mais bien d’une lutte à long terme préparée jour après jour.

La lutte sur quatre fronts, en même temps, avec la même intensité, la réduction de la politique à la lutte quotidienne, n’est-ce pas de la confusion voulue pour que la réforme soit révolutionnaire ?

Enfin, la dernière phrase avec « le but final » n’est-ce pas la dernière platitude, la référence à Lénine en dernier hommage avant l’oubli total ?

Non, les quelques phrases sur la dictature du prolétariat et le socialisme ne servent nullement à éduquer le Parti et les ouvriers d’avant-garde. En l’absence d’une ligne politique développée, il faut défendre les principes révolutionnaires et étudier la construction du socialisme en Chine dans le seul but d’éduquer les marxistes-léninistes et les ouvriers d’avant-garde. En l’absence d’une ligne politique développée, il est impossible de relier scientifiquement, dialectiquement les revendications des ouvriers à la nécessité et à la façon de briser l’Etat capitaliste, d’instaurer le socialisme.

C’est pourquoi la construction de la ligne politique par la construction d’un centre constitue notre tâche principale aujourd’hui. Tout le travail de masse, toute l’activité autour de problèmes immédiats (salaires, répression…) a pour but principal d’éduquer et de gagner les ouvriers d’avant-garde au socialisme, de faire participer tous les marxistes-léninistes à la tâche principale, de les rendre conscients de nos lacunes, de contribuer par des enquêtes à la ligne politique.

Tout autre attitude qui laisse croire à la possibilité d’une large activité de masse, d’une lutte de masse pour les réformes, dans une perspective révolutionnaire, A L’HEURE ACTUELLE, est une attitude réformiste. Ceux-là trompent les ouvriers et les militants sur les tâches réelles des révolutionnaires, qui ont pour devoir d’aider les travailleurs à résoudre leurs problèmes immédiats, mais qui ne pourront le faire réellement qu’en construisant un Parti communiste, une ligne révolutionnaire, en préparant la Révolution. S’ils ne préparent pas la Révolution, s’ils bavardent sur la Révolution, sans Parti, sans programme, il s’agit de réformistes.

Conclusion :

La « ligne de masse » est bourgeoise quand elle est appliquée par le Parti ; les contacts avec les masses sont opportunistes (nous verrons plus loin que le Parti passe de l’opportunisme de droite à l’opportunisme « de gauche » envers les organisations de masse), la ligne politique n’est en rien l’émanation des masses, systématisées à l’aide du marxisme-léninisme.

La ligne politique est conçue en-dehors de tout rapport avec les masses et sans le moindre respect des principes marxistes-léninistes. Une telle ligne ne rencontrera jamais les désirs et les besoins des masses. Certaines positions (fédéralisme, reconquête du syndicat FGTB,…) proviennent de l’aristocratie ouvrière et de couches petites-bourgeoises et ne sont jamais, et pour cause, analysées en fonction d’une stratégie communiste. Le Parti essayait d’avoir leur appui, par tous les moyens, mais en aucun cas ne recherchait celui de l’avant-garde de la classe ouvrière.

Le Parti est réformiste, néo-révisionniste. Il a basé son activité sur des réformes, sur un bloc de réformes, assené par affiches, tracts, journaux à des milliers et des milliers d’exemplaires. Dans ce bloc, on trouve même des réformes de structures (démocratisation de l’enseignement, service national de santé), critiquées par ailleurs. Ce sont des réformes de structure parce que l’enseignement est bourgeois et restera bourgeois sous le capitalisme ; le problème de la santé est aux mains des capitalistes, et l’Etat des capitalistes n’y changera rien les problèmes de l’enseignement et de la santé se résoudront définitivement par la Révolution socialiste.

Nationaliser et démocratiser n’apportera rien aux travailleurs. Seules, d’autres réformes (soins gratuits,…) peuvent les aider pour l’immédiat, à condition qu’elles soient également liées au but final ! En ce qui concerne les réformes du Parti, peu importe ces absurdités au sujet de réformes de structures critiquées d’une part, reprises d’autre part (cf. Une polémique…) ; il s’agit d’un bloc en fin de compte homogène, indissociable dans sa fausseté de principe. Et la pratique du Parti confirme nos accusations.

En 1964, le Parti distribue un tract à la FN [Fabrique nationale d’armes, ndlr] (VDP 28) contenant un appel à l’action contre le licenciement et pour les 40 heures par semaine. Rien de politique. En 1966, éclate la grève « sauvage » des femmes de la FN. Il se forme un comité de grève et un comité d’action soutenu par le Parti. Le Parti distribue un tract dans lequel il propose la fusion des deux comités. Rien de politique (VDP 10 de 1966).

Dans le journal paraissent des articles sur cette grève ; ils mettent en avant la combativité des femmes, mais à nouveau rien de politique. Dans le journal n° 9 de 1966, un tract signé par le Bureau Politique du PCW est publié : du réformisme.

Le Parti intervient dans de nombreuses luttes et chaque fois, il se place à la traîne de l’avant-garde. En Wallonie, il défend le fédéralisme ; à Bruxelles, il défend les revendications combatives des PTT, et ainsi de suite.

D’autre part, en ce qui concerne la politique internationale, le Parti est « dogmatique ». A peu près les 3/5 du journal sont consacrés à l’étranger :

– articles repris à Pékin Information

– luttes dans le monde

– articles de Partis marxistes-léninistes étrangers.

A aucun moment, ces articles ne sont reliés à la lutte de classes en Belgique. Ils prennent de la place, sont stéréotypés, ne servent pas la lutte en Belgique et pourtant ils paraissent basés sur l’internationalisme prolétarien ils sont « dogmatiques ». Le réformisme est camouflé par le « dogmatisme » ; le Parti est réformiste parce qu’il faut juger un Parti sur son application du marxisme-léninisme aux conditions concrètes de son pays, sur son intervention dans la lutte de classes en Belgique et son analyse de la réalité du pays. On ne peut juger un Parti sur ce qu’il prend tel quel de l’étranger, sur la reproduction telle quelle d’articles de camarades albanais et chinois, sur la propagande qu’il fait en milieu intellectuel.

Il faut comprendre que le Parti n’a jamais développé une ligne « dogmatique », une ligne qui se base sur des principes marxistes-léninistes sans tenir compte des conditions spécifiques. Dès le début, le Parti a abandonné la préparation de la Révolution pour développer des objectifs réformistes. Le sectarisme et le dogmatisme sont une façade qui accompagne pendant une certaine période tous les révisionnistes, pour tromper les révolutionnaires, pour avoir quelque crédit sur le plan international, pour éliminer les opposants. Il s’agit en réalité de l’opportunisme « de gauche » qui est souvent indispensable pour faire passer l’opportunisme de droite. Parce que justement le « dogmatisme » sert à tromper les révolutionnaires peu avertis, les petits-bourgeois progressistes qui se tournent vers les idées révolutionnaires. Le Parti se cache derrière les camarades Mao et Hodja pour s’attribuer le cachet de révolutionnaire ! Mais quand il intervient dans la lutte en Belgique (FN, Zwartberg…), quand il doit montrer sa vraie face, alors le réformisme surgit la surenchère des revendications, le bloc des réformes ! Et enfin, quand les camarades chinois et albanais se sont écartés du Parti, il n’est resté que l’abjection du révisionnisme moderne.

Le langage pseudo-révolutionnaire, le soutien à la Chine, à l’Albanie, à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, aux luttes de libération nationale sont une façade si l’on ne prépare pas la Révolution en Belgique. Faire la Révolution constitue le plus grand soutien possible aux luttes des peuples du monde.

Pour terminer, il serait utile de prendre un exemple qui nous touche plus directement et de comparer notre propre activité à celle des néo-révisionnistes la fascisation.

4. La fascisation

En 1954, se tint à Vilvorde, le XIe Congrès du P« C »B. Dans sa thèse 5, on lit :

« Ceux qui préparent la guerre d’agression, contre la volonté des peuples, recourent à la fascisation de l’Etat afin d’assurer leurs arrières.

Les gouvernements Pholien et Van Boutte ont poursuivi la politique antidémocratique de restriction des libertés constitutionnelles. Par leur attitude, ils encouragèrent les provocateurs et les terroristes. Ils n’ont pas arrêté les assassins du camarade Lahaut. L’appareil de répression fut renforcé. Le droit de grève fut mis en cause, des arrêtés furent pris qui portaient directement atteinte à la liberté d’opinion des agents de l’Etat. A l’intervention directe des agents du gouvernement américain, des travailleurs furent congédiés pour leurs opinions politiques. Des personnalités étrangères se virent interdire l’entrée en Belgique parce que connues comme partisans de la paix. »

D’après le P« C »B, il y avait fascisation de l’Etat en 1954.

En 1966, la situation en Belgique est caractérisée par des grèves (Zwartberg, Batterie) à cause des fermetures ou pour des revendications salariales. Le gouvernement sévit et tue 2 grévistes limbourgeois. De plus, depuis la grève 60-61, il prend des mesures pour se préparer à la prochaine vague de luttes (lois anti-grèves préavis obligatoires…).

Le Parti subit une certaine répression, en partie provoquée, en partie due au régime qui se fascise : un mois de prison pour un militant, Voix du Peuple interdite pour critiques envers le roi, arrestations d’un jour (manifestation anti-Humphrey…). C’est pourquoi le Parti dénonce la fascisation du régime :

« La crise générale du capitalisme a pris en Belgique une telle ampleur que toute lutte populaire de quelque importance est et sera de plus en plus amenée à poser le problème du pouvoir politique…

Les brutes sanguinaires de la gendarmerie avec des autopompes fournies jadis par M.Spinoy du P.S.B., avec des chenillettes chères à M.Spaak du P.S.B., président ‘d’honneur’ de l’OTAN et ami des khrouchtchéviens, avec les lois de M. Vranckx du gouvernement P.S.B.-P.S.C. sur ‘le maintien de l’ordre’ capitaliste et américain en Belgique − n’ont pas brisé la combativité des travailleurs limbourgeois, et ont par contre décuplé la juste haine du peuple travailleur contre leur ennemi de classe…

Au cours des derniers jours, nous avons vu ce processus de fascisation se développer : assassinats de travailleurs limbourgeois, violation par la bourgeoisie et son pouvoir de leur propre légalité, fascisation de l’’information’ de la radio et de toute la presse bourgeoise, racisme, perquisitions illégales, arrestations politiques arbitraires. »

D’après le P« C »B (Voix du Peuple), il y avait fascisation de l’Etat en 1966.

En 1971, des organisations marxistes-léninistes dénoncèrent également la fascisation du régime devant la crise internationale, les lois répressives (Vranckx, Major), les procès ouvriers et étudiants, les manifestations réprimées (ex. paysans tués), etc.

TPT, AMADA, UR… font largement écho dans leurs publications de chaque pas franchi dans la fascisation de l’Etat, du passage de la démocratie bourgeoise à la dictature terroriste. Même si certains prétendront qu’en 1966 le Parti exagérait un peu, on peut se demander quelle différence il y a entre ces organisations dans leur appréciation de la fascisation. D’autant plus que les organisations marxistes-léninistes y attachent beaucoup d’importance.

Première question : y avait-il fascisation en 1954, 1966 et 1971 ?

Si la fascisation correspond à un renforcement de l’arsenal répressif policier, à une violence de plus en plus ouverte, à l’instauration d’une dictature terroriste par les éléments les plus réactionnaires du capital financier, on peut constater qu’en 1954, 1966, 1971 le régime tendait et tend vers le fascisme. Il est important de comprendre que la fascisation est un processus historique, il ne se poursuit pas en ligne droite, il s’accentue, diminue, reprend suivant les conditions historiques crise, révolte, contradictions inter-bourgeoises…

Aujourd’hui, des dizaines de faits prouvent que le processus va de l’avant. Ne pas réagir devant les procès ouvriers, paysans, ne pas réagir devant la mort d’un étudiant, etc. est une attitude réactionnaire. Faire des discours sur l’analyse de classe et laisser condamner ses frères est inadmissible. Le régime, le nouveau gouvernement préparent le fascisme et il faut les dénoncer sans cesse et appeler les choses par leur nom.

Mais, et là se trouve toute la différence avec les « PCB », il faut connaître ses limites. Il est nécessaire d’aider les victimes de la répression − c’est un devoir pour les communistes − , et il est nécessaire d’accuser le régime qui met en place le fascisme. Mais le prolétariat n’est pas encore armé d’une stratégie et d’une tactique révolutionnaires. Une stratégie, ce n’est pas crier halte au fascisme ! luttons pour le socialisme !

Ce qui nous différencie des « PCB », c’est donc ceci :

1) la conception du monde communiste, la détermination de mettre en œuvre tous les moyens scientifiques et pratiques de la révolution ;

2) nous savons et nous disons que pour lutter victorieusement pour le socialisme, il faut construire un Parti communiste, une ligne politique, et nous avons commencé â remplir cette tâche centrale ;

3) quand nous dénonçons la fascisation, nous mettons l’accent sur la propagande pour recruter des ouvriers et des intellectuels qui participeront à la tâche centrale ; nous aidons, autant que possible, les camarades atteints par la fascisation.

Agir autrement est du réformisme. Agir autrement, c’est faire croire que nous sommes déjà capables de résoudre politiquement les problèmes, de réagir suivant une ligne révolutionnaire, d’unir tous nos amis et isoler nos ennemis. C’est faux. Qui ne prépare pas la Révolution, maintient le capitalisme. Préparer la Révolution ne signifie pas qu’il faut seulement ajouter en-dessous d’articles contre la fascisation : vive la dictature du prolétariat.

En 1954, le P« C »B ne l’ajoutait même pas. En 1966, le P« C »B (Voix du Peuple) l’ajoutait de temps en temps, de moins en moins. Quelle différence existe-t-il entre eux ? La façade. Et pour nous ? S’il est juste et nécessaire de critiquer inlassablement la fascisation du régime, de présenter le socialisme comme la seule solution, il faut aussi savoir que nous ne suivons pas encore une ligne révolutionnaire en l’absence de Parti et de programme. Nous avons seulement une orientation révolutionnaire, qui doit se concrétiser par l’édification du Parti et du programme politique.

ORGANISATION

1. Centralisme démocratique

Nous avons vu que la ligne du Parti était décidée, au sommet, sans analyse marxiste-léniniste, sans enquête parmi les masses et les militants. Il n’y a, par conséquent, aucune concentration d’idées justes, aucun centralisme, aucune démocratie… Dès le début (Marxisme-léninisme ou révisionnisme, p.150, 159), la fausse conception du centralisme démocratique apparait. On présente des extraits des 25 points de façon totalement arbitraire, puis on met en avant une conception formaliste du centralisme démocratique.

Dans Marxisme-léninisme ou révisionnisme, le centralisme démocratique est déjà détaché de la ligne révolutionnaire, le centralisme démocratique ne sert pas à construire une ligne révolutionnaire et à l’appliquer, le centralisme démocratique est une série de mesures, de règles, bref un formalisme administratif. Par exemple, quand le Parti critique le P« C »B au sujet du « centralisme bureaucratique », il propose des mesures correctives (Marxisme-léninisme ou révisionnisme, p.157), détachées des masses, de la ligne de masse, valables uniquement pour le Parti, les membres du Parti. La ligne elle-même a été construite avant même que l’organisation n’ait une activité autonome envers les masses.

« LA CONDITION DE L’UNITÉ ET DE LA COHÉSION POLITIQUE DU PARTI DANS ET POUR L’ACTION, EST :

1. − que toute son activité, sa politique soient guidées par l’idéologie marxiste-léniniste,

2. − que son fonctionnement soit aussi conforme au marxisme-léninisme et soit notamment basé sur le centralisme démocratique. » (Marxisme-léninisme ou révisionnisme, p.158)

« Le Parti Communiste est organisé conformément au centralisme démocratique.

Le principe du centralisme démocratique consiste en la centralisation basée sur la démocratie, et la démocratie à direction centralisée.

Les modalités concrètes de fonctionnement du Parti doivent respecter ce principe.

Le centralisme démocratique implique ce qui suit :

1) que tous les organismes de direction du Parti, de la base au sommet, sont des organismes élus ;

2) que les organismes de direction aux différents échelons du Parti doivent constamment recueillir les opinions des organisations du Parti de leur ressort, et des membres, étudier leurs expériences et les aider à résoudre à temps leurs problèmes ;

3) que tout organisme du Parti doit présenter périodiquement un compte rendu d’activité aux organismes qu’il dirige ;

4) que tout organisme du Parti doit présenter périodiquement un rapport sur son activité aux organismes de direction. Si au cours de son travail se posent des questions nécessitant une décision de l’organisme de direction supérieur, il est tenu de le signaler et de demander que réponse lui soit donnée ;

5) que les organismes du Parti aux différents échelons appliquent le principe du travail collectif, de la direction collective, lié à la responsabilité individuelle ;

6) que la critique et l’autocritique soient développées à tous les échelons. Le contrôle du haut en bas et de bas en haut de l’application des décisions du Parti ;

7) le caractère obligatoire des décisions des organismes supérieurs pour les organismes inférieurs, et pour tous les membres du Parti ; la discipline, la subordination de la minorité à la majorité » (Marxisme-léninisme ou révisionnisme, p.159-160)

Comparons avec les principes universels des statuts du PCC :

Article 3 « Tout membre du Parti communiste chinois doit :

1) Etudier et appliquer de façon vivante le marxisme, le léninisme, la pensée-maotsétoung ;

2) Lutter pour les intérêts de l’immense majorité de la population de la Chine et du monde ;

3) Etre capable de s’unir avec le plus grand nombre, y compris ceux qui, à tort, se sont opposés à lui, mais qui se corrigent sincèrement de leurs erreurs. Cependant, il faut être particulièrement vigilant afin d’empêcher les arrivistes, les comploteurs et les individus à double face d’usurper la direction du Parti et de l’Etat, à quelque échelon que ce soit, et de garantir que la direction du Parti et de l’Etat soit à jamais entre les mains des révolutionnaires marxistes ;

4) Consulter les masses pour tout problème ;

5) Pratiquer courageusement la critique et l’autocritique. »

Article 5 : « Le principe d’organisation du Parti est le centralisme démocratique.

Les organes de direction à tous les échelons du Parti sont élus par voie de consultation démocratique.

Tout le Parti doit se soumettre à une discipline unique : l’individu doit se soumettre à l’organisation, la minorité à la majorité, l’échelon inférieur à l’échelon supérieur et l’ensemble du Parti au comité central.

Les organes de direction à tous les échelons du Parti doivent régulièrement rendre compte de leur travail aux congrès ou aux assemblées générales des membres, recueillir constamment au sein et en dehors du Parti l’opinion des masses et accepter leur contrôle. Tout membre a le droit d’adresser des critiques et des suggestions aux organisations du Parti et aux dirigeants à tous les échelons. Tout membre, qui est en désaccord avec les résolutions ou instructions des organisations du Parti, est autorisé à réserver son opinion et a le droit de s’adresser directement aux échelons supérieurs, et ce jusqu’au comité central et au président du comité central. Il faut créer une atmosphère politique où règnent à la fois le centralisme et la démocratie, la discipline et la liberté, l’unité de volonté et, pour chacun, un état d’esprit fait de satisfaction et d’entrain. »

La différence entre ces deux positions de principe est essentielle dans les statuts du PCC, l’accent est mis sur le peuple, sur l’idéologie marxiste-léniniste, alors que le centralisme démocratique vu par le P« C »B est formaliste, mécanique avec l’accent placé non sur l’idéologie révolutionnaire mais sur des règles administratives.

Cette conception bureaucratique sera développée dans « Forger, tremper, renforcer le parti marxiste-léniniste » : p.55, il est décrit comment il faut agir en vrais marxistes-léninistes ; ce qui ce qui est écrit est assez abstrait pour paraître inoffensif, mais ressemble fort au livre de Liou Chao-chi lorsqu’on remarque ce qui se trouve toujours en évidence :

« – avant tout, l’esprit de Parti, le dévouement total au Parti, à la cause de la classe ouvrière, des masses populaires, de la révolution prolétarienne mondiale, l’enthousiasme révolutionnaire ;

– l’assimilation du marxisme-léninisme, la capacité de le mettre en pratique, et notamment la capacité de pouvoir s’orienter par soi-même dans toutes les situations ;

– l’observance des principes et des règles léninistes de fonctionnement du parti, notamment de la discipline du parti ;

– la capacité de se lier aux masses ; la capacité de donner l’exemple, d’entrainer, de mobiliser, d’organiser pour l’action, le parti et les masses.

Il faut savoir décharger de certaines responsabilités les camarades qui ne sont pas à même de les assumer correctement, même s’ils ont fait de leur mieux, et à plus forte raison s’ils ont démérité ou s’ils ont dégénéré.

Il faut savoir renforcer les comités de Parti en promouvant les militants qui se sont révélés au cours de la lutte. »

Pour le Parti, ce qui importe avant tout, c’est « l’esprit de Parti » et la « discipline », et jamais la question du pourquoi, les fondements idéologiques de la discipline. Jamais il n’est mis en évidence que la discipline doit servir la Révolution, sans quoi elle n’a aucun sens, elle est réactionnaire.

Lorsque des camarades commettent des erreurs ou défendent des idées fausses, on les pousse dehors au lieu de les aider par la critique et l’autocritique, pour unifier les points de vue et non pour les diviser. Jamais les dirigeants ne font d’autocritique, on leur apprend l’arrivisme, jamais les dirigeants n’encouragent l’esprit de révolte, la lutte idéologique, jamais les militants de la base ne développent de critiques politiques, on leur apprend le servilisme.

Pour les marxistes-léninistes, le Parti doit former une armée ferme et disciplinée où l’arrivisme et le servilisme n’ont pas de place. Chaque militant doit se conformer aux 5 principes définis dans les statuts. La discipline est consciente et sera d’autant plus respectée que le niveau idéologique et politique est plus élevé. L’unité du Parti ne s’obtient que par la lutte idéologique patiente, fidèle aux principes et jamais par le « respect » de règles administratives.

Et quand p.56 est expliquée la conception du Parti sur la lutte idéologique, tout devient encore plus clair. Les voies de pénétration de l’idéologie bourgeoise sont énumérées comme une table de multiplication qui va de la page 56 à 63, et tout y passe opportunisme, libéralisme, sectarisme, subjectivisme… C’est un bréviaire qui s’attaque à tout le monde et à personne et qui contient la ligne (p.46-47) derrière laquelle il faut se ranger tellement elle est juste. Quand on sait en plus que l’éducation politique n’a jamais été assurée systématiquement dans le Parti, que des cours de formation organisés à l’initiative de militants étaient sabotés par la direction et que les dirigeants n’ont jamais fait d’autocritique, on imagine comment les divergences sont traitées.

Avec Massoz, tout se passait bien jusqu’en 1965 quand tout à coup, dans la VDP 38 de 1965, il fut démasqué ! Pendant des mois, il occupa la seconde place dans le Parti et subitement il « dénature la ligne politique, il est un opportuniste aventurier, freine tout le travail, ment… » La base du Parti reçoit tout ce paquet d’un coup parce que les discussions se sont passées au « sommet » et reviennent sous forme d’injures, de dénonciations personnelles… de sorte que les militants en sont réduits à faire des cancans sur le comportement personnel de Massoz à tel ou tel moment. Toute la vie privée passe au crible de la critique, à défaut d’une large lutte idéologique qui élèverait le niveau de conscience de tous, une lutte basée sur le principe de unité−critique, autocritique−unité. C’est seulement ainsi, par un débat sur le problème principal (politique, d’organisation) que les idées justes auraient triomphé et que les idées fausses auraient été éliminées.

Un peu plus tard, un nouveau groupe « antiparti » est « démasqué ». Les discussions se passent au sommet dans une ambiance de haine et de méfiance, puis tout à coup la base est « consultée » un long rapport pour critiquer le groupe, quelques jours pour lire les textes du Parti et du « groupe », puis réunion où ils sont exclus à l’unanimité moins le groupe. En quelques jours l’affaire est réglée.

Quelles sont les accusations ? Elles se trouvent dans « Forger, tremper, renforcer le parti marxiste-léniniste » :

D’abord le « groupe » Delogne-Moerenhout est assimilé au groupe de Peng Tchen, maire de Pékin (p.24) ; puis on étudie le « profil social petit-bourgeois non militant, trotskyste, réviso, national-chauvin ; l’idéologie : capitulationnistes, agissent en caïds, dépolitisent ». Les intentions : comploter pour prendre le pouvoir, ce sont des arrivistes. Et pour mieux les convaincre, on assène la ligne qu’ils osent critiquer.

Ici, à nouveau, aucun désir d’unité, aucun respect pour la minorité qui pourrait avoir raison. L’accusation de subjectivisme, lancée par le « groupe », aurait pu provoquer une discussion fondamentale sur le Parti et la ligne politique ; mais, primo, il n’en fut pas question, et les critiques furent dirigées dans tous les sens avec la priorité à ce qui est le plus bas les calomnies, les cancans, le passé ressorti, chaque petit fait, chaque petite erreur et l’accumulation de ces « critiques » est opposée à la ligne qui est « si propre et si claire ». Et après les exclusions, ceux qui avaient fait montre d’« esprit de Parti » montaient en grade. D’autre part, le « groupe » lui-même ne critiquait pas le révisionnisme du Parti, mais s’attachait plus à la personnalité de Grippa et au dogmatisme du Parti. Ce « groupe » (voir son texte de 1968) rejetait la façade mais en fait gardait l’essentiel de la ligne, c’est-à-dire son réformisme. Critiquer le dogmatisme et le sectarisme, mettre en avant les défauts personnels de Grippa, revient à cautionner le révisionnisme du Parti, à conserver ce qu’il y a de pire. Delogne allait sombrer d’ailleurs dans le réformisme et abandonner même la façade.

Donc, le centralisme démocratique n’est appliqué en rien puisqu’il n’existe aucune démocratie, aucune lutte idéologique et par conséquent, aucune concentration d’idées justes.

Ensuite, en 1967, Trifaux et des militants de Charleroi, plus quelques autres quittent le Parti. A nouveau, tout se passe au sommet. Une semaine avant son départ, Trifaux écrivait encore dans la Voix du Peuple, puis il est critiqué de la même façon que les précédents et toute sa vie est passée au crible alors qu’on fermait les yeux peu de temps avant.

A l’époque du départ de Trifaux, le Parti commence à crouler de toute part. En effet, si au début de la GRCP, le Parti apportait à celle-ci son soutien, les critiques adressées à Liou Chao-chi sont jugées inacceptables par Grippa et quelques autres. Grippa était trop lié à Liou Chao-chi pour pouvoir faire marche arrière. Et son attitude envers la GRCP va ouvrir les yeux à la grande majorité du Parti qui ne crut pas à toutes les calomnies déversées par Grippa à une réunion générale (de « cadres »).

Ceux qui soutiennent la GRCP et essaient d’appliquer les principes d’« oser se révolter », de la ligne de masse, au Parti lui-même, critiquent alors le Parti dans le but de ramener Grippa à de meilleures positions ; peu après, ils seront rejoints par ceux qui, après Trifaux, voient le navire couler et courent se réfugier derrière la GRCP, comme autrefois derrière l’URSS, puis derrière la Chine. Car à partir de ce moment, Grippa retourne dans le camp du révisionnisme moderne, change de façade.

Pour la première fois, une discussion est lancée d’en bas et se transmet dans tout le Parti, mais aussitôt le fonctionnement du Parti se bloque et le Parti se désagrège : bataille de procédure (Grippa est minoritaire au CC), suspensions, réunions annulées, climat de haine. Un exemple une réunion de la Jeunesse Communiste où devaient comparaitre le groupe critiquant le Parti. Les partisans de Grippa se sont réunis avant les accusés ; ils attendent, brassard rouge au bras (comme les « bons » gardes rouges). Les « accusés » entrent et pendant qu’ils s’installent, on leur crie des mots d’ordre du style « halte à la provocation », « le fascisme ne passera pas », et on entonne des chants révolutionnaires. Puis la réunion commence par des longs rapports d’accusation où les critiques personnelles prennent la plus grande place. Chaque geste est analysé, chaque acte est jaugé, mais en ce qui concerne la lutte idéologique, rien. Après les rapports, on laisse trois minutes à chaque « accusé » pour qu’il réponde, mais c’est un dialogue de sourds. A une critique politique, telle que l’opposition de Grippa à la GRCP, on répond par des attaques individuelles. La réunion se termine ainsi et les sanctions sont prises.

Il existe des dizaines de faits du même genre qui nous indiquent qu’un Parti néo-révisionniste peut aller jusqu’aux procédés fascistes. Après les exclusions, on changeait les serrures des locaux, la maison du Parti était gardée jour et nuit, la garde renforcée pendant les exclusions. Bref, aucun désir d’unité, refus de la lutte idéologique.

Quand on se base sur une ligne révisionniste, quand on refuse de voir la réalité, il n’existe aucun désir d’unité envers le peuple, envers les camarades, et la lutte idéologique est redoutée comme la peste, fuie comme la vérité. Ce serait une erreur de ne s’arrêter qu’aux procédés policiers, brutaux parce qu’ils sont les plus sensibles, les plus douloureux au premier abord, sans se rendre compte qu’ils découlent du néo-révisionnisme, et non pas de la psychologie d’un seul homme. Grippa est le produit du révisionnisme à l’époque de la pensée de Mao ; il est sans doute un mauvais produit, trop voyant, au style de travail et aux méthodes de direction fascisants mais avant tout il est néo-révisionniste, comme l’ensemble du Parti. Les successeurs, qui seront plus « rusés », n’en sont pas moins néo-révisionnistes ; de la même façon le capitalisme monopoliste engendre tantôt le fascisme, tantôt la démocratie bourgeoise.

La conception du Parti est conforme à la « pensée » de Liou Chao-chi, exprimée dans son livre « Pour être un bon communiste ». Tout le texte « Forger, tremper, renforcer le parti marxiste-léniniste » est une défense de l’arrivisme, de la servilité et le pire ennemi de la lutte idéologique pour éliminer les idées bourgeoises, le pire ennemi de la discipline consciente, du dévouement total à la Révolution. Le Parti néo-révisionniste est totalement imprégné de la conception du monde de Liou Chao-chi.

2. Cellules

Comme le Parti met en avant des revendications de combat, il va se servir des cellules pour les mettre en évidence devant les masses. L’agitation est le moyen privilégié de propager un mot d’ordre elle devient donc le mode d’activité privilégié sinon unique du Parti. Les réunions de cellules ont pour fonction de préparer l’agitation, et de temps à autre, à écouter un rapport.

L’agitation est portée à un point extrême ; c’est logique puisqu’il existe une ligne « juste » et que les masses s’en empareront dès qu’elles en auront connaissance. Or, elles ne s’en emparent pas (à cause de la bourgeoisie, des exclus, d’autres organisations, − le Parti seul n’y est pour rien !) ; par conséquent, on intensifiera :

VDP 3 de 1966 : Grève générale contre Eyskens

13 de 1966 : Portons des coups décisifs au régime

3 de 1966 : Le CC demande de passer à l’action contre l’impérialisme US et ses acolytes.

En période électorale, l’agitation est toujours centrée sur le programme immédiat ; des colonnes de voitures au milieu de la nuit pour coller des centaines d’affiches, des bagarres avec d’autres organisations (de préférence des révisos) pour défendre les affiches, des dizaines de milliers de tracts, envoyés, distribués dans les boîtes aux lettres, tout le Parti est en marche et se dévoue sans compter pour… un programme réformiste.

Les 26.000 voix obtenues aux élections prouvent qu’il existe dans la population un enthousiasme pour les idées révolutionnaires et que le néo-révisionnisme est d’autant plus dangereux.

De façon générale, le collage, le chaulage, la vente du journal, les tracts, les actions, les manifestations régulières (Florennes, 1er mai) constituent les principales activités de la cellule, ce qui implique peu d’éducation politique, pas de travail de masse sérieux. La cellule est totalement coupée du peuple et possède un très bas niveau idéologique, elle est donc incapable d’élever le niveau de conscience des masses, d’apprendre auprès d’elles pour améliorer – critiquer la ligne du Parti à la lumière des principes. Sans théorie, sans pratique, la cellule est condamnée à mourir. Des ouvriers du Parti, à Bruxelles, ont demandé vainement l’aide du Parti pour commencer un travail dans leurs usines, dans des usines avoisinantes. Les bons militants, les bons activistes devenaient cadres et croulaient encore plus sous le travail ; ils réagissaient alors comme des automates, serviles, comme « Forger, tremper, renforcer le parti marxiste-léniniste » le préconisait. Puis quand ils se révoltaient, ils étaient accusés d’incapacité, de saboter le travail, de défaitisme.

La base était dévouée, courageuse mais elle s’est laissé tromper par le langage pseudo-révolutionnaire et l’activisme forcené. Cela s’est produit parce que le niveau idéologique et politique était bas du fait que le révisionnisme n’avait pas été dénoncé en profondeur, qu’aucun noyau prolétarien n’avait pris cette critique en main. De plus, l’origine sociale petite-bourgeoise de la plupart des camarades les rendait sensibles au langage pseudo-révolutionnaire ; puis quand le Parti s’est écroulé, ils se sont découragés presque tous, ce qui confirme que leur niveau idéologique était faible.

Pour en terminer, il faut savoir que le Parti (environ 600 membres en 1963) désirait devenir un Parti de masse et que le recrutement était une préoccupation constante. Mais l’opportunisme du programme revendicatif, le libéralisme dans les rapports avec les sympathisants faisaient rapidement place au langage pseudo-révolutionnaire, au sectarisme, aux exclusions.

En fait, les conditions historiques sont telles que tous les opportunistes (MPW, UGS, etc.) n’étaient pas décidés à accepter la façade marxiste-léniniste et que les camarades aux idées révolutionnaires ont été éliminés du Parti, refusant de devenir des opportunistes avérés : De plus, le style de travail, les méthodes de direction de Grippa et sa position envers la GRCP ont poussé d’autres néo-révisionnistes à changer de structure, d’organisation, précipitant la fin du Parti mais non la fin du néo-révisionnisme. Le Parti, en fin de compte, ne convenait ni aux opportunistes révisionnistes ni aux sociaux-démocrates ni aux néo-révisionnistes avisés, sans parler des révolutionnaires sincères.

Plus concrètement, voici comment fonctionnait une organisation du Parti, telle les étudiants communistes.

Nous passerons sur l’appréciation réformiste du Parti envers le mouvement étudiant (VDP 2 de 1965) pour donner des extraits de bilan des EC en 1963 et en 1965. Ces bilans à deux ans d’intervalle sont plus éloquents qu’un long discours (voir annexe 6 : bilan du 20 novembre 1963, du 6 décembre 1963 et du 30 mars 1965).

En plus de ces tâches activistes, il fallait aider le Parti : gardes, chaulages, collages, élections, manifestations… Dans ces conditions, il est évident que l’éducation politique-idéologique était reléguée au second plan, n’avait pas d’utilité directe. Il fallait régler les « problèmes pratiques » avant tout et, en fin de compte, la lutte idéologique se produisait après les exclusions, quand il fallait les justifier devant les sympathisants.

Mais il est un critère souvent décisif pour juger si un Parti est révolutionnaire ou non : prépare-t-il l’illégalité ? Le Parti qui prépare la Révolution sait qu’il devra utiliser la légalité et l’illégalité, des méthodes de lutte violentes et pacifiques… S’il ne se prépare pas à ces éventualités, s’il compte sur la mansuétude de la bourgeoisie, il s’agit d’un Parti révisionniste qui n’a pas la moindre intention de renverser le capitalisme. Or, le Parti publiait tous les noms de ses membres (listes électorales), les photos des distributeurs de tracts et des vendeurs de journaux. Les fichiers traînaient partout, aucune consigne de sécurité n’était respectée sauf en cas d’exclusion. De temps à autre des mesures étaient prises mais tout aussitôt « oubliées ».

3. Organisations du Parti et organisations de masse

Le Parti a « créé » un grand nombre d’organisations de masse, qui reprenait chacune un point particulier du programme.

Comme l’accent était mis sur l’activisme, les organisations de masse avaient pour rôle principal d’élargir l’agitation sur l’une ou l’autre position du Parti.

Il en existait une quinzaine dont Union des femmes /Palestine/ Vietnam/ Comités d’action anti-impérialistes / Congo / Théâtre populaire / Etudiants communistes / Pionniers / Jeunesse communiste / Action pour la paix et l’indépendance des peuples / Front populaire wallon/ etc.

Certaines de ces organisations ont eu un grand succès parmi les jeunes étudiants qui se révoltaient contre les actes criminels des impérialistes US dans le monde et particulièrement au Vietnam ; ces jeunes adhéraient à des organisations qui soutenaient sans conditions la lutte des peuples du monde. Mais elles étaient dirigées par un Parti néo-révisionniste et allaient subir des déviations à la fois sectaires et opportunistes.

Sectarisme l’organisation changeait brusquement de position parce que le Parti le décidait ; ainsi les organisations anti-impérialistes ont dû critiquer le révisionnisme sans en être convaincues, sans en avoir discuté longuement et patiemment. Une réunion convoquée à la hâte, parfois en pleine nuit, avec les militants de la JC au premier rang, décidait de ce changement d’orientation. Et quand se produisait une scission dans le Parti, il fallait également exclure les membres des groupes « antiparti » des organisations de masse. Des scènes pénibles s’ensuivaient. Le raisonnement était le suivant si l’on est ennemi du Parti, on est de ce fait contre-révolutionnaire ; or, par définition, un contre-révolutionnaire ne peut être anti-impérialiste, donc il faut l’exclure. Dans les réunions, des responsables de groupes de jeunes étaient mis en accusation, chassés avec la partie des jeunes qui les soutenaient.

L’opportunisme était flagrant dans la recherche de personnalités pour orner les organisations de masse. N’importe quelle personnalité un peu « valable » obtenait toutes les faveurs jusqu’au moment où, trop gênante, elle était traitée de bourgeoise. Une des organisations de masse était presque uniquement composée de telles personnalités, puis quand elle se détacha du Parti, elle se vit traiter de tous les noms.

Si le Parti était dominé par le réformisme, les organisations de masse l’étaient par le dogmatisme. L’un complétait l’autre, puisque le sectarisme et le dogmatisme n’avaient pour but que de garder l’organisation bien en main pour qu’elle serve le Parti, d’où refus de la lutte idéologique, refus de l’éducation politique et mise à la porte des « gêneurs », des exclus du Parti. Comme la base de recrutement était le milieu étudiant de gauche, la surenchère verbale, anti-impérialiste, antirévisionniste, gauchiste, trouvait un écho et justifiait le dogmatisme d’un Parti réformiste. Mais il est évident que ce dogmatisme se réfugiait, comme toujours, dans la politique internationale ; ainsi les EC qui participaient au « syndicalisme étudiant » y jouaient un rôle réformiste malgré leur intransigeance sur le soutien au FNL, au peuple congolais… Il suffit de se rappeler les grèves de restaurant défendues corps et âme par les EC alors qu’on y trouvait aucun contenu politique : un peu de folklore, de la combativité pour se distinguer des révisionnistes et des mots d’ordre alimentaires, voilà une action type des EC.

En conclusion, les organisations de masse sont prises en main par le Parti de façon sectaire et opportuniste, avec le sectarisme qui domine mais qui est au service du Parti ; de plus, ces organisations sont pour la plupart centrées sur le soutien aux luttes d’autres pays et par conséquent ne peuvent être jugées qu’à partir des « intérêts » du Parti, pour comprendre le rôle qu’elles jouaient dans la lutte de classes en Belgique.

Ce rôle est simple : réserve de recrutement pour le Parti, réserve qui doit évidemment être docile. Il ne s’agit en rien d’organisations de masse qui servent les intérêts du peuple, avec dévouement, et dans lesquelles les communistes, par l’exemple, par la persuasion, montrent le lien entre la solidarité avec le peuple vietnamien, entre la lutte contre la répression en Belgique par exemple, et la nécessité de préparer la Révolution comme aide la plus totale au peuple vietnamien, comme seul moyen de briser la justice bourgeoise, l’appareil de répression et d’éliminer la dictature exercée à l’encontre du peuple et des révolutionnaires. C’est ainsi et seulement ainsi, grâce à l’exemple et à la persuasion, que les organisations prendront les communistes pour guide, que les organisations de masse défendront le peuple suivant une ligne révolutionnaire, seront la courroie de transmission entre le peuple et le Parti, seront une réserve du Parti. Les communistes seront les militants les plus actifs de ces organisations, comités de lutte, front anti-répression… et respecteront la discipline des organisations de masse ; les idées révolutionnaires doivent être saisies par les masses pour avoir une force matérielle, elles ne peuvent par conséquent être imposées.

Quant au Parti, il garde son entière autonomie parce qu’il est la seule organisation qui défende entièrement et sans restriction les idées révolutionnaires et qu’il est par conséquent la seule organisation qui mènera un combat intransigeant contre l’idéologie bourgeoise, petite-bourgeoise, à condition… que le Parti soit réellement communiste. Si le Parti est révisionniste, les masses ne s’empareront jamais de la théorie révolutionnaire, parce que sans Parti communiste les idées révolutionnaires sont dispersées à tout vent, non concentrées, et ne feront pas le poids devant la bourgeoisie. Sans Parti, les militants révolutionnaires, leurs sympathisants sont désarmés devant des arrivistes, des révisionnistes, subissent même leur influence, participent à des actes révisionnistes, puis, quand ils s’en aperçoivent, se découragent et rentrent dans le rang, influencés cette fois par l’idéologie dominante, bourgeoise, « apolitique ».

Sans Parti, les révolutionnaires et les masses sont mains nues devant la matraque ainsi que devant les balles enrobées de sucre de la bourgeoisie.

« La plus importante expérience du mouvement communiste international, c’est que le développement et la victoire de la révolution dépendent de l’existence d’un Parti révolutionnaire prolétarien. Il faut un Parti révolutionnaire. » (point 24 des « 25 points »)

Syndicats

Comme il s’agit d’organisations pour la lutte revendicative, tout le réformisme du Parti va pouvoir s’exprimer à l’aise. Ici aussi, le Parti change de tactique en douce, suivant les circonstances, mais au fond, il veut reconquérir les syndicats, sans analyse, sans stratégie, sans relier cette activité au développement des luttes politiques et du Parti.

Dans « Marxisme-léninisme ou révisionnisme », p,23, les manifestations de la FGTB-CSC du 8 mai 1962 en faveur de la paix sont soutenues, alors qu’elles ne distinguent ni peuple agressé, ni impérialisme fauteur de guerre. Et p.69 le Parti apprécie le fait que le fossé se creuse entre la FGTB et le PSB, que des cadres nationaux de la FGTB virent à gauche, après la grève de 1960-1961.

On voit actuellement de quel côté se trouvent les cadres nationaux de la FGTB, et leur langage « de gauche » est du même type que le langage « révolutionnaire » du Parti.

Le Parti comme tous les réformistes se sert d’André Renard pour flatter les socialistes « de gauche » (VDP 18 de 1964). Mais comme ces organisations réformistes n’ont actuellement aucun intérêt à utiliser le langage « révolutionnaire » et à se lancer dans des actions « inconsidérées », elles se sont opposées au Parti, en particulier le MPW, où les révisionnistes réglaient leurs comptes avec la Voix du Peuple. C’est pourquoi, dès le numéro 23 de 1964, la VDP dénonce les dirigeants réformistes et révisionnistes et demande aux ouvriers de s’en débarrasser.

Puis viendront les habituelles positions de « l’opposition syndicale » sur la rénovation syndicale, sur les voix des syndiqués qu’il faut faire entendre en haut (VDP 5 de 65). Il faut vider les organisations syndicales des traîtres, il faut rester dans le syndicat dans ce seul but (VDP 49 de 1965). A aucun moment, l’essentiel n’est souligné, c’est-à-dire qu’il faut aller où se trouvent les masses dans le seul but de les écarter de l’idéologie réformiste, de les gagner au communisme. C’est le principe fondamental qui guide toute notre activité envers les masses unir le peuple sur la base du marxisme-léninisme, s’unir au plus grand nombre. L’attitude envers les syndicats réactionnaires est guidée par ce principe mais ne pourra être déterminée qu’en fonction de la stratégie, de l’analyse de l’Etat capitaliste et de l’intégration syndicale et de la présence d’un grand nombre d’ouvriers dans ces syndicats. Actuellement, il faut éviter l’attitude gauchiste qui refuse tout travail dans le syndicat sous prétexte qu’ils sont intégrés à l’Etat, et l’attitude réformiste qui laisse planer des illusions sur la nature des syndicats nationaux, sur la possibilité de les reconquérir dans les conditions présentes. Le principal est de s’appuyer sur la lutte revendicative pour unir la classe ouvrière, pour élever son niveau de conscience par la lutte et grâce à notre propagande.

Quant au Parti, il va progressivement modifier sa tactique envers les syndicats. Tout d’abord, sans crier gare, il défend l’idée de comités d’action formés sur la base de tout le programme revendicatif (VDP 3 et 4 de 1966). Mais ces comités formés bureaucratiquement seront presque inexistants lorsque, une nouvelle fois, il faudra changer de tactique. Lors de la grève des femmes de la FN, un comité d’action se crée pour défendre la revendication justifiée des ouvrières « A travail égal, salaire égal ». Le Parti exerce une influence sur ce comité et du coup revoit sa position. Sans autre forme de procès, il encourage la formation de CA sur la base des revendications des ouvriers eux-mêmes. Il se crée effectivement un certain nombre de CA (ex. ouvriers communaux d’Herstal). Puis le Parti précise la tâche des CA : école de nettoyage pour reconquérir les syndicats qui appartiennent aux travailleurs (VDP 17 de 1966) ; les dirigeants syndicaux sont dénoncés. Pour ne pas perdre la face, le Parti accroche les wagons et lie les CA au programme revendicatif du Parti « Les CA naissent et se développent actuellement sur la base des luttes quotidiennes pour les revendications limitées et deviendront en situation révolutionnaire des organes du Front Uni populaire. »

Donc pour le Parti les CA ne servent que secondairement à unir les travailleurs dans la lutte revendicative et ils se transformeront d’organe de lutte économique en organes de lutte politique (de lutte pour l’indépendance nationale). C’est une conception réformiste, anarcho-syndicaliste. Les organes de lutte revendicative permettent aux communistes de mettre en évidence les perspectives révolutionnaires, de réaliser l’unité des travailleurs, d’édifier des organes de lutte de classes. Mais les organisations politiques naitront soit de l’extérieur de la sphère de l’usine, tel le Parti, soit naitront de la lutte politique tels les soviets en Russie. Et les syndicats existeront encore longtemps et seront indispensables, même sous la dictature du prolétariat.

L’attitude du Parti envers la lutte revendicative est fondamentalement réformiste, laissant planer des illusions sur la nature de la FGTB et de la CSC, sans distinguer l’aile fascisante et l’aile réformiste, sans surtout faire un travail de propagande dans la lutte, sans donner des perspectives politiques à la lutte économique, mais par contre envers les membres des CA sympathisants, il y a tantôt opportunisme quand le Parti les pousse à s’intégrer immédiatement dans l’organisation, à recruter par l’intéressement matériel, tantôt il y a sectarisme quand le Parti réprime toute velléité de contradiction. Ainsi plusieurs ouvriers combatifs, intéressés au socialisme ont été traités comme des « communistes » avant même qu’ils aient perdus leurs liens avec le révisionnisme et ils ont plus tard fui le Parti, refusant d’accepter mécaniquement les idées, un style de travail, un programme qui ne se préoccupait en rien du sort des ouvriers.

Quoi qu’il en soit, une modification sera ajoutée au programme du Parti (VDP 17 de 1966).

Mouvement Populaire Wallon

La formation du MPW est saluée comme un fait positif (« Marxisme-léninisme ou révisionnisme », p.73) et le Parti lui apporte un soutien inconditionnel (p. 101), à part une mise en garde envers les réformistes.

Mais Grippa et d’autres seront exclus du MPW qui du coup devient anticommuniste, qui est dénoncé constamment depuis (VDP 10 de 1964). Le Parti conserve néanmoins toute son admiration pour André Renard (VDP 18 de 1964). Donc, comme d’habitude, opportunisme envers les réformistes, puis quand les réformistes s’opposent au Parti, celui-ci retourne sa veste et devient sectaire.

JGS, socialistes « de gauche »

D’abord soutien aux JGS et socialistes « de gauche », réformistes et trotskystes (VDP 23 de 1964) quand le Parti espère les rallier, puis comme les contacts échouent,. parait « Une polémique sur les principes contre une polémique déloyale », qui critique vertement le programme de l’UGS.

Nous avons déjà indiqué plus haut qu’à cette occasion, le Parti opposait à des réformistes un autre programme réformiste. Mandel regrettait d’ailleurs l’intransigeance du Parti qu’il sentait proche de ses conceptions, mise à part la façade « maoïste ».

En conclusion, dans ses rapports avec les masses, le Parti passait de l’opportunisme de droite à l’opportunisme « de gauche ».

Les positions réformistes, chauvines, la recherche des personnalités, la flatterie envers l’aristocratie ouvrière sont des manifestations de l’opportunisme de droite envers les masses ; la ligne du Parti prétendument révolutionnaire servait à écarter toute opposition, à dénoncer tous ceux qui ne rejoignaient pas le Parti cette attitude pseudo-révolutionnaire est caractéristique de l’opportunisme « de gauche ». Telle est la « ligne de masse » d’un Parti néo-révisionniste.

CONCEPTION DU MONDE

Si l’on essaie de comprendre l’ensemble de la ligne du Parti, programme, fonctionnement, rapports avec les masses, seules les causes idéologiques permettent de répondre à la question : d’où vient le néo-révisionnisme ?

Seule la conception bourgeoise du monde permet d’expliquer le pourquoi. Le fondement idéologique du révisionnisme est le mépris des masses et le mépris de la théorie. Il se manifeste dans l’individualisme, l’orgueil, la vantardise, le mépris des masses et des militants, le mensonge, etc., qui apparaissent dans toutes les publications du Parti.

Dans « Forger, tremper, renforcer le parti marxiste-léniniste » (p.31) sont décrits les critères auxquels doit répondre un Parti marxiste-léniniste : il lui faut une théorie scientifique, il doit être lié aux masses, pratiquer l’internationalisme prolétarien, diriger un Front populaire, être composé d’éléments d’avant-garde, pratiquer le centralisme démocratique… En conclusion, « C’est parce qu’il a suivi cette ligne de conduite que notre Parti s’est affirmé depuis sa reconstitution en 1963 », alors que le Parti fait du sur place, qu’il ne rencontre aucun succès sérieux dans la classe ouvrière, que le nombre de militants diminue sans cesse.

Dans la VDP, on retrouve sans cesse des phrases du genre : « Avec le PCW, la vérité triomphe » (n° 3 de 1965) ; la manifestation du premier mai est appelée « une journée authentiquement historique » (n° 18 de 1964).

Le bilan du Parti est toujours triomphal, jamais aucune modestie : « En Wallonie, développement impétueux », « Partout, notre drapeau se déploie » (n° 18 de 1964).

Et envers les masses, c’est du bluff « N’ayez confiance qu’en vous-mêmes, le Parti est et restera à vos côtés jusqu’à la victoire » (VDP, 14 avril 1967).

La base de départ est celle-ci : le Parti est bon, il suffit de le prouver et il est interdit de remettre cette « vérité » en question.

La litanie (Vérité n°1 de 1965) est effrayante dans sa vantardise, sa présomption (voir annexe 7).

Après ces exemples, on peut affirmer que les dirigeants n’avaient pas la moindre intention de préparer la Révolution socialiste ; ils préféraient cacher la réalité et « oublier » les objectifs fondamentaux de la classe ouvrière. L’individualisme qui se manifeste partout conduit le Parti à s’opposer en fait à l’unité des marxistes-léninistes et à l’unité du peuple.

Le Parti s’oppose à l’unité des marxistes-léninistes quand il ne s’en tient pas aux principes révolutionnaires refuse la lutte idéologique qui mène à la vérité et à l’unité, fonctionne comme une dictature bourgeoise, met en avant le servilisme et l’arrivisme. Le Parti néo-révisionniste ne réalisera jamais l’unité du peuple, parce que seul un Parti révolutionnaire peut être l’instrument de cette unité, peut déterminer les vrais amis et les vrais ennemis et non pas les inventer suivant les circonstances particulières, en rejetant la réalité et la théorie marxiste-léniniste ; seul un Parti révolutionnaire construira une ligne révolutionnaire à partir des masses et pour elles.

Toute la ligne du Parti est réformiste. Certains, voyant la façade, pensent qu’il s’agit d’un Parti dogmatique. Nous avons essayé de montrer que dans la lutte de classes en Belgique, le Parti avec ses grands airs intervenait de la même façon que des réformistes. Souvent, d’ailleurs ceux qui s’attaquent au dogmatisme en prennent prétexte soit pour abandonner la politique, soit pour défendre eux-mêmes une ligne sans principes.

Il faut voir que c’est au nom de son programme, de sa structure, de son idéologie qu’il a exclu, divisé, imposé ses vues, dénoncé, et que rien dans l’idéologie n’a montré que les dirigeants désiraient sincèrement la Révolution, s’y dévouaient entièrement. Le dogmatisme est souvent le fait de camarades inexpérimentés qui s’accrochent aux principes, avec raison, mais qui sont incapables de les appliquer aux conditions concrètes. Ce sont souvent des erreurs au sein du peuple. Si elles ne sont pas corrigées, ces erreurs mènent également au révisionnisme parce que les principes, s’ils ne sont pas utilisés, sont progressivement abandonnés et font place inévitablement au réformisme.

Au début, on aurait pu croire un moment que le Parti était dogmatique quand il menait la polémique sur des principes sans les appliquer aux conditions concrètes de la Belgique. Mais la création du Parti, de toutes pièces, n’a rien de marxiste-léniniste. Une organisation qui rejette le révisionnisme, qui rejette la ligne politique révisionniste, le mode de fonctionnement et de pensée bourgeois des révisionnistes commence un processus de destruction nécessaire, inévitable. Mais ce processus de destruction doit être mené à fond et implique que le processus de construction soit entamé et développé, Or, ni le processus de destruction ni par conséquent le processus de construction ne sont corrects. Une organisation qui s’oppose au révisionnisme doit le détruire jusqu’au bout et non pas se camoufler derrière le PCC et le PTA, ou sous-estimer le révisionnisme. Sans comprendre la nature profondément bourgeoise du révisionnisme, il est impossible d’échapper soi-même à l’opportunisme. Et le Parti n’y a pas échappé.

Le Parti a immédiatement avancé une ligne pour la Belgique et n’y a jamais rien changé, à travers le mensonge, la présomption. Le Parti a immédiatement construit une organisation structurée, hiérarchisée sans que les dirigeants n’aient prouvé leurs capacités de diriger un Parti marxiste-léniniste, et surtout avec des dirigeants imprégnés de révisionnisme. Le Parti a eu la prétention d’être le Parti « père » des Partis et organisations marxistes-léninistes d’Europe. Sous quel prétexte ? Parce que, soi-disant, le Parti est le premier Parti européen reconstitué sur la base du marxisme-léninisme ! Toute l’expérience d’un Parti communiste, toute sa théorie éprouvée dans le combat pour le socialisme se réduisent à une course de vitesse !

Des Partis étaient créés artificiellement à l’étranger, dépendant directement du Parti belge ; toutes les organisations marxistes-léninistes étaient en contact permanent avec le Parti qui jouissait d’un grand « prestige » par sa façade de « premier Parti reconstitué sur la base du marxisme-léninisme ». D’après les éléments que nous possédons, le Parti se comportait envers les Partis et organisations marxistes-léninistes de la même façon que le Parti de Khrouchtchev dans le mouvement communiste international. Il est difficile actuellement de se représenter tout le tort causé par le Parti au niveau de l’Europe, mais il est certain qu’il a contribué fortement à l’extension du néo-révisionnisme et par là à l’affaiblissement du marxisme-léninisme.

La conception marxiste-léniniste de l’édification du Parti est totalement différente. En critiquant à fond la politique bourgeoise en milieu ouvrier, les marxistes-léninistes édifient leur propre politique ; en démolissant à fond les Partis révisionnistes, les marxistes-léninistes édifient leur propre Parti. Mais cette édification doit être conforme au processus de la connaissance et nécessite par conséquent un bilan du révisionnisme et du néo révisionnisme à la lumière des principes, bilan qu’il faut opposer à la construction d’une ligne politique marxiste-léniniste et d’un Parti marxiste-léniniste. Ce processus ne peut être instantané. Mais de son accomplissement dépendra l’existence ou non d’un Parti marxiste-léniniste, c’est-à-dire le sort de la Révolution. C’est pourquoi l’unité des marxistes-léninistes pour accomplir ce travail est indispensable, comme le prouve d’ailleurs toute l’expérience du mouvement communiste. Les marxistes-léninistes ont le devoir d’unir leurs forces pour critiquer la ligne bourgeoise dans le mouvement marxiste-léniniste, de construire et de défendre la ligne prolétarienne. Si les marxistes-léninistes agissent en ordre dispersé, s’ils n’ont pas conscience de l’importance et de la complexité de ces tâches, s’ils freinent l’unité, ils se rangeront inévitablement dans le camp du néo-révisionnisme, de la bourgeoisie. C’est notre attitude en face de ces tâches qui nous distingue actuellement des opportunistes de tout poil.

Sur cette base, s’édifiera le centre national marxiste-léniniste, dans la lutte contre le révisionnisme et le néo-révisionnisme (voir le Bulletin marxiste-léniniste n°1), Il est essentiel de comprendre que la contradiction avec le néo-révisionnisme n’est pas une contradiction au sein du peuple ; le néo-révisionnisme n’a rien à voir avec le dogmatisme qui le plus souvent part d’une position idéologique révolutionnaire. Actuellement, les organisations marxistes-léninistes commettent des erreurs dogmatiques puisqu’elles n’ont pas de programme. Ce qu’elles possèdent, c’est une volonté révolutionnaire et les principes marxistes-léninistes qui confrontés avec la réalité fourniront les éléments de la ligne. Doivent-elles abandonner les principes sous prétexte qu’elles ne peuvent encore les appliquer correctement ? En aucun cas. La fidélité aux principes et notre volonté révolutionnaire sont les seules choses qui nous distinguent des réformistes et des néo-révisionnistes. Abandonner les principes, c’est tomber dans le marais, le réformisme.

A ceux qui nous traiteront de dogmatiques, nous répondrons :

« Nous savons que nous risquons de tomber dans l’empirisme et dans le dogmatisme mais nous nous corrigerons parce que nous sommes conscients de ce défaut, mais JAMAIS nous n’abandonnerons les principes, JAMAIS nous ne rejetterons la théorie marxiste-léniniste, expérience concentrée du mouvement communiste international. »

Nous laisserons aux opportunistes leur amour du praticisme, de l’empirisme et finalement du révisionnisme. Les marxistes-léninistes courent à présent le risque de commettre des erreurs empiriques et dogmatiques qui peuvent toutes mener au révisionnisme. Le risque de l’empirisme provient de notre volonté de nous rapprocher des masses, de nous soucier de leurs conditions de vie ; et le risque du dogmatisme provient de notre volonté de rattacher tous les événements qui se passent en Belgique à l’objectif final, à la Révolution socialiste, ce qui nous entraine à nous servir de principes encore abstraits, par manque de programme. Mais JAMAIS nous n’oublierons que notre SEUL objectif est la Révolution, qu’elle sera violente et que TOUTE notre activité doit la préparer. Sinon, nous n’aurons jamais rien de révolutionnaire.

Faute d’avoir mis cette tâche au premier plan de son activité, faute d’avoir réellement cherché l’unité des marxistes-léninistes, du peuple, le Parti (Voix du Peuple) était un Parti révisionniste au langage « révolutionnaire ».

2. COMMENT LE P« C »B« ML » (L’EXPLOITE) ET LE P« CML »B (CLARTE) CONTINUENT LE P« C »B (VOIX DU PEUPLE)

A. LE P« C »B« ML » NÉO-RÉVISIONNISTE (L’EXPLOITE)

« Avec rien, il fallait faire quelque chose : un Parti, un journal. Le Parti, nous avons décidé de le continuer. Le journal, nous l’avons créé de toute pièce… » (L’Exploité, 26, 1970)

Origine de L’Exploité

Fin juin 67, des dirigeants de la fédération de Charleroi du P« C »B (Voix du Peuple) tentaient un coup de force au sein de celui-ci. Le but : prendre la direction du Parti.

Le prétexte : la position réactionnaire qu’adopte Grippa par rapport à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et ses méthodes de direction « dictatoriales » et « autarciques ».

Les causes réelles : les contradictions au sein du Comité Central de la Voix du Peuple étaient devenues antagoniques. Chacune des deux fractions visait la direction. Les conséquences de cette lutte sans principe ne pouvaient être que la rupture formelle avec le Parti (Voix du Peuple), provoquant l’accélération objective de la dégénérescence de celui-ci. Voilà le contenu et les causes réelles de cette scission, tels qu’ils sont confirmés par les faits.

La scission était en fait un putsch destiné à mettre au pouvoir une autre fraction d’aventuriers bourgeois professionnels de l’opportunisme faisant partie du Comité Central de la Voix du Peuple et dont les fonctions dirigeantes au sein de la Voix du Peuple étaient menacées. Seule cette manière de voir les choses est correcte, car seule elle permet de comprendre comment l’Exploité qui se fait le champion de la « défense » de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et de la pensée-maotsétoung, rejettera constamment dans les faits, comme dans ses développements « théoriques », et les acquis de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et la pensée-maotsétoung. Elle permet de comprendre pourquoi il n’y a pas eu de lutte idéologique au sein du P« C »B (Voix du Peuple) ; pourquoi jamais l’Exploité ne remettra en cause la ligne de ce Parti et limitera ses attaques sans principe au niveau de l’attitude (et surtout du passé politique) de l’un ou l’autre dirigeant ; pourquoi l’Exploité, qui critique les « méthodes » en vigueur à la Voix du Peuple, reprend (et en fait continue) ces mêmes méthodes (avec parfois des formes différentes). Elle permet de comprendre pourquoi l’Exploité combat férocement tout ce qui est nouveau au sein du mouvement révolutionnaire, mais aussi les formes spontanées d’organisation au sein de la classe ouvrière. Elle permet de comprendre la théorie des deux partis développée par l’Exploité (ces deux partis étant Clarté et l’Exploité), et l’alliance sans principe que l’Exploité recherche avec Clarté. Elle permet de comprendre enfin pourquoi il n’y a jamais eu d’autocritique de l’Exploité, ni à la scission, ni pendant ses quatre ans et demi d’existence.

Le revirement dans la politique des dirigeants de la fédération de Charleroi, leur soudain « attachement » à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et à la pensée-maotsétoung, découle du fait qu’ils avaient compris que refuser ce « soutien », c’était se démasquer irrémédiablement aux yeux du mouvement révolutionnaire et plus particulièrement aux yeux de la base de la fédération de Charleroi. Devant l’échec de leur coup de force (seule la fédération de Charleroi et quelques militants de l’une ou l’autre fédération suivront Trifaux), les dirigeants de l’Exploité vont tenter de donner un contenu politique à la rupture. Et ce n’est donc qu’ après cette scission qu’apparaîtront les « critiques » de l’ Exploité à la Voix du Peuple, « critiques » qui ne porteront jamais sur la ligne du Parti, son mode d’édification, ses formes organisationnelles ; « critiques » qui se résumeront à la fouille du passé politique de ceux avec qui les dirigeants de la fédération de Charleroi, actuels dirigeants de l’Exploité, avaient pendant quatre ans partagé le pouvoir à la Voix du Peuple.

Ces « critiques » trouveront leur expression concentrée dans le texte de réponse à « Forger, Tremper, Renforcer le parti marxiste-léniniste » (Document-réponse à « Forger, tremper, renforcer le parti marxiste-léniniste », septembre 1967). Il est clair que ce texte est l’œuvre des seuls dirigeants de l’Exploité ; les critiques qu’auraient pu porter les militants de la base de la fédération de Charleroi étant liquidées par 1) la lutte menée contre le seul Grippa et 2) la constante démagogie envers ces militants, démagogie qui consiste à opposer le « développement impétueux des fédérations de Wallonie, à la stagnation et au recul de celle de Bruxelles ». Ce texte est destiné avant tout :

a) à renflouer le néo-révisionnisme :

toutes les critiques portées contre Grippa touchent à certains aspects du style de travail (triomphalisme…) et au fonctionnement du Parti (centralisme bureaucratique…)

b) à maintenir l’opportuniste Trifaux à la direction de la fédération de Charleroi. Plusieurs manœuvres interviennent en même temps :

– négation du rôle qu’ont joué les dirigeants de l’Exploité à la Voix du Peuple. Ceux-ci sont présentés comme des « néophytes en matière de direction du Parti », face aux « vieux routiers » tels que Grippa. « En fait, dès la scission avec le Parti révisionniste, les organismes dirigeants du Parti ont été un peu fictifs… Rien d’étonnant à ce que les néophytes aient été quelque peu passifs face aux vieux routiers, et surtout face à Grippa. » (p. 14)

Bien que les marxistes-léninistes ne tomberont pas dans le piège de juger les responsabilités en termes de « étiez-vous un néophyte » ou « un vieux routier », mais bien selon le critère « quelle conception du monde défendiez-vous », il est utile de rappeler ici que le « néophyte » Trifaux a passé plusieurs années au Comité Central du P« C »B (révisionniste). Ainsi, ceux qui pendant quatre ans auront soutenu et fait le jeu de Grippa et de la contre-révolution, éditeront, sans transition aucune, sans autocritique aucune, l’Exploité, dont le n° 1 affirme : « Le Parti continue, la lutte continue, plus vivante qu’auparavant. Les Burnelle, Khrouchtchev et Grippa passent, mais le marxisme-léninisme continuera et vaincra. »

– mise en avant d’un secrétaire « d’envergure nationale » (Trifaux) dont on vante les « mérites » à l’occasion de la grève des mineurs de la Batterie, avec comme preuve les 2000 F. d’augmentation qu’il se vit offrir par Grippa pour « son » action (Ce qui n’est pas dans ce cas condamné comme « corruption » ou considéré comme stimulant matériel, mais bien qualifié d’« appréciation à sa manière de bon patron (Grippa) des mérites du camarade Trifaux ».), Trifaux dont on rappelle les mesures prises contre lui pour qu’il n’aille plus parler ni à Liège ni à Bruxelles ni au Borinage, malgré les « réclamations des militants », etc…

– démagogie à partir d’une conception opportuniste du centralisme démocratique, où s’expriment à la fois l’ultra-démocratisme et le mépris de la base :

« Tout le problème est de développer au mieux les initiatives créatrices, les propositions d’action, les critiques constructives, quand bien même cela entrainera nécessairement une série d’erreurs, de gaspillages, d’excès… La Révolution Culturelle nous le montre tous les jours : le processus fondamental, c’est la poussée impétueuse des masses, de la base. Le processus antagoniste, la tendance au centralisme n’est que trop souvent un outil de domination pour les dirigeants sclérosés et dégénérés qui veulent conserver leurs prérogatives envers et contre tout. » (p.5)

Le « Parti » naît dans l’indifférence des masses et l’incompréhension des militants, fruit des manœuvres d’opportunistes professionnels.

Programme et positions politiques de l’Exploité

Le programme de l’Exploité se réduit à des déclarations « de principe » et à une série de mots d’ordre de combat.

Par déclarations « de principe », il faut entendre des bribes éparses sur les tâches du Parti et des considérations personnelles « enrichissant » les « Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste international » du Parti Communiste Chinois.

Les mots d’ordre de combat sont ceux qui constituaient déjà le programme du P« C »B (Voix du Peuple) :

« Pour :

1 − La reconquête de notre indépendance nationale.

2 − La possibilité pour les peuples wallon et flamand d’être maitres de leur destinée.

3 − La liquidation de l’OTAN, des armées d’occupation, du Marché Commun, qui nous livrent, pieds et poings liés, à l’impérialisme étranger, américain en tête.

4 − La satisfaction des revendications des travailleurs, paysans , jeunes, commerçants, par le remplacement de ce régime moribond par un Etat fédéral, démocratique et populaire.

5 − Le soutien des peuples luttant contre l’ennemi commun, ces peuples qui nous apportent un large soutien et auxquels nous dévons rendre la pareille.

Contre :

1 − Le Marché Commun et ses conséquences immédiates : fermetures d’entreprises, concentration, rationalisation, chômage, augmentation des prix et impôts : TVA, plan Mansholt ;

2 − L’OTAN, ses armées d’occupation, bouclier armé de l’impérialisme, américain en tête, destiné à nous réduire et nous maintenir au rang de colonie ;

3 − La fascisation du régime, les gouvernements et les banques qui leur donnent des ordres ;

4 − Les dirigeants syndicaux et politiques qui bradent nos richesses sur l’autel de la collaboration de classes, qui cherchent à interdire les luttes anticapitalistes, qui tentent de dresser les travailleurs wallons contre les travailleurs flamands, pourtant victimes des mêmes exploiteurs et oppresseurs. »

Ce programme en 10 points est présenté à l’occasion d’une « proposition pour l’unité des marxistes-léninistes » et constitue la plate-forme que l’Exploité demande à ces marxistes-léninistes d’accepter.

L’opportunisme fondamental du néo-révisionnisme s’exprime avant tout dans le mépris absolu de la théorie révolutionnaire. Cette caractéristique essentielle prend chez l’Exploité les allures d’une caricature burlesque. Le subjectivisme, le rejet de tout examen scientifique des choses, se manifeste dans la question de la contradiction principale en Belgique, de la façon suivante :

A la différence du P« C »B (Voix du Peuple) et de Clarté, l’Exploité n’a pas changé au cours de son existence la définition de la contradiction principale : elle oppose, à son avis, l’impérialisme américain au peuple de Belgique. Mais en même temps qu’il appelle le peuple de Belgique à lutter contre l’impérialisme américain, il assure qu’il n’est de victoire qu’avec le socialisme. Dans le « Programme en 18 points » (1970), l’Exploité avait d’abord dit :

« En Belgique, nous pensons que les contradictions du régime capitaliste trouveront leur solution par la révolution prolétarienne et l’établissement de la dictature du prolétariat… Les travailleurs de notre pays vivent sous l’exploitation de l’impérialisme américain en tête, et des monopoles belges. »

La contradiction était évidente : ou c’est l’impérialisme américain qui est l’ennemi principal du peuple en Belgique et la méthode pour le vaincre est la lutte d’indépendance nationale, ou c’est l’Etat dominé par les monopoles belges, et la révolution à venir est la révolution socialiste, la lutte pour la dictature du prolétariat. On fit découvrir cette absurdité à l’Exploité, qui publia un erratum où il est demandé de lire :

« En Belgique, nous pensons que les contradictions du régime capitaliste trouveront leur solution par la reconquête de l’indépendance nationale, la révolution prolétarienne et l’établissement de la dictature du prolétariat. »

Aujourd’hui, l’Exploité ne s’embarrasse plus de toutes ces « arguties ». Il déclare nettement :

« Quant à nous, de notre côté, il nous appartiendra en tant que Parti Communiste, de mener le combat jusqu’à la victoire définitive sur l’impérialisme, qu’il soit américain ou autre. » (9, 1972)

Positions politiques.

Lorsque l’actualité politique belge amène l’Exploité à prendre position sur une question quelconque, il s’engage inévitablement dans une des nombreuses formes d’idéologie bourgeoise qui composent la macédoine du révisionnisme.

Anarcho-syndicalisme :

« … de partout dans notre pays, grandit au sein des masses populaires, toujours de plus en plus dépouillées et volées, la volonté ferme et tenace d’entamer le combat. Les témoignages précis parviennent, qui montrent que les forces populaires s’organisent et que, sous peu, les peuples de Belgique se lèveront les armes à la main, et gagneront le pouvoir d’exercer leurs droits et leurs devoirs, de leur plein gré, et dans leur intérêt : en somme, le droit d’être maître chez soi » (7, 69)

Opportunisme :

Lettre ouverte adressée au directeur du charbonnage du Petit-Try. L’Exploité assure le nouveau directeur − représentant les intérêts du capital belge (Société Générale) et non un monopole américain – de son soutien s’il s’engage à développer la production charbonnière (28, 1971) (voir annexe 8). L’Exploité lui rappelle courtoisement qu’il défendra les intérêts des ouvriers, ce qui pourrait amener des frictions, et enfin on rassure le patron sur son sort dans la société socialiste où il aura droit au travail comme tout le monde. Cette lettre ouverte est l’expression concentrée de l’opportunisme et de l’arrivisme des dirigeants de l’Exploité 1.

Révisionnisme s’exprimant notamment par le mépris des masses et le sectarisme à leur égard.

« Le pouvoir, c’est à vous de l’arracher des mains des exploiteurs. Mais, pour cela, il faut vous unir, vous organiser, rejeter la « direction » des agents du patronat. Et vous préparer à vous battre. A moins que vous ne préféreriez l’esclavage… » (45, 1968)

« Evidemment, il est bien plus facile et plus agréable de discuter d’Eddy Merckx à longueur de journées ou bien de jouer au tiercé en souhaitant gagner le gros paquet…

Il est bien plus facile de se laisser vivre en disant ‘La politique, je m’en fous’ – que de chercher à s’organiser, à s’unir pour opposer un front puissant aux capitalistes.

(…)

Les travailleurs dans le fond, savent bien tout cela. Mais il est si simple de se laisser porter par le courant., tant que la rivière n’est pas trop agitée, sans envisager les dangers vers lesquels on se dirige. Et quand on se trouve emporté dans les tourbillons de la cataracte, on crie ‘au secours’ et l’on essaie, désespérément, de se raccrocher… (37, 1971)

Ce sectarisme à l’égard des travailleurs s’est également exprimé dans la question de l’organisation :

Lorsque l’Exploité surgit des entrailles du P« C »B (Voix du Peuple), il emporte la ligne des « comités d’action partout » :

« Que partout, dans chaque entreprise, dans chaque quartier, dans chaque bureau de chômage, se forment des comités d’action qui prendront la tête du combat. » (2, 1967)

Cette ligne est réaffirmée en octobre 1970, mais reçoit un emballage politique ! l’Exploité réaffirme que la ligne des groupes d’action est l’« avenir du mouvement ouvrier. A condition que ces groupes, ces travailleurs envisagent la lutte non pas seulement en vue d’obtenir d.es avantages immédiats, partiels et momentanés. Mais avec en vue (…) la révolution. » (43, 1970)

C’est le passage du comité de lutte économique au groupe d’action politique. C’est le passage de l’« économisme » à l’« anarcho-syndicalisme » qu’on a observé à la Voix du Peuple. L’Exploité appelle à fonder un nouveau syndicat révolutionnaire. Il incite à

« liquider définitivement l’appartenance aux organisations syndicales reconnues, créer, sur la base de l’usine, une nouvelle organisation de défense, totalement différente des syndicats existants, un front ouvrier. (…) Le plus important pour que ce front ouvrier se différencie des syndicats actuels, c’est qu’il se base sur le principe révolutionnaire de la lutte de classes. » (46, 1970)

Mais qu’est-ce qui garantit que ce « nouveau » syndicat ne prendra pas la voie réformiste de la collaboration de classes et en définitive ne rejoindra pas la FGTB ?

En l’absence d’un Parti Communiste, la classe ouvrière ne peut arriver à la conscience socialiste : spontanément sa conscience est trade-unioniste.

Le mouvement marxiste-léniniste n’a pas eu immédiatement les positions justes sur le problème de l’organisation de la classe ouvrière : celles-ci ont été acquises par la pratique systématisée des grèves « sauvages » de 1970 et de la lutte de principe contre l’économisme qui s’ensuivit.

L’Exploité aborde le problème de l’organisation de la classe ouvrière d’une façon toute différente. La tempête des luttes de 1970 ne trouvera jamais sur son passage un P« C »B« ML » qui s’est réfugié bien à l’abri des luttes de masse. Tout au long de cette période de formidable essor du mouvement spontané de la classe ouvrière, l’Exploité va se contenter de quelques déclarations de circonstance, perdues dans la routine des nouvelles d’entreprises et de déclarations de soutien aux luttes du peuple.

Au mois de novembre 1970, la lutte de classe frappe à la porte de l’Exploité : des travailleurs des Forges de la Providence, dégoûtés par les trahisons syndicales, mettent sur pied un comité extra-syndical. L’Exploité découvre le monde des grèves sauvages et des comités extra-syndicaux au cœur même de son abri ; il doit prendre position. C’est au pied du mur que l’on juge le maçon, c’est à son attitude devant les initiatives spontanées des masses que l’on juge le communiste. Au lieu de faire consciencieusement le bilan de l’expérience des masses et des groupes révolutionnaires (faute de pouvoir faire celui de la sienne propre), l’Exploité déploie son opportunisme de grande envergure, donne libre cours à son mépris des masses. Les initiatives des masses sont pour l’Exploité la pire chose et la tactique qu’il adopte à leur égard est toujours une attitude d’opposition, mais avec un double caractère : soit une attitude de soutien en paroles, mais de combat en réalité ; soit une attitude d’hostilité déclarée et de lutte ouverte. L’Exploité utilise la première tactique lorsqu’il espère utiliser à son avantage l’initiative des travailleurs, par exemple quand il soutient la construction de comités de lutte tout en réclamant qu’ils soient « basés sur le principe révolutionnaire de la lutte de classes ». Il aura recours à la seconde quand il s’aperçoit que son opportunisme l’a entraîné dans l’ornière de l’anarcho-syndicalisme (qui dessert sa façade « marxiste-léniniste ») :

« Il s’avère que l’article paru dans le précédent Exploité était, à tout le moins, incomplet. Une omission essentielle y apparait, ce qui risque de ne pas donner une idée très claire des conceptions de notre Parti sur le problème syndical. » (47,1970).

Il lance une attaque de grand style contre les « comités d’action » et « autres formules d’organisation de défense, du type ’syndicats’… » (47,1970) qui « laissent les travailleurs ’désabusés et déçus’ et qui ont amené un ’renforcement des syndicats traditionnels’… ! » (50,1971, sur les grèves du Limbourg) et appelle les communistes à « organiser le Parti en cellules » (47,1970). Ainsi au moins l’Exploité peut être certain que les initiatives des masses seront étouffées : « … Cette cellule doit rester secrète, son travail se limitant à écouter, à voir ce qui se passe, à en tirer les conclusions après discussion du groupe. Ces conceptions retourneront dans la masse des travailleurs par l’intermédiaire des militants du Parti qui n’ont pas de rapport avec l’usine et ne risquent pas ainsi d’être licenciés » (2, 1972).

Il est impossible enfin, d’énumérer les manifestations de socialisme utopique, d’ouvriérisme, de populisme et même de chauvinisme (voir annexe 9) dans l’Exploité. Ces déviations forment la substance même du journal.

B. LE P« CML »B NÉO-RÉVISIONNISTE (CLARTÉ)

Origine de Clarté

Comment la pépinière d’opportunistes du Comité Central du P« C »B (Voix du Peuple) s’est servie du nouveau pour arriver à ses fins : créer le P« CML »B (Clarté).

La critique révolutionnaire du P« C »B (Voix du Peuple) a montré dans quelle situation idéologique, politique et organisationnelle se trouvait ce Parti. La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, lutte de classes aiguë portée à son plus haut degré dans les conditions du socialisme, allait venir frapper le Parti et susciter en son sein une révolte véritable et une « révolte » simulée. La naissance des deux lignes, celle qui soutient et celle qui combat la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, est un processus assez complexe, par le fait que la ligne qui soutenait la Révolution Culturelle se divisait elle-même en deux courants qui deviendront ultérieurement antagoniques.

Toutefois, il faut rappeler la nature de la ligne noire anti-Révolution Culturelle : Grippa et sa clique, suivant leurs méthodes, s’approprient les informations sur la Révolution Culturelle au fur et à mesure de leur arrivée au Parti. Ils comprennent la force gigantesque de cette tempête des masses et leur réaction est de l’endiguer au niveau du Parti, afin de ne pas être balayés par leur propre base qui commence à se mobiliser contre la direction. Le réactionnaire Grippa tente d’arrêter le printemps !

Grippa et sa clique peuvent agir en subordonnant entièrement le Comité Central à leurs desseins. Ils apportent d’abord un soutien mitigé, avec des nuances, à la Révolution Culturelle. Comme le Comité Central n’offre aucune résistance à leurs positions, bientôt ce soutien mitigé se transforme en tentatives de scissionnisme au sein du mouvement marxiste-léniniste mondial. Dans les « Voix du Peuple » de 1966, ils mettent plus l’accent sur l’Albanie que sur la Chine en vue de diviser ces deux pays. En août 67, lors d’une conférence de cadres à Bruxelles, Grippa fait, sous une forme camouflée, l’apologie de Liou Chao-chi. Lors d’une rencontre en Albanie avec un membre du Comité Central du Parti du Travail, lors d’entrevues avec des militants albanais, il défend toujours Liou Chao-chi et tient des propos scissionnistes pour séparer le Parti Communiste Chinois du Parti du Travail d’Albanie.

Grippa et sa clique commencent à perdre pied dans les rapports internationaux. A l’intérieur du Parti, la résistance de la base, ensuite du Comité Central, se développe. Nous verrons de quel type de résistance il s’agit. Grippa et sa clique se déchaînent. Ils ont recours à des procédés réactionnaires : mensonges et calomnies, inversion du vrai et du faux, inventions. Ils créent une ligne noire internationale, calomnient les dirigeants communistes, Mao Tsé-toung, Chou En-lai et les dirigeants albanais. Ils s’acharnent contre la Révolution Culturelle, flèche rouge plantée droit dans leur gorge.

La suite de l’existence du P« C »B (Voix du Peuple) n’est plus que l’histoire d’une longue dégénérescence, d’une trahison de plus en plus cynique, Les positions contre la République de Chine Populaire sont dans cette agonie le point le plus significatif : l’« analyse » de la période allant d’août 1966 à aujourd’hui évolue de façon parallèle à l’orientation de plus en plus réactionnaire prise par Grippa. En voici les étapes : la Grande Révolution Culturelle fut une lutte pour le pouvoir remportée par les « néo-révisionnistes à phraséologie gauchiste », grâce à leur coup d’Etat d’août 1966. Leur objectif central était de détruire le Parti marxiste-léniniste.

Ils se basaient sur la jeunesse et sur l’armée, circonvenant Mao , détruisant les syndicats et les organisations de la jeunesse, puis renvoyant à la campagne prétendument pour leur rééducation les gardes rouges dont ils n’avaient plus besoin.

Mao, qui « fut un grand révolutionnaire » (VDP 37, 1968) est l’objet d’un « délire religieux » (10, 1969). Le IXe Congrès est un congrès fictif, soutenu par des instruments désignés pour leur docilité.

En politique internationale, les « néo-révisionnistes à phraséologie gauchiste » montrent à présent leur vraie nature de droite : la guerre frontalière sino-soviétique est l’occasion d’un « écœurant déferlement de propagande chauvine de part et d’autre. Le groupe néo-révisionniste à phraséologie gauchiste qui a pris le pouvoir en août 1966 cherche à se rapprocher de l’impérialisme américain, dans l’espoir de participer à un partage du monde entre trois grandes puissances… C’est avant tout un heurt inter-révisionniste où chacun des protagonistes se sert d’un grave incident dans les buts évidents de diversion face à des difficultés intérieures, et pousse la dégénérescence jusqu’au chauvinisme de grande puissance ! » (12, 1969), Le soutien que La République Populaire de Chine porte aux positions anti-impérialistes du Ceylan, du Pakistan, du Soudan, la reconnaissance de fait de la Chine par Nixon, sont pour Grippa l’occasion de rallier les thèses du révisionnisme moderne et du révisionnisme trotskyste (3, 1971), ce qui doit fatalement se produire lorsque s’écroule la façade néo-révisionniste.

Les autres positions se prennent − et éventuellement se modifient − quant à la politique internationale, en fonction de la « position » contre la Chine Populaire. La Voix du Peuple « défend » la République Démocratique du Vietnam, la République Populaire de Corée et Cuba contre… les « néo-révisionnistes à phraséologie gauchiste » (1,1970). L’exemple de la Tchécoslovaquie illustre bien la décomposition idéologique du grippisme. En 1968, au moment de l’invasion social-impérialiste, la Voix du Peuple prenait une attitude chèvre choutiste, condamnant d’une main la « scandaleuse agression des troupes soviétiques », de l’autre les « ultra-révisionnistes tchèques qui veulent liquider ce qui reste des structures héritées du socialisme ». (35, 1968). Les ennemis sont renvoyés dos à dos : c’est « une guerre inter-révisionniste » ; en outre, « le complot chinois d’ août 1966 a empêché le peuple révolutionnaire chinois de pouvoir exprimer efficacement sa solidarité agissante à l’égard des peuples en lutte pour leur libération, et notamment dans ce cas à l’égard des peuples sous le joug révisionniste »(34, 1968). La Voix du Peuple n° 29 du 29.8.1969 chante une tout autre chanson. Elle fête « l’anniversaire d’une défaite de la contre-révolution en Tchécoslovaquie ! » C’est l’occasion d’attaquer les « néo-révisionnistes à phraséologie gauchiste qui vont jusqu’à comparer à l’occupation hitlérienne l’aide de l’Union Soviétique et d’autres pays socialistes aux peuples de Tchécoslovaquie pour contribuer à combattre la contre-révolution… Les néo-révisionnistes à phraséologie gauchiste voudraient que la contre-révolution triomphe et que la Tchécoslovaquie passe sous hégémonie américaine ! »

Que le Parti soit devenu une apparence fantomatique de lui-même, que la Voix du Peuple n’ait plus publié en 1971 que 3 numéros, n’a pas mis une sourdine au triomphalisme d’autrefois. En fait, ce qui reste de souffle à ce moribond doit encore lui servir à attaquer la République Populaire de Chine et à se féliciter du rôle « d’avant-garde » rempli par le Parti. « Notre Parti existe ! Il remplit avec succès sa tâche d’avant-garde organisée, révolutionnaire, prolétarienne, marxiste-léniniste. Et depuis plusieurs mois déjà, il a même abordé une nouvelle phase de renforcement » (1er numéro de la Voix du Peuple mensuelle, 45,1969). « Toujours aussi actif, notre Parti est à la pointe du combat offensif des mineurs, avec allant et efficacité. Il remplit son rôle d’avant-garde, marque des points et fait sentir son influence sur l’ensemble de la lutte ». (1, 1970).

Les deux tendances dans la ligne de révolte contre Grippa et sa clique : un complot d’arrivistes sous forme de « révolte » et de « rectification » ; une révolte véritable, mais non conséquente (la Conférence de La Louvière).

Ceux des dirigeants du P« C »B (Voix du Peuple) qui allaient devenir les fondateurs du P« CML »B (Clarté) néo-révisionniste ont hésité longtemps avant de rompre avec Grippa et sa clique. Ils devaient être certains que la ligne de Mao Tsé-toung l’emporterait sur celle de Liou Chao-chi, que Grippa était démasqué et vaincu, et que leur entreprise recevrait l’appui des partis étrangers. Lorsque ces éléments furent réunis, ils brisèrent avec la Voix du Peuple et convoquèrent une « conférence des cadres ». La rupture entre Grippa et la future direction du P« CML »B (Clarté) fut une répudiation du maître en opportunisme, parce que Grippa avait brisé et dépassé les normes de l’opportunisme (la « goutte qui fit déborder le vase ») et aurait désigné le Parti comme un corps étranger au mouvement marxiste-léniniste mondial. Ce danger, le Comité Central le réalisa et en fit la base de son complot. Le but du complot était : reprendre la tête du Parti « rectifié » et diriger le mouvement marxiste-léniniste en Belgique. Pour ce faire, le Comité Central déclencha une réaction en cinq points :

1. D’abord, rejeter toutes les « nouvelles » positions internationales de Grippa.

2. Encenser servilement la Révolution Culturelle et la pensée-maotsétoung.

3. Neutraliser la tendance révolutionnaire mais non conséquente des jeunes et des étudiants communistes, en faisant miroiter la « rectification » du Parti, ce qui correspondait à des aspirations révolutionnaires authentiques.

4. Concentrer le feu de la critique sur Grippa et sa clique ; « attaquer » les méthodes mais jamais l’idéologie et la politique.

5. Assurer la « promotion individuelle » des « cadres ».

Il s’agit de vider de son contenu la GRCP, qui, elle, attaque surtout l’idéologie et la politique des responsables engagés dans la voie capitaliste.

Après avoir manigancé cette tactique, pour neutraliser la gauche et prendre la direction, la nouvelle clique d’arrivistes et de comploteurs avance son pion décisif :

« Nous pouvons dire sans forfanterie que notre parti a réalisé de bonnes choses, que sa ligne est fondamentalement juste, nous avons montré que dans la lutte ouvrière et populaire des Wallons, des Flamands, des Bruxellois, dans les combats anti-impérialistes en Belgique, nous avons franchement joué notre rôle d’avant-garde. Nous devons le dire nettement et avec fierté, même si nous allons devoir critiquer les erreurs qui ont été commises dans et par le parti. » (Document 8.67, 11 novembre 1967)

Ainsi la ligne est juste. « Il est logique de faire confiance au dirigeant, à celui qui a mérité d’être le premier parmi ses camarades de combat. » (Doc, 8. 67, p.18)

Ainsi, durant la période où le Comité Central et le Parti avaient confiance dans le secrétaire Grippa, celui-ci a pu fonder la juste ligne du Parti. Le renégat Grippa « digne de confiance », qui n’a « jamais rompu avec le révisionnisme », subjectiviste, outrancier, aux « méthodes tyranniques », fut le fondateur d’une ligne « fondamentalement juste ». La GRCP a systématisé les rapports entre la ligne juste du Parti et les masses, la façon dont la ligne juste part des masses et y retourne.

Les arrivistes et comploteurs du CC du P« CML »B « reconnaissent » doucereusement combien tout cela est juste et font des motions, des déclarations préparatoires au congrès pour l’approuver. Forcés et contraints par la ligne de gauche dans le Parti, ils doivent aller jusqu’à faire un « début d’effort d’autocritique ». Cette « autocritique » n’abordera jamais la ligne du Parti ni la justesse de ses positions reflétée par l’activité consciente de l’avant-garde ouvrière.

Toutefois, les opportunistes meurent par où ils pêchent. Les confessions de leurs agissements dans le Parti ont une unité : jamais ils ne déracineront dans leur profondeur les erreurs commises, l’essence révisionniste et bourgeoise de leur conception du monde. Quand tout le Parti a soif de vérité, les arrivistes lui font boire dans un verre vide. Formalisme et simulacre, jamais ils ne rompront cette unité, parce que la rupture d’un seul maillon de cette chaîne briserait le complot néo-révisionniste qui visait à prendre la direction du mouvement communiste.

Une mesure importante à prendre pour le « nouveau » Comité Central était d’étendre la responsabilité de la « rectification » du Parti à tous les militants. Cette balle enrobée de sucre avait pour but d’impressionner tous les militants sur le renouveau dans le Parti (voir annexe 10). Cette orgie de confiance dans toutes les fédérations s’accompagne d’un « début d’effort d’autocritique », enseignement de la Révolution Culturelle. Hélas pour les comploteurs et arrivistes, le processus de la connaissance passe par des stades qualitatifs, produit de longues étapes quantitatives, et on ne peut improviser des autocritiques sincères lorsqu’on a une âme de comploteur. Les buts de la GRCP sont contraires aux buts des opportunistes.

Le Doc. 8.67 fait état d’un procès-verbal des faits et gestes du CC sur une période de X ans. Il y est dit :

« Le CC a commis une erreur grave du type ‘ excès de confiance ‘ ». Cette cynique déclaration, inouïe dans l’histoire du mouvement communiste mondial, se voudrait être l’artillerie défensive des comploteurs. Ce qui devait être le quartier général du prolétariat et des masses vers l’émancipation socialiste, le fer de lance dirigé vers le cœur de la bourgeoisie, une poignée de comploteurs et d’arrivistes en parle en termes de gangsters qui déclarent : « La confiance dans les chefs était seule importante. »

La base du Parti obéissait, c’était dans l’ordre des choses, et l’ordre des choses du Parti, c’était le chef qui le décidait.

« … Le Comité Central n’a pas bronché pour prendre connaissance des finances du Parti. Il n’a pas mis en doute la validité des purges. Il a accepté les faux mouvements de masse. Il ne s’est pas enquis des problèmes d’organisation. Il s’en remettait à l’initiative de J.Grippa. »

« Le Comité Central n’a pas dirigé réellement, surtout depuis deux ans, J.Grippa a agi en maître tout-puissant. »

« Sans en référer à aucun organisme du Parti, il s’est institué propriétaire de la Voix du Peuple. »

Les purges : l’exclusion d’un membre du Parti est une chose très grave. Seule la lutte idéologique menée selon les principes peut amener à décider s’il doit être exclu ou non. Dans le Parti VDP, les intrigues de palais ont supplanté la lutte idéologique. La clique grippiste devait éliminer tout ce qui s’opposait à sa ligne. Elle convainquait la partie hésitante du CC. Le CC capitulait.

Les faux mouvements de masse : le CC était coupé des masses, il n’a jamais réalisé un mouvement de masse parce que ce mouvement aurait mis à l’épreuve la ligne politique du Parti. Le « triomphalisme » permanent de la Voix du Peuple démontre l’écart vertigineux qui existait entre la réalité de la lutte de classe dans le pays et les affirmations du cc.

Le CC ne s’est pas enquis des problèmes d’organisation. Il s’en remettait à l’initiative de J. Grippa… Le CC n’a pas dirigé réellement, J. Grippa a agi en maitre tout-puissant : les arrivistes et comploteurs du CC partent de tels arguments de juridiction pour atténuer et détruire l’entière responsabilité qu’ils portent dans la courte histoire du P« C »B. Un enfant se moquerait de pareille argumentation au niveau de la logique simple. Le CC d’un Parti Communiste révolutionnaire est le lieu de centralisation des besoins politiques généraux des masses au travers de l’avant-garde communiste. Le CC garantit les méthodes démocratiques à tous les échelons des rapports du Parti avec la classe ouvrière et les masses. Le Parti et son organe dirigeant, le CC, est le quartier général de l’idéologie, de la politique et de l’organisation révolutionnaires de la classe et des masses, contrôlées par l’ensemble du Parti au travers du développement de la ligne politique du Parti. Le CC concentre toutes les contradictions concrètes et multiples dans la vie active du Parti et les résout.

La direction du P« C »B, composée d’arrivistes et de comploteurs, était en contradiction continue avec la tendance du Parti dont l’idéologie était révolutionnaire. Comme la direction avait créé de toutes pièces le mythe de la ligne juste intégralement, pour couvrir les résultats négatifs de la pratique, le CC attribuait aux éléments « antiparti » la cause de tous les maux. Dans les révélations du CC, il n’apparaît jamais selon quel type d’organisation le Parti fonctionnait. Comme c’était une organisation dictatoriale, il suffit d’affirmer que le « CC ne s’est pas enquis des problèmes d’organisation », pour encore une fois ne pas briser un maillon de la chaîne du complot. Dans cette plaidoirie, qualifiée de « début d’effort d’autocritique », le révisionnisme, idéologie véritable de ces arrivistes et comploteurs, perce à jour entièrement. Pas une seule fois, il n’attaque l’idéologie de son CC ni de son secrétaire renégat ni de l’organisation. L’accent est mis sur les contradictions de salon, les caractéristiques individuelles de Grippa et le scissionnisme international. Ils maintiennent le point de vue antimatérialiste et opportuniste que la ligne du Parti est bonne tout en affirmant également qu’aucune enquête ait été faite sur quoi que ce soit de sérieux, partant des besoins véritables. Le plus grand silence est maintenu sur la répression du CC et de J. Grippa sur les révolutionnaires, qui ont durement milité dans le Parti. Jamais n’est expliqué le rôle désagrégateur vis-à-vis de l’avant-garde ouvrière et étudiante que le P« C »B (Voix du Peuple) a joué.

La direction du P« C »B avait mis en application la méthode qui consiste à créer des instruments dociles dans le Parti. Le résultat de cette méthode fut que dans la période de révolte, la véritable tendance de gauche, les étudiants et les jeunes, n’étaient pas préparés à faire l’analyse politique et à repérer tous les ennemis, futurs dirigeants de Clarté compris. Ils estimaient que Grippa et sa clique étaient la cible principale. Ils ne comprirent pas que la partie du CC qui se ralliait à eux avait trouvé dans la GRCP une bonne occasion de quitter un navire en perdition tout en voulant étouffer critique et autocritique et « reconstruire » le Parti au plus tôt.

Les jeunes révolutionnaires affirmaient justement : « Il appartient à tous les camarades du Parti d’abattre complètement la ligne pourrie des Lalemand, Terfve et Grippa… » Ils insistaient sur : « le devoir que tous avaient de faire un mouvement de rectification à l’intérieur de l’organisation. » La critique que les révolutionnaires faisaient de Grippa était juste, quoique partielle. Ils disaient : « Nous nous rendons compte que Grippa n’a jamais réellement rompu avec le révisionnisme moderne… », sans pouvoir cependant qualifier correctement la nature de la ligne : « l’apport de J. Grippa au marxisme-léninisme en 1962, 1963 et 1964 fut sur certains points concernant la ligne politique en Belgique, un apport positif. » (Les néo-révisionnistes vont évidemment plus loin en ce sens : « La ligne du Parti était juste ».) Une autre faiblesse grave se retrouve dans le flottement de leur position devant le néo-révisionnisme.

Révoltés par l’orgueil et la présomption de Grippa, ils y voyaient parfois la raison principale de la rupture et ils se donnaient le luxe d’une modestie qui les déforçait complètement dans la lutte idéologique et le mouvement de rectification.
« La différence radicale entre J. Grippa et nous, c’est que lui se prétend un révolutionnaire conséquent, qu’il refuse toute critique-autocritique, qu’il devient en fait un renégat anti-chinois, anti-albanais, anti-communiste, (et que) nous n’avons pas la prétention d’être des révolutionnaires conséquents…(etc.) »

Les arrivistes poussèrent évidemment les jeunes révolutionnaires à se battre sur cette contradiction secondaire : la personne de Grippa. La tactique « d’une pierre, deux coups » portait ses fruits. D’une part Grippa était hors-la-loi, d’autre part c’était la base d’entente entre les arrivistes et les jeunes révolutionnaires. Lors de la conférence, « congrès de reconduction » du Parti, les affrontements idéologiques entre les jeunes révolutionnaires et les arrivistes furent atténués pour préserver « l’unité future dans le Parti ». Les arrivistes firent des concessions devant les revendications des jeunes : CC provisoire, droit de publier leur opinion dans le futur organe, critique et autocritique appliquées à tous les échelons.

Au congrès, tenu en main par les arrivistes du CC, ceux-ci eurent recours à des tactiques de vote (en donnant des voix consultatives aux jeunes révolutionnaires et délibératives aux autres), ainsi qu’à l’acquisition d’une majorité de « membres dociles » d’une fédération. Ce congrès fit des résolutions qui ne brisaient en rien avec le passé néo-révisionniste du P« C »B, il mettait en avant la nécessité pour tous les membres de la « confiance dans le Parti », la « salubrité du Parti », l’« unité » retrouvée. Le congrès ajouta à la critique formelle du P« C »B (VDP) et à l’autocritique formelle du CC, des mesures de « rectification » tout aussi formelles :

1. changement du nom du Parti ; il devient le P« C(M-L) »B – plus tard, pour se distinguer cette fois « radicalement » des révisionnistes, il supprimera les parenthèses ! (Clarté 120, 1970)

2. changement du nom du journal.

3. nouveaux titulaires pour la commission financière.

4. renforcement du CC en y ajoutant de nouveaux membres. « Pour renforcer la direction et le fonctionnement du Parti », la conférence nationale procède à l’élection d’un Comité Central plus nombreux, rétablit et élit la Commission de Contrôle politique et la Commission de Contrôle financier. »

5. suppression du BP :

« Il fut décidé à La Louvière de ne pas constituer un Bureau Politique. D’une part, parce que le fonctionnement du Bureau Politique sous Grippa avait été si exécrable que nous devions rompre radicalement avec ces méthodes ; d’autre part, le degré de développement du Parti ne nécessitait pas l’existence d’un tel organe, et cela d’autant moins que les cadres dirigeants devaient être mis à l’épreuve. » (Clarté 120, 1970)

Il était aussi de la plus haute importance de « promouvoir en temps utile de nouveaux cadres… Que chacun se sente à sa place… Savoir à quel poste tel militant peut développer au mieux ses qualités… » Ainsi s’exprimait sans fard la sinistre théorie du perfectionnement individuel. Quand il faut répartir les tâches entre les militants, le Parti doit partir des tâches et non des militants ; ce qui est déterminant, c’est que telle tâche soit remplie au mieux dans l’intérêt de la révolution – et non que tel militant développe au mieux ses qualités. C’est se servir de la révolution, au lieu de servir la révolution.

Dès la parution du premier numéro de « Clarté », les jeunes révolutionnaires critiquent les articles réformistes et le style stéréotypé du journal. La réponse des néo-révisionnistes remis en selle est claire. Il est facile de critiquer, essayez de faire mieux. Les opinions des révolutionnaires ne sont pas publiées dans l’organe. Ils refuseront bientôt de vendre le journal s’il n’y a pas de changements. Réponse : « il faut respecter la discipline du Parti ». La lutte des jeunes révolutionnaires vient se heurter au pouvoir néo-révisionniste remis en place, Ils subissent la même répression que dans le P« C »B (Voix du Peuple),

Cette réapparition des méthodes du P« C »B dans le parti « rectifié » ouvre les yeux des révolutionnaires, Seulement, ceux-ci, découragés, ne font pas une critique et une analyse scientifiques du néo-révisionnisme. Ce qui les amènera en définitive à cette conclusion profondément erronée que c’est dans le marxisme-léninisme-pensée-maotsétoung que résident les erreurs, La plupart ont abandonné toute pratique militante. Quelques-uns, ayant en 69-70 rejoint le mouvement étudiant et U.U.U., ont donné une impulsion au travail de masse à l’ Université et autour des usines ; ils mirent aussi en avant le marxisme-léninisme, interprété d’une façon spontanéiste. Rejetés peu de temps après par le mouvement marxiste-léniniste, ils sont allés grossir les rangs du spontanéisme et de l’anarchisme.

Programme et positions politiques du P« CML »B néo-révisionniste

Le programme du P« C »B (Voix du Peuple) est repris tel quel en novembre 1967. Hormis une apparition dans le numéro spécial de mars 1968, le programme entier ne sera plus jamais réaffirmé dans la propagande. A partir d’alors, en guise de programme, on trouve soit des mots d’ordre de propagande socialiste, soit des revendications immédiates reprises aux luttes ouvrières, ou encore avancées par les syndicats :

« Les revendications que nous avons reprises ont été émises par les travailleurs au cours de leur grève, il s’agit de celles concernant les salaires, les cadences et les licenciements. D’autres ont été mises en avant par les syndicats, qui les ont laissé tomber, et nous les reprenons. » (166, 1971)

La propagande de Clarté cherche sans cesse à confondre les objectifs immédiats et les objectifs socialistes : elle fait croire qu’on passe tout naturellement des uns aux autres, que les uns entraînent nécessairement les autres. Le profond réformisme de cette attitude se cache derrière un style bravache, radicaliste, qui ferait croire que nous sommes à la veille de la révolution. Exemples :

« Nous devons gagner la bataille des 10 Frs de l’heure, et ce n’est qu’une première étape vers la lutte finale, celle qui mettra fin à la dictature des monopoles et instaurera le socialisme ».(161, 1971) Appréciation sur mai 68 et 60-61 : « Ne pouvait-on aller plus loin, beaucoup plus loin ? »(151, 1971) « L’Etat belge est un fruit mûr jusqu’à la pourriture qu’il nous appartient de faire tomber en secouant l’arbre très fort. Cela s’appelle chez nous l’action directe… Bientôt reviendra un nouveau 60-61, en plus grand, en plus fort, et cette fois ce sera la victoire ouvrière. » (25, 1968)

Quelle est la position sur la contradiction principale ? Clarté avait repris au P« C »B (Voix du Peuple) la revendication du fédéralisme et de l’indépendance nationale, « deux objectifs de combat indissolublement liés », comme le dira le n° 4, 1968. Fin 1969, Clarté abandonne le mot d’ordre de fédéralisme et avoue platement :

« Les partis bourgeois se sont emparés du mot d’ordre de fédéralisme, la bourgeoisie unitaire accordera s’il le faut le fédéralisme qui sauvera sa dictature » (12,1969). Et l’article conclut : « Luttons plutôt pour les salaires ; c’est le problème de l’heure, car le problème national sert de diversion aux partis bourgeois » Il ne faut pas s’étonner non plus de trouver, après 1969, des réapparitions de la lutte contre l’impérialisme américain, notamment dans le manifeste (112, 1970) qui présente une macédoine des deux contradictions principales et des deux étapes. Car pour Clarté comme pour Grippa autrefois, le but final, la révolution, ne sont qu’un décor, un alibi.

Toutefois, lors de la grève des mineurs du Limbourg en 1970, le P« CML »B constate que le prolétariat et certaines couches de la petite bourgeoisie se sont mobilisés, non pas contre l’impérialisme U.S., mais contre la bourgeoisie de Belgique. Les opportunistes mettent à profit ce fait pour liquider rapidement les deux points de leur « programme » : « fédéralisme » et « Belgique – colonie U.S. » :

« Depuis deux ans le Parti a compris que ce mot d’ordre est faux… Le Parti n’a pas pris la notion de colonie (colonie-Belgique, slogan de Grippa et de la première période du P« CML »B) au sens propre, même s’il l’a employée. L’Exploité a franchi ce pas. »(117,1970).

Pour ces opportunistes le rapport qui existe entre la vérité de la matière d’un programme et la pensée, c’est de savoir si c’est une vraie pensée ou une fausse pensée !!! Du subjectif au subjectif, voilà leur chemin de la connaissance.

Le opportunistes méprissent la théorie marxiste-léniniste, tout en jouant les savants « marxistes »

a) « l’analyse de classes »

L’analyse de Clarté commence par rappeler l’analyse de classe du président Mao Tsé-toung, puis compare avec la Belgique : il n’y a pas du tout cela ici, ni féodaux, ni compradores, ni bourgeoisie nationale. L’« analyse » passe ensuite à Lénine et aux cinq caractéristiques de l’impérialisme. Or, en Belgique, les monopoles ont ces caractéristiques. Exemple : les nombreuses filiales de la Société Générale à l’étranger. Donc nous ne sommes pas une colonie, et notre bourgeoisie est une ennemie. D’ailleurs le point 10 des « 25 Points » ne parle pas de cette bourgeoisie nationale. La bourgeoisie belge est inféodée à l’impérialisme américain. Donc, lutter contre les monopoles belges, c’est lutter contre l’impérialisme américain.

Le n° 161 apporte la dernière version à la ligne : la bourgeoisie belge a en fait de terribles contradictions avec les impérialistes américains. Clarté a toujours été le seul à dire que le Marché Commun était l’expression de la rivalité inter-impérialiste.

« A bas les slogans simplistes, pratiquons l’analyse marxiste-léniniste ! » (Dans le n° 140, on affirmait encore que le Marché Commun avait été créé par les monopoles américains pour faciliter l’inféodation du marché ouest-européen.) « Voilà une raison de plus pour lutter contre les monopoles belges, puisqu’ils s’affaiblissent dans cette crise inter-impérialiste. Vive la révolution prolétarienne ! »

La ligné politique du P« CML »B est d’un tel subjectivisme qu’elle offre à la critique un embarras de richesses. Changement de contradiction principale en quelques numéros, absence de programme, absence d’analyse de classes, réformisme et économisme, tout cela trouve sa source dans la façon opportuniste d’accomplir les tâches politiques, dans le refus d’appliquer le marxisme-léninisme. Les opportunistes doivent sauver les apparences à la tête d’un parti néo-révisionniste. Le but des communistes est d’attaquer et de vaincre l’ennemi de classe ; les exigences envers le Parti sont totalement différentes. Dans le premier cas, il suffit d’« avoir l’air » et de tromper le mieux possible, dans le second cas il faut accomplir les tâches de la révolution et se donner les armes pour transformer la réalité.

L’opportunisme du P« CML »B a pris à l’égard de la théorie marxiste-léniniste une attitude aristocratique de « grand savant » ; il a camouflé son mépris de la théorie sous un style ampoulé et sophiste ponctué de citations arrachées à la science marxiste-léniniste. Le P« CML »B, cette outre « marxiste-léniniste » gonflée de néo-révisionnisme, est allé jusqu’à faire une « analyse des classes en Belgique », « pour la première fois depuis 1921 », et se félicite au préalable de son « mérite ».

Ce « document » (164), impérissable monument à la prétention et à l’imbécilité, ne répond même pas à une seule des exigences de l’analyse de classe ; elle ne fournit même pas une donnée exacte sur la situation des classes. La théorie communiste affirme que le Parti Communiste doit fonder sa stratégie et sa tactique sur la connaissance scientifiquement établie des rapports des classes entre elles, connaissance qui se crée sur la base des rapports économiques qui lient ces classes au processus de production. Le Parti doit donc déterminer quelle classe se développe et quelle classe dépérit, quelles alliances le prolétariat peut établir contre l’ennemi principal. A l’époque de l’impérialisme agonisant, chaque pays doit être vu dans les rapports qu’il entretient avec les différents pays impérialistes, et principalement avec l’impérialisme U.S.

b) la tactique électorale et l’opportunisme néo-révisionniste du P« CML »B sur cette question.

Le radicalisme des arrivistes du P« CML »B tente de couvrir leur mépris de la théorie marxiste-léniniste. Pour cela, ils iront jusqu’à avancer des positions ultra-gauche, du genre « nous ne mangeons pas de ce pain-là, nous, communistes, sauf si…les masses nous le demandent ». L’article « Les élections à Pâturages »(126, 1970) est consacré à la participation des marxistes-léninistes aux élections en régime bourgeois. Il conclut que : « nous devons aujourd’hui rejeter sans hésitation, nettement et franchement, la participation électorale en régime bourgeois. » Position ultra-gauche qu’aucun principe marxiste-léniniste n’oblige à prendre, au contraire : la question de la tactique électorale est très simplement définissable : les communistes doivent prendre comme tribune de propagande les structures de la démocratie bourgeoise. La question n’est pas de savoir si c’est « propre » ou « malpropre » pour un communiste d’être élu, la question est : la ligne et le programme du Parti qu’il défend sont-ils révolutionnaires ? Toute autre position est métaphysique.

Les opportunistes ont des « problèmes » de « conscience » sur les élections communales. Ils expliquent la ligne du Parti sur les élections, mais la population ne comprend pas. « Deux principes doivent nous guider : 1) les besoins réels des masses et non les besoins nés de notre imagination, 2) le désir librement exprimé par les masses, les résolutions qu’elles ont prises elles-mêmes et non celles que nous prenons à leur place. » Conclusion : après enquête, Clarté recueille plusieurs centaines de signatures des habitants, demandant que les militants se représentent aux élections, et ils se représentent.

Les néo-révisionnistes appellent « besoins réels des masses » et « résolutions prises par elles-mêmes », le droit de participer au vote bourgeois.

Le P« CML »B veut « noyer » deux choses : la tactique et la ligne politique. Que les masses veuillent participer aux élections, pour élire des représentants communistes révolutionnaires, c’est le seul point de vue qu’un Parti communiste révolutionnaire aurait à respecter. Pour le P« CML »B, le fait de participer ou de ne pas participer est seul à avoir de l’importance. Quant à la ligne du Parti, elle est tout simplement réformiste, parce que…les masses ne se sont pas opposées à ce qu’elle le soit !

3. COMMENT LE P« C »B« ML » (L’EXPLOITE) ET LE P« CML »B (CLARTE) « APPROFONDISSENT » LE NEO-REVISIONNISME DU P« C »B (VOIX DU PEUPLE).

L’Exploité et Clarté doivent faire face à une situation politique nouvelle, une situation politique à laquelle le P« C »B (Voix du Peuple) n’avait pas eu à faire face.

D’une part, la reconduction de deux « partis marxistes-léninistes » concurrents et se prétendant tous deux le seul parti légitime, continuateur du parti révisionniste, est une contradiction politique qu’aucun des deux Partis ne peut résoudre et qu’il devra pourtant essayer de justifier ; d’autre part, et surtout, le développement, après 1968 et 1970, du mouvement de masse étudiant et ouvrier et la formation de nouveaux groupes révolutionnaires, bientôt d’organisations marxistes-léninistes, obligent les deux partis néo-révisionnistes à défendre leur « légitimité », c’est-à-dire, à « renforcer » leur façade communiste. Une part importante des agissements des deux Partis sera dès lors consacrée à masquer leur imposture, tant au niveau national qu’international.

Les méthodes employées à cet effet diffèrent d’un Parti à l’autre. Si tous deux s’envoient périodiquement de fielleux « appels à l’unité », alternant d’ailleurs avec des insultes et des marques du plus profond mépris, l’Exploité, qui se contente de « régner » à Charleroi, accentue surtout ses attitudes sectaires (tant envers les organisations révolutionnaires qu’envers les masses), tandis que Clarté, plus soucieux de son image nationale, a en outre recours à une fraude originale, celle de l’« autocritique » simulée et ponctuée de morceaux contradictoires de « bilans de l’expérience communiste » remontant jusqu’en 1921.

A mesure que le mouvement marxiste-léniniste se renforce, la situation de Clarté et de l’Exploité est de plus en plus compromise. Ils se savent au bord de l’effondrement total et ils doivent multi¬plier les ruses pour assurer leur sordide survie politique. En ce sens, on peut dire qu’ils « approfondissent » le néo-révisionnisme du P« C »B (Voix du Peuple), de nouvelles contradictions politiques les obligeant à recourir à des stratagèmes inédits. En même temps, et malgré tous leurs efforts, leur nature bourgeoise se manifeste de plus en plus clairement.

A. LE P« C »B« ML » NEO-REVISIONNISTE (L’EXPLOITE)

La conception bourgeoise du monde des dirigeants de l’Exploité les conduit en matière d’organisation au libéralisme et au sectarisme. Le libéralisme prévaut dans les relations avec ce qui représente l’ancien dans le mouvement ouvrier, le sectarisme domine dans la lutte contre le nouveau.

Les contradictions entre le néo-révisionnisme et le marxisme-léninisme sont le reflet, au sein du mouvement communiste, des contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat ; les contradictions entre l’Exploité, Clarté et la Voix du Peuple sont des contradictions antagonistes de personnes au sein du révisionnisme.

De la Voix du Peuple en naufrage s’échappent deux Partis que l’arrivisme déchaîné des dirigeants empêche d’« unir ». L’Exploité ne s’en cache pas : « il y a des habitudes à vaincre, des égoïsmes à étouffer, des susceptibilités à calmer, des rancunes personnelles à rejeter » (6, 1969). Cependant la lutte contre Clarté s’assortit de tentatives de réconciliation intermittentes. Par exemple : « Clarté se rapproche très fort de notre ligne et de nos méthodes de travail vers les entreprises, reniant ce qu’ils louaient, il y a quelques mois. Clarté renie, par contre, les prises de position antérieures, en ce qui concerne l’impérialisme américain, empêchant une unité de vues politique (…) » (7, 1971).

Les textes sur « l’unité des marxistes-léninistes, une nécessité impérieuse », ne sont rien d’autre que le paravent destiné à abuser les militants et à faire bonne figure dans les relations avec les partis étrangers ; ils sont surtout l’occasion de lancer des attaques contre les groupes politiques qui ne s’aplatissent pas devant les dirigeants de l’Exploité. L’Exploité combat les groupes révolutionnaires issus du mouvement de masse étudiant qui établissent un embryon de liaison avec les masses à l’occasion des grèves de 1970. Il utilise les armes des contre-révolutionnaires : les groupes révolutionnaires sont traités de « petits groupes irresponsables » (49, 1971) qui, « bien que se disant révolutionnaires, refusent la base même du marxisme-léninisme…et ne peuvent fournir un travail révolutionnaire conséquent au service du peuple » (32, 1970) ou encore de « petits rigolos… qui font des démonstrations savantes aux ouvriers » (11, 1971)

La haine qu’il nourrit à leur égard est telle que l’Exploité en vient à s’attaquer aux formes de lutte et d’organisation spontanées des travailleurs auxquelles les jeunes révolutionnaires ont participé, à reprocher à la classe ouvrière sa puissance créatrice et sa combativité. Ainsi, plus d’un an après la grève du Limbourg et les grèves de la région bruxelloise, l’Exploité s’en prend aux comités de lutte qui ont été à l’initiative de ces grèves et les accuse d’avoir provoqué un renforcement de l’idéologie bourgeoise au sein de la classe ouvrière.

L’Exploité vise le mouvement révolutionnaire, mais c’est nécessairement la classe ouvrière qu’il atteint. Il lui reproche de lutter :

« Il n’est pas du tout étonnant de constater, après des grèves, là où les comités d’action ont exercé une certaine influence, un renforcement des syndicats traditionnels… D’autre part, dans toute la propagande diffusée, (un important groupe) n’a jamais expliqué aux travailleurs que, quelle que soit l’augmentation que le patron daigne accorder, cela ne change rien à l’exploitation ni à la nature du régime. Le résultat ?… un renforcement des syndicats traditionnels… Enfin, conséquence inéluctable de l’action négative de ces comités de lutte, les travailleurs de ces entreprises, refroidis par un tel échec de leur lutte, sont désabusés et déçus. » (50, 1971)

La dernière manœuvre en date consiste à opposer « l’unité (qui) n’a pu progresser avec un groupe s’intitulant LE parti communiste marxiste-léniniste de Belgique, (avec celle qui) s’est réalisée, par contre, avec des groupes révolutionnaires ayant moins de prétention mais nettement plus d’efficacité et d’implantation réelle au sein des masses populaires. » (51, 1971)

La « recherche de l’unité » avec les révolutionnaires sert avant tout à faire pièce contre les frères ennemis de Clarté.

B. LE P« CML »B NEO-REVISIONNISTE (CLARTE)

La situation nouvelle a provoqué chez Clarté un bien plus grand déploiement de manœuvres que chez l’Exploité. Clarté veut s’affirmer comme le point de ralliement national des révolutionnaires.

La pratique de l’« autocritique » simulée et les « bilans de l’expérience » fabriqués pour les besoin de la cause.

Peu après la Conférence de La Louvière, le bulletin intérieur du Parti n° 2 (avril 1968) déclarait :

« Dire que Clarté n’a pas expliqué le pourquoi de la rupture avec Grippa et ce que signifie cette rupture ne me semble pas juste. Fallait-il consacrer plus de cinq pages à ce sujet qui n’intéresse que les initiés ? Je ne le pense pas. »

Le P« CML »B devra bientôt se rendre à l’évidence : la critique de Grippa et la question de l’origine politique de Clarté n’intéressent pas seulement les initiés. Avoir une position aussi frauduleuse sur son origine politique est inadmissible. Il va falloir justifier la pureté du nouveau parti, remettre en chantier le début d’effort d’« autocritique », revenir longtemps encore sur ce problème insoluble. Au fil des ans, à mesure que la façade se lézarde, les autocritiques seront de plus en plus rusées :

« Oui, on a été un peu vite en 1967 ; oui, on a été paternaliste ; oui, on a été injurieux » ; elles seront assorties d’une « analyse critique » du P« C »B (Voix du Peuple), puis aussi du PC depuis son origine. Il s’agit de se présenter comme le successeur légitime du « glorieux parti de Jacquemotte et Lahaut » (les Lalmand, les Terfve, les Grippa sont de malheureux « accidents » de parcours) et en même temps de démontrer que le nouveau parti marxiste-léniniste ne commettra aucune des erreurs révisionnistes du PC ou du P« C »B Voix du Peuple).

Il y aura ainsi une dizaine d’analyses différentes du parti de Grippa et du parti révisionniste et du rôle de la Conférence de La Louvière, agrémentées d’autocritiques variées elles aussi. Aucune de ces « analyses » ne portera une critique juste sur le révisionnisme, et toutes concluront à la pureté marxiste-léniniste du P« CML »B et au rôle historique de la Conférence de La Louvière.

Le but opportuniste que ces « bilans » poursuivent, leur fixe des limites contraignantes : ne pas s’attaquer, sous peine de vérité, aux fondements du révisionnisme dans le mouvement communiste belge.

Dans le n° 24, 1968, l’analyse du PC se résume à ceci : Le PC était un vrai PC en 1936, et aussi en 1950.

En 1960, le PC, « bien qu’engagé dans la voie révisionniste, garde certaines caractéristiques de sa grandeur ; il reste dedans encore beaucoup de marxistes-léninistes. »

Après 1960, le parti dégénère et les marxistes-léninistes se regroupent dans le P« CML »B.

On enjambe pudiquement 1963, et la période 1963-1967, comme si cette première « réédification » n’avait pas existé.

Le n°43, contient une « autocritique » et une « rectification » :

« Le parti a fait preuve de maturité dans son combat contre le révisionnisme ; la meilleure preuve de la santé du parti : les membres ont répudié la soumission servile, ont démasqué Grippa et fait preuve d’un esprit critique créateur. »

Le parti ? Lequel ? Celui d’avant-guerre, le « bon et authentique parti dirigeant de la classe ouvrière », dont Clarté veut tirer ses lettres de noblesse ? Ou celui qui devenait opportuniste ? Ou la « caricature de parti coupé des masses » dont parle la Conférence de La Louvière ? D’où sort cet esprit critique créateur, après 20 ans de révisionnisme ? Rappelons que tant qu’elle est restée au pouvoir dans le P « C »B (Voix du Peuple), la direction du futur P« CML »B s’est abstenue au cours du mouvement de critique lancé par les jeunes contre Grippa. A la cellule d’Uccle, par exemple, un actuel dirigeant de Clarté les a laissé exprimer leurs critiques sans ouvrir la bouche pour les soutenir, se cantonnant dans un silence prudent.

Suit une autocritique : « Le Comité Central a eu une lourde responsabilité, cependant. Il a été libéraliste envers Grippa. » Conclusion : « Si nous voyons le chemin parcouru en un an, nous avons le droit d’être fiers. »

Dans le n° 68, Clarté soulève le problème délicat des marxistes-léninistes qui restent hors du parti, et conclut :

« Soyons conscients de nos erreurs. Il faut en finir avec le Parti-Eglise, qui règle tout par excommunications. On ne peut plus dire que ‘tout vient de Grippa’, pour nos erreurs. Non, car nous étions responsables dans le parti au moment où il y était ! Donc, on ne peut dire que tout vient de lui, que le parti de son temps était mauvais. Il y a eu du positif et du négatif, mais le positif l’emportait. Le parti en effet, a survécu à Grippa, l’a démasqué, s’est reconstruit, ce qui est une preuve de sa santé. En 1963, le parti s’est reconstitué un peu vite, alors que des organisations de base n’existaient pas dans tout le pays. Il n’y avait pas d’unité idéologique réelle. Mais il a joué un rôle dans la lutte contre les U.S., contre le révisionnisme moderne et la social-démocratie. »

Ici, Clarté avoue sa responsabilité dans le parti de Grippa, mais il équilibre le fait en disant que le bilan du parti était dans l’ensemble positif.

Dans le n° 117, un article « approfondit » l’autocritique précédente, à l’intention des « hors-parti » (UUU, SVB). Il se compose de trois mouvements :

– Apport capital de la Conférence de La Louvière : « Elle a été un acte de rupture totale, irréversible, de l’ensemble du parti avec Grippa, agent révisionniste. »

– « Mais il y avait des défauts majeurs. Il est certain que dans sa volonté de faire vite, de souffleter Grippa, de le dénoncer solennellement, le parti n’a pas approfondi certains aspects dont il était clair qu’ils allaient se poser avec acuité. »

– « Il est fort probable, quels qu’aient été les torts de chacun de nous, que cette scission aurait de toutes façons eu lieu. Les jeunes n’avaient pas l’esprit de parti, et ils désiraient liquider le parti. »

Dans cette manœuvre opportuniste, Clarté utilise la technique Liou Chao-chiste de juxtaposer le noir et le blanc pour désamorcer les critiques et faire passer quand même sa marchandise révisionniste. Si cela peut lui gagner des gens, évincer des concurrents, le P« CML »B est prêt à tous les aveux.

Dans le numéro suivant, le n° 118, on trouve une nouvelle version de l’analyse du P.C. Dans l’ensemble, malgré des erreurs opportunistes ou sectaires, le PCB a été marxiste-léniniste jusqu’en 1944, ce qui lui a permis de prendre la tête de la résistance pendant la guerre. La dégénérescence commence avec Lalmand−Terfve.

Le n° 145, p.5 : titre : Rupture totale avec le révisionnisme, condition fondamentale pour édifier le PCMLB.

– Il existe un courant réformiste très ancien dans le mouvement communiste en Belgique. Ce courant existait même dans le PC de 1921 à 1944, sous forme de l’électoralisme.

– (Quant à nous), « nous avons rompu organisationnellement avec le révisionnisme, c’est bien, mais cela ne suffit pas. »

« Le plus dangereux pour l’édification du parti, ce n’est pas le révisionnisme ouvert, ce pitoyable parti ‘communiste’ qui pourrit sur pied, mais c’est ce révisionnisme qui se vêt d’un habit marxiste-léniniste, qui attaque le drapeau rouge en se servant du drapeau rouge. »

– « N’a pas rompu avec le révisionnisme celui qui veut que le PCMLB ne soit que ‘le vrai parti communiste’, entendant par-là que nous continuons simplement l’ancien parti, comme si le révisionnisme n’avait été qu’une simple parenthèse débutant en l954 ou en l963 sans voir que le PCMLB doit être un parti entièrement nouveau, correspondant à une époque nouvelle. »

Dans le n° 156, continuant la série d’articles sur le parti qui applique « concrètement » les grands principes de la construction et de l’édification du parti, Clarté joue avec la terrible vérité… sans jamais aller plus loin que les remarques sur le style de travail.

« Ceux qui ont rompu avec le PCB ont tendance à refaire un PCB ‘bis’ qui ne trahirait pas. Mais reprendre le même style, la même organisation, les mêmes façons de travailler, même en gauchisant les slogans ou les attitudes, c’est reprendre les mêmes chemins vers les marais de l’opportunisme et du révisionnisme. »

Le n° 162 est le couronnement des innombrables « bilans de l’expérience » qui n’apprennent rien, puisqu’on sait d’avance ce qu’ils veulent prouver : la virginité de Clarté. L’article commence par une rectification :

« Il est faux aussi de dire, comme nous l’avons dit parfois avec légèreté, que tout commence lorsque la clique Lalmand−Terfve s’empare du parti. Les erreurs révisionnistes du parti ont leurs racines très loin, et chaque réédification du parti a repris ces erreurs parce qu’elle ne les a pas analysées et critiquées en profondeur. »

Or, quelle critique approfondie Clarté présente-t-il dans son bilan de 50 années de communisme ? Rapprochons deux phrases du même paragraphe :

« Que l’on pense qu’en cinquante ans, le parti communiste n’a pas esquissé la moindre analyse de classe de la Belgique, de l’économie belge, ou du rôle des syndicats ! »

« Ecrits au jour le jour, au fil des événements, les articles de Jacquemotte sont pour la plupart d’une bonne valeur, d’une incontestable actualité ! »

Une actualité, oui, dans la façon subjectiviste de travailler ! Pourquoi se tuer à faire une analyse, si des articles écrits au jour le jour, sans analyse de classes, sont de bonne valeur ? Pourquoi ? Parce que cela se fait. Et dans le n° 164, l’analyse est là, pour bien marquer que les cinquante ans ont pris fin, et qu’un parti nouveau s’édifie.

Nous avons vu précédemment en quoi consiste cette « analyse de classes ».

En définitive, Clarté est prêt à reconnaître toutes sortes de carences, excepté l’essentiel : sa nature de classe bourgeoise et son injustifiable prétention d’être le « Parti marxiste-léniniste ». Il a reconnu que la Conférence historique de novembre 1967 a bâclé le travail, construit une unité de façade ; il avoue sans gêne n’avoir ni thèses, ni programme, ni statuts (n° 120, n° 81), ni cellules d’entreprises :

« Il n’est pas de parti marxiste-léniniste sans cellules ; on n’est pas un véritable membre du parti marxiste-léniniste si on n’est pas membre d’une cellule de base. Il faut rappeler sans cesse ces vérités. » (n° 166)

Il reconnaît même n’avoir rompu que sur le plan organisationnel avec le révisionnisme (n° 145, p.5), en refusant toutefois de s’engager plus loin sur ce chemin périlleux.

Les « appels à l’unité ».

La conclusion que Clarté tire de ses « autocritiques » est qu’il faut construire et édifier le parti révolutionnaire prolétarien, que c’est la tâche la plus urgente aujourd’hui… et que ce parti, c’est justement le sien.

« Ce parti, nous avons entrepris de le construire. Nous n’accepterons jamais de revenir en arrière, mais nous sommes persuadés que d’autres doivent le construire avec nous. » (n° 166, p.7)

« Construire le Parti avec nous » signifie donc s’inscrire à Clarté. Le titre d’un article du n° 81 était très clair là-dessus :

« Créer le parti ? Non ! Le parti existe et combat ! » L’unité des marxistes-léninistes se fera en se soumettant au P« CML »B, ou ne se fera pas. Le seul argument, la formule magique pour rallier les révolutionnaires est : « le-parti-est-petit-mais-il-existe ». Il n’est question dans aucun article du journal de la ligne du petit parti ni de rallier les marxistes-léninistes sur la « justesse » de la ligne du petit parti.

Comment Clarté envisage-t-il la construction du Parti ? Et avec qui, selon lui, faut-il le construire ?

La conception de l’unité de Clarté se traduit par une absence de principes (le mot d’ordre est : à la base et dans l’action) et par un balancement de l’opportunisme au sectarisme selon qu’on cherche à attirer des militants ou des groupes ou à prévenir leurs critiques.

Dans la série d’articles la plus importante consacrée à « l’unité des révolutionnaires et plus particulièrement des marxistes-léninistes » (n° 116-117-118), aucune priorité n’est mise en avant dans le travail d’unification, puisqu’il s’agit d’un simple recrutement.

« Il faut persévérer dans toutes les directions. Que ce soit en direction des camarades encore influencés par les révisionnistes, que ce soit en direction des organisations non marxistes-léninistes, mais qui luttent contre au moins certains aspects du régime (…) (il s’agit de la Volksunie et du Rassemblement Wallon) » (n° 118)

Examinons comment Clarté persévère « dans toutes les directions ».

1) Envers l’Exploité :

L’Exploité est le groupe idéologiquement le plus proche de Clarté ; ils sont l’un pour l’autre des partenaires privilégiés. Mais l’unité organisationnelle est impossible, à cause des antagonismes de personne qui les opposent. L’obligation où Clarté se trouve de paraître chercher l’unité et la haine qu’il a envers l’Exploité se reflètent dans un mouvement de va-et-vient entre l’invite et l’insulte.

En 1967 (n° spécial du 22/12), Trifaux était qualifié de « traître révisionniste » : « (Le Parti communiste) a été poignardé par les diverses trahisons révisionnistes de Lalmand à Grippa, de Burnelle à Trifaux… »

Cela n’empêchera pas Clarté de s’adresser à l’Exploité, dans le but de s’unir. Il est vrai qu’en même temps, Clarté se remet à le dénoncer : c’est ainsi que dans un même article (n° 115/1970) Clarté assure à la fois que « C’est assurément avec le groupe carolorégien de ‘L’exploité‘ que les pourparlers ont été menés de façon La plus suivie » et que « la scission (Trifaux-Grippa) n’a pas eu d’origine politique mais résultait de rivalités personnelles au sein de la fédération de Charleroi ».

2) Envers les groupes bourgeois et révisionnistes :

La « fusion » avec le groupe borain éclaire bien la conception de Clarté sur « l’unité à la base et dans l’action ».

« Il y a eu des divergences avec un groupe borain sorti du PC mais resté hors du parti. Mais l’unité d’action a favorisé l’unité sur les principes. Il y a lieu d’abord de se mettre d’accord sur les principes par des actions communes sur des questions précises. » (n° 81/1969)

Clarté va même jusqu’à faire des avances à la Volksunie et au Rassemblement Wallon.

« C’est vrai qu’objectivement, la Volksunie et le Rassemblement Wallon sont des partis chauvins et des rouages du régime. Mais il est nuisible de se contenter d’une analyse schématique. Il y a dans ces deux formations, qui gagnent rapidement en influence, des petits bourgeois, mais aussi des travailleurs, des jeunes, qui ont le mérite d’avoir rompu avec les partis du régime, d’avoir une certaine conscience du problème national, qui luttent contre l’Etat unitaire. » (n° 116)

Ainsi l’analyse « non-schématique » considère que l’aspect positif de ces « rouages objectifs du régime », serait « la lutte contre l’Etat unitaire » de sa base ouvrière – alors que dans le n° suivant, Clarté se charge lui-même d’expliquer pourquoi le mot d’ordre de fédéralisme, de lutte contre l’Etat unitaire, est dépourvu de contenu de classe, et sert de diversion aux partis bourgeois. Il serait plus juste de situer l’élément déterminant de l’analyse « non-schématique » une ligne plus haut, quand il est dit que « ces deux formations gagnent rapidement en influence. »

3) Envers les groupes d’intellectuels révolutionnaires :

A l’égard des groupes d’intellectuels révolutionnaires, Clarté oscille de la bienveillance protectrice au mépris sectaire. Mijnwerkersmacht fut qualifié en 1970 de « sympathique » (n° 96). Clarté fit l’éloge de la solidarité ouvriers-étudiants, « qui s’exprime d’une façon idéale dans Mijnwerkersmacht, organisation de lutte à la base, commune aux mineurs et aux étudiants » (n° 100).

Le même article complimente le SVB, « dont nous avons eu le tort de trop peu nous occuper jusqu’ici » !

A cette époque, de multiples « autocritiques » sont lancées pour faciliter le recrutement des jeunes révolutionnaires. Mais en même temps s’exprime la peur devant la prise de conscience communiste de l’avant-garde du mouvement étudiant :

« Il y a trop d’étudiants convaincus qu’ils ont à éclairer la classe ouvrière, à l’aider à construire (bien plus tard) le parti révolutionnaire (dont ils nient l’existence). Ils ne voient pas que dans le milieu étudiant, ils ont un travail de masse, de front uni à accomplir… » (n° 91/1970)

Pour garder son monopole dans la révolution, Clarté reprend la position révisionniste : « Etudiants, à l’université ! Ouvriers, à l’usine ! » et propose aux étudiants révolutionnaires d’attendre que la majorité des étudiants petits-bourgeois choisissent le camp de la révolution.

Lorsque UUU, un groupe d’intellectuels révolutionnaires, entama un travail régulier autour de quelques entreprises, dans les limites d’une agitation et d’une propagande économistes, doublées d’un travail organisationnel centré sur des comités de grève, Clarté portera à nouveau une critique droitière, ouvriériste. La seconde grève de Citroën sera l’occasion d’attaques pleines de démagogie :

« Il serait absurde de vouloir donner des leçons aux ouvriers sur la manière dont ils doivent mener la lutte,(…) si nous n’avons pas appris à penser comme un ouvrier, à comprendre leurs préoccupations et leurs problèmes. (…) Nos camarades d’UUU sont tombés dans un piège, celui de l’idéologie bourgeoise selon laquelle l’intellectuel est le cerveau qui pense et l’ouvrier le bras qui exécute. (…) Que les étudiants participent à un tel meeting, c’est une excellente chose, mais ils ne doivent pas en prendre la direction. » (n° 134, p.8)

A mesure que le mouvement marxiste-léniniste se renforce, la situation de Clarté est de plus en plus compromise. Clarté se rend compte qu’aucune organisation marxiste-léniniste ne le ralliera jamais et que bientôt la critique du néo-révisionnisme l’abattra. C’est pourquoi il amplifie sa démagogie ouvriériste :

« Le parti communiste marxiste-léniniste de Belgique est un parti ouvrier. La majorité de ses militants sont des ouvriers. Dire qu’il est un parti ouvrier ne veut pas dire qu’il refuse les autres travailleurs, qu’il refuse les intellectuels révolutionnaires. Ce serait tourner le dos au marxisme-léninisme, oublier que Marx, Engels, Lénine, Mao, Enver Hodja, Ho Chi Minh, sont des intellectuels révolutionnaires. Mais dans un parti marxiste-léniniste, c’est la classe ouvrière qui dirige – nous disons bien la classe ouvrière, les prolétaires modernes et non des intellectuels ou des étudiants déguisés en ouvriers… » (n° 166/1971)

Clarté disserte sur l’origine petite-bourgeoise des « étudiants », avec le fiel et la démagogie des dirigeants syndicaux ou des révisionnistes lorsqu’ils tentent de diviser les ouvriers et les intellectuels révolutionnaires, et explique à qui veut l’entendre que si les groupes « étudiants » restent en dehors du Parti, c’est à cause de leur individualisme petit-bourgeois, qui refuse la discipline prolétarienne et les règles du centralisme démocratique.

Les « appels à l’unité » que lance Clarté valent ce que vaut sa conception du Parti : une entreprise où faire carrière.

Les variations dans ses attitudes – paternalisme ou sectarisme – sont fonction de l’imminence du danger politique. Tant que l’hégémonie de Clarté n’est pas mise en cause, tant que l’organisation considérée se cantonne dans l’économisme, le spontanéisme, refusant de poser la question du Parti, Clarté la flatte et cherche à la recruter. Quand il sent que le mouvement lui échappe et se met sur les positions communistes, il l’attaque.

« Nous ne repoussons pas les intellectuels petits-bourgeois, dès qu’ils se lient au peuple, vivent la vie du parti en militants modestes et disciplinés. »

Quand les révolutionnaires rejettent le P« CML »B, ils se trompent en voulant diriger la classe ouvrière ; quand ils se soumettent au P« CML »B, ils se lient au peuple.

Pour le P« CML »B, l’« unité » se pose en termes de liquidation de toute tendance, groupe, militant qui ne reconnaîtrait pas sa suprématie, ou d’annexion des éléments dont la conscience politique serait assez faible pour accepter le néo-révisionnisme. Cette politique de l’« unité » est une pure formé de « colonialisme » de parti, par lequel les organisations révolutionnaires sont jugées acceptables selon leur retard à l’égard du marxisme-léninisme, ou méprisables selon leur avance à l’égard du marxisme-léninisme. En réalité, comme tous les révisionnistes, le P« CML »B craint comme la mort le progrès des marxistes-léninistes authentiques, parce qu’ils sont les porteurs de la théorie communiste et que celle-ci amène la destruction de l’opportunisme.

IV. CONCLUSION

LE MOUVEMENT MARXISTE-LENINISTE ET LE REVISIONNISME.

Avant de construire, il faut détruire. Il n’est pas possible aux communistes de constituer le centre et d’élaborer la ligne politique s’ils ne mènent pas systématiquement la lutte contre la ligne noire, s’ils ne s’opposent pas aux menées de l’ennemi principal, le révisionnisme.

L’histoire du P« C »B, du grippisme et de ses séquelles, enfin l’état présent d’un mouvement marxiste-léniniste qui n’avait pas jusqu’ici engagé une lutte conséquente contre le révisionnisme moderne et le néo-révisionnisme, témoignent que loin d’être battu, le révisionnisme n’a pas encore cessé d’être la tendance dominante dans le mouvement communiste belge. Ne pas comprendre cela, sous-estimer ce danger ou le combattre sans esprit de suite, c’est permettre à la bourgeoisie d’investir le mouvement complètement et de s’y installer en maître.

Les marxistes-léninistes ont défini les tâches déterminantes du mouvement actuel. C’est l’ensemble des tâches internes : révolutionnaires l’idéologie des camarades par la lutte contre toutes les formes du révisionnisme, lutter pour l’unité, étudier la science marxiste, construire le programme communiste.

Nous ne parlons ici que de la première de ces tâches, la révolutionnarisation de notre idéologie. Elle conditionne l’exécution de toutes les autres. « Il faut pratiquer le marxisme-léninisme, et non le révisionnisme, voilà le principe primordial. »

Le révisionnisme suit à l’époque historique présente deux aspects distincts, le révisionnisme moderne et le néo-révisionnisme. Le développement de la lutte menée par les communistes contre ces deux aspects est inégal d’un pays à l’autre. En Belgique, aucune lutte conséquente n’a encore été entreprise contre le révisionnisme moderne, représenté par le P« C »B. Les marxistes-léninistes ont de la trahison de ce Parti une connaissance sensible, éclairée par les victoires remportées au niveau mondial par le PCC et le PTA. La tâche des marxistes-léninistes belges est de parvenir à la connaissance rationnelle des caractères spécifiques qu’a pris le révisionnisme moderne dans leur pays, et de chasser ce courant bourgeois du mouvement ouvrier. Pour cette raison, l’UCMLB entreprend de faire le bilan approfondi du P« C »B. Nous appelons les camarades du mouvement à nous rejoindre dans l’accomplissement de cette critique révolutionnaire, comprise comme un facteur important de l’unification des marxistes-léninistes et de la construction du Parti.

Nous devions porter nos premiers coups aux trois Partis néo-révisionnistes, parce que, se réclamant frauduleusement de la pensée-maotsétoung, ils constituent un obstacle immédiat à l’accomplissement correct des tâches de construction du Parti marxiste-léniniste. Nous avons poursuivi un double but : démasquer ces traîtres et les chasser du mouvement, mettre le mouvement en garde contre le danger qui le menace et poser les fondements idéologiques et théoriques de la lutte que les communistes doivent livrer aux opportunistes infiltrés dans leurs rangs.

Par le fait qu’il n’y eut jamais de lutte conséquente menée par des marxistes-léninistes contre le néo-révisionnisme en Belgique, la situation idéologique des communistes n’était pas clarifiée et la menace du néo-révisionnisme ne pouvait pas apparaître nettement.

Nous avons montré les liens politiques, idéologiques et organiques existant entre le P« C »B, la Voix du Peuple, !’Exploité et Clarté. C’est le cours de la ligne noire. Nous avons indiqué également qu’il avait existé une ligne de gauche menée par des étudiants et d’autres jeunes, qu’elle avait rompu avec Grippa en 1967, puis avec Clarté après une brève opposition et que certains éléments de cette ligne s’étaient par la suite mis à la tête du mouvement étudiant et de l’organisation révolutionnaire (spontanéiste) UUU. Ces militants avaient repris ce qu’à son corps défendant le Parti de Grippa eut de positif : ils ont contribué à faire connaître la pensée-maotsétoung en Belgique, par leur intervention dans les luttes étudiantes et ouvrières et par leur pratique dans certains groupes révolutionnaires. C’était le cours d’un fil rouge. A présent ces militants suivent une ligne anarchisante, mais leur apport n’a pas été perdu : il est approfondi, systématisé et renforcé par une partie du mouvement marxiste-léniniste actuel.

Cette analyse de la ligne noire et de la ligne rouge met en évidence les rapports immédiats qui existent entre révisionnisme moderne et néo-révisionnisme d’une part, et ceux qui ont existé entre néo-révisionnisme et spontanéisme d’autre part. Mais ce serait, dans l’analyse du néo-révisionnisme, l’erreur théorique la plus grave que commettraient les marxistes-léninistes s’ils s’imaginaient que le néo-révisionnisme est arrivé au bout de sa course, que les trois Partis constituent une curiosité sans lendemain propre à une certaine période ou à certaines régions du pays, un épiphénomène qui n’a guère de chances de se reproduire et encore moins de prendre racine dans le mouvement.

Il est certain que les trois Partis ont développé en un petit nombre d’années une ligne et une pratique dont le caractère est à ce point monstrueux qu’ils peuvent servir de repoussoir. Cela s’explique par le fait que les dirigeants de ces Partis sont des comploteurs qui n’ont en vue que leurs intérêts personnels, et qu’ils ne se sont heurtés de 1963 à 1972 à aucune résistance politique sérieuse de la part des militants honnêtes.

L’arrivisme des dirigeants peut certainement suffire à livrer un Parti Communiste à la bourgeoisie. Mais il n’est pas une condition nécessaire à la formation d’une ligne révisionniste traître.

Le révisionnisme a des fondements politiques objectifs, et le néo-révisionnisme ne fait pas exception à cette loi. La nature de comploteurs de Grippa et consorts n’est qu’une circonstance aggravante qui ne doit pas nous cacher le fond de la question.

Le révisionnisme, c’est la bourgeoisie dans le mouvement communiste. Il s’oppose aux principes et à la théorie marxiste-léniniste, tout en les prenant comme masque. Ces deux éléments, la nature bourgeoise et la façade communiste, sont les éléments constitutifs du révisionnisme, et il n’y en a pas d’autres. C’est là que gît l’explication profonde des trois Partis, et c’est pourquoi des organisations qui se sont formées en dehors d’eux ou de leur influence directe, seront contaminées par le même mal, si les communistes ne mènent pas une lutte consciente et déterminée contre les tendances révisionnistes, néo-révisionnistes, qui s’y cachent inévitablement.

Beaucoup de militants honnêtes sont aussi induits en erreur par la diversité des aspects que prend le révisionnisme. Ils croient de ce fait avoir affaire à des ennemis différents, dont ils discernent mal la nature, les contours politiques, les rapports internes et l’ordre d’importance. Il est vrai que le révisionnisme « varie ses formes à l’infini » (Lénine), et nous pouvons vérifier le fait dans les trois Partis, qui sont cette « macédoine où l’on trouve de tout, excepté les principes du marxisme-léninisme » (25 points). Mais les formes, les aspects spécifiques sont toujours secondaires par rapport à la nature du contenu. Il est essentiel de comprendre que l’ennemi qui prend tant de déguisements est notre ennemi mortel direct, le révisionnisme caché sous les dehors de la pensée-maotsétoung, le néo-révisionnisme.

Si les communistes définissent l’ennemi principal de façon erronée et s’ils ne redressent pas leur erreur, ils sont incapables de le démasquer et de le chasser. A la longue, ils deviennent sa proie. Ils portent leurs coups à des ennemis secondaires, et ils les portent mal. Les ennemis les plus redoutables restent cachés. Prendre aujourd’hui comme cible principale à l’intérieur du mouvement une tendance « spontanéiste », « économiste », « anarcho-syndicaliste », etc. relève de cette erreur.

Pour mener la lutte idéologique de façon victorieuse, les communistes doivent obéir aux règles suivantes :

1. Il faut faire l’analyse marxiste du révisionnisme sous ses formes actuelles pour en dénoncer les traits fondamentaux tels qu’ils se révèlent sur tous les terrains de l’activité politique, et il faut engager cette lutte avec une claire conscience de la nature de classe du révisionnisme ainsi que de la nécessité de se démarquer complètement avec lui.

2. Concrètement, la cible centrale de la critique communiste sont les erreurs qui entravent l’accomplissement correct de nos tâches principales. Nous affirmons une nouvelle fois la nécessité de l’unité et de l’étude, liée à la pratique. Nous combattrons donc surtout le sectarisme, le subjectivisme, le praticisme, comme les manifestations principales actuelles du cours néo-révisionniste dans le mouvement.

3. La lutte idéologique doit se mener dans toute son ampleur. La lutte entre les deux lignes traverse toutes les organisations. Cependant son terrain principal est non chaque organisation prise à part mais le mouvement en son entier. Privilégier la lutte idéologique interne, c’est mettre son organisation au-dessus du mouvement, c’est rétrécir le champ de la lutte et obscurcir son objet principal : la réalisation de l’unité des marxistes-léninistes selon les principes.

  1. L’alliance de classe que l’Exploité prétend forger devient l’alliance avec un individu. Ce n’est pas l’alliance avec des fractions de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie que recherche l’Exploité, mais bien les bonnes grâces du directeur du charbonnage du Petit-Try. Ce ne sont pas les masses qui sont les véritables héros, mais bien des personnalités « au-dessus » de la masse, tel Henin, tels les dirigeants de l’Exploité. Ce sont elles qui font l’histoire. Ce qui compte, ce ne sont pas les intérêts fondamentaux des masses, mais bien de savoir si Henin est ou non un « brave type ». Le socialisme, ce n’est pas l’émancipation du prolétariat et du peuple travailleur, c’est la mise au travail d’Henin, c’est le pouvoir aux mains des dirigeants de l’Exploité.

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