Milieu d’intellectuels et de petit-bourgeois, le surréalisme s’est naturellement tourné vers le trotskysme. En octobre 1925, André Breton saluait dans La Révolution surréaliste la publication d’un ouvrage de Léon Trotsky sur Lénine. André Breton y saluait la révolution en général, sans jamais aborder la question de l’économie politique, et la conclusion de l’article est révélatrice :

« Vive donc Lénine ! Je salue ici très bas Léon Trotsky, lui qui a pu, sans le secours de bien des illusions qui nous restent et sans peut-être comme nous croire à l’éternité, maintenir pour notre enthousiasme cet inoubliable mot d’ordre : « Et si le tocsin retentit en Occident, – et il retentira, – nous pourrons être alors enfoncés jusqu’au cou dans nos calculs, dans nos bilans, dans la N.E.P., mais nous répondrons à l’appel sans hésitation et sans retard : nous sommes révolutionnaires de la tête aux pieds, nous l’avons été, nous le resterons jusqu’au bout. »

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Lorsque le trotskysme se développe – en 1928 il est une tendance idéologique organisée – le surréalisme le suit en parallèle. En 1927, cinq figures surréalistes sautent le pas et demandent leur adhésion au Parti Communiste : André Breton, Louis Aragon, Paul Eluard, Pierre Unik, alors que Benjamin Péret a adhéré en 1926.

D’autres, à l’instar d’Antonin Artaud, refusent et passent dans le camp de la « métaphysique expérimentale » autour de la revue Le grand jeu publié de 1927 à 1932 à l’initiative de Roger Vailland (1907-1965) ; il en sera de même pour Robert Desnos, Jacques Baron, Michel Leiris et Raymond Queneau.

On les retrouve aux côtés d’autres, comme Georges Bataille et Jacques Prévert, en janvier 1930 lorsque paraît un document consistant en de violentes attaques contre André Breton, sur le modèle du pamphlet Un cadavre écrit au moment de la mort d’Anatole France.

Dès 1928 les cinq surréalistes abandonnaient pourtant en pratique le Parti Communiste et par la suite les thèses du réalisme socialiste commencent à se développer. Les surréalistes devenus politiques ont d’une certaine manière un pied dans le Parti Communiste et un pied dehors, la situation étant toujours plus intenable.

Des surréalistes abandonnent alors leur position et renoncent au surréalisme, comme Louis Aragon, Maxime Alexandre, Georges Sadoul et Pierre Unik.

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Louis Aragon et Georges Sadoul furent notamment mis devant le fait accompli lorsqu’ à la fin de la seconde Conférence internationale des Écrivains révolutionnaires à Kharkov en URSS, on les somme de signer un document caractérisant le surréalisme comme une « réaction des jeunes générations d’intellectuels provoquée par les contradictions du capitalisme dans la troisième phase de son développement » et s’auto-critiquant de « ne pas avoir provoqué le contrôle de leur activité littéraire par le parti, ne pas avoir milité de façon constante dans les organisations de base, avoir attaqué Henri Barbusse, avoir laissé imprimer des critiques de la presse du parti dans les revues surréalistes. »

De fait, lorsqu’en janvier 1932, est fondée l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires, les surréalistes n’ont pas le droit d’en faire partie. Aragon devient alors une cible importante des surréalistes, qui expriment leur point notamment dans Paillasse ! (Fin de « l’affaire Aragon »).

André Breton a, de fait, comme les surréalistes politiques, choisi son camp. En 1929, dans le second manifeste du surréalisme, André Breton menait déjà l’offensive, prônant une pseudo indépendance des artistes. Il dit notamment :

« Je ne vois vraiment pas, n’en déplaise à quelques révolutionnaires d’esprit borné, pourquoi nous nous abstiendrions de soulever, pourvu que nous les envisagions dans le même angle que celui sous lequel ils envisagent – et nous aussi – la Révolution : les problèmes de l’amour, du rêve, de la folie, de l’art et de la religion… »

André Breton et les surréalistes prirent toujours plus ouvertement partie pour le trotskysme. André Breton publia en 1935 Position politique du surréalisme ainsi que Du temps que les surréalistes avaient raison ; la ligne de « l’indépendance » des artistes est encore souligné, le réalisme socialiste étant diffamé :

« Les communistes ne pensent qu’à la littérature de propagande. Or, l’activité poétique, telle que la conçoit le surréalisme, ne peut subir un contrôle de ce genre ; Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Apollinaire ont créé une sorte de déterminisme de la poésie qui rend impossible le souci de propagande. »

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André Breton giflera également en pleine rue Ilya Ehrenbourg, délégué de l’URSS au Congrès des écrivains pour la défense de la culture, meeting international se tenant suite à la victoire du nazisme et dans le cadre de l’antifascisme.

André Breton rejette l’antifascisme et le Front populaire se situant parfaitement dans la ligne trotskyste, et rejoint le trotskyste Boris Souvarine et Georges Bataille, partisan d’une « théologie négative » de l’érotisme et de la transgression, pour fonder le groupe Contre-attaque.

Il a ensuite au Mexique rejoindre Léon Trotsky, écrivant avec lui en 1938 le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant, préconisant la liberté complète des artistes. André Breton fonde alors la Fédération internationale de l’art révolutionnaire indépendant, tentant de former un front au service du trotskysme.

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Les succès de l’URSS firent échouer un tel plan, et le surréalisme se prolongea en assumant un mélange anarchiste – trotskyste. Dès février 1945, Benjamin Péret, qui avait rejoint les rangs des trotskystes du POUM pendant la guerre d’Espagne, publia Le déshonneur des poètes. Alors que lui-même était sur le continent américain et n’avait pas pris part à la Résistance, il écrit à Mexico pour dénoncer… l’ouvrage L’Honneur des poètes, anthologie des poèmes engagés diffusés clandestinement pendant la Résistance !

Et cela, bien sûr, au nom de la créativité absolue, de la liberté absolue du poète, du statut absolu de la poésie qui est fondamentalement indépendant, merveilleuse et subjective, etc. Le surréalisme n’est bien qu’un prolongement du symbolisme-décadentisme.


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