10. 1981 : les BR sont seules

1981, c’est l’année de la solitude pour les BR après l’échec définitif de la guerriglia diffusa, la « guérilla diffuse ».

Prima Linea n’a également pas tenu le choc ; des militantEs se sont dissociéEs, et les différents congrès de l’organisation n’arrivent pas à inverser la tendance.

Une partie rejoint les BR, une autre forme un « pôle organisé », finalement est formé le groupe des COLP, « Comunisti Organizzati per la Liberazione Proletaria ».

Ne restent donc plus que les BR, qui s’appuient surtout sur :

– la colonne romaine,
– la colonne napolitaine,
– la colonne Vénétie,
– la colonne Walter Alasia de Milan.

Cette dernière a exécuté en automne 80 deux managers de chez Marelli & Falk, et pratique un « réformisme armé ». Elle profite de l’arrivée de militants des NAPO (Nuclei Armati per Il Potere Operaio).

De multiples actions sont menées. En janvier à Milan, la colonne Walter Alasia, qui prend de plus en plus le large avec la direction des BR, exécute le directeur du grand hôpital, la « Policlinico ». Son mot d’ordre : « Construisons le Parti Communiste Combattant ». A Rome, les BR exécutent le général de gendarmerie Enrico Galvaligi. Le 7 avril, deux policiers sont tués.

Les BR lancent alors une offensive simultanée, qui va montrer les différentes conceptions des colonnes. L’offensive est générale, mais chaque colonne considère les choses selon son point de vue.

Ciro Cirillo

Ciro Cirillo

– La colonne napolitaine

Le 27 avril la colonne de Naples exécute l’escorte du député Cirillo et enlève celui-ci.

Responsable démocrate-chrétien de la région Campania, Cirillo se voit exiger de nouveaux logements et le paiement d’indemnités pour le tremblement de terre en Italie du sud de novembre 80. La colonne a ici comme stratégie d’élever le niveau de lutte des chômeurs et des sans-logis : « contre la restructuration du marché du travail, soutenir les luttes du prolétariat marginal et illégal, et construire les organisme de masse révolutionnaire ».

La ligne de la colonne se veut clairement mouvementiste, et un document est même signé : « Front des Prisons, Colonne de Naples. Pour le Communisme, Brigades Rouges ».

– La colonne Vénétie

Le 20 mai la colonne Vénétie enlève Talierco, directeur de l’usine Montedison de Mestre, par le commando « Ana Maria Ludmann ». Il est considéré comme responsable des restructurations et des licenciements chez Montedison.

– La colonne milanaise

Le 1er juin la colonne Walter Alasia enlève l’ingénieur et directeur de l’organisation du travail chez Alfa-Roméo, Sandrucci, et exige l’abandon du licenciement prévu de 500 travailleurs de chez Alfa-Roméo.

Renzo Sandrucci prisonnier des Brigades Rouges en juillet 1981

Renzo Sandrucci prisonnier des Brigades Rouges en juillet 1981

Les documents publiés par les BR montrent une connaissance parfaite des restructurations, révélant par là même que les BR ont des sympathisants chez les cadres. Y sont analysés la situation de l’entreprise, le développement technologique, et constatés que la rationalisation de la production ne va pas dans le sens d’une humanisation, mais dans celle de l’intensification du travail salarié.

Le 30 octobre est arrêté le chef présumé de la colonne. Il a 25 ans, travaillait chez Alfa-Roméo depuis 1977, était délégué depuis 1979 ainsi que membre de la commission exécutive du Conseil d’Usine, et est passé en 1980 dans la clandestinité.

– La colonne romaine

Le 11 juin c’est la colonne romaine qui donne le ton, en enlevant et exécutant le frère de Patrizio Peci, Roberto, qui est lui-même un repenti (Patrizio Peci, arrêté en février 1980, étant le repenti ayant balancé le plus de noms à la police). Le 19 juin l’avocat de Patrizio Peci est jambisé. La colonne revendique les actions au nom du « front des prisons ».

La colonne romaine est très proche de la ligne mouvementiste, en raison de son origine : elle provient notamment de deux groupes de la « guérilla diffuse » : les « Formations armées communistes », créées en 1974 et les « Unités Combattantes Communistes ».

Ce dernier groupe avait tenté en 1976, en enlevant un négociant de viande, de faire vendre 70 tonnes de viande à bas prix dans des quartiers prolétaires de Rome.

Les « résultats » diffèrent selon les colonnes.

Cirillo est ainsi libéré après la reconstruction des maisons et la distribution d’allocations chômage.

Le « porc Talierco » est par contre exécuté par la colonne Vénétie.

Sandrucci est lui libéré après 51 jours suite à une distribution de tracts brigadistes dans l’usine, la publication de l’interrogatoire de Sandrucci et l’abandon des licenciements.

Les positions au sein des BR commencent donc à devenir sérieusement divergentes. Les multiples activités sur le plan militaire ont amené à une dérive militariste.

Susanna Ronconi

Susanna Ronconi

En juillet, la colonne Walter Alasia de Milan publie ainsi un document de 21 feuillets où elle critique ce qu’elles considèrent comme des « déviations » au sein des BR. En automne c’est la colonne vénitienne qui éclate. La majorité conserve le nom de « Anna Maria Ludmann » et prépare l’enlèvement du général américain Dozier, conservant l’orientation générale.

Une partie rejoint elle les positions mouvementistes, qui aboutiront à la constitution du « Parti-Guérilla » et se prépare à attaquer la prison de Rovigo, d’où elle fera s’évader Suzanna Ronconi et trois autres militantes.

Une partie prend le nom de Colonne 2 août (en référence à des affrontements sanglants entre ouvriers et policiers à Porto-Marghera le 2 août 1970).

La scission se consomme alors définitivement, avec la publication de deux textes théoriques, représentatives des deux tendances principales existantes dans les BR.

Deux différentes « Résolutions de la direction stratégique » paraissent en décembre.

Celle de la minorité tout d’abord. Le document « Crise, guerre et internationalisme prolétarien », qui fait à peu près 300 pages, a été écrit par la « Brigade de Palmi » des BR, constituée du noyau historique emprisonné, notamment Renato Curcio.

Une nouvelle organisation se forme le 16 décembre 1981, se référant à la ligne de ce document : les Brigate Rosse – Partito Guerriglia del proletariato metropolitano (Brigades Rouges – Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain).

Les BR-PGPM sont principalement issues du fronte carceri (front des prisons) romain et napolitain ; le petit groupe « potere proletario armato » appuiera cette ligne.

Leur activiste principal est Giovanni Senzani, qui considère que le système a intégré la classe ouvrière et qu’il faut s’appuyer sur le « proletariato extralegale », prolétariat des travaux illégaux et au noir, pour former la guérilla, seule force libératrice dans les métropoles.

Prison de Rovigo après l'évasion de Susanna Ronconi et trois autres militantes

Prison de Rovigo après l’évasion de Susanna Ronconi et trois autres militantes

Les BR-PGPM considèrent que « le mode de production capitaliste n’est plus régulé par la loi de la valeur-travail », et qu’il faut donc « déclencher la guerre sociale totale ». Le terme de Parti-Guérilla provient d’un communiqué des Brigades rouges du 4 avril 1971, distribué à l’usine Pirelli de Milan et repris dans le journal « Nouvelle Résistance », où est parlé de « l’édification du Parti-Guérilla ».

La ligne majoritaire des BR est refusée et qualifiée de « néo-révisionniste armée ».

Le second document est intitulé « Deux années de lutte politique » et fait précisément 184 pages. Il sera joint au communiqué numéro 2 de l’enlèvement du général américain Dozier et retrace la lutte pour la ligne au sein des BR.

La majorité des brigadistes, qui se reconnaît dans le texte, prend le nom de Brigate Rosse per la costruzione del partito comunista combattente (brigades rouges pour la construction du parti communiste combattant).

Le 17 janvier 1983, les BR-PCC publieront un texte décrivant leur stratégie générale, intitulé « Replacer l’activité générale des masses au centre de l’Initiative« .

Elles partent du fait que de très graves problèmes internes ont désagrégé les BR :

« A partir de 1980, chaque colonne de l’Organisation située dans les pôles métropolitains a affronté le problème de l’enracinement dans les situations en assumant certaines contradictions qui s’exprimaient localement, contradictions différentes d’une ville à une autre. Un plus grand enracinement et la désagrégation de la ligne politique sont allés de pair.

Privée d’une ligne politique qui saisisse la contradiction principale (celle entre mouvement de classe et pratiques de la bourgeoisie) et l’aspect principal de cette contradiction, c’est-à-dire le projet politique dominant dans une conjoncture donnée, privée donc d’une identité de ligne, de stratégie générale, mesurée sur la situation concrète, l’Organisation Brigades rouges a fini par assumer autant d’identités qu’il y avait de pôles principaux d’intervention. Les scissions de 1981 sont le couronnement organisationnel d’un processus de fragmentation politique en œuvre depuis longtemps »

Un autre document, intitulé « Politique et révolution » et écrit par des membres dirigeants des BR-PCC, résume la problématique des années 1979-1980, c’est-à-dire l’incapacité à assumer le dépassement de la phase de propagande armée, dépassement devant être une conséquence de l’offensive du printemps 1978.

L’option était alors de « Frapper au cœur le projet de la bourgeoisie qui, avec la Démocratie Chrétienne et Moro, se proposait, par le biais du compromis historique avec le PCI, de pacifier le prolétariat et de vider les luttes de celui-ci de leur contenu ».

Le général US James Lee Dozier capturé par les Brigades Rouges

Le général US James Lee Dozier capturé par les Brigades Rouges

L’organisation communiste combattante devait alors se transformer en Parti, ce qui fut empêché par l’enracinement foncièrement local de chaque colonne brigadiste et l’absence d’unité conséquente à cela.

Les BR-PCC lancent alors une offensive, pour reprendre l’initiative.

Le 17 décembre la colonne de Vénétie enlève à Vérone le chef de l’OTAN pour l’Europe méditerranéenne, le général US James Lee Dozier.

Cette action est dirigée contre le « projet de guerre réalisée par l’OTAN, le plan économico- politico- militaire de la bourgeoisie impérialiste de préparation d’une troisième guerre mondiale ». La répression est organisée par l’Etat italien, la CIA, l’armée US et des experts de R.F.A.. Les arrestations sont très nombreuses, et pour se protéger les BR-PGPM coupent tous les ponts avec les BR-PCC.

11. La défaite de 1982

Le 3 janvier 82 la colonne deux août libère quatre brigadistes de prison ; les COLP et le Noyau des Communistes libèrent quatre prisonniers de PL.

A Rome Ennio di Roco et Stefane Petrella sont arrêtés et parlent sous la torture. Le 9 janvier 82 Giovanni Senzani, le leader du PGPM, est arrêté ; fin janvier tout le centre de l’Italie est contrôlé et les arrestations sont légion.

Le 27 janvier 82 un brigadiste est arrêté, le 28 Dozier est libéré par les unités spéciales, les brigadistes Emanuela Frascella, Antonio Savasta, Cesare Di Lenardo, Emilia Libera et Giovanni Ciucci « arrêtés », torturés, puis officiellement arrêtés au bout de quelques jours. Seul Di Lenardo ne parle pas sous la torture.

Environ 1000 personnes eurent alors maille à partir avec la justice pour « participation aux activités d’un groupe terroriste ».

A Rome, le vice-directeur de la police anti-terroriste de Rome est grièvement blessé.

Le camarade Cesare Di Lenardo

Le camarade Cesare Di Lenardo

A Rome, la colonne napolitaine (BR-PGPM) attaque une caserne dans le sud de la ville, s’emparant de 2 mortiers de 60, 2 lance-roquettes, 4 fusils-mitrailleurs, 20 fusils d’assaut et 6 pistolets-mitrailleurs.

Mais la situation est difficile. En trois mois, il y a eu plus de 200 arrestations de brigadistes ; près de 30 bases ont été découvertes. Et en mars, les BR-PCC annoncent l’ouverture d’une phase de retraite stratégique.

« L’avant-garde doit apprendre à pratiquer la retraite stratégique, se retirer au sein des masses et construire parmi elles le système de pouvoir prolétaire armé ». « Dans la retraite stratégique, l’avant-garde, en étroite dialectique avec les masses, prépare l’offensive ».

La défaite de l’action contre Dozier trouve sa source dans un « écart entre les contenus des luttes », c’est-à-dire le niveau de conscience de la classe, et le « subjectivisme » qui s’est développé dans l’organisation et a éloigné celle-ci de l’affrontement réel.

Le PGPM attaque alors violemment les BR-PCC considérées comme allant vers la reddition. La distance séparant les deux organisations se montrent dans l’attitude des prisonnierEs au procès Moro, en avril.

Les partisanEs du PGPM écrivent un « communiqué n°1« , signé : « des militants du PGPM », et appellent à « reprendre l’offensive », à travailler à la « recomposition du prolétariat métropolitain dans la construction du système de pouvoir rouge », à la « redéfinition pratique d’un authentique internationalisme prolétarien ».

A l’opposé, les « militants de l’Organisation Communiste Combattante Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste Combattant » écrivent un « communiqué n°1 » qui défend la position de la retraite stratégique.

Dehors, la répression continue. 34 brigadistes du PGPM se font arrêter à Rome.
Francesco Lo Bianco, membre de la direction stratégique et dirigeant de la colonne génoise des BR, est également arrêté.

Cela porte à trois (avec Mario Moretti, Giovanni Senzani) le nombre des membres de la direction stratégique incarcérés.

Le PGPM accentue la pression. Il mitraille un car de police (trois blessé graves) devant le tribunal du procès Moro. La colonne napolitaine du PGPM exécute le conseiller régional démocrate-chrétien Raffaele Del Cogliano, délégué au travail.

A Rome, deux policiers sont exécutés et délestés de leurs armes. En juillet, c’est l’exécution d’Antonio Ammaturato, chef de la brigade mobile de Naples. A la prison de Trani, un repenti est tué, Ennio Di Rocco.

Brigades Rouges-Résolution de la direction stratégique-février 1978

Brigades Rouges-Résolution de la direction stratégique-février 1978

Les derniers groupes autres que les BR-PCC et le PGPM disparaissent au fur et à mesure. En avril c’est la défaite pour les NAC (Nuclei Armati Comunisti), issus des NAPO et qui menaient la lutte armée depuis 1980 ; en prison les prisonnierEs des NAC se rallieront aux BR-PCC.

En mai, la situation continue de se durcir. Le PGPM subit des arrestations : 3 à Rome, 5 à Naples.

Un chef de la colonne Toscane des BR, Umberto Catabiani, est tué au cours d’une fusillade avec la police anti-terroriste. A Rome, Marcello Capuano, dirigeant de la colonne Romaine du PGPM, est arrêté.

A Milan, un noyau armé de la colonne Walter Alasia perd un brigadiste dans un affrontement armé (il y a en plus deux brigadistes blessés et un policier tué).

En août, le groupe « prima posizione » exécute un carabinieri. Quelques jours plus tard, le PGPM lance un commando de dix brigadistes, dont trois femmes, attaquer un dépôt d’armes de l’armée de l’air dans la banlieue de Rome (« volant » en même temps une dizaine de fusils automatiques).

A Salerne c’est une caserne qui est attaquée. Quinze brigadistes, dont trois femmes, ouvrent le feu sur un convoi militaire : un policier est tué, deux blessés, deux militaires grièvement blessés. Le commando s’enfuit avec plusieurs armes automatiques.

En septembre un commando du PGPM vole quarante revolvers chez un armurier de Reggio de Calabre.

En octobre, un commando du PGPM exécute un carabinier, en blesse grièvement un autre et prennent leurs armes.

Cette dérive se cristallise dans une action discréditant totalement le PGPM : l’expropriation de la banque de Naples, à Turin. Deux vigiles sont exécutés alors qu’ils avaient été désarmés.

Les BR-PCC attaquent violemment le PGPM en raison de cette action dans le texte « Sur l’action de Turin ». Puis, en décembre, le « noyau historique » à l’origine du projet de PGPM se dissocie de l’entreprise. Prenant le nom de « collectif ce n’est que le début », il regroupe Renato Curcio et 18 autres brigadistes, à l’origine pour la plupart de « L’abeille et le communiste » (décembre 1980) et de la Résolution de la direction stratégique » de décembre 1981, intitulée « Crise, guerre et internationalisme prolétarien ».

Natalia Ligas, responsable militaire du Partito Guerriglia del proletariato metropolitano (PGPM)

Natalia Ligas, responsable militaire du Partito Guerriglia del proletariato metropolitano (PGPM)

Le PGPM continue à subir la répression : en octobre Vittorio Bolognesi et dix autres membres de la colonne napolitaine sont arrêtés. Cinq importantes caches du Parti-Guérilla sont découvertes dans la banlieue de Naples. Natalia Ligas (24 ans), chef « militaire » de la colonne napolitaine du PGPM, est capturée à Turin ; en Novembre c’est une catastrophe : 19 arrestations dont celle d’Antonio Chiocchi, l’un des chefs de la colonne napolitaine du PGPM. Puis c’est l’arrestation de brigadistes à Milan : au total 32 depuis le début de novembre, de 4 membres de la colonne turinoise.

L’année 1982 est en fait celle de la débâcle. 915 militantEs arméEs de divers organisations ont été arrêté. Sur le plan militaire la régression est patente : il y aura 580 attentats, contre 849 en 1981, 1264 en 1980, 2366 en 1979. 26 militantEs ont été tué, comme en 1981. 1523 membres des BR sont en prison, sans compter les membres d’autres groupes et organisations.

12. La tentative de réorganisation (1983)

L’année marque un tournant pour les BR. En janvier tout d’abord, la colonne milanaise Walter Alasia, en cours de reconstitution, est anéantie par la répression. Le noyau des communistes, actif depuis sa sortie de Prima Linea en 1981, est également anéantie.

Les restes des brigadistes publient un texte intitulé « Encore un pas…« , qui attaque le PGPM pour son action à Turin (« une provocation contre-révolutionnaire ») et constitue une autocritique (« Nous n’avons pas su dépasser la grille des usines »).

Quelques jours plus tard, Adrinao Carnelutti, un historique des BR clandestin à Milan, se fait arrêté, puis en février c’est le tour de Dario Facceo, fils d’un député du parti Radical.

L’activité politico-militaire se réduit au profit de nombreux débats.

Renato Curcio écrit un texte au nom du « Vatican collectif », groupe mouvementiste de détenus de Palmi. On peut y lire que « le cycle de lutte révolutionnaire armée commencé en 1978 est achevé ».

Le PGPM a été une expérience qui a échoué, mais l’objectif reste « la révolution sociale totale dans la métropole impérialiste ». Il faut s’adapter aux conditions nouvelles. « La guérilla des années 80 devra rechercher et développer dans sa pratique les langages métropolitains de la transition vers le communisme ».

Renato Curcio effectue alors une série de recherches sur la nature du prolétariat métropolitain, et les moyens de le faire agir.

Avec Franceschini, un autre « historique », il publie le très difficile texte  » Gouttes de soleil dans la cité des spectres… », où la guérilla est considérée comme le dernier espoir de l’humanité noyée dans le capitalisme.

Le document commence ainsi :

« Les routes que nous avons suivies nous ont fait finalement monter de la terre jusqu’au ciel » et nous aventurer dans le château enchanté de l’idéologie.

Nous en avons dévoilé le jeu perfide des miroirs, inspecté les passages secrets, dessiné la carte.

Maintenant que les monstres sont apprivoisés, nous pouvons revenir sur terre et affronter les labyrinthes fantasmagoriques de la vie : la métropole, désert peuplé de spectres, lieu de l’aliénation totale et de la révolte radicale, produit du capital dans la phase mourante de la domination réelle totale.

Ghost town, justement, comme le titre de l’hymne reggae de la révolte de Brixton. Vivisectionnons la bête ».

Curcio et Franceschini disent en fait que la situation a changé depuis Marx ; celui-ci pouvait dire que « l’ouvrier travaille pour vivre. Pour lui-même, le travail n’est pas une partie de sa vie, il est plutôt un sacrifice de sa vie. C’est une marchandise qu’il a adjugé à un tiers. C’est pourquoi le produit de son activité n’est pas non plus le but de son activité… La vie commence pour lui où cesse cette activité, à table, à l’auberge, au lit ».

Mais selon Curcio et Franceschini, cela n’est plus vrai aujourd’hui : le prolétaire est désormais également au service du capitalisme même quand il ne travaille pas, par la consommation.

La thèse principale est la suivante :

Renato Curcio

Renato Curcio

« Nous appelons domination réelle totale cette phase dans laquelle le capital a occupé tous les interstices de la formation sociale en les pliant à ses besoins.

Aujourd’hui, il a non seulement construit « un mode de production sui generis », mais une « formation sociale sui generis » : la métropole informatisée (…).

Ce qui signifie une modification qualitative profonde, une révolution capitaliste des besoins, des goûts, de la mentalité, de la morale… en un mot, de la conscience. Et une production des appareils, des instruments nécessaires à cela.

C’est ainsi que naît une nouvelle branche de la production, « l’usine de la conscience », avec ses fonctionnaires correspondants ; usines des modèles de consommation, des systèmes idéologiques, des systèmes de signes ayant pour but la réalisation-reproduction de la plus-value relative, du rapport social dominant.

La production n’est plus seulement production indirecte de consommation (dans le sens que toute production présuppose une consommation), mais elle se constitue aussi aujourd’hui comme « production directe de consommations » : à côté de la production d’objets marchandises, il y a la production de besoins-consommations-conscience-idéologie ; en même temps que la production de plus-value relative, il y a la production spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation.

« Production de marchandises » et « production de systèmes idéologiques » sont aujourd’hui concrètement, visiblement, les deux côtés, les deux aspects du même processus : le travail en tant qu’activité conforme à un but. Elles sont produites et vivent simultanément dans le même espace-temps ; pour se reproduire, le capital doit reproduire simultanément les deux déterminations (…).

La métropole est l’usine totale.

L’ »usine à objets-marchandises » est seulement l’un de ses secteurs, tout comme l’est l’ »usine à idéologie ». Il faut alors caractériser la composition de classe, le prolétariat, non seulement en relation avec l’ »usine partielle » mais aussi avec l’ »usine totale », la métropole dans sa globalité. Il doit être vu non seulement comme force de travail, capacité de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé, idéologisé.

Toute distinction mécaniste entre force de travail et formes de sa conscience tombe donc d’elle-même : le prolétariat dans la métropole est en même temps force de travail du capital et consommateur-conscience de celui-ci, son produit programmé et finalisé.

Tout réductionnisme à un seul des deux termes, toute séparation plus ou moins rétro-agissante de ceux-ci, mène aujourd’hui inévitablement soit vers les bachotages laborieux de l’empirisme ouvriériste-usiniste, soit vers les envolées du subjectivisme idéaliste, interdisant la compréhension de la complexité des mouvements sociaux actuels ».

La conclusion pratique est la nécessité de la violence révolutionnaire :

« Dans les conditions de la métropole, détruire les formations fétiches dans tous nos rapports sociaux est un impératif de la vie. C’est une thérapie sociale, la seule solution à la condition schizo-métropolitaine.

Devoir exercer la violence explosive devient une nécessité absolue !

Sans la pratique de la violence révolutionnaire, la simple survivance ne peut même pas être garantie, et surtout il n’y a aucune possibilité de re-fusion unitaire, dans un processus collectif de libération, de sa propre conscience éclatée. Exercer sa violence contre les fétiches du capital est l’acte conscient qui exprime le plus haut niveau d’humanité possible dans la métropole, parce que c’est au travers de cette pratique sociale que le prolétariat, en s’appropriant ainsi le processus productif vital, construit son savoir et sa mémoire, ce qui veut dire son pouvoir social, son identité ».

A l’extérieur, quelques actions ont lieu.

Une gardienne de la prison de Rebibbia à Rome est exécutée après un « procès populaire », puis une gardienne de la prison de Poggioreale, à Naples. Ce seront les dernières actions du PGPM.

Le 3 mai 83 un « noyau armé » des BR jambise Gino Giugni, professeur d’université et cadre de l’Etat (il a notamment plaidé le gel des salaires et est très proche de Craxi). Cette action forme selon les BR-PCC « le premier moment de reformation de l’initiative révolutionnaire ».

Dans ce premier communiqué depuis la débâcle de 1982 la thèse du parti guérilla est vivement critiquée. Pour le parti guérilla l’antagonisme dans les rapports sociaux est spontané, suinte de lui-même, et amène des mouvements de masse toujours plus grands contre la réalité métropolitaine.

brigades_rouges_71.jpg

Or, les BR-PCC refusent de « suivre » le prolétariat métropolitain, ne se veut ni « expression » de lui ni encore son « représentant », seulement une « composante », un « élément ». « Avant-garde dont la direction peut et doit permettre au prolétariat de se former comme classe dominante ».

Il s’agit de « mener à fond une bataille politique qui soit en mesure de défaire politiquement, dans le prolétariat métropolitain, toutes les influences néfastes de thèses qui visent consciemment à la liquidation de plus d’une décennie de projets révolutionnaires dans notre pays ».

Un groupe d’ »irréductibles » emprisonnés, rassemblant Andréa Coi, Prospero Gallinari, Francesco Piccioni et Bruno Seghetti, publie alors « Politique et Révolution ».

Pour ce groupe, l’objectif est de « Retrouver une mentalité scientifique, politique, gagnante, majoritaire, attentive aux grands nombres, en enterrant la mentalité de ghetto idéal-désirante, existentialiste, sectaire, minoritaire et obnubilée par de micro-conventicules de ‘sujets d’avant-garde’  » .

13. BR-PCC et UdCC (1984-1987)

C’est l’année de la disparition des COLP, après de nombreuses actions (dont des expropriations en France, où tombera Ciro Rizzato).

En mars, les BR-PCC publient la Résolution stratégique N° 19 (« Analyse de la situation, la lutte de la classe ouvrière et la situation politique générale italienne »), un texte de 61 pages.

Au sein des BR-PCC, qui rassemble l’ensemble des dernierEs brigadistes puisque le PGPM n’existe plus, les débats continuent.

Une grande question est l’attitude vis-à-vis de l’Union Soviétique, alors que les USA de Reagan lancent une grande offensive.

Deux positions existaient, grosso modo. La première était celle de « l’Ape et il comunista », qui considérait de manière maoïste l’URSS comme un social-impérialisme, aussi dangereux que les USA.

Brigades Rouges-Document-La lutte de la classe ouvrière et la situation politique générale en Italie

Brigades Rouges-Document-La lutte de la classe ouvrière et la situation politique générale en Italie

La seconde, celle du « groupe d’élaboration – 16 mars du camp de Trani », disait à l’opposé qu’ »on ne peut exclure par principe l’opportunité d’appuyer tactiquement aussi les forces qui font référence à l’URSS ou au soi-disant camp socialiste, bien qu’il soit clair que ce choix tout à fait contingent a lieu sans perdre de vue la tendance générale et stratégique, par rapport à laquelle le social-impérialisme constitue un impérialisme montant et dans la plus absolue et complète autonomie politique et organisationnelle ».

A cette divergence importante va en succéder une autre, qui concerne l’interprétation même du rôle de la guérilla.

Tout d’abord, il y a l’exécution le 15 février 84 du général US et commandant en chef des troupes de l’O.N.U. dans le Sinaï, Ray Leamon Hunt.

Hunt est « l’un de ces fonctionnaires consciencieux qui, placés dans le monde entier, organise des saloperies innombrables » au service de l’impérialisme US et au dépens des peuples luttant pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance.

Les BR-PCC propose une ligne générale double, se voulant dialectique et interdépendante : l’attaque au cœur de l’Etat, le front anti-impérialiste.

Cette ligne est contestée par une minorité des BR-PCC, qui est exclue en 84. On parlera désormais des deux positions.

La première, dont les partisans gardent le nom de BR-PCC, s’orientent selon une option guérillera.

L’utilisation des armes ne se décide pas selon le jour J de l’insurrection, « il s’agit d’une stratégie politico-militaire conduisant le processus révolutionnaire du début à la fin ». Le parti ne se construit pas parallèlement aux mouvements de masses, mais consiste en un « parti communiste combattant » montrant l’alternative, unifiant la classe par ses actions contre les stratégies de l’impérialisme.

Les partisanEs de cette position défendent l’héritage des BR-PCC. Ils/Elles critiquent la déviation du PGPM, influencé par « Prima Linea » (la guérilla semi-légale des autonomes pro-guérilla) et par les élucubrations du professeur de Padoue [Toni Negri], « abandonnant le prolétariat métropolitain dans sa globalité comme sujet révolutionnaire et s’obnubilant sur ses franges extra-légales et sur les prisonniers ».

L’année 1982 est vu comme une année importante, nécessitant la « retraite stratégique ».

« La campagne de répression les déchaînée par l’Etat contre le mouvement révolutionnaire a, pour ainsi dire, seulement révélé et mis en évidence dans toutes leurs implications les symptômes d’une profonde crise politique qui existait avant cette période de tortures, des trahisons et des arrestations en masses ». Il faut donc « relancer l’activité révolutionnaire dans notre pays sur des bases théoriques, politiques et organisationnelles plus solides et plus pures que par le passé ».

Mais, en tout cas « en Italie ce n’est pas la lutte armée pour le communisme qui a été défaite, mais ses conceptions idéalistes et immédiatistes ont prévalu dans le mouvement révolutionnaire et dans les Brigades rouges même ».

brigades_rouges_70.jpg

Par rapport à la seconde position s’étant développé dans les BR-PCC, la Résolution stratégique N° 20 dit que « les brigades rouges n’ont rien exclu d’autre qu’une tentative révisionniste de liquider les conquêtes politiques de 15 années de lutte révolutionnaire ».

Que nous dit la seconde position ?

Elle refuse le « subjectivisme » et « l’aventurisme » de la première position, son « éclectisme théorique ». Elle met en avant le léninisme, rejette les thèses sur la « guerre populaire prolongée », et forme un nouveau groupe : l’Unione dei Communisti Combattente.

Pour l’UdCC il s’agit de faire de la propagande semi-légale ; la lutte armée n’est pas une stratégie mais juste une « méthode décisive ». Il n’y a pas de « guerre populaire prolongée », seulement une connexion tactique avec les masses à organiser, et ce dans le but de la révolution. Tout le discours sur le prolétariat métropolitain disparaît. A la guérilla des BR-PCC l’UdCC oppose la « ligne de masse », reliée à l’utilisation tactique de la lutte armée.

Au niveau international cette coupure fera grand bruit. Les BR-PCC travailleront avec la RAF pour un « front anti-impérialiste » en gardant leur spécificité (alors que la RAF et Action Directe adoptent une position totalement commune).

L’UdCC aura elle un bon écho chez les Cellules Communistes Combattantes (CCC) de Belgique, elles-mêmes proches du PC d’Espagne [reconstitué] dans leurs analyses.

En décembre, les BR-PCC attaquent un fourgon de transport de fonds. Un brigadiste est tué, sont blesséEs une brigadiste, deux gardiens et un passant. Les membres du commando disparaissent dans les HLM de la banlieue de Rome.

Début 1985, quelques actions sont menées pour se procurer des fonds, coûtant la vie à deux jeunes brigadistes. Un responsable anti-terroriste est exécuté.

Le 27 mars 1985 les BR-PCC exécutent le fonctionnaire dirigeant du syndicat CISL, Tarantelli. Ce dernier avait été conseiller de la banque centrale italienne, expert économique de la CISL, bras droit de Craxi, et avait travaillé à l’attaque contre la scala mobile (l’échelle mobile indexant les salaires sur l’inflation).

Après l’opération est diffusé le communiqué commun RAF/Action Directe, avec le communiqué de l’action des BR-PCC, où l’on peut lire que « les Brigades Rouges ont l’intention de travailler au renforcement et à la consolidation du Front de lutte contre l’impérialisme occidental qui a trouvé ces derniers temps une vigueur renouvelée (…) par une campagne unitaire contre l’OTAN de la guérilla européenne en liaison dialectique avec l’exceptionnelle mobilisation de masse contre les missiles américains dans les métropoles européennes ».

En été 85 c’est l’apparition officielle de l’UdCC, qui rend public en octobre le « Manifeste et thèses de fondation de l’Union des communistes combattants« .

Les BR sont critiquées comme n’ayant pas su, après 78, construire une forte direction interne, pour ne pas être assez marxistes, pour avoir de graves manquements idéologiques et pratiques. Il s’agit pour l’UdCC, suivant le marxisme-léninisme, « de se placer à la pointe du prolétariat et de mener la lutte jusqu’à la prise du pouvoir ».

Mais il faut attendre l’année 1986 pour que l’activité des deux organisations soient d’un niveau fort. Deux documents marquent cette année : la reparution de « Politique et révolution « , et la parution du livre « Le prolétariat ne s’est pas repenti », rassemblant 214 documents sur le problème des repentis.

Le ministre de l’intérieur reparle lui du « retour de l’état d’urgence ».

En effet, les BR-PCC et l’UdCC vont effectuer un retour en force, et ce alors que la RAF, Action Directe et les CCC belges agissent et remplissent l’actualité.

Le 10 février 86 à Florence les BR-PCC exécutent Lando Conti, ancien ministre de la défense, proche du chef du parti républicain et ancien maire de la ville.

Conti est accusé d’être « membre de la direction politico-entreprenante chargée de relier les intérêts économiques du secteur militaire aux intérêts généraux de l’impérialisme occidental ».

Les BR-PCC opèrent, comme dans les années 70, sur la relation entre crise et guerre.

Wilma Monaco, militante de l'UdCC tombée dans la lutte pour le communisme, le 21 février 1986

Wilma Monaco, militante de l’UdCC tombée dans la lutte pour le communisme, le 21 février 1986

Le 21 février un commando de l’UdCC jambise Antonio Da Empoli, membre du cabinet du premier ministre, chargé des affaires économiques et sociales. La militante Wilma Monaco (27 ans) est tuée dans l’opération.

En octobre l’UdCC publie un texte, où l’objectif annoncé est d’être « l’avant garde consciente de la classe ouvrière », « le détachement d’assaut de l’insurrection armée ».

En 1979, il y avait eu 2513 attentats en Italie ; 1502 en 1980. Il y en a 30 en 1986. En 1980, le « terrorisme » fait 125 morts, 236 blessés. En 1986, 1 mort, 2 blessés. Il y a eu, en 1979 et 1980, entre 1500 et 1800 attentats par an, et 30 en 1986.

De 1969 à 1986, il y aura eu plus de 14600 attentats, 415 morts, 1180 blessés.

En janvier 1987 a lieu une fusillade à Rome, et trois militantEs de l’UdCC (dont deux jeunes sont totalement inconnuEs de la police) sont arrêtéEs : Paolo Casseta, Fabrizio Melario, et Geraldina Colotti.

Début février est publié un auto-interview des prisonniers Prospero Gallinari, Francesco Lo Bianco, Francesco Piccioni et Bruno Seghetti, militants des BR-PCC.

« Le fondement de toutes nos estimations est l’expérience concrète des BR. Leurs résultats pratiques, « historiques », avant et au-delà du « projet », c’est-à-dire de la ligne politique par laquelle les résultats ont été matériels. C’est une découverte parce que la lutte armée n’avait jamais auparavant été pratiqué ou théorisé avec ces concepts, ni avec les mouvements de guérilla, ni par les partis communistes de la IIIème Internationale.

C’est de plus une découverte au sens que la véritable pratique et les dynamiques objectives, qui ont été mené par elle, indique selon nous une stratégie politico-militaire victorieuse qui va au-delà de la fixation théorique sur les buts qui ont été à l’origine ou ont orienté cette pratique ».

Le document met en valeur le principe découvert par les BR : l’attaque au cœur de l’État, et appelle à une réflexion sur le parcours mené jusque-là.

« Seul un bilan politico-historique du rôle que la lutte armée des BR a joué dans l’histoire de l’affrontement de classe de ce pays peut contribuer à ce que soit défini scientifiquement une stratégie politico-militaire contemporaine ».

« La ’découverte’ stratégique essentielle qui a été faite par les BR est sans aucun doute ’l’attaque au cœur de l’Etat’. L’expérience et la réflexion à ce niveau forment le véritable axe stratégique à partir de laquelle s’est produite l’identité politique et historique des br. En un certain sens les br ’sont’ l’attaque au cœur de l’Etat. Sans ce centre de gravité de l’activité politico-militaire, la lutte armée en Italie n’aurait été qu’une apparition passagère, avec une signification politique beaucoup plus réduite.

Nous pensons par exemple à l’absence de signification historique de l’activité de Prima Linea, malgré qu’elle ait trouvé une certaine résonance et qu’elle ait mené de très nombreuses actions ».

Le 14 février 87 les BR-PCC attaquent un convoi et récoltent un milliard de lire.

Le 17 février, des prisonnierEs des BR-PCC diffusent un document au procès Moro-ter, où il est notamment dit que :

« La stratégie de la lutte armée, la pratique de la guérilla, leur rôle historique est irremplaçable pour le prolétariat révolutionnaire, dans le cadre d’une lutte de classes prolongées pour écraser l’État et fonder la société socialiste ».

« Cela unit chaque jour davantage les intérêts de notre révolution à ceux de tous le peuples et forces révolutionnaires qui combattent dans l’espace méditerranéen et au Proche-Orient contre un même ennemi, l’impérialisme occidental aux ordres des Etats-Unis.

Aux côtés de la guérilla européenne (…) les BR-PCC ont l’intention de développer leur processus révolutionnaire, avec la conviction que leur victoire dépend étroitement du renversement du rapport des forces, et de la défaite de l’impérialisme dans cette région (…)

– Renforçons le front anti-impérialiste en Europe Occidentale et autour de la Méditerranée !

– Solidarité avec le combat du peuple Palestinien !

– Guerre à la guerre ! Guerre à l’OTAN !

– Contre la guerre impérialiste, guerre de classes pour affirmer le pouvoir et la dictature du prolétariat ! ».

Le 21 février 87 l’UdCC exécute le général Licio Giorgeri, responsable des armements aéronautiques et spatiaux de l’armée de l’air.

Puis publie un document de 14 pages, distribué simultanément à Rome, Milan et Gènes, et un texte de 149 pages :  » Comment sortir de la situation d’urgence ». L’UdCC y donne comme mots d’ordre : « Non à l’adhésion italienne à la guerre des étoiles ! » ; « L’Italie hors de l’Otan » ; « Non à la politique de gendarme de l’Italie en Méditerranée ! Unité à la base de toutes les forces opposées aux néo-dictatures des gouvernements bourgeois ! » ; « Hommage à la Camarade Wilma Monaco « Roberta » « .

Mais l’UdCC doit faire face à une répression dure. Elle a perdu beaucoup de membres jusqu’en juin, où est arrêtée à Rome l’ensemble de sa direction : Claudia Gioia, Massimiliano Bravi, Francisco Maïetta (leader de la colonne romaine, déjà arrêté en France dans le cadre d’une enquête sur Action Directe), Danielle Menella (archiviste du ministère de l’Intérieur), Paolo Persichetti, qui sera étudiant à Saint-Denis en France.

Des bases sont découvertes, 14 militantEs sont arrêtéEs en tout, puis 4 autres, puis finalement à Paris Maurizio Locusta (37 ans, en possession de faux papiers et de 70.000F.), un des leaders de l’UdCC, avec 3 autres militants.

Arrestation ensuite de 6 autres militantEs à Rome dont Aldo Balducci, 30 ans, employé au ministère des Travaux Publics, et Maurizio Falcone, chauffeur d’un Préfet au Ministère de l’Intérieur !

D’autres arrestations suivent, portant fin août à 30 le nombre de militantEs arrêtéEs. 11 autres sont arrêtés en septembre, 3 en novembre.

L’UdCC est définitivement démantelée.

Seules restent les BR-PCC, d’autant plus que certains de leurs leaders historiques emprisonnés abandonnent la lutte armée, et que le noyau historique des BR originelles s’est lui-même dissocié de la lutte armée : Renato Curcio, Mario Moretti, Maurizio Janelli et Piero Bertolazzi écrivent une  » lettre ouverte  » au quotidien  » Il Manifesto  » où est expliqué que  » les conditions internationales qui avaient favorisé cette lutte sont désormais dépassées  » et qu’une amnistie était nécessaire.

En octobre est publié un document de Barbara Balzerani, Luigi Novelli, Giuseppe Scirocco, Piero Vanzi, où est dit que « Les transformations politiques et sociales à l’intérieur du pays, tout comme l’évolution des relations internationales, rendent caduques notre projet révolutionnaire et la stratégie qui l’appuyait ».

Qui plus est, « Là où la révolution ne triomphe pas, c’est la bourgeoisie qui résout en sa faveur les contradictions de la société et ce d’autant plus aisément quand il en découle un quelconque développement social ».

14. Le front anti-impérialiste combattant (1988)

Le 16 avril 88, le sénateur de la DC Roberto Ruffili, grand ami du nouveau chef du gouvernement De Mita nommé trois jours auparavant, est exécuté par les BR-PCC, qui attaquent le  » projet de réforme néo-autoritaire des organes étatiques « .

Mais le mois d’avril est également marqué par un texte très important, qui va permettre la fermentation de tout un nouveau courant politique qui culminera avec l’exigence de construction d’un  » (nouveau)Parti communiste italien.

Le texte, écrit par un groupe de révolutionnaires, s’intitule « Cristoforo Colomba » ; pour ces camarades, les BR ont été comme Christophe Colomb : croyant aller quelque part, arrivant ailleurs mais ne le sachant pas.

Le groupe critique d’abord très fortement les multiples déviations subjectivistes, pour mettre en avant la question du Parti. D’une certaine manière on peut dire qu’il s’agit d’une critique contre l’éclectisme des références (Marighella, les Tupamaros, Cuba, l’OLP, IRA, ETA, les Black Panthers etc.) qu’aurait le mouvement révolutionnaire, pour un retour à une politique tel qu’un parti peut la mener. Il s’agit d’une remise en cause des aspects criants du gauchisme ayant dominé les BR avec la ligne voulant élever les masses au niveau de la lutte armée, considérant l’Etat comme  » Etat impérialiste des multinationales « , etc.

On peut dire que la ligne des partisanEs du (nouveau)Parti Communiste italien provient historiquement de cette position, pour qui les BR n’ont été en fin de compte que le meilleur produit du mouvement des masses dans les années 1970, et pour qui la question de la construction du Parti doit être au centre des préoccupations.

En septembre, c’est l’écriture du document unitaire RAF/BR-PCC, qui est diffusé en mars 89 sous la forme de tract à Rome et Naples à l’occasion de l’attaque de la RAF contre Tietmeyer, responsable économique allemand.

Voici le document :

« Le saut à la politique du front est possible et nécessaire pour les forces révolutionnaires, afin d’amener la confrontation à l’acuité adéquate.

Pour cela, toutes les positions idéologiques-dogmatiques existantes encore à l’intérieur des forces combattantes et du mouvement révolutionnaire doivent être combattues et dépassées, parce qu’elles divisent les combattants, et parce que ces positions ne peuvent pas atteindre le niveau dont on a besoin pour amener les luttes et les attaques à leur acuité politique nécessaire.

Les différences historiques dans le développement et la définition politique de chaque organisation, les différences (secondaires) dans l’analyse, etc., ne peuvent et ne doivent pas être un obstacle à l’unification nécessaire des multiples luttes et activités anti-impérialistes dans une attaque consciente et ciblée contre la puissance de l’impérialisme.

Il ne s’agit pas d’une fusion de chaque organisation en une seule ; le front se développe en Europe de l’Ouest dans un processus de reconnaissance direct et organisé, sur la base de l’offensive pratique, dans la mesure où les prochains moments rendent mûre l’unité entre les forces combattantes.

L’organisation du front révolutionnaire combattant signifie l’organisation de l’offensive.
Il ne s’agit ni d’une catégorie idéologique ni d’un modèle de révolution.

Il s’agit au contraire du développement de la force politique et pratique qui combat la puissance de l’impérialisme de manière adéquate, qui approfondit la rupture dans la métropole impérialiste et en arrive au saut qualitatif de la lutte prolétarienne.

Notre expérience commune montre comment, sur la base de la décision subjective de chaque organisation, malgré l’existence de différences et de contradictions, il est possible de développer le front ; nous n’avons dans la discussion commune jamais perdu des yeux l’élément unitaire de l’offensive contre l’impérialisme.

L’Europe de l’Ouest est le pivot du conflit entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste.

L’Europe de l’Ouest est, par son caractère historique, politique et géographique, la coupure où se dessinent les trois lignes de démarcation : Etat/société, Nord/Sud, Est/Ouest.

L’aggravation de la crise du système impérialiste et le déclin de la puissance économique des USA sont les fondements principaux qui amènent, ensemble avec d’autres facteurs politiques, à une perte relative du poids politique des USA, et qui mettent en avant le développement des processus d’intégration économique, politique et militaire.

Dans ce rapport la fonction de l’Europe de l’Ouest croît pour le management impérialiste de la crise.

Au niveau économique, l’Europe de l’Ouest développe un plan synchronisé de politiques économiques à l’intérieur des managements impérialistes de la crise, comme soutien et tampon des contradictions économiques.

Au niveau militaire, il y a l’obligation de l’intégration politico-militaire à l’intérieur de l’OTAN avec les projets politico-économiques de réarmement dans la nouvelle stratégie militaire impérialiste pour la confrontation avec l’Est, avec l’intervention politico-militaire intégrée contre les conflits s’envenimant dans le tiers-monde, en premier lieu les régions de crise au Proche-Orient.

Au niveau contre-révolutionnaire, il y a le réarmement et l’intégration des appareils de police et de renseignements contre le développement du front révolutionnaire, contre les luttes révolutionnaires en général et contre l’élargissement et l’aggravation des antagonismes de masse.

Il y a la réorganisation et l’intégration pour une intervention politique ciblée contre la guérilla, comme par exemple les projets de « solution politique  » dans différents pays ouest-européens.

Au niveau politico-diplomatique, il y a les projets de  » dialogue politique  » pour désamorcer les conflits et consolider les positions de force impérialistes.

Ces initiatives ont aussi comme fonction de renforcer les processus de formation de l’Europe de l’Ouest à l’intérieur du système global.

Ces différents niveaux sont mutuellement liés et poussent en avant la formation politique de l’Europe de l’Ouest, un mouvement dont aucun pays n’est exclu.

Aucune force révolutionnaire combattante ne peut, dans son activité révolutionnaire, mettre cela de côté.

Ces éléments politiques forment le cadre où le front est, en Europe de l’Ouest, possible et nécessaire.

Le niveau historiquement atteint par la contre-révolution impérialiste a fondamentalement modifié le conflit entre l’impérialisme et les forces révolutionnaires. Cela signifie devenir conscient du poids croissant de la subjectivité dans la confrontation des classes et du fait que le terrain révolutionnaire ne peut pas être un simple réflexe aux conditions objectives.

L’attaque du front ouest-européen contre les projets stratégiques actuels de formation politique, économique et militaire de l’Europe de l’Ouest vise l’affaiblissement du système impérialiste, afin d’entraîner la crise politique globale.

Notre offensive commune se dirige :

Contre :

La formation des politiques économiques et monétaires ouest-européennes, qui sont conçues dans le système impérialiste global comme soutien et tampon vis-à-vis des érosions économiques pointues, et qui en coordination avec les politiques des USA et du Japon, veulent imposer les intérêts (en terme de profits et de puissance) des banques et des multinationales, sur le dos du tiers-monde, et empêcher l’écroulement du système financier international.

Contre :

Les politiques de formation ouest-européenne qui visent au renforcement des positions impérialistes ; actuellement elles interviennent au Proche-Orient, sur le dos des peuples palestinien et libanais, afin de stabiliser cette région.

L’attaque unitaire des lignes stratégiques de la formation de l’Europe de l’Ouest ébranle le pouvoir impérialiste.

Organiser la lutte armée en Europe de l’Ouest.

Construire dans l’attaque l’unité des forces révolutionnaires combattantes : organiser le front.

Lutter ensemble ».

6 bases et 20 membres des BR-PCC sont découvertEs et arrêtéEs en septembre 88. C’est un coup très dur pour l’organisation, que beaucoup considèrent alors comme démantelée.

15. BR-PCC, NCC-PCC, NTA, NIPR (1989-2001)

L’année 1988 a été une année charnière ; la destruction par l’Etat italien des structures des BR-PCC joue un rôle psychologique très fort. La propagande étatique et révisionniste affirme que les derniers Mohicans ont été arrêté, que l’histoire de la guérilla est désormais close non seulement théoriquement mais également pratiquement.

Les faits prouvent pourtant le contraire, ce qui semble donner raison aux BR-PCC qui parlent de « processus révolutionnaire non-linéaire ». Le 29 mars 1989 le mur extérieur de la prison spéciale de Novara est attaquée, l’action est revendiquée par téléphone par les BR.

En 1991 sont diffusés des documents écrits par les prisonnierEs ; en 1992 apparaît un groupe reconnaissant l’activité centrale des BR-PCC et se nommant Nuclei Comunisti Combattenti per la costruzione del Partito Comunista Combattente. Ces noyaux communistes combattants attaquent le 17 octobre 1992 la Cofindustria (rassemblement patronal) à Rome.

Des militantEs des BR-PCC sont arrêtéEs pendant quelques années en France.

Début 1993 c’est la Cofindustria d’Udine qui est attaquée à l’occasion de la visite du ministre de l’industrie par des  » militanti rivoluzionari per la costruzione del PCC « .

Le 2 septembre de la même année les BR-PCC attaquent la base américaine d’Aviano, et le 28 octobre des tracts de soutien aux membres des BR-PCC arrêtéEs quelques jours auparavant sont distribuées durant des manifestations ouvrières à Monfalcone, Trieste, Udine et Pordenone par des « militants révolutionnaires pour la construction du PCC ».

Le 10 janvier 1994 les NCC-PCC attaquent le NATO defense college à Rome (il s’agit d’une école de formation des cadres de l’OTAN) au moment d’une réunion de l’OTAN à Bruxelles. Dans les différents procès des militantEs des BR-PCC, une scission est visible suite à l’action contre la base d’Aviano, une partie critiquant la vision seulement anti-impérialiste du communiqué de l’action.

On notera également la publication de différents textes, notamment par la Cellule pour la constitution du PCC, défendant la construction d’une organisation de lutte armée. La cellule, qui produit de nombreux textes (production allant jusqu’à aujourd’hui) et qui n’a jamais revendiqué d’actions, oscille perpétuellement entre les BR-PCC néanmoins considérées comme subjectivistes et l’UdCC défunte, de qui elle est au final sans doute plus proche.

En 1995 apparaissent les Nuclei Territoriali Antimperialisti (NTA) qui mènent des actions contre l’OTAN ; par la suite des actions seront menées à Rome, Bologne et Milan, et un premier long texte sort en 1997.

Le 20 mai 1999, un commando des BR-PCC exécutent Massimo D’Antona, conseiller du ministre du travail. La revue française « L’express » dit que « le choix de la victime constitue également une signature : spécialiste du droit du travail, D’Antona, homme de gauche, peu connu du grand public, jouait cependant – et les Brigades Rouges en étaient parfaitement conscientes – un rôle de premier plan dans la politique de réformes sociales du gouvernement, notamment en matière de flexiblité de l’emploi et de réglementation des grèves ».

Ces « nouvelles » brigades rouges sont en fait issues des NCC-PCC, et le communiqué des BR-PCC est très long et possède le caractère d’une résolution stratégique.

« Le 20 mai 1999, à Rome, les Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste Combattant ont frappé Massimo D’Antona, conseiller législatif du Ministre du Travail Bassolino et représentant du bureau à la table permanente du « Pacte pour l’occupation et le développement ».

Avec cette offensive les Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste Combattant reprennent l’initiative combattante, en intervenant dans les nœuds centraux de l’affrontement pour le développement de la guerre de classe de longue durée, pour la conquête du pouvoir politique et l’instauration de la dictature du prolétariat, en portant l’attaque au projet politique néo-corporatif du « Pacte pour l’occupation et le développement » ».

Les BR-PCC frappent au moment où l’impérialisme intervient militairement en Yougoslavie ; cela et la réorganisation du rapport entre les classes par l’impérialisme en Italie nécessitent d’intervenir :

« Un cadre politique général qui impose au prolétariat et à ses avant-gardes révolutionnaires d’assumer la responsabilité politique de construire l’alternative de pouvoir historiquement proportionnée à ces projets, à travers la reprise de l’attaque révolutionnaire, soit au cœur des politiques qui permettent à cet État de jouer son rôle impérialiste »

« La proposition politique des BR-PCC se concrétise donc en deux aspects : d’un côté en organisant les avant-gardes les plus conscientes autour de la stratégie politique de l’organisation ; de l’autre en représentant l’élément de référence d’avancée et de fixation pour les instances les plus mûres de la lutte de classe en se rapportant à elles avec le programme politique.

Finalement, l’autre axe sur lequel les BR-PCC entendent développer leur propre programme politique est sur le plan de la contradiction impérialisme/anti-impérialisme, afin d’affaiblir et de réduire la domination impérialiste, en construisant l’offensive commune contre ses politiques centrales, avec les forces révolutionnaires et anti-impérialistes qui opèrent dans la zone Europe – Méditerranée – Moyen-Orient.

Les BR-PCC mettent donc au centre de leur propre projet politique la promotion et construction du Front Combattant Anti-impérialiste, dans lequel la recherche de l’unité politique-militaire entre forces anti-impérialiste de la zone permette de construire les alliances politiques nécessaires à affaiblir la domination impérialiste, à partir de les différences historique-structurelles de la lutte de classe des formations économique-sociales uniques dans lesquelles existent et mûrissent les expériences et les forces révolutionnaires et anti-impérialiste, mais aussi à partir du rôle unique et unitaire que déroulent les État dominants de la chaîne impérialiste.

Concevoir la nécessité politique de construire un Front Combattant Anti-impérialiste ne signifie pas exclure la reconstruction d’une Internationale Communiste, mais signifie ne pas négliger d’activer toutes les forces disponibles contre l’ennemi impérialiste, au-delà des différences entre les étapes révolutionnaires et les conceptions que soutiennent les forces anti-impérialistes, et construire aussi une condition favorable à la poursuite de l’objectif de l’International Communiste qui présuppose une unité supérieure dans les caractères de classe, dans les buts et dans les conceptions des forces y appartenant ».

Les « nouvelles » BR-PCC ont la même idéologie que les « anciennes » BR-PCC :

– il s’agit de suivre la guerre de classe de longue durée, dans le cadre de la retraite stratégique ;

– la guérilla agit en tant que Parti pour construire le Parti, nécessairement combattant ;

– dans le processus de guerre de classe de longue durée il y a discontinuité dans le processus révolutionnaire (en raison de l’ampleur de la contre-révolution préventive ;

– il est nécessaire d’organiser un front anti-impérialiste combattant dans la zone Europe – Méditerranée – Moyen-Orient.

Comme d’habitude le flou est de rigueur au niveau des références. Il faut attendre de très nombreuses pages avant de voir une référence positive aux révolutions russe et chinoise et la revendication du marxisme-léninisme comme idéologie.

Une thèse néanmoins cette fois explicitement mise en avant est celle voulant que la fin de l’URSS soit quelque chose de négatif.

Il est parlé de « pays socialistes » ou « en transition », trahis par les révisionnistes et attaqués par l’impérialisme. La fin de l’URSS fermerait un cycle ouvert avec la révolution de 1917, ce qui est grosso modo la même position que la RAF. A l’opposé des Brigades Rouges initiales, les BR-PCC ne considèrent donc pas l’URSS comme social-impérialiste.

L’action des BR-PCC a un grand écho, mais suscite également de vigoureuses critiques.

De nombreuses « personnalités » historiques, et non des moindres comme Gallinari, rejettent l’utilisation du terme « BR-PCC » par le groupe ; à l’opposé les prisonnierEs des BR-PCC saluent l’initiative.

Le Parti Communiste d’Espagne (reconstitué), qui appuie la guérilla des GRAPO, attaque également violemment les BR-PCC, accusées de ne faire l’action qu’en raison de la construction du « (nouveau)Parti Communiste Italien ».

Le (n)PCI se construit à partir de l’illégalité, et critiquera vigoureusement les BR-PCC comme subjectiviste, dans le texte « Martin Lutero ». Pour les partisanEs du (n)PCI, la tâche prioritaire est la reconstruction du Parti.

Si les BR-PCC n’ont rien revendiqué depuis, de nombreuses actions armées ont tout de même eu lieu.

Il y a ainsi notamment l’attaque à l’explosif à la mi-mai 2000 contre le siège de la Commission d’étude et de surveillance des normes anti-grèves, et le 10 avril 2001 l’action contre l’institut de recherche sur l’économie mondiale et une association pour les relations italo-US à Rome, revendiquées par les NIPR (Nuclei di Iniziativa Proletaria Rivoluzionaria ; noyaux d’initiative prolétaire révolutionnaire). En septembre 2001 c’est la cellule Barbara Kistler qui avait attaqué l’Institut du Commerce Extérieure de Trieste.

Par la suite, les NTA sortiront un communiqué saluant l’action des NIPR ; les NIPR comme les NTA considèrent les BR-PCC comme l’avant-garde. Des documents des NIPR et des BR-PCC seront expédiés à de nombreux représentants syndicaux et dans des usines.

« Voici, les graffitis, théâtre de la vie. Egratignures, griffures, lacérations, qui gravent sur les territoires de la mort, sur les surfaces claires et nettes de la métropole, des signes de révolte et de libération. Gouttes colorées d’un désir souterrain qui cherche ses volumes dans l’univers hyper-réel saturé de vide.

Qui déploie un discours de poésie dans la rude culture de la rue.

Qui émerge dans le monde hétéroclite de l’a-communication totale, avec une voix limpide, vierge, sans histoire.

Qui nomme l’innommable et par cette transgression se porte à la vie sociale, violant le contexte programmé pour sa négation. Poésie de multiples poètes, voix sans visage qui regarde ses interlocuteurs sans en avoir aucun, mais qui parle intensément à tous ceux qui lui offrent leur regard. Et à chaque nouveau regard renouvelle les inépuisables scènes du théâtre de la vie ».

« Chacun écrit dans sa propre zone de rencontre : mur, banc, cabine téléphonique, banquette de métro ; on marque son propre territoire. De cette façon celui-ci est délimité, indiquant aux autres la présence d’un groupe, son nom, sa musique préférée ou son style de vie. Un style de vie qui a dans la transgression, dans la rupture de la normalité de communication, son propre signifiant : projet de modification suivant son goût propre, son esthétique personnelle, quasiment d’aménagement de la ville où l’on habite, sur un autre mode « .

« Pas toujours. Parfois les graffitis sportifs, érotiques, politiques, rock, nous regardent avec l’oeil poussif d’une solitude féroce. Ils implorent une quelconque identification, quelle qu’elle soit, une appartenance quelconque.

Hard Rock, Juventus, Punk, peut importe.

Ils gueulent à l’autre – ennemi immédiat – CREVE-CREVE-CREVE, et semblent en jouir. Mais ce sont les angoisses, les peurs, les phantasmes qui prennent ici la forme de signes et lacèrent les murs. SOS désespérés de naufragés important à la dérive. Pissotières comme bouteille à qui est confiée une solitude folle, « seuls les emmerdes me tiennent compagnie / je n’ai pas d’amis / je n’ai jamais fait l’amour / je n’arrive pas à trouver un cul / je veux quelqu’un pour m’aimer ».

Paroles de latrines. Hululées dans la pénombre d’un sexe castré. Epanchements délirants qui cherchent un oeil lubrique. Excréments sémiotiques qui, dans l’odeur des ghettos, planent sur les excréments des corps. Ecriture de décharge des mille tensions frustrées. Langage vomit par le besoin. Non par désir.

Le désir parle des signes chaudes d’un peuple invisible qui se reproduit et se multiplie hors des réseaux canalisés par les flux déments des rythmes métropolitains. Signes de création qui brûlent l’indifférence de l’espace froid, saturé de mots, boueux, pollué, des lieux frigorifiques de l’acom-……… des lieux frigorifiques où l’a-communication multi-médiatique génère comme effet délirant des corps qui aboient seuls dans les rues et sombrent toujours plus dans l’affabulation désespérée de paroles sans écho. Corps sans visage ni voix, aphasiques, indifférents, étrangers, aliénés.

Débris incapables d’exprimer d’une façon ou d’une autre leur propre dévastation ».

Texte de Renato Curcio, l’un des fondateurs historiques des BR


Revenir en haut de la page.