[En 1984, la Retraite Stratégique amorcée deux ans plus tôt par les Brigades Rouges pour la construction de Parti Communiste Combattant aboutissait à une confrontation politique cruciale au sein de l’organisation. A l’issue de ce grand débat qui portait sur l’ensemble de la stratégie communiste dans un pays à capitalisme avancé, et où se sont affrontées deux tendances connues sous les noms de Première et Seconde Position, cette dernière, minoritaire, était exclue. Quelques mois plus tard, cette Seconde Position donnait naissance à l’Union des Communistes Combattants. Le document publié ici est, comme son titre l’indique, le premier texte de cette organisation qui fut rendu public.]

En Italie, la lutte révolutionnaire reprend naissance dans les années 1968-1969, sur base de la poussée politique effectuée par les vastes mobilisations ouvrières, prolétariennes et étudiantes. Après de nombreuses années d’hégémonie révisionniste indiscutée sur la classe prolétarienne, après des années durant lesquelles le mouvement ouvrier ne s’éleva pas au-delà d’une lutte trade-unioniste, d’une lutte dans les limites de la société bourgeoise, le mot d’ordre de la conquête du pouvoir politique et de la dictature du prolétariat redevint d’une actualité brûlante.

Dès l’explosion initiale des luttes de masse, un problème apparaît comme primordial aux yeux des véritables avant-gardes : comment donner au mouvement de classe une direction politique qui forgerait les formes d’action révolutionnaire en mesure de guider les travailleurs vers la prise du pouvoir d’Etat ? En effet, toute lutte de classe est une lutte politique et le but de cette lutte, qui se transforme inévitablement en guerre civile, est le monopole du pouvoir politique. Le cours des événements, marqué en 1968-1969 par le développement impétueux du mouvement de masse et aussi par la réaction et la contre-attaque de la bourgeoisie, mit précisément au grand jour la nature inconciliable de l’antagonisme existant entre capital et travail, et montra que les classes combattent, en dernière instance, pour conquérir le pouvoir d’Etat.

En résumé, l’histoire de ces années imposa au prolétariat et à ses avant-gardes conséquentes, un devoir pratique et urgent : créer un parti de type nouveau, un parti réellement communiste, capable de combattre sans réserve pour la dictature du prolétariat, sans se laisser attirer par les sirènes de la démocratie bourgeoise.

Mais le prestige du Parti Communiste Italien (P.C.I.) était grand dans les masses, et par conséquent aussi grand était le dégât que causait son évolution révisionniste et la politique pacifiste honteuse dont ce parti usait quotidiennement dans les salles du parlement bourgeois. Une telle trahison ne pouvait être considérée comme un accident, et l’on ne pouvait pas non plus différer un examen responsable de révolution apparue dans le rapport entre les classes, dans les institutions politiques de la société bourgeoise et dans les expériences acquises par les mouvements révolutionnaires. En somme, la recherche de voies nouvelles s’imposait, de voies propres à relancer la révolution dans le contexte des nouvelles conditions du second après-guerre.

L’organisation des Brigades Rouges se saisit de ce problème avec précision et exactitude et réussit à y répondre de manière extrêmement conséquente au niveau pratique grâce à sa décision d’initier la lutte armée contre l’Etat de manière systématique et continue.

Constituées en 1970, les Brigades Rouges durent d’abord naviguer à contre-courant : en effet, non seulement elles se trouvaient confrontées à de nombreux groupuscules pseudo-révolutionnaires qui, – s’ils étaient disposés à prendre part aux explosions violentes de la lutte de masse -, battaient en retraite dès qu’il s’agissait de se mettre à la tête du mouvement de manière organisée et conséquente, dès qu’il s’agissait de remplir une fonction politique et de direction dans la lutte spontanée du prolétariat ; mais, pire encore, les Brigades Rouges rompaient sciemment avec une masse de préjugés ancrés dans les milieux révolutionnaires, préjugés qui considéraient la lutte armée comme impossible en dehors d’un contexte insurrectionnel et qui trouvaient, bien que de manière détournée, une signification immédiate dans la grande tradition de l’Internationale Communiste.

Pourtant, c’est la justesse même de cette vision politique – commencer la lutte armée en créant ainsi les bases du regroupement pour la fondation du parti du prolétariat – qui fut à la base du fait que les Brigades Rouges eurent raison, de manière décisive, de ces tendances retardataires et opportunistes. Très vite, les Brigades Rouges se sont étendues dans les principales villes italiennes, dans les principaux pôles industriels ; très vite, le sens et la signification de leur choix subjectif d’avant-garde devinrent évidents ; et très vite, par leur juste action de lutte contre l’Etat, elles conquirent pour la lutte armée communiste un rôle central dans le panorama politique italien ; et d’autres groupes commencèrent à suivre leur exemple.

Marxistes-léninistes dans leur réfèrent théorique, fortement enracinées dans la classe ouvrière et dans les couches les plus combatives du prolétariat des villes, les Brigades Rouges s’affirmèrent donc comme détachement d’avant-garde avant tout parce que leur proposition s’avéra être la réponse politique concrète à une situation historique concrète. Si d’un côté l’inutilité du parlementarisme en ce qui concerne l’activité révolutionnaire était apparue absolument clairement, d’un autre côté les communistes risquaient bien malgré eux de se transformer en propagandistes stériles, extrémistes dans la lutte économique mais incapables d’influer sur l’évolution politique du rapport entre les classes. Or les groupes qui ne savent pas imposer à la société toute entière les exigences politiques du prolétariat, les groupes qui ne savent pas s’opposer aux institutions bourgeoises à l’aide des moyens adaptés pour affirmer ces exigences, les groupes qui n’oeuvrent pas à la conquête de conditions générales plus favorables au développement de la révolution, ne sont certainement pas des groupes communistes et n’exercent certainement pas une fonction dirigeante dans la lutte des classes.

Les communistes sont les interprètes conscients d’un processus inconscient : telle est la thèse incontestable du socialisme scientifique. Et par l’intermédiaire de l’initiative politico-militaire, l’avant-garde retrouva place dans la vie politique nationale et se conduisit précisément comme le représentant conscient des intérêts du prolétariat : elle s’éleva au-dessus de la lutte économique des masses, au-dessus du bourbier groupusculaire, et elle s’opposa clairement aux agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. A travers la pratique de la lutte armée, les Brigades Rouges montrèrent clairement que l’objectif de la classe ouvrière n’est pas telle ou telle réforme partielle, mais la prise violente du pouvoir politique, le bouleversement complet de la société toute entière ; et ainsi, dans les faits, dans l’action concrète conforme aux spécificités de notre situation historique, les Brigades Rouges se rattachèrent au contenu réel, à la substance immortelle de la tradition communiste.

En quelques années en effet, il apparut clairement que le parti des Brigades Rouges constituait l’avant-garde du prolétariat italien, sa direction politique révolutionnaire.

Sur base d’une activité combattante intense et d’un travail constant de pénétration dans les masses, les Brigades Rouges purent légitimement déclarer, en 1978, la clôture de la première phase de leur lutte politico-militaire : suite à la Campagne de Printemps de cette année-là, à la séquestration et à l’exécution d’AIdo Moro, président de la Démocratie Chrétienne (D.C.) et principal instigateur de la politique dite du « compromis historique » entre la D.C. et le P.C.I., la lutte armée s’affirmait définitivement comme un point de référence obligatoire et déterminant pour tout révolutionnaire et, en même temps, comme l’unique opposition politique cohérente face au gouvernement bourgeois et aux manœuvres des partis contre les plus larges masses.

L’unité du politique et du militaire dans l’attaque au coeur de l’Etat, l’initiative combattante du parti comme direction politique consciente de la lutte des classes vers la prise du pouvoir politique, se présentait donc comme la conquête historique, comme le résultat essentiel de cette période.

L’Histoire cependant ne va pas en ligne droite. Elle a certes une direction, une direction nécessaire, mais cette direction se présente précisément comme le résultat d’un parcours qui n’a rien de facile, plat et direct : c’est à travers d’innombrables sacrifices et aussi d’erreurs, à travers de grandes offensives et aussi des retraites désagréables, qu’une classe opprimée parvient à connaître la voie de son émancipation.

S’il est manifeste et irréfutable que les Brigades Rouges ont rendu au prolétariat italien la capacité politico-pratique d’organiser la lutte révolutionnaire contre l’Etat bourgeois (et cela constitue leur inestimable valeur historique), il est aussi vrai que, dans leurs actions, elles se basaient sur une conception politique éclectique, qui ne peut être définie comme marxiste que dans une certaine mesure. La transposition à la situation sociale d’un pays impérialiste des schémas révolutionnaires propres aux pays dépendants, la sous-évaluation du rôle spécifiquement politique de l’avant-garde communiste, les nombreux mélanges entre le Marxisme-Léninisme et des idéologies anti-matérialistes d’origine purement petite-bourgeoise, telles sont les plus marquantes des diverses erreurs commises sur le plan théorique par les Brigades Rouges.

Et, dans la lutte des classes, à chaque erreur théorique correspond une erreur pratique : d’une part, de telles fautes théoriques provoquèrent l’incapacité d’exploiter pleinement les conquêtes réelles que l’expérience elle-même avait apportées aux communistes ; et d’autre part, elles conduisirent à l’exaltation d’aspects secondaires, tout à fait étrangers à la lutte armée en tant que politique révolutionnaire.

Les Brigades Rouges avaient réussi à jouir d’un énorme prestige politique, un prestige et une autorité de parti ; elles avaient réussi à créer une machine organisationnelle très puissante, une machine qui constituait un des plus importants facteurs politiques de la société italienne. Mais cette machine était à l’intérieur politiquement faible, il lui manquait une solidité théorique et un centre dirigeant fort, capable de bâtir une cohérence idéologique et pratique dans les diverses institutions de l’organisation.

Précédée d’un balancement entre économisme et militarisme, de scissions symptômatiques et éloquentes, de premières défections et collaborations avec l’ennemi de classe, la défaite tactique de 1982 ne fut donc que le résultat logique d’une accumulation de contradictions qui, bien que clairement liées à la période qui suivit 1978, trouvaient indubitablement leur origine bien auparavant.

La vision théorique particulière, la manière de penser et d’agir qui accompagnèrent la naissance et le premier développement de la lutte armée dans notre pays attribuèrent ainsi à son bilan même certaines erreurs essentielles, certaines faiblesses politiques fondamentales. Mais on peut parler de faiblesses pour ainsi dire nécessaires ; d’erreurs et de faiblesses que le mouvement communiste, pour se frayer un chemin et acquérir de l’expérience, ne pouvait pas ne pas commettre ; d’erreurs et de faiblesses par ailleurs facilement compréhensibles, étant donné le cadre historique dans lequel a surgi la lutte armée comme forme de la politique révolutionnaire et dans lequel elle a trouvé ses premiers référents idéologiques.

Donc, s’il n’y a aucun doute que dans notre pays une période de la lutte armée révolutionnaire s’est achevée, il est encore plus vrai que ce qui s’est achevé là n’est que la période de jeunesse de la lutte armée, la période au cours de laquelle il était avant tout impératif d’affirmer la lutte armée comme caractère fondamental et obligatoire de l’activité de parti.

Pendant ces quinze dernières années, la lutte de classe a, donc, finalement découvert par elle-même la formule politique adaptée à la relance de l’activité communiste dans notre période historique. Elle l’a découverte à travers de nombreuses contradictions, elle l’a découverte tant dans les erreurs que dans l’ingénuité, mais au moins elle Ta découverte ! Et c’est l’essentiel.

C’est pourquoi toute la période historique qui va de 1978 à 1982 est extraordinairement instructive pour la révolution. Durant ces années, à travers l’expérience accumulée par les Brigades Rouges, il est apparu nettement que la lutte armée est la méthode décisive de la lutte politique communiste contemporaine, le caractère fondamental et obligatoire de l’activité de parti. En outre, tous les travailleurs isolés, les éléments avancés du prolétariat, les révolutionnaires sincères et les groupes organisés ont pris connaissance et vu à l’œuvre toutes les principales tendances depuis toujours présentes dans l’arène de la lutte politique comme reflet mis en avant du mouvement plus général des classes ; ils ont pu en évaluer la portée et en observer la parabole théorique et pratique, examiner leur rapport réciproque et ils ont appris à discerner une ligne réellement marxiste, réellement révolutionnaire, de ses habiles contrefaçons. Tout cela constitue indéniablement un patrimoine immense pour le mouvement communiste, une contribution énorme à la théorie et à fa pratique de la révolution prolétarienne, non seulement pour notre pays mais aussi pour toute l’aire du centre impérialiste. Tout cela, surtout, représente indubitablement les bases réelles de tout progrès ultérieur.

En même temps cependant, l’expérience de la période traversée a sans aucun doute prouvé que sans une vision scientifique et organique de notre révolution, sans une conception marxiste des devoirs et du rôle du parti, même les plus grandes conquêtes de la lutte de classe risquent de rester inopérantes, de la même manière que les plus grands succès peuvent s’évanouir, engloutis par les pièges de l’Histoire.

Années de gigantesques défis et de courageux choix d’avant-garde, ces années passées ont consacré la lutte armée comme forme de la politique révolutionnaire. Aujourd’hui, le point principal est d’apprendre à perfectionner cet enseignement, à faire plus et mieux pour dépasser les résultats obtenus, afin que la ligne révolutionnaire puisse être portée plus avant sans la moindre hésitation.

Cependant la situation requiert des choix appropriés, des choix précis capables de se traduire en pratique. En effet, non seulement les Brigades Rouges se montrent actuellement incapables de progresser, mais elles ne peuvent s’élever au niveau politique requis par l’évolution des choses elles-mêmes ; et ce alors que dans des secteurs plus inexpérimentés et disséminés du mouvement révolutionnaire, se profile déjà clairement le développement d’une tendance révisionniste, laquelle consiste de manière marquante en la théorisation (explicite ou sous-entendue) de l’abandon de la lutte armée.

La situation d’actuelle désorientation existant dans le mouvement de classe ; le danger croissant de voir disparaître les plus grandes conquêtes de ces quinze dernières années de lutte d’avant-garde ; la nécessité de battre définitivement, dans la théorie et dans la pratique, les orientations subjectivistes qui ont causé tant de dommages à la potentialité politique de la lutte armée ; le devoir de défendre avec intransigeance, face à la bourgeoisie et face à ses laquais, la justesse du chemin parcouru par les communistes ces dernières années et de transmettre aux nouvelles générations révolutionnaires l’expérience accumulée ; et enfin l’évolution du contexte national et international, qui montre l’imminence de batailles décisives pour le prolétariat ; toutes ces données posent clairement à l’ordre du jour le problème – et font un devoir – de la construction d’un nouveau groupe politique, capable de se baser sur la grande expérience des Brigades Rouges et sur le Marxisme-Léninisme pour déterminer une théorie et une pratique révolutionnaires réellement adaptées à la situation italienne.

C’est sur base de toutes ces considérations, ainsi que sous l’impulsion ou à l’initiative de quelques ex-militants des Brigades Rouges expulsés de cette organisation suite à leur bataille pour l’adoption des thèses politiques énoncées dans la dite Seconde Position , que s’est constituée au mois d’octobre 1985 l’Union des Communistes Combattants, qui a adopté les thèses suivantes.

1. L’Union des Communistes Combattants est une organisation marxiste-léniniste. Comme telle, elle donne pour guide de l’action la doctrine du matérialisme historique et dialectique, et reconnaît comme ses propres principes incontournables la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets, c’est-à-dire la substance de cette doctrine.
L’Union des Communistes Combattants n’a donc pas d’intérêts différents de ceux du prolétariat tout entier ; elle ne s’en distingue pas puisque, possédant une vision d’ensemble du chemin historique que cette classe doit nécessairement parcourir, elle s’efforce de défendre, dans tous les méandres de la lutte des classes, non pas les intérêts de groupes ou professions particuliers mais les intérêts de la classe ouvrière dans sa totalité.

2. L’Union des Communistes Combattants, avant-garde consciente de la classe ouvrière, œuvre pour transformer toute lutte réduite ou partielle en une lutte générale pour le renversement de l’ordre capitaliste. Elle organise et dirige la lutte du prolétariat dans le but précis de le conduire jusqu’à l’insurrection armée contre l’Etat bourgeois, jusqu’à l’affrontement direct pour la conquête du pouvoir politique.

Pour pouvoir s’émanciper de l’esclavage du travail salarié, pour pouvoir instaurer sa dictature sur les autres classes sociales et organiser le socialisme – stade inférieur du communisme -, la classe ouvrière doit avant tout conquérir le pouvoir politique dans son pays et détruire sans hésitation la machine de l’Etat bourgeois. D’autre part, à travers leur mouvement spontané, les masses prolétariennes ne sont pas en mesure de s’élever à la conscience achevée de leurs propres intérêts, à la conscience de l’irréductible antagonisme qui existe entre elles et toute l’organisation politique et sociale contemporaine. C’est précisément en cela que consiste le rôle de l’avant-garde communiste : rendre le prolétariat capable de réaliser sa grande mission historique, l’organiser en parti politique autonome – comme détachement d’avant-garde opposé à tous les partis bourgeois et principalement à l’Etat -, diriger toutes les manifestations de la lutte des classes vers leur nécessaire aboutissement : la dictature du prolétariat.

L’Union des Communistes Combattants, qui sait que le devoir fondamental des communistes est de rester toujours en contact le plus étroit possible avec toutes les couches du prolétariat, affirme cependant la ferme conviction que les concepts de parti et de masse doivent être rigoureusement séparés. Le parti est une part de la classe, mais il s’en distingue : il en est le noyau d’avant-garde, conscient et organisé. Dans toutes les phases de la lutte, il sait être, par sa nature, à la tête de la mobilisation, comme guide des éléments les meilleurs et les plus dévoués du prolétariat : c’est à lui qu’incombé la responsabilité de faire avancer la révolution, de hâter la crise des classes dominantes, et non de s’aligner sur le niveau de la masse.

Par conséquent, toute dévaluation dans la théorie et dans la pratique du rôle conscient du parti, toute concession au spontanéisme et au trade-unionisme, qui conduit inévitablement (et principalement dans les pays impérialistes comme le nôtre) à adopter des positions révisionnistes, à dénaturer la fonction même du communisme, doit donc être combattue comme le pire des ennemis de la cause prolétarienne.

3. L’Union des Communistes Combattants adopte la lutte armée en tant que méthode avancée et décisive de la lutte politique communiste. Structurée avec cohérence comme organisation armée et clandestine, qui réunit dès maintenant le rôle politique et le rôle militaire dans l’action générale comme dans l’action de chacune de ses institutions et de chacun de ses militants particuliers, l’Union des Communistes Combattants s’oppose à toutes les conceptions qui, proposant une division des rôles entre organismes militaires et politiques, minent à la base l’unité d’action, la cohérence, et la nature communiste de l’avant-garde contemporaine.

L’époque révolutionnaire exige des communistes l’utilisation de méthodes de lutte aptes à concentrer toute l’énergie du prolétariat jusqu’à la dernière de ses conséquences logiques : l’affrontement direct, la guerre ouverte avec la machine d’État bourgeois.

D’une part, il est absolument nécessaire que chaque travailleur particulier sache bien clairement la différence qui existe entre les vraies avant-gardes communistes, qui luttent pour conquérir le pouvoir politique, et les vieux partis officiels qui, dans leur pacifisme parlementaire, ont honteusement trahi le drapeau de la classe ouvrière.

D’autre part, il est évident qu’à l’époque actuelle, marquée dans nos pays par le développement et la consolidation maximale du contenu réactionnaire de fa démocratie bourgeoise, le centre de gravité de la vie politique se déplace de manière totale et définitive en dehors des limites du parlement, qui n’est plus que la façade formelle de la dictature de la bourgeoisie en même temps qu’un moyen efficace pour enfermer dans les limites de la légalité capitaliste chaque poussée réelle d’opposition prolétarienne.

Dans un tel contexte historique, l’indépendance politique du prolétariat, sa vocation historique à la dictature, se lient indissolublement au refus des circuits institutionnels et de l’action parlementaire. Le terrain de la lutte d’avant-garde, de la lutte des communistes, se place ailleurs : dans la lutte armée, dans l’action autonome et énergique d’un parti combattant qui, tout en représentant les intérêts généraux de la classe laborieuse en opposition à l’Etat bourgeois, sait néanmoins influer sur l’évolution politique du rapport entre les classes, examiner et accentuer la crise politique de la bourgeoisie en contrecarrant ses menées réactionnaires et donner en même temps une claire indication révolutionnaire aux plus larges masses.

L’Union des Communistes Combattants, instruite par l’expérience pratique accomplie jusqu’ici par le mouvement révolutionnaire national et international, comme par la théorie du socialisme scientifique, défend et affirme les intérêts généraux du prolétariat par le combat contre l’Etat et considère donc l’utilisation actuelle de la lutte armée (la lutte armée d’avant-garde dans des conditions non révolutionnaires) comme la principale et fondamentale distinction politique et pratique entre les vrais et les faux communistes, entre les vraies et les fausses avant-gardes du prolétariat.

4. Pour atteindre la révolution, l’avant-garde communiste doit conquérir une influence prédominante dans les masses prolétariennes, condition pour pouvoir les guider effectivement à la prise du pouvoir politique et au renversement de l’Etat bourgeois.

Il est démontré dans les faits par toute l’histoire de la révolution prolétarienne que, dans sa lutte pour la dictature, cette classe n’obtiendra la victoire que quand – dans des conditions objectives précises – ses couches politiquement déterminantes se seront alignées du côté du communisme et disposeront de forces suffisantes pour briser la résistance de la réaction bourgeoise. D’où la nécessité inconditionnelle du respect du principe qui veut que, dans la bataille constante et quotidienne contre les déviations opportunistes et économistes présentes dans le prolétariat, les communistes révolutionnaires arrivent à conquérir la direction politique des masses et de leurs mouvements de lutte.

L’Union des Communistes Combattants – qui affirme son propre rôle combattant pour le socialisme à travers la lutte armée et conserve en toute occasion son autonomie politico-organisationnelle, quelle que soit la direction que prennent les événements et quelle que soient les formes du mouvement – se pose explicitement comme but, dès le premier jour de sa constitution, non pas la création d’une secte de propagande, non pas une activité politico-militaire exclue de la dynamique et du contexte réels de la lutte entre les classes, mais bien la participation consciente à ce conflit, l’intervention d’avant-garde sur la scène politique et la conduite de la lutte prolétarienne selon une direction communiste.
Son objectif déclaré est d’élever, au cours de la lutte, le prolétariat à la conscience accomplie de ses propres intérêts, en en conquérant la direction politique pour le mener à la prise du pouvoir.

5. L’Union des Communistes Combattants rejette catégoriquement toute conception subjectiviste qui prétend possible la révolution prolétarienne sans un travail adéquat de conquête des masses laborieuses à la ligne politique du communisme. C’est précisément pour que ce travail soit efficace, c’est précisément pour empêcher le balancement néfaste entre extrémisme et économisme, c’est précisément pour combattre la tendance erronée qui voudrait la conquête du soutien de masse immédiate et sans obstacles, qu’il est nécessaire d’établir un juste rapport entre l’avant-garde et le mouvement prolétarien dans son ensemble.

L’agitation communiste en direction des masses prolétariennes, la ligne de masse de l’avant-garde, doit être conduite de manière à ce que les travailleurs en lutte soient portés à reconnaître par leur propre expérience notre organisation comme le guide énergique et fidèle de leur mouvement commun. Pour y parvenir, il est nécessaire, avant tout, que l’avant-garde intervienne par son action combattante en syntonie et en apogée des mouvements généraux du prolétariat, qu’elle les soutienne et les guide en les dirigeant contre les gouvernements et l’Etat bourgeois, qu’elle soit capable de généraliser avec vigueur les mots d’ordre politico-organisationnels les plus avancés, jaillis des luttes et de la situation générale. D’autre part, dans chacune des phases de la lutte politique et économique, les communistes doivent répandre au sein du prolétariat la connaissance de ce que ces mouvements ne constituent qu’une partie, qu’une étape dans la lutte des classes plus générale, qui est une lutte pour le pouvoir politique de l’Etat. Jamais ils ne devront renoncer à leur trait distinct et particulier, à la proposition du renversement complet de l’ordre social existant ; jamais ils ne devront abdiquer leur rôle spécifique : affirmer l’intérêt général du prolétariat et faire progresser la situation politique.

C’est à travers ce travail, absolument nécessaire, qu’un groupe communiste peut devenir l’avant-garde réelle de millions de prolétaires ; en guidant les masses laborieuses dans la lutte constante contre les exactions du capital, il sera possible – et c’est aussi un devoir – de rendre compréhensible et actuel le lien qui existe entre la vie quotidienne, entre le mouvement de toutes les classes et de tous les partis politiques d’une part et le mot d’ordre de la dictature du prolétariat de l’autre.

L’Union des Communistes Combattants qui, en tant qu’organisation armée et clandestine ne peut pas ne pas se fixer des limites précises et infranchissables dans les moyens par lesquels se déploie sa propre activité vers les masses, reconnaît en tout cas pleinement l’importance fondamentale que revêt ce travail dans la perspective de la révolution. Guider, élargir, approfondir les actuelles luttes générales du prolétariat et, en conformité avec le cours de leur développement et de l’expérience pratique acquise par les masses elles-mêmes, les transformer en luttes politiques finales, est et reste en somme le critère à suivre dans ce travail.

Mais cela ne sera enfin possible que quand l’Union des Communistes Combattants, autonome et en mesure de combattre les institutions bourgeoises et leurs politiques en toute circonstance de la lutte des classes, saura éviter tant le sectarisme que le manquement aux principes.

6. L’Union des Communistes Combattants se base organisationnellement sur le centralisme démocratique, dont les principes essentiels sont : l’éligibilité des organes supérieurs à partir des inférieurs, le caractère absolument impératif de toutes les directives des organes supérieurs aux inférieurs, l’existence d’un centre dirigeant fort dont l’autorité et les décisions, dans les intervalles entre les congrès, ne peuvent être mises en discussion par personne. Il va de soi que, dans les conditions de clandestinité dans lesquelles se développe la lutte, le principe électif peut néanmoins souffrir de limitations : les organismes dirigeants ont donc le droit de coopter dans leurs propres effectifs des militants particuliers si la nécessité pour l’organisation s’en fait sentir.

7. L’Union des Communistes Combattants reconnaît comme sienne la cause de la fondation du Parti Communiste Combattant du prolétariat italien. En travaillant dans ce sens, elle s’efforce aussi d’affirmer, de consolider et de renforcer la tendance communiste révolutionnaire contre toutes les déviations aventuristes et contre toutes les tentations liquidatrices – qui s’expriment aujourd’hui dans le refus de l’utilisation de la lutte armée – et appelle résolu ment dans ses rangs organisés les marxistes militants de notre pays.

Dans la période actuelle, caractérisée par un état de désorientation particulière du mouvement révolutionnaire, il est nécessaire de mener un travail décisif d’orientation politique, théorique et pratique, tendant à clarifier tant la nature de la stratégie, des principes et des tactiques du parti révolutionnaire, que celle de l’éventail des forces intéressées à sa fondation.

L’Union des Communistes Combattants, qui reconnaît comme ses interlocuteurs premiers les forces et les groupes marxistes qui se placent déjà sans hésitation sur le terrain de la lutte armée, est en tout cas animée par la conviction que l’unité des communistes dans le parti doit se baser sur la clarté de vue et que cette clarté, à l’heure actuelle, ne peut naître que d’une réelle et approfondie confrontation interne sur les questions principales que l’expérience pratique de fa révolution prolétarienne a mises à l’ordre du jour dans notre pays.

L’Union des Communistes Combattants souligne en outre l’importance fondamentale de la bataille anti-révisionniste. Il doit en effet être clair pour chaque révolutionnaire qu’une préparation, même seulement préliminaire, du prolétariat au renversement de la bourgeoisie n’est pas possible sans une lutte inévitable, systématique, large et ouverte, contre les vieux partis officiels – et en particulier contre le P.C.I. – qui détiennent toujours des positions fortes dans le mouvement ouvrier, et qui, dans leur pacifisme parlementaire, illusionnent les masses sur la nature réelle de la démocratie bourgeoise.

Enfin, l’Union des Communistes Combattants s’aligne fermement aux côtés de la lutte communiste combattante menée dans les pays capitalistes avancés et aux côtés des luttes de libération nationale qui se développent dans les pays dominés par l’impérialisme. Dans ses aspirations à atteindre l’émancipation complète de la classe ouvrière, et sachant que la révolution prolétarienne est par sa nature même internationaliste, elle ne ménage aucun effort pour contribuer à l’unité des communistes et des travailleurs de tous les pays.

Union des Communistes Combattants
Octobre 1985


Revenir en haut de la page.