Le révisionnisme n’offre jamais aucune lecture culturelle et idéologique : c’est cela qui différencie le révisionnisme du maoïsme. Ainsi avec Louis Van Geyt, dont nous avons appris la disparition à l’âge de 88 ans ce vendredi, nous avons une personne ayant porté au sein du Parti Communiste de Belgique, une ligne qui ne fut jamais matérialiste dialectique.

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Né en 1927 dans une famille bourgeoise-libérale d’Anvers, Louis Van Geyt est l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Son père est magistrat au Tribunal de Première instance d’Anvers ; sa mère, après avoir été enseignante est de son côté femme au foyer.

A la moitié des années ’30, le père Van Geyt devient professeur de droit à l’Université Libre de Bruxelles. Suite à cette nomination, la famille s’installe dans la commune bruxelloise de Watermael-Boitsfort.

Louis Van Geyt fit lui-même des études à l’ULB. Il en est sorti en 1949 doté d’un diplôme d’ingénieur commercial. En 1946, c’est dans cette même Université qu’il fit ses premières armes militantes en entrant aux Etudiants Socialistes (ES), structure à l’époque totalement gangrenée par le trotskysme et concurrente de celle des Etudiants Socialistes Unifiés (ESU) organisés par le Parti Communiste.

Dans un livre-interview publié en début d’année et intitulé « Louis Van Geyt, La passion du Trait d’Union − Regards croisé sur le Parti Communiste de Belgique (1945-1985) », il explique qu’il adhère aux ES en parfaite connaissance de cause, par méfiance envers les communistes et par sympathie pour les thèses trotskystes « qui dénonçaient la structure de l’URSS, où une bureaucratie exerçait le pouvoir au nom du prolétariat »…

Van Geyt accède rapidement au poste de Secrétaire des ES et rejoint les rangs du Parti Socialiste Belge − Belgische Socialistische Partij alors unitaire. Son « virage communiste » s’opère peu après autour de la question de la trahison de Paul Henry Spaak, et de son « discours de la peur » prononcé à l’Assemblée générale des Nations unies, le 28 septembre 1948, dans lequel Spaak attaque violemment la politique étrangère de l’URSS.

C’est donc un Louis Van Geyt issu d’une tradition bourgeoise-libérale avec laquelle il n’a jamais rompu et doté d’une culture politique façonnée par le trotskysme qui rejoint les rangs d’un PCB-KPB déjà incapable de maintenir une ligne directrice, de par les manquements terribles dans les domaines culturels et idéologiques.

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Il y retrouve de nombreux cadres universitaires « libres-exaministes » et francs-maçons qui pour la plupart s’accommodent de la situation et préfèrent rester prisonniers d’une forme de logique élitiste, au final anti-démocratique. Cette tendance lourde s’illustrera notamment au Congrès d’Anvers en avril 1963, congrès qui verra se poser précisément la question de la démocratie interne.

Van Geyt et d’autres (Burnelle, Beelen, Blume, etc…) sont ainsi aujourd’hui encore accusé par les militants pro chinois à l’époque organisés autour de Jacques Grippa, d’avoir fabriqué un Congrès truqué pour faire approuver des thèses et des statuts entièrement réformistes et contre-révolutionnaires, et pour « exclure » les marxistes-léninistes en refusant même, non seulement de les entendre, mais encore de les laisser pénétrer dans la salle du congrès.

Dans le prolongement de ce congrès truqué, les pro chinois lèvent le drapeau rouge. Ils se constituent en Parti et rendent publique leur adhésion aux thèses du Parti Communiste de Chine engagé dans la bataille contre le révisionnisme khroutchtchévien. En 1964, Jacques Grippa se rend en Chine. Il rencontre Mao Zedong et donne une conférence à l’Ecole supérieure du Comité central du Parti communiste de Chine. Il salue la fermeté des camarades chinois tout en leur apportant le salut fraternel et le soutien des marxistes-léninistes de Belgique.

Les révisionnistes, quant à eux, se comportent en parfait auxiliaire de l’impérialisme en multipliant les manœuvres de division tant du prolétariat et les masses populaires de Belgique que du camp socialiste. Ainsi, lors des élections législatives du 23 mai 1965, ils n’hésiteront pas à s’allier aux trotskystes de l’Union de la Gauche Socialiste (UGS), qui se sont justement appuyés sur la faiblesse idéologique des révisionnistes. Cette alliance permettra d’ailleurs l’entrée du « trotsko-pabliste » Pierre le Grève au Parlement.

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Et ce n’est pas tout, car dans le PCB, rassemblement informe de militants éparpillés idéologiquement et culturellement, au sein duquel les progrès politiques ne se mesurent qu’à l’aulne des avancées ou des reculs électoraux, Van Geyt gravit tout aussi aisément les échelons qu’à l’époque des Etudiants Socialistes.

Il faut noter que dès le Congrès de Vilvorde de décembre 1954, auquel il participe en tant que délégué du CC, Van Geyt est déjà le fidèle soutien des Ernest Burnelle et autres René Beelen qui mènent la bataille contre Edgar Lalmand, « l’homme de Staline et de Jdanov ».

Le XIe Congrès de Vilvorde entérine la victoire de la « ligne anti-Lalmand » et liquide les notions de Dictature du prolétariat et de Parti d’avant-garde. Le PCB bascule alors de manière ouverte dans l’opportunisme de droite, provoquant la stupeur des représentants du PCF et du PCI (Étienne Fajon et Velio Spano) présents à Vilvorde avec la double casquette de délégué de leur Parti respectif, ainsi que celle de représentants du Kominform.

Pour les Burnelle, les Beelen, les Van Geyt, Vilvorde est « une consécration, un printemps, une Perestroïka avant la lettre ». Pourtant, une chose est sûre : depuis le Congrès de Vilvorde et la « victoire » de cette clique, le PCB est paralysé politiquement. Il s’effondrera lentement mais sûrement, dans un processus inexorable. Car ce n’est que la liaison avec l’URSS socialiste de Staline qui − en partie − l’a empêché de basculer plus tôt encore dans l’opportunisme de droite le plus outrancier.

Cela signifie que le PCB est, en définitive, un mouvement social-démocrate qui a tenté d’aller au bolchevisme, qui y est parvenu à un certain moment de son développement mais n’a pas su se maintenir et est retombé dans la social-démocratie.

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La ligne ouvertement ouvriériste et légaliste-électoraliste qui prévaut à partir du Congrès de Vilvorde puise directement dans l’oubli de la question culturelle ayant annulé la production d’analyses matérialistes historiques sur la Belgique ; de telles analyses étant mises de côté et remplacées facilement au fur et à mesure pour être abandonnées totalement lorsque, en 1972, Van Geyt devient Président du PCB-KPB.

Les élus apparaissent alors comme la seule richesse d’un Parti qui, coupé de plus en plus de toute liaison à la réalité sociale populaire, ne peut que se cantonner dans une surenchère vis-à-vis du Parti Socialiste.

L’oubli de la question culturelle a non seulement annulé la production d’analyses matérialistes historiques sur la Belgique, mais a également borné toute perspective de développement révolutionnaires ; le tout permettant à des individus comme Van Geyt de « monter sur le trône ».

Sans programme culturel, le PCB est devenu une coquille vide, contrairement à nous, maoïstes, qui affirmons l’exigence de notre temps : c’est le matérialisme dialectique et historique, le réalisme socialiste qui affirment la réelle culture du peuple, son histoire, son exigence démocratique de décider des orientations de la société.

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Enfin, nous souhaitons rappeler que certains camarades aujourd’hui actifs au Centre MLM ont, lorsqu’ils militaient au Bloc Marxiste-Léniniste et au Secours Rouge, été confrontés aux agissements indignes du diviseur Van Geyt. En effet, alors que quatre militants du Bloc ML et du SR étaient poursuivis par la justice bourgeoise pour des faits de « terrorisme » qu’ils réfutaient, alors qu’ils étaient emprisonnés et affirmaient leur unité et leur attachement aux principes du socialisme scientifique dans un document commun, Van Geyt se fendit d’une lettre ouverte à l’attention d’une camarade fraîchement libérée, expliquant qu’il s’adressait à elle-seule « parce que elle était manifestement bien trop jeune pour avoir pu être mêlée de près ou de loin à la calamiteuse et finalement meurtrière aventure des CCC ».

Pour archive, nous republions ci-dessous ce document parce que les manœuvres pourries de division de cet infâme crocodile révisionniste et liquidateur, doivent être portées à la connaissances des masses populaires !

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [Belgique]
17 avril 2016

Louis Van Geyt : Lettre ouverte à Wahoub Fayoumi

Pourquoi cette lettre ?

Avant tout, parce que je me réjouis de votre libération même « conditionnelle et provisoire ».

Il n’est en effet que trop évident, que les conditions de votre arrestation, le 5 juin, et de votre maintien en prison pendant trois semaines « pour les besoins de l’enquête », ressortent de la manière « maximaliste » dont le Parquet fédéral, en particulier, entend interpréter la nouvelle législation dite « anti-terroriste » – celle-ci ne se prêtant que trop aisément à pareille interprétation infra démocratique.

Aussi importe-t-il grandement que se mobilisent des forces de plus en plus larges, pour tenir en respect les « maximalistes », et pour convaincre une majorité de citoyens et d’élus d’imposer bientôt l’abandon des clauses tant abusivement répressives qu’ambiguës de lois par trop imprégnées des obsessions de l’administration Bush finissante.

Pourquoi m’adressé-je personnellement à vous ? Ceci, non pas tant parce que votre cas est celui qui a le plus frappé une large opinion, mais surtout parce que vous êtes manifestement bien trop jeune pour avoir pu être mêlée de près ou de loin à la calamiteuse et finalement meurtrière aventure des CCC. Une aventure qui a porté un tort non négligeable au mouvement communiste en Belgique, mais qui a nui aussi au puissant rassemblement de forces qui était parvenu à retarder sensiblement l’acceptation par ce pays hôte de l’Otan, de l’installation de 16 missiles américains à Florennes, et avait ainsi contribué à ouvrir la voie aux accords de « désescalade euro nucléaire » grâce auxquels, notamment, l’implosion terminale du système soviétique ne s’est pas soldée par un Hiroshima à l’échelle paneuropéenne, voire mondiale.

Ce n’est donc pas par hasard que le PCB-KPB (Parti communiste de Belgique) avait mis en garde, dès le premier attentat des CCC, contre la nature diversionniste de leur action, augmentée de l’imposture que constituait leur nom. Une mise en garde qu’il avait réitérée après chaque « exploit » de ce groupe « masqué », et encore au moment insolite de son arrestation, le jour même où la Chambre allait instaurer une commission d’enquête sur « l’inefficacité » de la Justice de l’époque à le débusquer et le neutraliser.

Car il n’est pas vrai que la dénonciation, même virulente, du capitalisme et l’invocation, en des termes par ailleurs surannés, de la lutte des classes, autorise quiconque à justifier, même de façon purement théorique, des méthodes d’action aventureuses – voire criminelles – et moins encore de se revendiquer pour cela du communisme, dans une société telle que la nôtre.

Bien au contraire : pareille imposture était inadmissible, génératrice de confusion dans de larges secteurs de l’opinion et donc favorable aux ultras « d’en face », au temps de l’escalade potentiellement fatale des blocs « impérialiste et socialiste ».

Elle n’est guère moins nocive aujourd’hui, alors que l’enjeu n°1 des mois qui viennent est de mobiliser aussi largement que possible les forces progressistes et « celles simplement soucieuses d’un avenir viable » – pour empêcher Bush et Olmert de mettre le feu au Moyen Orient, voire au monde, avant la sortie de charge du premier.

Puissiez-vous accepter d’y réfléchir et d’en tenir compte dans vos combats futurs – que je veux croire inspirés de l’amour du genre humain, même encore divisé entre classes et entre nationalités.

Louis Van Geyt,
ancien président du Parti communiste de Belgique (PCB-KPB)


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