A l’origine de l’affaire…

En février 2007, des communistes, des syndicalistes et des antifascistes, accusés de construire une organisation révolutionnaire clandestine, sont arrêtés en Italie. Comme on a trouvé la photo de quatre membres du Bloc Marxiste-Léniniste et du Secours Rouge de Belgique chez l’un d’eux, la police belge entame un espionnage secret d’un an et demi (avec écoutes, caméras devant les domiciles, filatures, etc.) qui ne débouche sur rien. Suite à celui-ci des arrestations à main armée et des perquisitions surprises sont faites le 5 juin 2008, sans autre résultat que la découverte d’un brouilleur hertzien (qui coupe les connexions GSM dans la pièce où il est activé). Néanmoins le procureur demande le maintien des 4 membres du Secours Rouge en détention « pour laisser une chance au dossier ». Les 4 sont remis en liberté provisoire dans l’attente d’un éventuel procès.

5_juin_1c.jpgUn acharnement particulier pour un enjeu général

En janvier 2012, devant la Chambre du conseil, le procureur n’a pu que répéter, sans en changer un mot ni ajouter un élément à charge, l’hypothèse qu’il défend depuis le début de l’affaire : le Secours Rouge est une organisation à finalité terroriste. Depuis février 2007, le dossier a pris des dimensions imposantes (53 cartons faisant le bilan d’espionnages de tout type, de commissions rogatoires à l’étranger, etc.) sans qu’aucun élément à charge n’ait pu être ajouté. Au contraire : les seuls nouveaux éclairages vont dans le sens d’une disculpation. L’acharnement du procureur ne s’explique pas par sa seule animosité contre le Secours Rouge : cette affaire va déterminer la jurisprudence de la loi anti-terroriste, elle va déterminer comment, à l’avenir, cette loi sera interprétée. Le procureur, invoque la jurisprudence francophone du procès contre les islamistes carolos (la « filière kamikaze ») où la loi a été interprétée dans le sens le plus large possible, tandis que les avocats, invoquent la jurisprudence néerlandophone de l’affaire « DHKPC/Kimyongur » où la loi a été interprétée dans un sens restrictif (pas d’attentat ou de projet d’attentat = pas de terrorisme). La décision finale servira de base à une jurisprudence « unifiée ».

Première défaite du procureur et audience décisive

En avril 2012, la Chambre du conseil de Bruxelles a rendu son arrêt : non-lieu général en ce qui concerne le délit de « participation à activité terroriste », mais renvoi devant le tribunal correctionnel pour « tentative de faux » pour les quatre (le tribunal devra trancher si les photos retrouvées en Italie devaient servir à fabriquer de fausses pièces d’identité), et la possession du brouilleur hertzien pour Bertrand seulement. Cette mise sur la touche de la loi anti-terroriste était un important succès pour les avocats, mais le parquet a fait appel contre cette décision. La cour d’appel devra définitivement trancher ce 11 décembre.

5_juin_2c.jpgTexte des 4 militants du Secours Rouge et de l’ex-Bloc Marxiste-Léniniste arrêtés le 5 Juin 2008

1. Qui sommes-nous ?

Nous sommes 4 communistes. Cela signifie que nous pensons que le système capitaliste est devenu un obstacle à tout véritable progrès social, politique, culturel, environnemental, économique et scientifique. Nous croyons l’humanité capable de dépasse ce blocage en raison des contradictions et des crises engendrées par le capitalisme lui-même. Nous pensons que les catégories marxistes restent de loin les meilleures pour penser et transformer la société. Nous ne réfléchissons pas en terme de « gens » ou de « citoyens », mais en terme de classe : d’un côté ceux à qui le capitalisme profite, la bourgeoisie, de l’autre côté l’immense majorité de ceux qui ont objectivement tout à gagner d’une révolution communiste : le prolétariat. L’héritage politico-stratégique du marxisme-léninisme est selon nous le plus porteur d’avenir pour le prolétariat. C’est un héritage difficile où il faut faire la part de ce qui a vieilli et de ce qui a gardé son actualité, où il faut faire la part des erreurs, parfois tragiques, et des avancées. Mais c’est un héritage immensément riche et glorieux, qui n’a absolument aucun équivalent, dont nous nous revendiquons avec fierté et que nous essayons de faire vivre dans nos lettres. C’est pour cette raison que nous militons dans le Bloc Marxiste-Léniniste, c’est dans cet esprit que nous militons sur le front syndical et sur celui de la solidarité avec les prisonniers révolutionnaires.

2. L’attaque de la répression.

Le blitz policier du 5 juin et les dix-huit mois d’espionnage maniaque qui l’ont précédé débouchent sur un dossier dont la vacuité a été remarquablement exposée par nos avocats en Chambre du Conseil et en Chambre des mises. Cette attaque de la répression a trois caractéristiques remarquables :

1. Elle met en évidence le caractère réel de la nouvelle loi anti-terroriste. Cette loi permet n’importe quoi contre n’importe qui, surtout lorsque son application se double, comme c’est le cas pour notre affaire, de la mise en pratique de la loi sur les « méthodes particulières de recherche ». Les juristes démocrates avaient mis en garde contre ces lois qui ne font qu’avaliser l’arbitraire et lâcher totalement la bride aux diverses polices.

2. Cette attaque a un caractère politique évident. Nos engagements dans le Bloc ML et dans le Secours Rouge étaient au centre de l’enquête. A peine le quart des questions que les enquêteurs nous ont posées concernaient notre prétendu lien au Parti Communiste Politico- Militaire. Par contre, on nous a interminablement interrogés sur le Secours Rouge, sur les meetings qu’il avait organisés, sur les personnes qui assistaient à ces meetings, etc. Que la solidarité révolutionnaire ait été dans le collimateur ne fait aucun doute.

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3. Le fait que nous ne collaborions pas à l’enquête est considéré comme un élément de culpabilité. Nous voudrions nous expliquer sur ce dernier point.

3. Ne pas dire !

3.1 Démocratie, fascisme et répression

Lorsque les nazis ont pris le pouvoir en 1933, des dizaines de milliers de communistes ont été arrêtés, déportés et assassinés grâce aux dossiers de police de la République démocratique de Weimar. C’est ainsi que Goering, devenu chef de la police du Land de Prusse s’est servi des listes de communistes à arrêter dressées par son prédécesseur, le Préfet de police démocrate Severing. Ce n’est pas un épisode isolé. Chaque fois que la bourgeoisie perd confiance en la démocratie pour assurer son pouvoir et garantir ses privilèges, elle lui substitue cette autre forme de pouvoir communément appelée « fascisme ». Le passage de la démocratie au fascisme est toujours un traumatisme pour les peuples. Pas pour l »appareil d’Etat bourgeois. Cet appareil (ministères, armées, polices, etc.) sert le fascisme comme il a servi la démocratie, et est le plus souvent l’opérateur du passage de l’un à l’autre. C’est cette continuité qui garantit l’efficacité de l’opération. Lorsque les militaires ont pris le pouvoir en Argentine, ils ont utilisé les dossiers de police du régime démocratique auquel ils succédaient pour arrêter, torturer, assassiner et faire disparaître 30 000 personnes en quelques semaines.

3.2 Les principes de sécurité

Fondés sur la discipline collective et la discrétion, les modes de fonctionnement peuvent se résumer à 4 principes : 1. Ne pas révéler les noms des militants et des sympathisants que nous pouvons côtoyer; 2. Ne pas révéler l’existence ni la configuration de structures organisationnelles ; 3. Ne pas révéler la nature des interactions ; 4. Étendre cette discrétion au profit de toutes les forces progressistes, quelques désaccords qu’il puisse y avoir entre eux et nous. Ainsi lors de la guerre de libération de l’Algérie, et dès 1960, la Force de Police Auxiliaire française a utilisé des techniques d’infiltration ayant finalement, après obtention des renseignements recherchés, mené à de nombreuses arrestations et tortures des membres du Front de Libération nationale combattant pour leur indépendance. Plus proche de nous, des alter mondialistes ont été victimes d’une répression féroce, à Gênes en 2000 ou ailleurs, due à des renseignements obtenus par des méthodes d’interrogatoire mettant en place la dénonciation.

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3.3 Deux impératifs politiques

L’application pure et simple de ces principes ferait des forces communistes de simples cercles de conspirateurs. En réalité, ces principes s’opposent à deux impératifs également indispensables, ce qui oblige à chaque instant les communistes à gérer une tension entre ces impératifs politiques et de sécurité. Le premier impératif qu’entravent les règles de sécurité, c’est celui du lien entre les forces communistes et le prolétariat. Ce n’est qu’en multipliant ces liens que les communistes pourront développer les forces révolutionnaires jusqu’à rendre celles-ci capables de renverser le pouvoir bourgeois. Le second impératif qu’entravent les règles de sécurité, c’est celui de la démocratie interne. Autant les forces révolutionnaires ont besoin d’une organisation et d’une discipline rigoureuses, autant elles ont besoin d’un débat d’idées interne qui seul permet une politique adéquate à la réalité sociale. Les principes de sécurité et les techniques qu’ils commandent (le cloisonnement, par exemple) doivent donc souvent céder dans une mesure bien réfléchie, à ces deux impératifs. Mais si il est bien un domaine où il ne souffre aucune exception, c’est dans les rapports entre les communistes et l’appareil policier et judiciaire au service de la bourgeoisie.

4. La répression aujourd’hui

Même si nous sommes bien sûrs dans une situation infiniment moins dramatique que les exemples extrêmes de terreur blanche évoquées plus haut (IIIè Reich, Argentine et généraux) le respect des principes de sécurité ne relève pas seulement d’un automatisme ou d’une mesure conservatoire pour le long terme : il a pour aujourd’hui déjà un caractère d’auto-défense. Le dispositif répressif de « contre-révolution préventive » ne cesse de se développer, et ce sur tous les plans :

• Légal, avec la loi sur l’infraction terroriste, la loi sur les méthodes particulières de recherche, le mandat d’arrêt européen, etc.

• Technique, avec les progrès de l’identification par ADN, le couplage, via la numérisation, de la vidéo-surveillance et de la biométrie, etc.

• Organisationnelle, avec des institutions transnationales comme EUROPOL ou EUROJUST.

• Idéologique, avec le matraquage politico-médiatique sécuritaire et réactionnaire.

A l’heure où le pays leader de l’OTAN, les USA, légalise la torture ; à l’heure où les pays de l’Union Européenne se sont rendus complices des « vols secrets de la CIA » autrement de disparitions et de tortures dans des prisons secrètes, à l’heure où le FBI a détaché au siège d’EUROPOL une cellule pour y faire son libre marché du renseignement, le respect des principes de sécurité est impératif.

5. Conclusions.

Politiciens, policiers et magistrats s’autorisent des moyens dont ils n’auraient pas seulement osé rêver il y a 10 ou 20 ans. Cette tendance s’aggrave, faute de résistance populaire et démocratique. Le fait de considérer comme coupable notre refus de nourrir les dossiers de police participe de cette tendance. Quel qu’en soit le prix, nous ne transigerons pas sur nos principes. Nous refusons de donner des informations susceptibles d’impliquer des tiers, quand bien même ces informations nous disculperaient. Nous appelons toutes les forces révolutionnaires, progressistes et démocratiques à se battre sur cette ligne de défense. Nous les appelons à soutenir la grève de la faim de notre camarade Jean-François Legros qui, dans le cadre de cette offensive ciblant le Secours Rouge, a été incarcéré par le moyen d’une suspension de sa libération conditionnelle. La solidarité est une arme !

Les communistes arrêtés pour leurs prétendus liens avec le PCP-M :

Abdallah Ibrahim Abdallah, Constant Hormans, Wahoub Fayoumi, Bertrand Sassoye.
Prisons de Saint-Gilles, Berkendael, et Forest,

le 25 juin 2008 à 18h.


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