Leuven 1966, manifestation des étudiants nationalistes flamands

Leuven 1966, manifestation des étudiants nationalistes flamands

Le Parti du Travail de Belgique est issu d’AMADA et il y a lieu de s’interroger sur la nature de cette organisation, dont l’origine est très particulière, puisqu’elle est issue du nationalisme et de traditions totalement éloignées du communisme.

Qu’est-ce qu’était AMADA ? Était-ce à l’origine une organisation révolutionnaire authentiquement marxiste-léniniste, n’ayant pas été à même de se maintenir, et qui a dégénéré dans l’opportunisme et le réformisme le plus plat ?

Ou bien, à l’inverse, AMADA a-t-elle été dès le départ une structure dirigée par une poignée d’intellectuels petits-bourgeois au sein de laquelle prédominait le sectarisme, l’intrigue, la duplicité, dans une tradition issue du nationalisme ?

Une mise en perspective historique permet de répondre à cette question.

Leuven 1968, manifestation étudiante

Leuven 1968, manifestation étudiante

La fondation d’AMADA en tant que tel trouve historiquement sa source en 1966, dans la lutte du mouvement étudiant nationaliste flamand qui s’est développée dans l’Université Catholique de Louvain contre la présence d’une section francophone en son sein.

Cette crise politique fut appelée par les médias « L’affaire de Louvain ».

Elle est considérée par les Belges francophones comme étant le mouvement « Walen buiten » (Wallons dehors), alors que les nationalistes flamands la voient comme la lutte pour le « Leuven vlaams » (Louvain flamand).

Étudiant à Louvain, Ludo Martens, futur dirigeant d’AMADA puis du PTB, est alors actif à la Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond (KVHV) (Association des étudiants catholiques flamands).

Il est, en outre, le rédacteur en chef du journal du KVHV « Ons Leven » (« Notre Vie »).

Les étudiants du KVHV sont des gens « bien comme il faut », liés à la bourgeoisie traditionnelle catholique et nationaliste. Leur site web est d’ailleurs très parlant lorsqu’il y est fait l’article des « célébrités flamandes » étant passées par le KVHV depuis sa fondation, en 1902.

Leuven 1968 : Paul Goossens et Ludo Martens

Leuven 1968 : Paul Goossens et Ludo Martens

Nous y retrouvons l’écrivain nationaliste Ernest Claes qui, sous l’occupation nazie de la Belgique, fut un important soutien du Vlaams Nationaal Verbond (VNV), organisation collaborationniste flamingante pro-nazie…

Mais également Wilfried Martens, ex-Premier ministre belge catholique ultra-nationaliste qui fut président du KVHV durant ses études à Louvain.

A quoi s’ajoutent Gerolf Annemans, cadre du Vlaams Belang (ex-Vlaams Blok), député européen; Bart De Wever, dirigeant de la N-VA indépendantiste, bourgmestre d’Anvers; Fernand Huts, ex-député, patron de Katoen Natie, importante société de logistique et de service implantée dans le port d’Anvers et présente dans 28 pays…

Cet arrière-plan est important pour comprendre la nature d’AMADA et du PTB qui en est issu.

La répression des mineurs du Zwartberg et la naissance du SDV

Le 31 janvier 1966, la gendarmerie fait feu sur les opposants à la fermeture de la mine du Zwartberg située près de la ville de Genk (Limbourg). Les prolétaires Jan Latos, 27 ans, et Valeer Sclep, 26 ans, sont abattus.

Mine de Winterslag (proche du Zwartberg) 1966 : gendarme arme au poing

Mine de Winterslag (proche du Zwartberg) 1966 : gendarme arme au poing

Jan est frappé de deux balles dans le dos tandis que Valeer est mortellement blessé à la tête par une grenade lacrymogène tirée à partir du fusil d’un gendarme.

La répression féroce des grévistes du Zwartberg amène une certaine frange des étudiants louvanistes à se solidariser avec les travailleurs en lutte. Mais cette solidarisation se fait dans le cadre du nationalisme flamand, la cause des mineurs limbourgeois étant alors largement soutenue par le KVHV, mais également par les étudiants proches de la Volksunie ainsi que par d’autres groupements flamingants, dont les « miliciens » néo-nazis du Vlaamse Militanten Orde (VMO).

Les nationalistes flamands n’étaient cependant pas les seuls à faire montre de sympathie pour le combat des mineurs du Zwartberg. Côté francophone sont notamment présents des militants du Parti Communiste de Belgique de Jacques Grippa. Le soir du 31 janvier 1966, lors du meurtre par la gendarmerie de Valeer Sclep, plusieurs « grippistes » sont ainsi à ses côtés.

Voici ce qu’explique l’un d’eux dans un rapport interne destiné au Bureau politique de son Parti, document que nous publions pour archive :

Au sujet de la mort de Sclep

C’était le soir du 31 janvier. Willy, Danny P. et moi, qui étions sur place depuis le matin avions été rejoints à Zwartberg-mine par plusieurs copains fraîchement arrivés de Bruxelles : Jules, Achille, Alain….. ainsi que deux copains d’Anvers.

Zwartberg : Valeer Scelp mortellement blessé mis à l'abri par ses camarades

Zwartberg : Valeer Scelp mortellement blessé mis à l’abri par ses camarades

De là nous nous sommes rendus à Winterslag d’où devait partir une importante manifestation destinée à faire débrayer la mine de Waterschei.

Un millier de mineurs se trouvait déjà à la mine de Winterslag prêts à rejoindre les 6/700 qui étaient sur place à Waterschei. Entre les deux groupes : 4Km de route que les gendarmes ont vite coupée, isolant les deux groupes de mineurs et réprimant chacun d’eux séparément.

Nous sommes montés avec les deux voitures (celles de Willy et celle de Jules) vers Waterschei où les 6/700 mineurs se trouvaient devant le charbonnage André-Dumont, tout au long de la route de Hasselt étalés par petits groupes sur 500 M. Ils étaient calmes et ne manifestaient pas d’hostilité particulière, ils n’étaient même pas rassemblés en foule compacte.

Nous avions distribué nos tracts et nous nous trouvions au premier rang, éloigné des grilles du charbonnage d’une bonne centaine de mètres. Willy D. parlait à V. Sclep de la nécessité de créer un comité d’action. Tout un groupe de mineurs écoutait Willy. Nous nous trouvions éloignés du cordon de gendarmes d’une bonne vingtaine de mètres.

Je me trouvais légèrement en dehors du groupe à trois 4 mètres de Willy sur la droite. Soudain quelques manifestants (quatre ou cinq au plus) se sont portés en avant, vers les gendarmes, espérant sans doute entraîner la foule vers la mine. Je regardais les gendarmes et tournais le dos à Willy et son groupe. Les gendarmes n’ont pas attendu cinq secondes après ce mouvement de quelques manifestants. Au moins deux parmi ceux qui étaient à droite dans le cordon ont épaulé leur fusil pour tirer.

Il y a eu un reflux de foule et en me retournant, à quelques mètres de moi j’ai aperçu V. Sclep à terre portant la main gauche à son front où le sang sortait à grand flot. La gendarmerie n’a pas cessé de tirer des lacrymogènes. Cinq minutes près une ambulance est arrivée.

Nous avons été ensuite à Waterschei afin de prévenir les autres mineurs de ce qui se passait et afin de faire la jonction le plus vite possible.

Mais il était déjà trop tard : la gendarmerie avait occupé les carrefours et ceux de Winterslag s’étaient déjà battus durement avant notre arrivée.

Dans le KVHV, les contradictions s’exacerbèrent alors entre les tenants d’un courant représentant le nationalisme ouvertement réactionnaire et « l’aile gauche » pour qui la lutte est un combat « progressiste » opposé « au cléricalisme, à l’unitarisme [c’est-à-dire opposé à l’unité de la Belgique] et au capitalisme ».

Alors que Ludo Martens titre dans « Ons Leven » : « Travailleurs et étudiants, une nouvelle Révolution d’Octobre », le courant estudiantin dont il est un dirigeant évolue dans une perspective plus « sociale » pour donner naissance, en mars 1967 au Studentenvakbeweging (SVB) (Mouvement syndical étudiant).

Ses militants s’investissent sans réserve partout où cela bouge. Au printemps 1970, ils sont présents lors de grèves sur différents lieux de travail en Flandre. Voici ce que proclame, toujours en 1970, le premier numéro du périodique Alle Macht aan de Arbeiders à propos d’une nouvelle grève des mineurs limbourgeois :

« Une nouvelle phase de la lutte de classe débute. Les mineurs du Limbourg ont montré la voie dans leur combat soutenu et enthousiaste en janvier-février 1970. Ils ont été suivis par les travailleurs de Michelin à Bruxelles qui ont occupé leur entreprise durant sept jours. Dans tout le pays, des grèves spontanées ont éclaté – de Courtrai à Genk, de Charleroi à Anvers. Après des dizaines d’années d’oppression et de tromperie, les ouvriers ont à nouveau appris à connaître la force entière de la lutte des classes. »

C’est de cette structure ayant vu le jour dans la dimension du combat nationaliste flamand que naîtra, en 1970, d’abord sous la forme d’un journal, l’organisation Alle Macht aan de Arbeiders (AMADA).

Un changement d’apparence idéologique

Ce qui frappe donc, c’est que des gens se revendiquant du nationalisme flamand ont, en apparence du moins, changé d’idéologie, pour se définir comme communistes.

Cependant, ce changement d’identité politique ne se déroule qu’à la surface d’un fond populiste qui lui n’a pas changé et c’est pourquoi ce qui intéresse AMADA chez Mao Zedong, ce sont principalement deux choses : tout d’abord, la ligne de masses, ensuite le principe de la dénonciation d’ennemis du peuple.

Ce processus est tout à fait similaire à ce qui s’est déroulé en France après mai 1968, où des étudiants de la gauche anti-communiste interprétèrent le maoïsme d’une manière conforme à leur propre approche.

Il s’agit d’un processus où les étudiants, munis de la valorisation de la connaissance, doivent apprendre du peuple pour se mettre à son service. Ce processus suffirait en soi et il n’y aurait pas besoin de connaissance idéologique, de traditions révolutionnaires.

Ludo Martens écrit ainsi en 1970 dans un article de l’ouvrage collectif De kontestatie is vlees geworden, c’est-à-dire « La contestation s’est faite chair », ce qui en fait un titre très catholique :

« Nous devons en premier lieu apprendre de la lutte quotidienne du prolétariat flamand.

Les intellectuels doivent faire des enquêtes parmi les travailleurs de quelques usines. Nous devons tout d’abord acquérir une connaissance concrète de l’exploitation au sein de l’usine, de la tactique concrète employée par les patrons et les syndicats pour opprimer les ouvriers.

Les intellectuels peuvent proposer leur service aux ouvriers pour les aider pour que leurs revendications puissent s’exprimer. »

C’est là la même ligne que les socialistes révolutionnaires en Russie au début du 20e siècle. Il faudrait se fondre dans le peuple avec une « volonté révolutionnaire » et cela suffirait.

Dans l’ouvrage de Jos De Man au sujet de mai 1968 « Het gevecht met de Mammon », soit « La lutte avec Mammon », un concept antisémite pour désigner le capitalisme, on trouve des interviews de dirigeants étudiants. Et voici comment Ludo Martens et Paul Goossens répondent à la question de savoir ce qui a été le démarrage sur le plan idéologique :

« Le début idéologique n’a pas été donné par les auteurs. Dans un premier temps, certains ont commencé à réfléchir à ce qui s’était déroulé à Louvain en 1966.

Il y avait eu subitement une explosion que personne n’avait prévu et où personne ne comprenait ce qui se passait. »

Racontant qu’il y avait des affrontements avec la police et que les vacances universitaires avaient suivi, permettant une réflexion intellectuelle, Ludo Martens et Paul Goossens expliquent alors :

« Nous en sommes venus à des thèmes tels que les ouvriers et la démocratisation. Des choses qui étaient très générales et très abstraites pour nous. Nous voulions Louvain flamande, c’est-à-dire, nous voulions que le peuple flamand puisse aller à l’université.

Mais le mouvement flamand n’est jamais allé au-delà de slogans très abstraits. On ne savait pas qui était le peuple. Nous avons été le premier qui a posé la question : qui est le peuple ? »

Comme on le voit, on a ici des nationalistes flamands considérant que leur mouvement doit être populaire. Ils considèrent alors que la bourgeoisie et le catholicisme sont des obstacles et c’est cela qui les fait utiliser des concepts communistes, qui les fait prendre une apparence communiste.

Les zig-zags comme preuve de la nature d’AMADA

Bimensuel TPO-AMADA du 9 novembre 1977 (n° 27)

Si cette thèse est juste, alors il est possible de la vérifier en pratique. Deux aspects sont ici à prendre en compte.

Tout d’abord, si AMADA est né du populisme et si c’est sa base, alors on doit trouver une continuité ininterrompue du populisme, que cela soit avant AMADA, avec AMADA, après AMADA c’est-à-dire avec le Parti du Travail de Belgique.

Ensuite, si AMADA n’a fait que piocher des concepts, sans connaître ni l’idéologie ni les traditions révolutionnaires authentiques, alors la conséquence est que, ne les maîtrisant, il y aura des zig-zags en série.

Et, effectivement, telle est précisément l’histoire du développement historique d’AMADA (et ensuite du PTB).

En façade, AMADA-TPO est ainsi « marxiste-léniniste », se revendique de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, de la « pensée de Mao Zedong », et assume – au niveau du discours – le renversement du système capitaliste dans un processus de violence révolutionnaire ; en pratique, c’était déjà une organisation populiste, prônant une ligne « sociale » à la base et célébrant la Chine fasciste d’après Mao Zedong.

Cela est très facile à comprendre à la lecture de la Lettre au Comité Central du Parti Communiste Chinois dans laquelle il apparaît que des erreurs à la fois subjectivistes et opportunistes sont historiquement bien présentes lorsque AMADA – TPO explique entre autres :

« La révolution culturelle a écrasé les trois bastions de la bourgeoisie dirigés par Liou Chao-chi, par Lin Piao et par la Bande des Quatre. Elle a plus que jamais auparavant unifié l’ensemble du Parti sur base de la pensée de Mao Tsé-toung. »

Wang Hong-Weng

Wang Hong-Weng

AMADA – TPO et la GRCP

1977 est une année terrible en Chine : la nouvelle direction du PCC issue d’une coup d’Etat proclame la fin de la Révolution Culturelle et enclenche alors une répression de grande ampleur contre ses partisans. Selon des étrangers ayant séjourné dans le pays à l’époque, il y eut non seulement des arrestations dans toutes les provinces, mais également de nombreuses exécutions.

La répression s’accompagne tout au long de 1977 d’une épuration massive du parti. Un tiers des cadres maoïstes partisans de la poursuite de la GRCP ont été « épurés ». Cette épuration s’est accompagnée d’un retour massif des anciens cadres écartés par la révolution culturelle. De la sorte, dans la composition même des cadres, le PCC de fin 1977 est beaucoup plus proche de celui de 1965 que de celui d’octobre 1976.

Dans le même temps, les thèses « dengistes » sur les « trois mondes » comme ligne de conduite stratégique générale ; ainsi que le tome V des Œuvres Choisies de Mao Zedong − édité par les révisionnistes, dont Houa Kuo-feng, qui s’était fait attribuer le monopole de l’édition et de l’interprétation des œuvres de Mao après la disparition de celui-ci − sont totalement assumés et diffusés de manière massive et enthousiaste en Belgique par AMADA-TPO.

Tchang Tchouen-Kiao

Tchang Tchouen-Kiao

Ce qu’il faut bien comprendre ici, c’est que la mise de côté de Liou Chao-chi comme « le haut responsable qui, bien que du Parti, suit la voie capitaliste », et de Lin Biao, qui a tenté un coup d’État fasciste en Chine rouge sous le déguisement d’une ligne « tiers-mondiste » était politiquement correcte et nécessaire.

Alors qu’inversement, la mise de côté de la Bande des Quatre est à comprendre historiquement comme une victoire de la ligne noire contre de la ligne rouge développée et défendue par Mao Zedong dans le cadre de la Révolution Culturelle.

Concernant la Bande des Quatre, qu’avons-nous ? Il s’agit de quatre cadres révolutionnaires, partisans de la révolution culturelle, qui ont été mis de côté, après la mort de Mao Zedong, par le coup d’Etat fasciste de Houa Kuo-feng et Deng Xiaoping. Ils appartenaient aux plus hautes instances du PCC.

Wang Hong-Weng est vice-président du parti depuis août 73 ; Tchang Tchouen-Kiao est membre du comité permanent du bureau politique ; Yao Wen-Yun et Kiang Tsing étaient déjà membres du bureau politique en 1969. Ils seront exclus à vie du parti en juillet 1977.

Alors, près de 40 années plus tard, même si d’une certaine manière cela peut apparaître comme étrange, nous voudrions demander :

Yao Wen-Yun

Yao Wen-Yun

– comment a-t-il été possible de se réclamer du maoïsme lorsqu’en septembre 1977, dans la Lettre au CC du Parti Communiste Chinois, ce sont les traîtres contre-révolutionnaires Houa Kuo-feng et Deng Xiaoping qui sont congratulés et salués du nom de « camarades » ?

– comment a-t-il été possible de se revendiquer de la « pensée de Mao Zedong » alors que dans la Lettre au CC du PCC, on affiche publiquement son adhésion à la ligne liquidatrice contre-révolutionnaire propagée par ces même Houa Kuo-feng, Deng Xiaoping et leur clique putschiste ?

– comment a-t-il été possible de se revendiquer de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en septembre 1977, alors qu’en Chine, au même moment, on assiste à un tournant à 180° par rapport aux positions de principe de cette même Révolution culturelle ?

Kiang Tsing

Kiang Tsing

– comment se fait-il qu’il n’ait pas été remarqué que partout dans le monde, des organisations − notamment le Parti Communiste Révolutionnaire du Chili − refusaient cette liquidation et défendaient Mao Zedong contre les accusations de Deng Xiaoping ?

Il est cependant correct de dire que la commission d’erreurs est inévitable, surtout lorsque l’organisation en est à l’étape de « Parti en construction ». Ainsi au Centre MLM avons-nous même commis l’erreur − et nous présentons l’autocritique pour cela − de puiser de manière unilatérale dans le tome V des Œuvres Choisies de Mao Zedong lorsque nous avons publiées nos positions sur la guerre populaire prolongée dans certains numéros de notre revue Clarté Rouge.

Néanmoins, dans le chef d’AMADA, le sectarisme, l’opportunisme couplés à une certaine forme de malhonnêteté politique ont historiquement des racines très profondes contre lesquelles aucune lutte sérieuse ne fut jamais menée, ni de véritable autocritique présentée.

AMADA – TPO et l’unité des marxistes-léninistes de Belgique

amada-1.jpgLe sectarisme ainsi que le caractère instable d’AMADA s’afficheront à travers son refus obstiné de débattre de manière constructive, dans le cadre du centralisme démocratique, de la proposition d’unifier tous les marxistes-léninistes de Belgique dans un seul et même Parti ; proposition explicite formulée par l’Union de Communistes (Marxistes-Léninistes) de Belgique dans leur Bulletin Marxiste-Léniniste n°2, de mai 1972.

UC(ML)B avait construit sa ligne d’unification du mouvement marxiste-léniniste sur base de la méthode léniniste qui indique qu’il faut partir du « sommet » : c’est à dire, dans un premier temps, de la centralisation de la lutte idéologique par l’avant-garde, ensuite du congrès de tous les délégués.

C’est exactement cela qu’AMADA rejettera puis combattra avec toujours plus d’acharnement. Après avoir refusé la discussion active et positive pour l’unité pendant près de trois années, AMADA passera brusquement de l’inertie à la dénonciation ; du refus de la lutte idéologique à la lutte à outrance ; allant jusqu’à dénoncer la direction de l’UC(ML)B comme « ennemis du peuple », comme « trotskyste » – le tout en inventant « complots » et autre « trahisons ».

ucmlb-reponses.jpgCes attitudes « radicales » trahissaient en fait déjà la peur des contradictions, la peur de la lutte, le manque de confiance dans sa propre ligne, ainsi que le refus obstiné de prendre en main la transformation de leur conception du monde.

Les communistes d’un pays donné sont tenus de s’organiser au sein d’un seul Parti, et ils doivent résoudre les contradictions entre eux selon des règles prévoyant la soumission de la minorité à la majorité et le droit de la minorité de réserver son opinion et de la défendre à l’intérieur du Parti, dans le respect de discipline et de l’unité. Toute autre « méthode » est le lot des anarchistes et des trotskystes.

La position d’AMADA était ridicule et intenable, car ou il y avait-il « complot » ? Chez ceux qui minoritaires dans le mouvement (UCMLB), se déclarent publiquement prêt à l’unité et à l’application du centralisme démocratique, ou chez ceux qui, majoritaires dans le mouvement (AMADA), posent comme exigence à l’unification l’adhésion de tous à leur ligne opportuniste ?

En septembre 1974, dans le cadre de la lutte pour l’unité des marxistes-léninistes, l’UC(ML)B explique dans son organe central « Unité Rouge » :

« La ligne qui consiste à vouloir aplanir les désaccords avant l’unification, est vouée à l’échec. Si elle continuait à être appliquée, c’est le contraire qui se passerait : le refus de l’unité aurait en définitive pour conséquence que les contradictions s’aggraveraient et s’envenimeraient. Ceci est une loi objective de la dialectique. »

uc_tract1.jpg

C’est exactement ce qui se produira… aux dépens de l’UC(ML)B − et contrairement aux apparences, finalement aussi d’AMADA ! Croulant sous les contradictions tant internes qu’externes, l’Union des Communistes (Marxistes-Léninistes) de Belgique disparaîtra corps et biens à la fin de la décennie 1970, cela après avoir été traversée par une période irrationnelle et délirante faite de méfiance, de suspicions débouchant sur des troubles internes avec des séances d’autocritique au cours desquelles des armes à feu sont présentes et pointées sur la tempe de militants considérés comme non suffisamment sincères.

La défaite de l’UC(ML)B se concrétisa dans une fuite en avant consistant en la publication de documents comme ceux émanant de leur IIe Conférence nationale (extraordinaire) de mai 1976 et d’autres dans lesquels la théorie « denguiste » des « trois mondes » est mise en avant comme une sorte de solution miracle permettant la résolution des contradictions à tous les niveaux.

Son éclatement en mille morceaux distincts permettra à AMADA et ensuite au PTB de « triompher » ; de clamer leur hégémonie sur les idées marxistes-léninistes en déroulant librement leurs multiples élucubrations théoriques ; le tout associé à des pratiques électoralistes tournées vers une forme d’économisme typique du style des radicaux-réformistes. Cet état de chose connaîtra cependant une parenthèse dans les années 1984-1985 lorsque que les Cellules Communistes Combattantes initieront leurs trois Campagnes de propagande armée. Mais ceci est une autre histoire…

Bimensuel TPO-AMADA du 13 septembre 1977 (n° 23)

Dans la continuité d’AMADA, le PTB est devenue fort logiquement ce que nous avons sous les yeux aujourd’hui : une organisation social-démocrate sur une ligne « dure ».

AMADA et le PTB n’auront finalement jamais réussi à maintenir bien longtemps ne fut-ce qu’un semblant de ligne cohérente. Après mille et un zig-zags visant à se définir comme « communistes » − que nous renonçons à énumérer car on aurait jamais fini d’en relever toutes les inconséquences − le PTB se révèle sous le jour « nouveau » que nous connaissons aujourd’hui.

Dans le prolongement de toute une « évolution », son projet contre-révolutionnaire est désormais ouvertement assumé. Ses dirigeants déclarent inconsistante la conception même du « but final » et repoussent catégoriquement l’idée de la dictature du prolétariat, du communisme, le tout au profit d’une ligne pragmatique-machiavélique consistant à colporter dans les masses populaires leur camelote social-démocrate de type « jauressiste » sur les nationalisations des grandes entreprises sous le capitalisme, et sur le « libéralisme social » en tant que modèles à suivre.

Conclusion

En dernier point, ajoutons que la juste compréhension de la nature intrigante d’AMADA est également à découvrir dans les extraits du procès-verbal d’une réunion consacrée à l’unité des ML de Belgique qui s’est tenue entre TPT (future UC(ML)B) et AMADA durant le mois de mai 1972, document que le Centre MLM [B] a pu se procurer et que nous publions ci-dessous en annexe.

Bimensuel TPO-AMADA du 26 octobre 1977 (n° 26)

Face au coup d’Etat et au fascisme qui se profilent, pour les masses populaires il est très important de voir que la capitulation idéologique et culturelle exprimée par les chefs « officiels » du PTB, Raoul Hedebouw et Peter Mertens, découle historiquement de l’absence de ligne politique correcte depuis la genèse d’AMADA.

Le grand danger que présente la pseudo radicalité petite-bourgeoise tient à ce qu’elle assume une multitude de formes, sans se soucier du contenu. Face à la crise capitaliste, face à la bourgeoisie, Hedebouw et les autres sont prêt à toutes les gesticulations, toutes les manigances, tous les chantages.

Ils sont prêts à manipuler les masses sous n’importe quel prétexte, comme force d’appoint au capitalisme, pour exercer une pression.

C’est pourquoi nous disons :

– C’est la bannière de la démocratie populaire et non pas celle du parlementarisme qui doit être levée en Belgique, les éléments les plus réactionnaires de la bourgeoisie pillant le pays devant être écrasés afin que les masses puissent trouver leur chemin.

– Sous le capitalisme pourrissant les organes de l’État bourgeois sont anti-démocratique et doivent être écrasés par la guerre populaire, car seules les masses armées peuvent conduire leur propre destin.

– Arborer, défendre, appliquer le marxisme-léninisme-maoïsme !

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B]
12 septembre 2016

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ANNEXE

TPT / AMADA : PV mai 1972

TPT : Comment expliquez-vous que, pour vous, le développement interne d’un groupe peut être plus important que la lutte idéologique au niveau de tous les marxistes-léninistes du pays ?

AMADA : Il y a des organisations qui posent la question du Parti, mais ça ne correspond à rien. Il faut un développement interne dans le groupe au point de vue pratique de cette ligne. Lancer abstraitement des formules sur le Parti n’est pas valable. (Procès-verbal, p.6).

TPT : Quand on était d’accord sur la ligne, quand nous traduisions votre journal vous refusiez l’unité. Etes-vous encore d’ accord avec cette attitude que vous aviez ?

AMADA : A ce moment-là, l’attitude était logique, car nous ne posions pas comme problème central la question de l’unité.

TPT : Mais au niveau du mouvement, était-ce objectivement le problème central ? Si oui, alors vous devez faire une autocritique et en tirer les conséquences.

AMADA : Nous n’avons pas d’auto critique à faire pour avoir refusé de diriger tout le mouvement à une époque où nous n’étions pas capables de le faire.

TPT : C’est scandaleux comme affirmation ! Alors selon vous, recruter de nouveaux militants, cela ne pose pas plus de problèmes que de rallier des marxistes-léninistes ? A ce moment dont nous parlons, non seulement vous avez refusé la lutte pour l’unité, mais en plus vous avez même refusé de soutenir la gauche dans la lutte contre les spontanéistes au sein d’UUU, alors que vous étiez plus avancés sur ce point-là. Quand vous êtes à l’avant-garde, vous refusez l’appui à la gauche, quand vous n’y êtes plus, vous refusez de mettre au premier plan la question de l’unité. La tâche centrale n’a pas changé depuis un an, depuis plus longtemps même, depuis qu’il n’existe pas de Parti communiste en Belgique. Et vous refusez toujours de la considérer comme centrale. Existe-t-il une autocritique sur la position que vous avez défendue ? Sur la question des deux centres ? Quelle était l’origine de cette erreur ?

AMADA : La position défendue sur les deux centres n’est pas une position de principe, c’est une façon d’avancer vers l’unification. C’est la préparation des taches d’unité.

TPT : Pourquoi faut-il deux centres pour cela ? Parce qu’il faut d’abord l’unité linguistique avant l’unité idéologique et politique ?

AMADA : Ce n’est pas une question de principe.

TPT : C’est faux que ce n’est pas un principe. C’est un principe bourgeois.

AMADA : Il faut une période de transition où nous restons le centre de notre organisation. Car il y a plus de facilité à élaborer une tactique commune par région.

TPT : c’est la question politique qu’ici est principale. Pas la question linguistique. Cette position est une séquelle du nationalisme bourgeois. Il faut en faire-une sérieuse critique. Et derrière cette position, se cache votre individualisme, AMADA étant Le seul groupe flamand. La question des deux centres ne peut pas être vue en dehors des principes.

AMADA : Les quatre organisations wallonnes (OC, GR, TPT, UR) ont travaillé ensemble. Si l’unité entre ces quatre organisation avait réussi, il aurait été plus facile pour nous de nous unir avec une seule organisation wallonne.

TPT : C’est à vous que nous avons demandé l’unité. Nous avons travaillé avec vous aussi. Et vous avez refusé l’unité avec nous. Cet ‘argument’ est une diversion. Nous étions plus proches de vous politiquement que de GR et de OC. Comment, idéologiquement, interprétez-vous ces faits ? Pourquoi. N’étiez-vous pas capables alors de jouer le rôle de centre et maintenant oui ? Parce que-vous avez progressé dans les tâches envers les masses ? Il se pose une double question :

1) pourquoi le centralisme démocratique est-il applicable à partir d’un certain moment seulement ?

2) pourquoi est-ce le progrès autonome d’AMADA qui fixe ce moment ? (Procès-verbal, p.13-14)

(…)

TPT : votre sectarisme est la preuve de votre manque d’idéologie communiste. Par exemple, ce sectarisme s’est manifesté lorsque vous avez refusé de nous assister dans notre lutte contre le spontanéisme, quand vous avez refusé l’unité que nous vous demandions.

AMADA : A ce moment-là ce n’était pas du sectarisme, c’était une question de forces. Nous ne les avions pas.

TPT : Vous ne considériez pas l’unité comme tâche principale, c’était une erreur ?

AMADA : Non, nous n’avions pas les armes.

TPT : Ce qui est important, c’est de savoir si c’est le moment de prendre les armes, alors on les trouve, les armes ! On ne regarde pas d’abord si on les a. D’ailleurs, vous les aviez. Dans la lutte contre l’économisme et le spontanéisme, vous étiez plus avancés que nous, et nous nous sommes basés sur vos textes pour mener notre propre lutte.

La question de l’autocritique ne revient pas à dire si une, position est ‘logique’ en fonction du développement interne … (Procès-verbal, p.16-17)

TPT : Pourquoi chaque organisation doit-elle progresser seule ? Et comment progresse-t-elle, si elle est séparée des autres ? Jusqu’où doit-elle progresser de façon autonome ?

AMADA : Il faut partir des contradictions dans chaque organisation.

TPT : C’’est du polycentrisme. La contradiction principale est à l’intérieur de tout le mouvement. Concrètement, il y a nécessairement une organisation qui est plus avancée que les autres sur la question de la contradiction principale. Pourquoi refusez-vous qu’elle entraîne les autres ?

AMADA : Selon vous, l’apport le plus valable à l’unité c’est que chaque organisation fasse part de ses expériences aux autres, pour leur permettre de se corriger en même temps qu’elle, d’éliminer leurs déviations. (Procès-verbal, p.5)
(…)


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