Les femmes portoricaines, les femmes noires, et en général les femmes du Tiers-monde (les femmes colonisées) prennent de plus en plus conscience de leur oppression passée et présente. Elles sont opprimées de trois façons sous le capitalisme. D’abord, elles sont opprimées en tant que portoricaines ou noires, ensuite elles le sont en tant que femmes, et enfin elles le sont par leurs propres hommes.

Dans le passé, les femmes étaient victimes de plusieurs institutions, dont le mariage. En Amérique Latine et à Porto Rico, les maris avaient une épouse, et en plus une autre femme, appelée la corteja ( « la concubine » ). Cette situation existe encore aujourd’hui. L’épouse devait être une ménagère, élever les enfants et maintenir le renom et l’honneur de la famille.

Il fallait s’assurer qu’elle reste vierge jusqu’au mariage et pure tout au long de sa vie, ce qui implique qu’elle ne pouvait faire l’expérience d’aucun plaisir sexuel. L’épouse devait avoir des enfants afin de rehausser le machisme du mari et sa position dans la société portoricaine.

La corteja devenait son instrument sexuel. Il était accepté que l’homme la loge dans une autre maison, paie son loyer, ses courses, ses factures. Il était possible aussi qu’ils aient des enfants ensemble. Mais en tout état de cause, les deux femmes devaient fidélité à l’homme et l’enfance des deux groupes de petits était marquée par l’incertitude et la confusion.

On a toujours attendu des femmes qu’elles soient simplement des épouses et des mères. Le reste de la communauté les respecte en tant que bonnes cuisinières, bonnes ménagères, bonnes mères, mais jamais parce qu’elles sont intelligentes, courageuses, instruites ou militantes.

Dans le passé, les femmes n’avaient pas d’instruction, seuls les garçons allaient à l’école, et les mères étaient respectées en fonction du nombre de garçons qu’elles avaient. Les filles étaient tenues pour quantité négligeable, la seule possibilité était de se marier au plus vite pour quitter la maison. A la maison, la fille jouait le rôle de nurse pour ses petits frères et sœurs et de marmiton pour sa mère. Sur elle était braqué l’œil de faucon du père, des frères et des oncles qui veillaient à sa virginité.

En Amérique Latine, les gens se servaient de duègnes, vieilles femmes chiens-de-garde pour garder la pureté de leurs filles. Le soupirant doit être assuré que personne n’a encore touché sa promise, car sinon cela gâcherait la qualité de la « marchandise.» Quand il se marie avec elle, son but est d’avoir des enfants et une maison bien tenue, mais pas une partenaire sexuelle.

Dans ce cadre, le sexe était un sujet tabou, les femmes étaient conditionnées à croire que le sexe est une chose immorale et sale, au service simplement de la reproduction. Les femmes portoricaines et noires sont toujours vues comme des teigneuses, athlétiques et portées sur le sexe, jamais comme des intellectuelles. On ne demande pas aux femmes portoricaines de connaître une science, à part celle de la maison, la cuisine et du lit. Il suffit qu’elles soient jolies et qu’elles aient un peu d’humour.

L’homme portoricain se sent supérieur à la femme, et ceci légitime à ses yeux tout un tas de choses : jurer, boire, prendre des drogues, battre sa femme, courir d’autres jupons. De fait, ces choses-là sont vues comme quelque chose de naturel pour un homme, et s’il ne les fait pas, il n’est plus considéré tout à fait comme un homme. Un femme qui jure, boit et fréquente beaucoup d’hommes est vue comme une ordure, une folle, une pute.

De nos jours, les hommes portoricains sont très nombreux à être engagés dans des mouvements politiques, cependant, la plupart de leurs femmes restent à la maison à s’occuper des enfants. Les sœurs portoricaines qui s’engagent dans la lutte politique sont vues comme agressives, castratrices, dures et peu féminines, mais aussi comme des proies faciles sexuellement, car après tout, que viennent-elles faire là, si elles ne sont pas à la maison ?

L’homme portoricain cherche à limiter le rôle de la femme, parce que sinon sa double définition de la femme (épouse et concubine) est menacé, il se sent mal à l’aise, comme s’il n’avait plus sa béquille. Le machisme a toujours été un trait dominant de la culture latino-américaine. Le machisme, c’est du chauvinisme mâle, mais avec quelque chose de plus. Si l’homme peut faire tout ce qu’il veut, c’est parce que sa femme a déjà été réduite à l’état d’objet au rôle prédéfini : épouse, mère, femme d’honneur.

Le machisme signifie pour les femmes violences physiques, châtiments, torture. Lorsqu’un homme portoricain bat sa femme, c’est pour la remettre à sa place et lui montrer qui est le chef. La plupart des hommes portoricains ne battent pas leurs femmes ne public, car aux yeux des autres hommes cela serait vu comme un signe de faiblesse. En général, cela se fait à la maison.

Toute la colère et la violence issues de siècles d’oppression, qui devrait se diriger contre l’oppresseur, s’abat sur les femmes portoricaines. L’agression s’étend aussi à leurs filles. Elles entendent leur père dire que « la seule façon de se faire comprendre quoique ce soit à une femme, c’est de lui taper dessus ». Le père applique cela à sa fille, il la frappe de façon à lui inculquer le respeto (le respect). Les jeunes filles grandissent avec des idées et des attitudes négatives sur le rôle des femmes et des hommes. Elles grandissent avec la perspective de se faire frapper.

Les fascistes sexuels sont des êtres particulièrement malsains. Leur maladie vient en partie de ce système, qui arbore le puritanisme dans les attitudes et dans les lois, mais exploite en même temps les corps pour son profit. Le fascisme sexuel est étroitement lié au machisme et à sa double définition des femmes. Il consiste en ce qu’un homme ou une femme ne considère le sexe opposé que comme objet sexuel à utiliser puis à rejeter.

Les fascistes sexuels n’ont pas de considération pour les sentiments des gens, ils ne voient partout que des bites et des chattes. Toute conversation, spécialement les conversations politiques, sera utilisée en vue du sexe.

Les sœurs du Tiers-Monde sont prises dans une situation complexe. D’un côté elles sont les premières à sentir que le génocide s’exerce sur notre peuple. Le peuple portoricain est condamné à disparaître bientôt de la face de la Terre si les femmes portoricaines continuent à être stérilisées comme elles le sont aujourd’hui. La pratique de la stérilisation remonte aux années 1930, quand des médecins affirmèrent que c’était l’unique moyen de contraception. En 1947, 48,7% des femmes portoricaines furent stérilisées, entre 1953 et 1954, il y en avait 4 sur 25, et en 1956 une femme sur trois.

Dans de nombreux cas, on leur a menti sur la nature de l’opération qui avait été faite. Fait aussi partie de ce génocide l’usage des pilules qui ont été testées pendant 15 ans sur les sœurs portoricaines avant d’être commercialisées aux USA. Aujourd’hui, beaucoup de médecins disent que ces pilules causent le cancer ou même la mort par hémorragie.

Les avortement se pratiquent dans des hôpitaux qui ressemblent à des boutiques de bouchers, ils se font dans des conditions à peine meilleures que les avortements illégaux auxquels les femmes portoricaines étaient habituées. La première femme morte d’un avortement à New York City fut Carmen Rodriguez, une sœur portoricaine, morte à l’Hôpital Lincoln. L’avortement était légal, mais fait dans des conditions mortelles.

D’un autre côté, nous croyons que les avortements devraient être légalisés mais à condition qu’il soient contrôlé par la communauté, qu’ils soient propres, que les gens soient instruits de ses risques, et que les médecins ne stérilisent pas les femmes alors qu’elles se font avorter.

Nous sommes conscientes que sous le capitalisme nos sœurs et frères ne peuvent soutenir une famille nombreuse, et que plus on a d’enfants, plus la vie est dure pour eux et nous. Nous disons : changeons le système pour que les femmes puissent librement avoir autant d’enfants qu’elles le souhaitent sans en subir les conséquences.


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