Bruxelles, les 2, 3, 4, 5 et 6 février 1946

Rapport d’activité du Comité Central du Parti Communiste depuis le VIIe Congrès tenu en août 1939

L’ACTIVITÉ DU PARTI ENTRE LES VIIe ET VIIIe CONGRES

Siège du Parti Communiste de Belgique en 1946

Siège du Parti Communiste de Belgique en 1946

I. LA LUTTE POUR LA PAIX (août 1939-mai 1940)

LE 7e CONGRÈS DU PARTI

Le 7ème Congrès National du Parti (août 1939) s’est tenu alors que la deuxième guerre mondiale se dessinait de plus en plus à l’horizon.

Il devenait de plus en plus clair à ce moment que si les grandes puissances occidentales ne modifiaient pas leur politique de capitulation envers le fascisme et plus particulièrement envers l’Allemagne nazie et si elles n’abandonnaient pas leur politique d’hostilité à l’égard de l’Union Soviétique, la guerre ne serait plus qu’une question de mois, sinon de semaines.

LE PARTI CONTRE LA NEUTRALITÉ ET L’ESPRIT DE MUNICH

Devant ce danger extrêmement grave qui menaçait la paix du monde, le 7ème Congrès de notre Parti démasquait les responsables et indiquait à quelles conditions la paix pouvait encore être sauvée. Il cloua au pilori les fascistes de l’extérieur et de l’intérieur. Il dénonça la culpabilité des Munichois, ces faux apôtres de la paix qui, loin de la sauver avaient par leurs capitulations aggravé les risques de guerre. Il dénonça l’expression belge de cette politique de capitulation devant le fascisme, la politique honteuse de « neutralité » soutenue par Léopold III et pratiquée par les gouvernements de l’époque. Il souligna que seule, une politique de sécurité collective pouvait sauvegarder la paix et que la neutralité léopoldiste, politique défendue par les trusts et les agents d’Hitler en Belgique, faisait le jeu des hitlériens. Le Congrès mit au premier plan de ses préoccupations la défense de l’indépendance du pays.

« L’intérêt du Pays exige que la Belgique participe aux efforts en vue de mettre sur pied le front de la Paix. Il faut respecter les libertés démocratiques. On ne peut efficacement défendre le pays sans le respect absolu des droits démocratiques et les conquêtes sociales, sans une répression sévère des agissements des traîtres fascistes et des espions hitlériens. Le P.C. mettra tout en œuvre pour défendre l’indépendance du pays et la liberté de ses peuples. Animé par cette ardente volonté, il appelle les masses à s’unir pour mettre un terme aux capitulations devant Hitler ».
(Manifeste du 7ème Congrès du P.C.B., août 1939.)

Cet appel ne fut pas entendu.

LA POLITIQUE ANTISOVIÉTIQUE

Au moment de la session du 7ème Congrès, des pourparlers étaient en cours à Moscou entre des missions militaires anglaise, française et soviétique. Ce fut la dernière tentative faite par l’URSS pour empêcher le déclenchement de la guerre. Au cours de ces pourparlers, il devint de plus en plus évident que les « démocraties occidentales », en refusant le droit de passage aux armées soviétiques à travers la Pologne en cas d’invasion de cette dernière par l’Allemagne, espéraient amener les armées allemandes sur les frontières de l’URSS et assurer leur sécurité en provoquant un conflit germano-soviétique.

L’anticommunisme forcené des trusts internationaux et des gouvernements à leur service, leurs intérêts de caste, les amenaient à sacrifier la paix du monde.

LE PACTE GERMANO-SOVIÉTIQUE

Devant cette politique criminelle des gouvernements des Etats occidentaux, l’URSS signa, en août 1939, un pacte de non-agression avec l’Allemagne. Elle montra ainsi qu’elle ne voulait pas être la dupe d’une politique aventurière, anticommuniste et impérialiste. Les trusts avaient voulu la guerre, ils l’eurent mais pas là où ils l’avaient espéré.

LA DRÔLE DE GUERRE

Malgré la déclaration de guerre anglo-française à l’Allemagne hitlérienne, les trusts internationaux et les gouvernements Chamberlain-Daladier ne perdaient pas l’espoir de faire prévaloir leur politique et de faire mener la guerre contre l’URSS. C’est ce qui a déterminé leur politique pendant la drôle de guerre.

Tandis qu’aucune opération d’importance n’était entreprise contre l’Allemagne, des campagnes de presse véhémentes étaient lancées contre l’URSS et on préparait contre elle une intervention armée en liaison avec les opérations défensives qu’elle avait été contrainte d’entreprendre contre les gardes blancs finlandais étroitement liés à Hitler. Des plans furent également dressés afin d’attaquer l’URSS par le sud. En même temps, dans les pays démocratiques occidentaux, des mesures de répression particulièrement sévères furent prises contre les communistes qui appelaient le peuple à la lutte contre la politique antisoviétique qui devait conduire ces pays à la catastrophe.

Notre parti n’hésita pas à dénoncer la guerre ainsi conduite qui n’a pas pris le caractère d’une guerre nationale et antifasciste, mais celui d’une guerre impérialiste menée contre le peuple.

LA POLITIQUE CRIMINELLE DE LA BELGIQUE

La Belgique continua officiellement à s’en tenir à une politique de neutralité. Dans le fait, après avoir spéculé sur la formation d’un bloc capitaliste dressé contre l’URSS, elle était prête à se vendre au plus offrant. Cette politique devait inévitablement l’entraîner dans le conflit. Notre Parti exigea une politique de neutralité véritable basée sur une lutte conséquente contre toute espèce de fascisme, quelles que soient les couleurs nationales dont ils s’affublaient. Pour assurer l’indépendance réelle du pays, il réclamait la démocratisation profonde de l’administration et de l’armée, l’éviction des fascistes de toute fonction publique, l’augmentation du bien-être des masses travailleuses, le rapprochement et l’amitié avec l’URSS.

Le gouvernement tripartite, alors au pouvoir, développa une politique diamétralement opposée. Au lieu de s’attaquer aux fascistes espions de l’étranger, le gouvernement leur témoigna une complaisance éhontée. Les fascistes eurent toute liberté pour saboter notre défense nationale. Rien ne fut entrepris contre leurs organisations qui, avec la complicité des officiers haut placés et imprégnés d’anticommunisme, opéraient au sein de l’armée et vendaient nos secrets militaires à l’étranger.

Au lieu de donner satisfaction aux demandes des travailleurs et des soldats, le gouvernement augmentait les impôts. Les soldats devaient se contenter d’une solde dérisoire de 1 franc et leurs familles recevaient des allocations minimes. Les libertés démocratiques étaient chaque jour restreintes. Le gouvernement menait une politique farouchement antisoviétique. Il s’associa à l’action menée par la S.D.N. contre l’URSS de la part d’une presse et d’organisations vendues aux trusts ou directement à Hitler. Notre Parti se dressa contre cette politique.

« La « Vérité », organisme illégal du Parti, écrivait le 06/12/39 :

« Les impérialistes n’ont pas renoncé à l’espoir de s’entendre pour déclencher la croisade contre l’URSS. Ce n’est pas par hasard que les belligérants visiblement se ménagent mutuellement sur les fronts de l’Ouest. Londres et Paris proclament bien haut leur désir de voir s’instaurer en Allemagne un régime avec lequel il y aurait moyen de s’entendre pour partir à l’assaut du pays du socialisme. Certains journaux aussi en Belgique ont cyniquement avoué les buts de guerre réels de Chamberlain et Daladier : s’entendre avec l’impérialisme allemand pour déclencher la croisade contre le pays du socialisme. »

LES EFFORTS DU PARTI POUR EMPÊCHER L’ENVAHISSEMENT DU PAYS

Notre Parti dénonça les faiblesses et les complaisances qui devaient conduire à l’envahissement du pays et à sa capitulation rapide devant les armées hitlériennes.

Nos députés et sénateurs à la tribune des deux Chambres continuèrent à défendre la justice politique antifasciste et menèrent, quasi contre tous, la lutte pour la démocratie et l’indépendance du pays.

Notre camarade Marteau s’exprimait à la Chambre en ces termes :

« Ceux qui se livrent aujourd’hui à de méprisables excitations à propos de la Finlande applaudirent ou se turent lorsque Mannerheim massacrait le peuple finlandais avec la soldatesque allemande. Ce sont ces mêmes pharisiens qui se taisaient ou applaudissaient lorsque Franco, avec l’aide directe de Rome et de Berlin, avec l’appui de la non-intervention, tuait femmes et enfants … L’URSS avait passé l’éponge sur bien des choses pour créer le front de la paix, mais de ce front, les impérialistes anglo-français n’ont pas voulu, renouvelant leur politique du « cordon sanitaire » … La haine avec laquelle réactionnaires et socialistes attaquent à présent l’URSS confirme à quel point les intérêts de classe dominent les événements… »

LA RÉPRESSION ANTI-COMMUNISTE

Cette attitude eut pour conséquence de déclencher contre notre Parti une campagne de répression d’une ampleur extraordinaire. Nos réunions furent interdites, notre presse fut suspendue, nos militants arrêtés et jetés en prison.

Tandis que les nazis voyaient − à juste titre − dans le Parti communiste leur ennemi le plus dangereux en Belgique et que la Gestapo, déjà en contacts étroits et amicaux avec certains organismes de la police belge, exigeaient rapport sur rapport sur notre activité, les milieux gouvernementaux développaient une campagne perfide et s’efforçaient de présenter les communistes comme les alliés des Allemands.

Ils n’hésitaient pas à introduire au sein même du Parti des provocateurs et des hommes au service de la police qui s’efforçaient de mener une campagne de désagrégation intense et de diviser les communistes sur des questions essentielles. Ces manœuvres échouèrent devant la fermeté du Parti et devant la qualité de ses cadres dirigeants qui, en dépit des difficultés, maintinrent intacte notre unité de vue. Elles eurent pour seuls résultats d’éliminer du parti des éléments suspects ou instables.

Les trusts et les Munichois ne voulaient pas que nous puissions mettre en garde les masses populaires contre leur politique traîtresse.

Quand, au début de 1941, le gouvernement Pierlot fit voter par le Parlement une loi spéciale en vue de priver les communistes de leurs droits constitutionnels, Lahaut, de la Tribune de la Chambre, dénonça cette loi en ces termes :

« Vous avez prêté serment à la Constitution en entrant dans cette Chambre. Vous allez violer cette Constitution. Vous n’empêcherez pas pour cela la lutte du Parti Communiste pour la liberté des peuples. Vous pouvez brûler les cathédrales et en accuser les communistes. Vous pouvez incendier le Reichstag et faire préparer des attentats à la dynamite par un autre Pourbaix, nous ne vous craignons pas, nous appelons à nous tous les exploités, tous ceux qui veulent la Paix, à s’unir contre les profiteurs de guerre. Nous les appelons à s’unir pour défendre leurs droits, leur pain, leurs libertés. »

Nos journaux, « La Voix du Peuple » et « Het Vlaamsche Volk » étant interdits, le Parti édita ses journaux clandestins : « L’Action », « De Action », « L’Echo du Peuple », « En avant », « En Toch », « La Vérité », « La Clarté », etc.

Leurs rédacteurs, leurs imprimeurs et leurs distributeurs étaient traqués par la police. Les arrestations se succédaient. C’est ainsi que furent jetés en prison nos camarades Lalmand, Wesly, Taillard, G. Hebbelincks. Mais, chaque fois, le travail était repris et la juste parole continuait à pénétrer dans les fabriques, dans les bureaux et au sein de l’armée. La réaction fut incapable de faire taire la voix du Parti Communiste.

10 MAI 1040

Ce que nous avions prédit arriva et, le 10 mai 1940, notre pays fut une proie facile pour les nazis. Vendue d’avance par le VNV et les rexistes, mal protégée par une armée et des institutions démocratiques gangrenées de fascisme, la population perd pied dans le labyrinthe de la politique officielle munichoise et antisoviétique. Elle est, au surplus, abandonnée par les autorités qui, quasi toutes, se sauvèrent vers le Midi de la France. Le Roi et ses conseillers ne trouvèrent plus aucun obstacle sur le chemin de la capitulation.

LES COMMUNISTES ARRÊTÉS

Le Gouvernement donna, le 10 mai même, une preuve nouvelle de son incompréhension totale des véritables intérêts du pays et de la démocratie. Tous les militants connus du Parti, y compris députés et sénateurs, furent recherchés par la police belge. Ceux qui furent arrêtés furent conduits en France dans des conditions inhumaines et passèrent plus de trois mois dans des camps de concentration du Midi. Parmi eux se trouvaient nos camarades Lalmand, Herssens, Coenen, Alice Degeer et beaucoup d’autres ; certains furent tués au cours du transport. Pendant ce temps, les Declercq et les De Man continuèrent à jouir de leur liberté et faisaient leurs préparatifs en vue de leur intégration dans l’ordre nouveau d’Hitler.

II. LA LUTTE DU PARTI COMMUNISTE CONTRE L’OCCUPANT HITLÉRIEN
POUR LA LIBÉRATION DU PAYS

A) Avant le 11 juin 1941

AU LENDEMAIN DE LA CAPITULATION

Léopold III capitula après dix-huit jours. La France suivit quelques semaines plus tard. L’occupant s’efforce de gagner l’appui des couches les plus larges de la population à son ordre nouveau. A ce moment, les milieux de la haute finance croient à la victoire inévitable de l’hitlérisme et se jettent tête baissée dans la collaboration.

La plupart des dirigeants politiques restés au pays ou revenus de leur bref séjour en France obéissent aux conseils du Roi « en se remettant au travail » ou en se tenant soigneusement dans l’attente de jours meilleurs.

Telle était aussi la position d’une partie importante des dirigeants de nos organisations ouvrières. Certains, suivant en cela le chemin tracé par Henri De Man, s’attelèrent à l’organisation de la collaboration avec l’ennemi ; d’autres n’osèrent plus rien faire, déclarant la lutte impossible.

LE P.C., PARTI DE RÉSISTANCE

Dans cette période difficile, le P.C. fut le seul parti en Belgique qui, en tant qu’organisation, partit résolument en guerre contre l’occupant et ses valets fascistes. Il montra à la population que l’occupant pillait le pays et était responsable de l’état de disette dans lequel il se trouvait. Il montra que les trusts belges s’accordaient très bien avec ce régime d’ordre nouveau instauré par les nazis et insistait sur leurs responsabilités dans le pillage de notre pays.

LA LUTTE EST POSSIBLE

Dès le premier jour, notre Parti s’est attaché à démontrer aux masses que la lutte était non seulement possible dans les conditions de l’occupation, mais que cette lutte devait et pouvait amener des résultats immédiats pour l’amélioration de leur situation pénible.

LES LUTTES REVENDICATIVES

En effet, rappelons qu’une des premières mesures prises par l’occupant consista à bloquer les salaires et à défendre aux ouvriers de recourir à la grève. Se conformant à la politique antifaschiste de toujours, le P.C. commença à appeler les masses travailleuses à la lutte contre l’occupant et ses valets belges, pour un meilleur ravitaillement, pour l’augmentation des salaires, etc. Il édita, dès les premiers jours, ses journaux et ses tracts clandestins. Il entraîna les masses dans des actions de plus en plus nombreuses et de plus en plus amples.

LES COMITES POPULAIRES

Pendant l’automne 1940 furent créés un peu partout, à l’initiative des communistes, des Comités populaires. Ces Comités eurent une action double : légale et illégale. Ils s’intéressèrent à toutes les doléances des masses travailleuses, mais plus spécialement au ravitaillement. Des pétitionnements de masses furent organisés, des délégations multiples allèrent discuter avec les autorités communales, provinciales et nationales afin d’obtenir une amélioration au ravitaillement.

CONTRE L’U.T.M.I.

Des luttes particulièrement tenaces furent menées par les communistes afin de ne pas permettre à l’occupant de mettre la main sur le mouvement syndical. En effet, l’occupant et ses valets, les De Man et consorts, essayèrent par tous les moyens de s’annexer les syndicats ouvriers. Les communistes mirent tout en action pour les en empêcher. Devant le fiasco de leur politique, les nazis provoquèrent la création de l’U.T.M.I., mais cette organisation d’Ordre Nouveau ne réussit jamais à prendre la place des syndicats ouvriers. Les leaders syndicaux qui, dans les premiers temps, avaient cru pouvoir en prendre la direction s’en allèrent rapidement et le nombre limité d’ouvriers qui s’étaient laissé entraîner dans cette organisation fasciste l’abandonnèrent bientôt quasi sans exception.

LA NAISSANCE DES C.L.S.

La lutte contre l’U.T.M.I., ainsi que les luttes revendicatrices qui se multiplièrent au cours des années 1940-41 montrèrent la nécessité de certaines formes d’organisations syndicales libres et illégales, capables de réunir sur la base de l’usine toutes les forces ouvrières en lutte contre l’occupant. Déjà, en mars 1941, les premiers noyaux C.L.S. furent créés dans le pays de Liège, et ceci, par le travail de nos militants. « Clarté », journal clandestin du Parti, écrivait en mars 1941 :

« Nous ne sommes pas une génération d’esclaves ; nous savons ce que signifie la protection du 3ème Reich. C’est l’appui des fascises de Rex et de NV.N.V. qu’Hitler veut nous imposer. C’est la destruction des syndicats ouvriers et leur remplacement par les syndicats fascistes à la De Man ; c’est la protection des mercantis et le trafic avec eux ; c’est le droit pour le peuple de se taire et d’admirer les beautés de l’ordre nouveau. Hitler a dit aux peuples des pays occupés : « Soyez esclaves et je serai gentil avec vous ». Qu’il sache que nous ne sommes pas une génération d’esclaves ».

LES GRÈVES

Lorsque, au cours de l’hiver et du printemps 1941, les prélèvements massifs opérés par les nazis créèrent une disette particulièrement grave parmi la population, le Parti appela les masses à des grèves et à des manifestations massives. Et bien que celles-ci fussent défendues par les nazis, dans bon nombre de villes et de communes, des manifestations organisées dans la plupart des cas par nos militants et composées surtout de femmes, parcoururent les rues, le drapeau noir en tête. Les grèves se multiplièrent également, surtout dans les bassins miniers du Centre, du Borinage et de Charleroi. Une action d’éclat particulièrement importante, et par son caractère, et par son ampleur et par les résultats obtenus, fut la grève des 100.000 à Liège, grève conduite par notre camarde Lahaut. La terreur nazie, les arrestations massives ne purent ébranler la volonté des ouvriers. Ils obtinrent la victoire. En effet, les nazis durent leur donner satisfaction et consentir une augmentation des salaires de 8 %, mesure générale pour toute la Belgique.

Encore une fois, il n’est pas inutile d’insister, ce fut le Parti communiste qui se trouva à la tête de ces premières grandes luttes menées par notre peuple contre les nazis et ses agents.

Ces actions ne furent pas seulement intéressantes du fait qu’elles amenèrent une amélioration notable du sort des travailleurs, mais aussi parce qu’elles firent comprendre que la lutte était possible et que la victoire pouvait être obtenue, même contre un ennemi aussi puissant que les Allemands à cette époque.

LE SABOTAGE DE LA PRODUCTION

Le 1er mai 1941, notre Parti lançait un appel ainsi conçu :

« Le 1er mai, abandonnez les mines et les usines ! Manifestez partout votre volonté : à bas la domination étrangère et l’esclavage fasciste ! A bas Rex et V.N.V. A bas De Man et sa clique de l’U.T.M.I. Pour l’indépendance de la Belgique ! »

Et lorsque, au printemps 1941, notre Parti appela les ouvriers à saboter la production de guerre des Allemands, ce mot d’ordre trouva un large écho parmi les couches ouvrières, malgré les attaques perfides des attentistes et de certains politiciens subordonnant les nécessités de la lutte contre les Allemands à la sécurité de leur personne. Pour préparer les actions de sabotage, des groupes spéciaux de trois furent organisés. Ils devaient, dans la suite, rendre d’immenses services au moment de la mise en ligne des groupements de Partisans.

LA TRANSFORMATION DE LA GUERRE

Sur le plan international, le caractère de la guerre se transformait rapidement. En Angleterre, Chamberlain devait céder la place à Churchill, qui associa plus étroitement l’Angleterre à la lutte des peuples asservis. Pendant tout un temps encore, nous dûmes dénoncer certains aspects antidémocratiques et antisoviétiques de la politique anglaise. Cependant, peu à peu, le gouvernement anglais se ralliait à une politique plus juste, et il opposait un refus aux propositions hitlériennes, répétées à diverses reprises et entre autres par Hess au printemps 1941, de créer un bloc antisoviétique anglo-allemand.

D’un autre côté, les visées impérialistes de l’Allemagne hitlérienne devenaient de plus en plus monstrueuses. Hitler laissait éclater son rêve de domination mondiale. Il accentuait sa politique de rapine et de terreur dans les pays qu’il occupait provisoirement. Il s’attaquait à d’autres pays : la Yougoslavie, la Grèce qui, malgré l’héroïsme de leurs peuples, devaient eux, aussi subir le joug allemand.

Dans ces conditions, la guerre contre l’Allemagne et ses satellites fascistes changeait de contenu : elle devenait une guerre juste, une guerre nationale, une guerre de libération. Et lorsque, le 22 juin 1941, l’Allemagne attaqua perfidement l’URSS, le bloc des pays démocratiques opposés à la barbarie hitlérienne se cristallisa définitivement. Ce que la politique de Münich avait saboté, notamment l’union des peuples libres contre le fascisme, l’attaque du 22 juin 1941 et les accords anglo-soviétiques qui la suivirent devaient le réaliser. C’était la preuve éclatante de la justesse de la politique poursuivie par l’URSS.

LE 22 JUIN 1941

L’entrée en guerre de cette dernière transforma en une certitude l’espoir des masses opprimées dans la victoire finale contre l’Allemagne nazie. La question de la contribution efficace de la Belgique à la lutte contre Hitler se posa sous un aspect nouveau. La lutte armée pour l’indépendance du pays, l’union du peuple pour cette lutte devinrent les tâches principales auxquelles tout le Parti devait se consacrer.

LA GESTAPO CONTRE LE P.C.

Dès le début de l’occupation et bien avant le 22 juin 1941, notre Parti avait été en butte à la répression et à la terreur hitlériennes.

« Clarté » du 01/02/41 écrivait :

« L’autorité occupante se livre dans notre pays à une répression systématique contre les défenseurs de la classe ouvrière. Travailleurs, partout protestez, organisez la solidarité active avec les emprisonnés et leur famille, montrez à l’occupant et à ses agents fascistes que la classe ouvrière belge n’est pas mûre pour le fascisme ».

La Gestapo avait orienté une grande partie de son activité sur la lutte contre les communistes. Elle avait obtenu, pour l’aider dans cette tâche, la collaboration d’un nombre important de fonctionnaires et de policiers belges. Les listes de communistes fournies par le bourgmestre socialiste de Liège, Bologne, et par le procureur général Destexhe ne sont qu’un exemple de cette collaboration particulièrement odieuse menée sous le drapeau de l’anticommunisme. Un grand nombre de militants éprouvés, connus pour leur amour du peuple furent arrêtés. Citons nos camarades Dillen, Leenarts, Neuray, Van der Linden, Bastien, Desnos, Behrens et tant d’autres encore.

Un grand nombre de nos amis vivaient dans l’illégalité. Ceci est la meilleure réponse à tous ceux qui, malgré leur inactivité pendant l’occupation, ou tout au moins pendant les premiers mois de celle-ci, osent dire que la résistance des communistes ne date que du 22 juin 1941. Aucun parti politique, aucun mouvement de résistance ne peut montrer un tel bilan d’actions et de résultats obtenus dans la lutte contre l’occupant pendant la période précédant le 22 juin 1941. Et ce n’est que juste. A l’heure du danger, notre Parti se devait de se trouver à la tête de la lutte libératrice. En le faisant, il a prouvé sa fidélité inébranlable à la cause du peuple, de la démocratie et de l’indépendance nationale. Il n’a pas failli à sa tâche, même dans une période où la lutte semblait être sans espoir. C’est avec fierté qu’il peut le proclamer.

b) Jusque septembre 1944

LA LUTTE ARMÉE

Dès le printemps 1941, le Parti communiste s’attacha à mettre au point et à généraliser les moyens de lutte directe : sabotage sous toutes ses formes, actions de liquidation contre les traîtres et les agents au service de la Gestapo. En été 1941, il lança à travers le pays le mot d’ordre de la lutte armée. Il prit immédiatement des dispositions pour mettre sur pied les premières formations. Les groupes spéciaux de trois furent multipliés et servirent les patriotes prêts à passer à l’action directe.

L’Armée Belge des Partisans était née.

LES PARTISANS

Ce que fut l’activité des Partisans – où les militants du Parti jouèrent un rôle de tout premier plan – est impossible à décrire en quelques lignes. Cette phalange héroïque fut à la pointe de tous les combats, elle fut de toutes les luttes et de tous les coups durs. Au cours d’innombrables actions, près de 2.000 Allemands furent mis hors de combat, dont 1.000 furent tués ; près de 1.500 traîtres, dont Colin, Joba, Podevin furent exécutés. Des coups particulièrement durs furent portés contre les industries, les arsenaux et garages travaillant pour l’ennemi. A cet effet 500 attaques couronnées de succès furent menées.

L’énergie électrique fut sabotée, les huiles et carburants brûlés. Signalons en outre les attaques contre les maisons des traîtres et les locaux des organisations d’Ordre Nouveau… Tout ce travail fut accompli avec les seules armes que les P.A. parvenaient à récupérer eux-mêmes sur les Allemands, les traîtres ou sur les stocks établis dans le pays.

Il est bon de souligner que malgré des demandes pressantes, le gouvernement belge de Londres, jusqu’aux premiers mois de 1944, n’a jamais cru nécessaire de fournir des armes au P.A., à un moment où cependant il en faisait parvenir à des groupements dont la seule consigne était de se préparer pour une action anticommuniste au moment de la libération.

Notre Parti apporta aux Partisans une aide pleine et entière. Il leur fournit ses meilleurs cadres et militants. Il les aida dans la recherche de logements et d’armes, il leur fournit des hommes d’appoint ; il les aida dans l’accomplissement de certaines missions particulièrement dangereuses.

CONTRE L’ATTENTISME

L’idée de la lutte et plus spécialement les actions des Partisans étaient ouvertement combattues par les attentistes. Ils les présentaient comme impossibles et inconsidérés tout comme ils déclaraient les actions de classe inutiles et irréalisables. Le P.C. mena une campagne inlassable contre cet attentisme peureux et démobilisateur. Il démontra que la guerre de guérilla pouvait se développer en Belgique et devenir un facteur important de la libération du pays. Il gagna cette bataille.

L’Armée Belge des Partisans, au commandement de laquelle se sont distingués entre autres nos camarades : Dispy, Grippa, Baligand, Van Brussels, Willy Frère et parmi nos héros tombés dans la lutte : Jean Bastin, Camille Van Acker, Ameye Hagon, Robert Lejour, De Renty, Dehareng Moetwil, Depeelseneer, Jeunehomme, Raymond Geenen, Victor Thonet, Soupart, Jean Guilissen, devint une formation très importante où se coudoyaient des patriotes venus de tous les milieux et au cours de l’occupation devaient naître de divers côtés d’autres formations de lutte armée.

LES ACTIONS DE MASSE

Bien que la lutte armée contre l’occupant fût la préoccupation primordiale du Parti pendant cette période, il continua à accorder une très grande attention à toutes les formes de luttes revendicatrices des masses travailleuses.

Toute action menée pour un meilleur ravitaillement, pour une augmentation de salaires ou pour toute autre raison, devait, dans les conditions du moment affaiblir l’occupant. De plus, ces luttes permirent d’entraîner des couches de plus en plus larges de la population du pays. A côté de leur aspect revendicatif, elles prenaient un aspect politique : la lutte pour un meilleur ravitaillement se liait étroitement à la lutte pour chasser l’occupant hors du pays.

Ce fut surtout aux usines que les actions revendicatives furent particulièrement vives. Allant de délégations jusqu’aux grèves sur le tas elles amenaient en général un arrêt plus ou moins prolongé du travail, d’où perte de production pour les Allemands. Notre Parti portait à ces actions un intérêt de tous les instants.

Il a soutenu les C.L.S. dans la création d’une organisation syndicale illégale. Très rapidement, les C.L.S. réussirent à grouper au sein des entreprises, mines et bureaux, les ouvriers de toutes conceptions politiques ou religieuses.

Ils durent mener une dure campagne contre l’attentisme qui régnait parmi les dirigeants du mouvement syndical. Dans ce domaine aussi, le Parti leur apporta un appui sans réserve.

Il est impossible de citer toutes les actions, délégations, pétitions, arrêts du travail, grèves sur le tas, déclenchées à l’initiative des CLS de base, des régionales CLS et de leurs intersyndicales. Signalons toutefois les luttes particulièrement vives menées par les mineurs et les métallurgistes et les campagnes nationales pour les 2.000 francs en automne 1943, celle pour une plus grande sécurité lors des bombardements du printemps 1944, etc.

Mais les ouvriers ne déclenchèrent pas uniquement les luttes pour des questions revendicatives. Des mesures prises par l’occupant furent l’occasion d’actions grandioses dans les usines, entreprises et bureaux. Rappelons les luttes menées en 1942 par les mineurs contre le travail du dimanche. Mais rappelons surtout les actions innombrables, les grèves presque quotidiennes contre les déportations, grèves qui, sous la conduire des CLS ou des comités de lutte contre la déportation spécialement créés à cet effet, réussirent à sauver des milliers d’ouvriers de la déportation et firent perdre en même temps des centaines de milliers d’heures de travail aux nazis. Rappelons à ce sujet plus spécialement les grèves de métallurgistes et mineurs de Liège (novembre 1942), celle des cheminots de Verviers (novembre 1942), celle des 10.000 Liégeois (janvier 1943), celles du Hainaut (janvier 1943), celles de Liège avec 60.000 grévistes en janvier 1943, celles de Charleroi avec 10.000 grévistes (février 1943), le mouvement gréviste des dockers de Gand, celui des ouvriers du lin du Courtraisis, la grève des Usines Carels à Gand, etc.

LA LUTTE S’ACCENTUE

A toutes les dates d’anniversaires importants, 1er mai, 10 mai, 22 juin, 21 juillet, 7 et 11 novembre, le P.C. appelait aux grèves et aux actions de masse. Ces grèves et actions, parfois générales, furent toujours accompagnées d’une recrudescence d’actions partisanes et de manifestations patriotiques.

Toutes nos actions étaient caractérisées par la nécessité de porter des coups de plus en plus importants, de plus en plus décisifs à tout l’appareil de guerre des nazis. Les mots d’ordre que le Parti popularisait par sa presse clandestine étaient complètement imprégnés de cette idée.

Le 11 novembre 1941, le « Drapeau Rouge » publia un article sous l’entête suivant : « Le 11 novembre, journée pour la lutte pour l’indépendance ! Manifestez votre volonté de chasser l’occupant ! Arrêtez le travail ». En janvier 1942, nous trouvons le mot d’ordre : « Sabotez ! C’est hâter la victoire ». En mars 1942 : « Résistez par tous les moyens au travail forcé et à la déportation ». En août 1942 : « Arrêtons la production de guerre de Hitler ». Et dans l’appel pour le 11 novembre 1942 : « Dressez-vous contre les déportations, sabotez, paralysez la production, châtiez les traîtres « Manifestez partout votre volonté de bouter l’ennemi hors du pays ».

Ces citations montrent le souci constant de notre Parti d’obtenir par tous les moyens, y compris par la lutte armée, la diminution de la production de guerre des nazis, sinon son arrêt total.

L’ACTION DES PATRIOTES

Tous ces groupements et organisations apportèrent tout ce qu’ils purent à la lutte contre l’occupant. Mais ils luttèrent en ordre dispersé, leurs efforts n’étant nullement coordonnés. Et de ce fait la lutte patriotique perdit une grosse partie de son efficacité. Il était indispensable de mettre fin à cette situation. Conscient de sa responsabilité, le Parti communiste lança, dès le printemps 1941, l’idée de la création d’un large front groupant toutes les forces patriotiques du pays, organisations et patriotes isolés, sous un même programme de lutte contre l’occupant et ses agents, pour l’indépendance de notre pays. Le Parti poussa résolument à la réalisation de cette idée. Son appel fut entendu par certaines associations patriotiques et par plusieurs personnalités connues pour leur attachement à la liberté, telles que Fernand Demany, l’abbé Boland, etc. C’est ainsi que fut créé le Front de l’Indépendance dans les premiers mois de l’année 1941. C’est Albert Marteau qui y fut le premier représentant de notre Parti. Après son départ en mission à Londres, c’est Jean Terfve qui a rempli cette fonction.

Le rôle du FI dans la lutte pour l’indépendance du pays fut énorme. En dépit des attaques dont il fut l’objet, il remplit dans une très large mesure son rôle de coordinateur de la lutte patriotique. Il réussit à grouper dans son sein la majorité des organisations patriotiques existantes. Il joua également un rôle de premier plan dans la coordination du travail de la Résistance armée.

Les militants délégués par notre Parti aux divers comités du FI, l’ensemble du Parti et de ses organisations, apportèrent une aide, une collaboration pratique et une énergie de travail qui contribuèrent largement à la consolidation et au développement du FI.

LE FRONT UNIQUE SOCIALISTE-COMMUNISTE

Durant l’occupation, le Parti n’a pas cessé de travailler à la réalisation du Front unique entre communistes et socialistes. Nous avons utilisé tous les moyens imaginables pour entraîner les ouvriers militants et leaders socialistes dans la lutte contre l’occupant. Nous sommes partis de cette notion marxiste que le travail d’union de toutes les forces populaires ne peut apporter de résultats solides que s’il repose sur le front unique des éléments prolétariens.

Et bien que parfois il nous fût particulièrement difficile de trouver des leaders politiques socialistes disposés à participer avec nous à la lutte active, nous avons sans relâche multiplié les efforts pour arriver à des réalisations unitaires pratiques.

Citons dans cet ordre d’idées la parution de « Bloc » dans le Centre et en Thudinie et « Eenheid » à Gand. Dans ces mêmes régions furent créés des comités de front unique.

Le parti et ses militants se trouvaient partout où la lutte devait être menée et partout ils s’attachaient à entraîner dans la lutte l’ensemble de la population, que ce soit dans les groupes de solidarité, dans les organisations de jeunesse, celles de défense paysanne, etc.

LES FEMMES

Le Parti et ses membres féminins prirent la tête de tous les mouvements où les larges couches féminines étaient entraînées. Elles se trouvèrent mêlées intimement à la lutte pour un meilleur ravitaillement et pour l’amélioration de la situation pénible des mères et épouses des prisonniers de guerre. Le Parti fit siennes les revendications des catégories les plus diverses de la population féminine. Il les entraîna à la lutte active contre l’occupant.

LES INTELLECTUELS

Le Parti se rendit compte de l’effervescence et de l’esprit de combattivité qui se manifestaient parmi les milieux intellectuels du pays. Il aida, en mettant ses membres intellectuels à leur disposition, tous les mouvements ou groupements de résistance intellectuelle, comme par exemple ceux qui s’étaient rassemblés autour des clandestins « Justice libre » et « Médecine libre ». Il soutint toutes les actions que ces mouvements menèrent contre les organismes d’Ordre nouveau ayant pour but d’asservir l’intelligence belge à la politique nazie (lutte contre l’Ordre des Médecins). Notre Parti soutint par une aide pratique les professeurs et les étudiants de l’ULB dans leurs luttes contre la mainmise des Allemands sur leur université. Il organisa dans les universités la lutte contre le travail obligatoire des étudiants.

LA DÉFENSE DES JUIFS

Le Parti communiste se dressa de toute son énergie contre la persécution systématique de la population juive. Des militants belges et juifs furent les promoteurs des Comités de défense des juifs qui, par leur activité, réussirent à sauver un grand nombre de vies. Des résultats extraordinaires furent atteints plus spécialement dans le problème du placement des enfants, grâce au travail et à la collaboration de toutes nos organisations.

LES ANTIFASCISTES ALLEMANDS ET AUTRICHIENS

Soulignons enfin que notre Parti aida de son mieux nos camarades antifascistes allemands et autrichiens dans le périlleux travail de désagrégation et de propagande antifasciste qu’ils menaient au sein de l’armée occupante.

Tous les efforts du Parti ont été tendus vers un objectif unique : porter le maximum de coups à l’occupant. Pour cela nous n’avons épargné ni nos organisations ni nos militants. Nous n’avons reculé devant aucun sacrifice, si lourd soit-il. Nous avons combattu par l’action et par l’exemple toute forme d’attentisme quelque fût le masque sous lequel elle se cachait.

LA PRESSE CLANDESTINE

Il ne nous est pas possible de dresser un tableau complet et détaillé de l’immense effort accompli par le Parti en matière de presse et de publications clandestines. Trop de nos camarades, rédacteurs, imprimeurs et diffuseurs de nos innombrables journaux sont morts sous les balles des pelotons d’exécution ou dans les camps allemands. Nos archives ont été détruites et dispersées.

Nous rappelons l’admirable régularité de la parution de nos deux organes nationaux : Le « Drapeau Rouge » et « Rode Vaan ». Nos grands journaux régionaux : « Clarté » de Bruxelles, « Liberté » de Liège, l’« Étincelle » de Charleroi, « En avant », du Centre, « La Voix Boraine » du Borinage, « Vérité » de Thudinie, Huy Waremme et Ath-Tournai, « L’Aube Rouge » de Verviers, « Het Vrije Woord » d’Anvers, « Recht en Vrijheid » d’Alost, « De Fakkel » de Flandre Occidentale, « De Volkswil » de Gand, « De Rode Ster » de Malines, « De Waarheid » de Louvain-Malines, « De Volksstem », du Limbourg, « Vrijheidbode Midden Noord VI Bevrijding » de Courtrai.

Signalons, à titre d’exemple, l’effort fourni pendant quatre ans par la Fédération liégeoise : 39 journaux, 2.700.000 exemplaires, 3.000.000 de tracts et papillons, 30 tonnes de papier utilisé.

VERS LE SOULÈVEMENT NATIONAL

Intimement lié aux masses connaissant à fond ses capacités de lutte, sachant en outre ce que la situation concrète du moment exige, notre Parti dès mars 1943, lança le mot d’ordre : « Préparons le soulèvement national ». Dès ce moment il devenait évident qu’avec le développement de la lutte armée, la libération nationale du pays ne devrait pas être uniquement le résultat d’un débarquement des alliés, mais aussi celui d’une intervention armée particulièrement forte et bien préparée des patriotes, de toutes leurs organisations de résistance et même de la population entière. Pour faire triompher cette position, notre Parti fut contraint de livrer une dure bataille. Il se heurtait à nouveau au scepticisme et à la peur des attentistes qui déjà s’étaient opposés aux formes armées de la lutte et qui s’étaient refusé à réaliser l’entente de tous les patriotes. Il est intéressant de rappeler qu’à tous les moments de l’occupation le Parti a trouvé devant lui les mêmes hommes et les mêmes groupes qui, par crainte de l’action des mases mais aussi par hostilité à l’égard des communistes, n’hésitaient pas à compromettre l’œuvre de libération du pays.

Notre position était trop juste et trop forte pour pouvoir être battue en brèche. Ce fut en automne 1943 que la question du soulèvement national prit vraiment le pas sur toutes les autres. Fin octobre s’était tenue à Moscou la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l’URSS, de la Grande-Bretagne et des USA. Et comme l’écrivait le n° 57 du « Drapeau Rouge » en novembre 1943 :

« Staline et la Conférence de Moscou nous ont appris que le moment du soulèvement national se rapproche ».

Dès ce moment toute notre propagande et toute notre activité furent concentrées sur la préparation du soulèvement national. Bien que notre Parti se refusait à considérer le soulèvement national comme possible seulement en cas de débarquement ou de l’approche des alliés de nos frontières, il était certain que la perspective du deuxième front rendait la préparation accélérée de ce soulèvement compréhensible pour les larges couches de la population. Les événements de Corse et de Yougoslavie devaient convaincre les derniers sceptiques de la possibilité de ce soulèvement national.

En liaison avec la constitution du comité de libération en Yougoslavie, on peut lire dans le « Drapeau Rouge », n° 60 de janvier 1944 :

« Déjà les Corses ont fait la démonstration que le soulèvement de la population peut devenir le point de départ du débarquement des Alliés ; Les Yougoslaves nous fournissent la preuve qu’un peuple asservi peut, par ses propres forces et en dépit du pesant joug allemand, créer son armée de libération et chasser les Allemands d’une région du pays après l’autre, même sans débarquement des Alliés. Notre peuple doit s’inspirer de ces exemples. Il doit préparer son soulèvement national. »

Le « Drapeau Rouge » de mars 1944 écrit :

« Les combats décisifs approchent : lutte acharnée pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, contre l’utilisation de notre agriculture pour l’occupant par sa corporation. Dépistage pour empêcher ou neutraliser les préparatifs de destruction de guerre pour l’ennemi sur notre territoire Destruction systématique de ce que l’ennemi met en œuvre – sabotage, destruction des liaisons et moyens de communication utilisés pour servir et déplacer la Wehrmacht ; parallèlement il nous faut renforcer sans délai la lutte armée contre l’occupant, ne plus hésiter à attaquer ses dépôts et ses troupes pour les détruire, pour les désarmer et aussi pour renforcer notre propre armement ».

LE DÉBARQUEMENT

A l’occasion du débarquement des Alliés en Normandie, le Parti adresse un nouvel appel au pays (« Drapeau Rouge, n° 69 du 30 juin 1944). Dans cet appel, « Alerte, soyons prêts », il est dit :

« L’heure de ces combats décisifs, l’heure du soulèvement national est proche… Conscients de leur devoir et de la grandeur de la tâche qui leur incombe, les patriotes plus que jamais se serreront les coudes pour renforcer les partisans, intensifier les sabotages et les destructions au détriment de l’occupant, harceler partout l’ennemi, mettre hors d’usage ses voies de communications… Belges, tous unis dans l’action pour contribuer à la défaite de l’ennemi, pour hâter la libération du pays par la levée du peuple en armes, par le soulèvement national ».

Le Parti appelait en même temps la classe ouvrière à déclencher au moment voulu la grève générale insurrectionnelle. Là aussi, il se heurtait à l’opposition grincheuse des éternels attentistes, qui combattaient le mot d’ordre de la grève insurrectionnelle sous le faux prétexte de ne pas lancer la classe ouvrière dans une aventure.

La période de préparation de l’insurrection nationale fut caractérisée par une recrudescence de la lutte patriotique sous toutes ses formes. Les actions partisanes se multiplièrent. Les actions revendicatives et plus spécialement les grèves se firent de plus en plus nombreuses et revêtirent de plus en plus un caractère combattif violent. Les patriotes rejoignaient en masse les formations armées de la Résistance. Ce fut spécialement le cas pour les réfractaires.

Le Parti communiste, tout en étant à la tête des actions de masse contre l’occupant, prit en même temps toute une série de mesures en vue de la réussite complète du soulèvement national. Il donna l’ordre à 20 % de ses membres de rejoindre les rangs de l’Armée Belge des Partisans afin de renforcer ainsi d’une façon effective cette troupe de choc contre l’occupant. Dans les mines et les usines, il forma en accord avec les CLS, des groupes de combat : formations qui, sous la conduite des Partisans, eurent pour tâche le sabotage, sur une grande échelle, des installations industrielles de l’usine, la participation en tant que formation de choc armée, à toutes les actions ouvrières au sein de l’usine, et la constitution de milices ouvrières, milices englobant tous les ouvriers patriotes de l’usine.

LES MILICES PATRIOTIQUES

Il souscrivit entière à l’initiative prise par le FI de former des Milices Patriotiques et fit passer tous ses membres valides dans leurs rangs.

Les Milices Patriotiques, formation groupant tous les patriotes sur la base d’une ville ou d’une commune, en développant les actions de sabotage, en châtiant les traîtres, en protégeant les habitants contre les vexations de la part des Allemands, jouèrent déjà un rôle important lors de la période de préparation du soulèvement national.

LES COMITES DE LIBÉRATION

Le Parti communiste marqua son accord complet avec une autre initiative du FI : la formation des Comités de libération, comités composés de représentants de l’autorité communale ou provinciale, de délégués des organisations de résistance et de personnalités patriotiques marquantes de la commune et de la province.

Ces comités avaient pour mission de dresser les pistes des traîtres qui, lors du soulèvement, devaient être mis hors d’état de nuire, de mettre au point le plan des mesures qui en certaines matières – ordre public, ravitaillement, etc. – devraient être préparées pour parer à une carence probable des autorités, d’aider les autorités patriotiques dans l’accomplissement de leur travail.

Le Parti communiste fut le seul en tant que parti politique, à estimer que notre libération ne devait pas être l’œuvre unique des armées alliées, mais que nous devions surtout la gagner de haute lutte par nos propres moyens. Le Parti ne se départit jamais de cette ligne de conduite en dépit de l’attitude hostile du Gouvernement de Londres et de ses défenseurs attitrés en Belgique. Ceux-ci mus par de sordides intérêts de classe, s’opposèrent toujours à la participation des masses aux luttes libératrices. Ce n’est qu’au dernier moment qu’ils furent contraints de reconnaître la justesse de notre position et à contrecœur, ils se rangèrent du côté de patriotes en armes.

LE SOULÈVEMENT NATIONAL

Il n’est pas possible de décrire même en résumé la part que les patriotes prirent à la libération de notre pays. Soulignons que certaines régions furent libérées avant même que les alliés fussent en vue. Partout les patriotes se trouvèrent aux côtés des alliés lorsque la dernière bataille s’engagea.

La levée en masse fut la caractéristique de ces journées de septembre, elle aida puissamment l’avance des armées libératrices et au sauvetage de notre patrimoine national.

Dans tout ce travail, notre parti, ses militants et ses membres furent à leur place habituelle : en avant, aux premiers rangs. Tel est le bilan que le Comité Central peut présenter au Congrès national du Parti : un bilan d’héroïsme et d’abnégation.

NOS SACRIFICES

C’est avec fierté que le Parti souligne tout le travail accompli, son attitude patriotique de toujours, son attachement sans limite à la cause du peuple. Le Parti a bien mérité de la Patrie et des peuples dont il est le plus ardent défenseur sans peur et sans reproche.

Cette lutte qu’il a menée, les sacrifices qu’il a consentis pour la mener à bonne fin, lui ont valu le titre glorieux de « Parti des Fusillés », car la répression s’est abattue sur lui avec une férocité sans égale. Ses militants ont été traqués, arrêtés. Ils ont été déportés par milliers en Allemagne où un grand nombre d’entre eux ont perdu la vie. Beaucoup d’autres ont été fusillés ou pendus. Parmi les membres des organes dirigeants du Parti qui sont tombés au cours de la lutte, nous citons : Jef Van Exterghem, Constant Colin, Pierre Bosson, membres du Bureau politique ; Valentin Thincler, Désiré Desellier, Leenaerts, Cartens, Cordier, Juvenois, Heyndels, Dillen, membres du Comité Central. Certains jours, nous avons pu croire que l’organisation était brisée. Nous pensons à ce tragique mois de juillet 1943, lorsque la Gestapo, aidée par certains traîtres qui s’étaient infiltrés dans nos rangs et par certains éléments qui, au lendemain de leur arrestation, se mirent à son service, parvint à mettre la main sur les principaux rouages de la Direction du parti et à s’emparer de l’appareil central de presse.

C’était ne pas compter sur l’extraordinaire vitalité du Parti, sur les attaches profondes qu’il avait dans les masses, sur le courage et l’abnégation de ses militants restés en liberté. Deux mois à peine après les arrestations, le Parti refonctionnait à nouveau normalement.

C’est à ce moment que notre camarade Lalmand, en donnant la pleine mesure de ses qualités de dirigeant, a pris la tête du Secrétariat illégal de notre Parti.

Le Parti ne regrette pas les sacrifices consentis. Il est sorti de cette épreuve grandi, il a pénétré dans tous les milieux, il est devenu une grande force politique aguerrie par la lutte. Il n’a pas ménagé ses militants, mais l’action inlassable a fait naître de nouvelles couches qui sont venues prendre la place de celles qui sont tombées.

L’action du Parti a largement contribué à ce que notre pays puisse se trouver aujourd’hui du côté des vainqueurs et qu’il puisse revendiquer sa place au sein des peuples libres.

III. LE PARTI DEPUIS LA LIBÉRATION

SEPTEMBRE 1944. LA POSITION DU PARTI

Dans une proclamation rédigée la veille de la libération de Bruxelles et diffusée le 5 septembre dans le « Drapeau Rouge », le Comité Central du Parti fixait au moment même où l’ennemi tant combattu quittait le territoire du pays, la ligne politique qu’il allait poursuivre. Ce document indique d’abord l’attitude que le Parti adopte à l’égard du gouvernement de Londres et les raisons de cette attitude :

« Notre attitude à l’égard du gouvernement belge s’est inspirée du désir de maintenir, de développer l’unité patriotique et a été subordonnée aux intérêts de la lutte contre l’Allemagne hitlérienne.

Le gouvernement Pierlot a joué et joue encore un rôle positif en représentant à l’étranger la volonté d’indépendance de la Belgique et en appelant les Belges à la résistance. C’est pourquoi le Parti Communiste a jugé nécessaire de suspendre provisoirement la critique de ce gouvernement.

Nous avons estimé qu’il n’était pas opportun d’évoquer, face à l’ennemi, les fautes particulièrement lourdes commises par le gouvernement Pierlot avant et après le 10 mai ; nous avons pensé que ce n’était pas le moment de faire le procès de certains membres de ce gouvernement qui, par leur sabotage de la sécurité collective et leur complaisance envers les puissances fascistes, ont largement contribué à la catastrophe qui a mené le pays au bord de l’abîme ».

Le Parti ne dissimule donc ni les fautes commises, par ce gouvernement ni les appréhensions qu’il a quant à son comportement, mais les besoins de l’écrasement total du fascisme et de l’achèvement victorieux de la guerre l’emportent sur toutes autres considérations.

Le Parti rappelle ensuite avec une très grande fermeté le rôle immense joué par la Résistance, la place de tout premier plan que les communistes occupent dans cette résistance et les droits que cela lui confère.

Il dénonce sans ménagement les intentions qu’ont certains de rétablir purement et simplement l’ordre ancien.

« Divers milieux échafaudent actuellement des combinaisons gouvernementales qu’ils entendent imposer au pays. Tout cela s’inspire visiblement du désir de retourner aux erreurs et abus d’avant-guerre qui ont miné et affaibli le pays ; à la tripartite corrompue et son peu ragoûtant partage des influences ; aux plats faisandés de l’ancienne cuisine politicienne ; aux privilèges de droit et de fait dévolus aux « Partis traditionnels » et à ces groupements financiers dont la plupart ont collaboré avec l’ennemi. Sans doute, il faut rétablir les institutions démocratiques mais le peuple ne tolérerait pas qu’il en soit pris prétexte pour restaurer les abus réactionnaires et les privilèges odieux qui ont fait le jeu de l’hitlérisme. Les patriotes n’admettraient pas qu’après la libération, l’administration du pays, des provinces et des communes soit livrée, même partiellement, à ceux qui ont collaboré avec l’ennemi. Pas un patriote n’imaginerait que les institutions démocratiques puissent être rétablies sans participation effective des organisations et des représentants de la Résistance ».

A la légalité formaliste, le Parti oppose la véritable légalité, expression de la volonté populaire.

Aucune « légalité » ne peut justifier le rétablissement dans ses droits et fonctions d’un mandataire ou fonctionnaire ayant pactisé avec l’ennemi, dit la proclamation. Elle prend position également contre toute politique qui voudrait écarter la Résistance des responsabilités du pouvoir.

« Le pays qui a lutté et souffert pendant plus de quatre ans sous le joug hitlérien ne comprendrait pas que ses porte-parole les plus qualifiés soient tenus à l’écart au moment où il s’agira de prendre des mesures et d’appliquer des décisions d’une importance capitale pour l’avenir de la Belgique. Il est incontestable que la Résistance forte de l’appui du pays a acquis le droit de participer, dès la libération, à l’exercice du pourvoir, et elle estime que ses représentants les plus qualifiés doivent avoir leur place au sein du gouvernement qui refléterait la situation nouvelle née de près de quatre ans et demi de guerre et d’occupation ».

Dès le lendemain de la libération, le gouvernement de Londres marque son intention de rentrer au plus tôt au pays et de démissionner. Même les membres les plus réactionnaires se rendent compte qu’un Ministère, sans participation communiste, est un Ministère impossible.

LA PARTICIPATION AU GOUVERNEMENT

Le premier formateur, M. Tschoffen, fait appel au Parti et lui offre deux portefeuilles. C’est à ce moment que le Parti est appelé à se prononcer sur la participation ministérielle. Il le fait au cours de la session extraordinaire du C.C. tenue le 24 septembre 1944. Voici dans quels termes et à quelles conditions le principe de la participation fut adopté :

« Le Parti Communiste :

1° Estime qu’il est urgent de mettre fin à l’actuelle carence gouvernementale et au gâchis qui en est résulté, en constituant un gouvernement jouissant de la confiance du peuple, capable de poursuivre, avec toute l’efficacité voulue, la guerre contre l’Allemagne hitlérienne et de préparer la restauration du pays.

LE PROGRAMME

2° Déclare qu’invité à participer éventuellement au pouvoir, il est prêt à prendre ses responsabilités au sein d’un gouvernement s’engageant à appliquer un programme auquel les huit points de la charte du F.I. serviraient de base. Ce programme implique en ordre principal :

– L’intensification de l’effort de guerre par le renforcement de toutes les forces armées du pays et en mettant fin à toute tentative de démobiliser les forces armées de la Résistance ;

– L’épuration énergique en associant à cette œuvre la Résistance ;

– La confiscation des biens des traîtres et de tous bénéfices résultant de la collaboration avec l’occupant ;

– L’organisation et l’amélioration substantielle du ravitaillement ;

– La garantie pour les travailleurs d’un minimum vital leur permettant de vivre décemment et de produire efficacement ;

– La reconnaissance des droits des organisations de la Résistance et, notamment, des Comités de Lutte Syndicale qui, au cours de l’occupation ont incarné la volonté de lutte des ouvriers et qui restent aujourd’hui les représentants les plus qualifiés des masses laborieuses.

Le Parti Communiste subordonne entièrement sa participation au gouvernement à l’application de ce programme.

3° Souligne que sa participation au gouvernement dépend de la présence au sein de celui-ci des représentants les plus qualifiés de la Résistance et, plus particulièrement, du F.I.

4° Considère que sa participation éventuelle au gouvernement doit avoir pour but unique de renforcer son activité en faveur de la poursuite de la guerre contre l’Allemagne hitlérienne et de la défense des intérêts du peuple ».

LE GOUVERNEMENT PIERLOT

Après l’échec de Tschoffen , c’est Pierlot qui a formé le nouveau gouvernement en acceptant du bout des lèvres le programme que les représentants de notre parti lui ont proposé.

Ont fait partie de ce gouvernement, nos camarades Albert Marteaux, Ministre de la Santé Publique et Raymond Dispy, Ministre sans portefeuille.

Dans son rapport au C.C. du 21 octobre, le camarade Lalmand devait préciser davantage encore la manière dont le Parti envisageait une collaboration ministérielle.

« Nous avons subordonné notre participation au Pouvoir à l’acceptation et à l’application du programme que nous proposions.

COMMENT NOUS COMPRENONS LA PARTICIPATION

« Pour nous, communistes, la participation au Gouvernement n’a nullement la même signification que pour les autres partis politiques. Nous n’entrons pas dans un gouvernement dans le but de bénéficier de prébendes et de pots de vin. C’est pourquoi nous n’avons pas à sacrifier la moindre parcelle de notre liberté. Ceux qui s’imaginent que nous allons nous laisser utiliser pour faire la sale besogne de la réaction ou pour lui servir de paravent se trompent lourdement.

Il existe parmi les travailleurs de ce pays une très grande méfiance à l’égard de tout ce qui se rattache de près ou de loin à la participation au Pouvoir. Cette méfiance est le résultat d’expériences pénibles. On nous a rappelé avec amertume l’exemple du P.O.B. qui s’est corrompu par la participation au Pouvoir. On nous a mis en garde contre la tentation que constituent les postes officiels grassement rétribués.

Il n’y a rien à craindre de ce côté. Nous avons dans notre Parti des traditions que nous entendons respecter. Si nous pratiquons bien souvent le cumul des tâches, nous ne cumulons pas les traitements. Le barème s’applique chez nous à tous les militants, y compris les députés et les ministres.

Il ne faut pas attendre de notre participation au Pouvoir plus qu’elle ne peut donner dans les circonstances présentes. Il ne faut pas perdre de vue la composition de ce gouvernement hétéroclite qui, sur dix-neuf membres, ne compte que deux communistes. Mais bien que constituant une très petite minorité au sein du Gouvernement, nos amis ont néanmoins réussi à y faire de la besogne utile. Ils ont résisté et réagi à certaines tendances réactionnaires qui existent incontestablement dans les milieux gouvernementaux et qui ne demanderaient qu’à s’affirmer. Autour et au sein même du Gouvernement, les émissaires du passé pourri, les avocats de la haute finance, agissent en vue de sauver les traîtres et les collaborateurs ; des manœuvres s’ébauchent qui tendent à faire endosser aux masses laborieuses les frais de la guerre et de l’occupation.

Tout cela est peu conforme aux promesses faites par leurs collègues à nos camarades Ministres, ceux-ci sauront exiger que les promesses faites soient tenues. »

LA POLITIQUE NÉFASTE DU GOUVERNEMENT PIERLOT

Très rapidement, les appréhensions que nous avions quant aux intentions de ce gouvernement à caractère réactionnaire se justifient. Il fait preuve d’une faiblesse lamentable dans le domaine du ravitaillement, de la reprise de la production, de la participation à la guerre et surtout de l’épuration.

Le Parti estime que ce que le programme préconise et adopte n’est pas observé. Il décide de remettre un mémorandum au Premier Ministre.

Fidèle à sa ligne, le Parti, dont l’influence dans le pays s’affirmait chaque jour grandissante, défendait devant les masses les bases d’une politique saine et constructive et il maintenait avec la Résistance et, spécialement avec le Front de l’Indépendance, un contact très étroit.

C’était précisément la Résistance qui gênait les forces de la réaction. C’est contre elle qu’elle portait ses efforts, elle voulait à tout prix obtenir sa désagrégation et le licenciement de ses forces armées qu’on défendait d’utiliser aussi bien dans la lutte contre les Allemands que dans le renforcement des forces intérieures (police et gendarmerie) et dans la lutte pour l’épuration.

L’ATTAQUE CONTRE LA RÉSISTANCE

Le conflit devait éclater sur la question du désarmement. La Résistance armée voulait savoir, avant de désarmer, ce qu’on allait faire d’elle : elle estimait à juste titre que sa tâche n’était pas achevée. Pierlot et son entourage réactionnaire exigeaient le désarmement immédiat. Pour y arriver, ils n’hésitèrent pas à provoquer d’abord une intervention verbale malencontreuse des autorités alliées. Ensuite, le 11 novembre, par un véritable coup de force, sans délibération préalable au Conseil des Ministres, le ministre de la Défense nationale décidait le désarmement et, pratiquement, le licenciement immédiat des forces de la Résistance. Cette mesure provoque une réaction énergique, spécialement de la part du F.I. Le parti s’associe sans réserve à cette réaction. Continuant sa politique de coup de force, Pierlot interdit un meeting de protestation qui devait se tenir au Cirque Royal. Malgré cette interdiction, le meeting a lieu.

LES COMMUNISTES QUITTENT LE GOUVERNEMENT

Le Parti estima que l’attitude prise par le gouvernement était en opposition flagrante avec le programme qui avait présidé à sa constitution et, en conséquence, il estima que ses ministres devaient se retirer, ce qui fut fait.

Le Bureau Politique, convoqué le 20 novembre, vota à l’unanimité un ordre du jour disant entre autres :

« Le B.P. approuve la démission des ministres Marteaux et Dispy parce qu’il considère que le Parti communiste ne peut adopter une attitude d’hostilité à l’égard d’un gouvernement qui, constitué sous le signe de l’union nationale réalisée dans la résistance à l’occupant, et sur la base d’un programme démocratique, essaie d’étouffer la Résistance et refuse de tenir les engagements qu’il a pris vis-à-vis du pays ;

Accuse le Gouvernement d’avoir porté gravement atteinte à l’honneur national lorsque, conscient de son incapacité à se faire obéir et à gouverner, il n’a pas hésité à faire appel à l’intervention directe des forces anglo-américaines stationnées en Belgique ;

Déplore que des généraux alliés, apparemment mal informés aient jugé utile de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays ami, mettant ainsi en cause les grands principes démocratiques pour lesquels luttent les Nations Unies :

Souscrit entièrement au verdict populaire décrétant le gouvernement incapable et indigne d’exercer plus longtemps le pouvoir et exigeant la constitution immédiate d’un gouvernement démocratique ;

Regrette que les représentants de partis démocratiques aient décidé de poursuivre leur collaboration à un gouvernement qui se révèle de plus en plus comme l’instrument d’une dictature néo-fasciste ;

Insiste auprès des groupements qui se réclament de la concentration démocratique pour qu’ils mettent fin à une participation gouvernementale qui ne peut que nuire à la démocratie ;

Appelle tous les patriotes à poursuivre plus énergiquement que jamais l’action résolue :

Contre la réaction et le gouvernement Pierlot à sa solde,

Pour un gouvernement démocratique,

qui, conscient des intérêts vitaux du pays et respectueux de la volonté populaire, veillera à ce que la Belgique porte son effort de guerre au niveau de ses possibilités ».

LES INCIDENTS DU 25 NOVEMBRE

Le 25 novembre, le F.I. organise, à Bruxelles, une manifestation nationale de la Résistance pour protester contre les agissements de Pierlot. Les manifestants ayant envahi la zone neutre protégée par des forces importantes de gendarmerie, celles-ci n’hésitent pas à faire usage de leurs armes. Quarante-huit résistants sont blessés, dont plusieurs gravement. Ces incidents soulèvent dans le pays une très grande émotion.

Le F.I. décrète le 28 novembre journée nationale de protestation et invite la population tout entière à manifester son indignation en allant jusqu’à la suspension du travail. Le Parti apporte aux forces de la Résistance son appui le plus complet, il encourage les manifestations de masses, mais, conscient des dangers de provocations, il met les organisations de la Résistance en garde contre des actions inconsidérées.

TENTATIVES D’ISOLER LE PARTI

C’est cependant contre le Parti que le gouvernement Pierlot, cramponné au pouvoir, allait faire porter toutes ses attaques.

Il tenta d’accréditer plus spécialement auprès de la presse étrangère que les communistes avaient voulu tenter, le 25 ou le 28 novembre, le prise du pouvoir. Il mit tout en œuvre pour isoler complètement le Parti et le couper de larges couches sur lesquelles nous exercions une influence de plus en plus importante.

Cette tentative fut aidée par le comportement des éléments libéraux et socialistes du gouvernement qui, bien qu’en désaccord avec les menées réactionnaires de Pierlot et de son entourage n’avaient pas le courage de se retirer.

Leurs hésitations devaient prolonger de plusieurs semaines le gâchis dans lequel se trouvait le pays.

Le Parti, assailli de toutes parts, sur opérer une retraite en bon ordre.

Il décida d’inviter les travailleurs à mettre fin à la grève de protestation et d’opérer un regroupement de leurs forces.

A cette occasion, le B.P. a insisté sur la nécessité d’une appréciation réaliste des rapports de force et de contact étroit que le Parti devait maintenir avec les couches laborieuses et les divers groupements démocratiques.

La manœuvre amorcée par la réaction devait complètement échouer et, deux mois après, le gouvernement Pierlot s’écroulait au milieu du désaveu et du mépris général.

L’OFFENSIVE VON RUNDSTEDT

Dans l’entre-temps, l’offensive Von Rundstedt de décembre 1944 avait replacé les objectifs de la participation effective de notre pays à la conduite de la guerre et de défense du territoire au premier plan de nos préoccupations. Le Parti, malgré la campagne haineuse déclenchée contre lui, malgré le maintien du refus obstiné du gouvernement de faire appel à la Résistance qui offrait ses services, répondit à l’appel en faveur des engagements de volontaires des hommes de 18 à 30 ans. Le 30 décembre 1944, le Bureau Politique votait une résolution contenant ce paragraphe :

« Les communistes avec les autres patriotes mettront tout en œuvre en vue de doter le pays d’une armée forte. Tout en protestant contre le refus obstiné du gouvernement d’intégrer collectivement dans l’armée les formations de la Résistance, le Bureau Politique prend acte de l’appel lancé par le Ministre de la Défense nationale en faveur de l’engagement volontaire des hommes de 18 à 30 ans. Il invite tous les communistes, tous les travailleurs, tous les patriotes des classes 1914 à 1926 à répondre à cet appel. »

Le Parti soulignait simultanément la nécessité du remplacement du gouvernement Pierlot et il marquait son intention de prendre toutes ses responsabilités dans un gouvernement de salut public :

« L’union de tous les patriotes s’impose plus que jamais et doit servir de base pour la constitution d’un gouvernement de salut public auquel la Résistance doit être largement associée. Le Parti communiste que l’on tient actuellement l’écart des affaires du Pays et cela au détriment de la Défense Nationale, est prêt à assumer ses responsabilités au sein d’un tel gouvernement qui pourrait compter sur son appui loyal. » (Résolution du B.P., 30 décembre 1944).

LA CHUTE DU GOUVERNEMENT PIERLOT

L’incapacité du gouvernement Pierlot, spécialement en matière d’organisation du ravitaillement et du relèvement de la production, sa carence volontaire en matière d’épuration devaient éclater davantage encore au cours de janvier 1945. Il provoquait une telle poussée de mécontentement dans les masses populaires que les socialistes se décidèrent enfin à quitter une formation ministérielle dont ils avaient prolongé l’existence au mépris des intérêts les plus évidents du Pays.

VAN ACKER FAIT APPEL AUX COMMUNISTES

Le citoyen Van Acker, chargé de la formation du nouveau gouvernement, fit immédiatement appel au Parti et lui proposé de reprendre sa participation ministérielle.

Le Bureau Politique, saisi de cette offre, indique dans sa résolution du 3 février les conditions qu’il estimait indispensables pour la formation d’un gouvernement ayant la confiance populaire. Il préconise un Gouvernement d’entente démocratique, basé sur un programme précis et réaliste. Van Acker, malgré l’exclusive prononcée par les groupes réactionnaires contre la participation communiste, refusa de former un gouvernement dont ne feraient pas partie les catholiques conservateurs, mais il imposa à ceux-ci la présence des représentants de notre Parti. Il nous fit l’offre, qui n’était pas dénuée d’arrière-pensées, de prendre à part le Ministère de la Santé Publique, celui du Ravitaillement.

A ce moment, le ravitaillement du pays est dans une situation extrêmement difficile. Le Parti fidèle à sa politique constante de se mettre sans réserve au service du peuple a décidé d’accepter les propositions qui lui ont été faites, de confier à son Secrétaire national, le camarade Lalmand, le poste de combat du Ministre du Ravitaillement et d’associer à la bataille du ravitaillement l’ensemble du Parti, les organisations ouvrières et les masses populaires.

LALMAND, MINISTRE DU RAVITAILLEMENT

Cette position est approuvée par le Bureau politique du 19 février. Les résultats concrets obtenus grâce à la politique menée par notre camarade Lalmand au Ministère du Ravitaillement, le prestige acquis par notre Parti au travers de cette action, sont les meilleures preuves de la justesse de la position adoptée.

Ici, comme au cours de l’occupation, le Parti a fait la preuve qu’il n’hésitait devant aucune responsabilité et qu’il était de taille à résoudre les problèmes les plus ardus en maintenant un contact étroit avec les masses et en s’appuyant résolument sur elles.

LE PROBLÈME LÉOPOLD III

Dès la veille de la libération, le Parti avait déclaré dans la proclamation que nous avons citée, que le problème de la responsabilité royale se poserait. Toutefois, il avait estimé qu’aussi longtemps que Léopold III était hors du pays et que la question de son retour au trône n’était pas posée, il n’était pas opportun de faire éclater un débat dont les effets étaient de nature à créer entre démocrates un élément de désunion et de mésentente.

L’occupation complète de l’Allemagne et la fin victorieuse de la guerre modifièrent la situation sur ce point. Léopold III, encouragé par toutes les forces réactionnaires du pays, manifestait son intention de remonter sur le trône. La Réaction en faisait immédiatement son chef et présentait sa rentrée comme le premier pas fait vers l’établissement d’un pouvoir autoritaire.

Les inciviques, d’autre part, se réclamaient quasi ouvertement de lui et envisageaient son retour comme devant être le signe du relâchement et de l’oubli en matière de collaboration avec l’ennemi.

Dès l’annonce de son retour, Léopold III prenait figure de chef du parti des inciviques et de la Réaction, caractère qui devait largement s’accentuer par la suite.

Notre Parti adopta le premier une position nette.

Dans un éditorial du « Drapeau Rouge », il indiqua que l’abdication immédiate était la solution qui s’imposait dans l’intérêt du pays, et notre camarade Lalmand défendait ce point de vue à un meeting populaire à Verviers. Huit jours après, les socialistes prenaient une position identique.

Et, enfin, les autres éléments de la concentration démocratique, libéraux d’abord, udébistes ensuite, avec des hésitations, des atténuations de forme, rejoignaient socialistes et communistes et s’opposaient au retour de l’ex-Roi.

Née en mai, la bataille au sujet de Léopold III est loin d’être achevée et la Réaction en a fait un des thèmes essentiels de son agitation qu’elle s’efforce par tous les moyens de prolonger au moins jusqu’aux élections.

LES RÉSULTATS DE L’ENTENTE

Des résultats positifs ont été acquis : l’ex-Roi n’est pas rentré, l’action commune a créé certains liens qui ont renforcé l’union des démocrates, les éléments les plus réactionnaires ont été éliminés du Gouvernement et remplacés par des personnalités plus démocratiques, dont un des secrétaires du Front de l’Indépendance.

Par contre, les hésitations et la tiédeur d’une partie des forces démocratiques n’ont pas permis d’arriver à une solution décisive et de faire prononcer la déchéance.

Notre Parti, dans cette affaire, a joué un rôle de tout premier plan. Nous pouvons dire qu’une grosse partie de ce qui est un acquis positif est due à notre intervention et à notre attitude ferme et intransigeante.

Pas un instant, nous n’avons admis l’idée d’un compromis possible, nous n’avons jamais cessé d’exiger une solution claire et définitive. Dès l’instant où une identité de vue est apparue entre les diverses forces démocratiques, nous avons bataillé pour qu’elle prenne une forme concrète, qu’elle sorte des accords entre États-majors politiques pour être transposée devant les masses.

C’est avec plaisir que nous enregistrons les nombreux meetings et réunions communes organisées par le groupement démocratiques contre Léopold III et les néo-fascistes, pour l’épuration énergique du pays.

La question de Léopold III est un aspect de la lutte du Parti contre la Réaction et les trusts. C’est contre les mêmes ennemis que le Parti a développé sa campagne en faveur du relèvement de la production.

Déjà en octobre 1944, dans le rapport qu’il présentait au C.C., notre camarade Lalmand mettait l’accent sur la nécessité de développer la production.

« Les collaborateurs d’hier – dont la place est en prison – sont les saboteurs d’aujourd’hui. Ceux qui, sous l’occupation ont poussé la production d’Hitler, freinent maintenant la production qui doit aider à battre Hitler. Nous nous trouvons incontestablement devant un plan soigneusement établi ; en faisant baisser la production, les magnats de l’industrie et de la finance, pratiquent un véritable chantage à l’égard du Gouvernement. Ils espèrent ainsi lui arracher des subsides, faire fixer des prix élevés, obtenir des garanties qui assureraient le maintien de leurs privilèges. Les ennemis du peuple, briment les ouvriers, affament la population, provoquent le pays, dans l’espoir de pousser à des actes inconsidérés, les masses laborieuses, auxquelles ils endosseraient la responsabilité du chaos dont ils sont responsables. Le salut du pays exige que les saboteurs soient mis au pas sans retard. »

LA BATAILLE POUR LA PRODUCTION

Notre Parti est passé dans le domaine des réalisations pratiques.

Il a organisé une série de conférences de production pour le relèvement de la production charbonnière. Le mouvement ainsi créé a largement contribué au succès de la bataille du charbon.

Dans cette période, l’effort de guerre et la nécessité d’écraser complètement le fascisme hitlérien primaient encore sur toute autre considération et déjà prenait corps la conspiration des trusts et des monopoles visant à empêcher ou tout au moins à ralentir le redressement du pays. Cette conspiration permanente n’a pas cessé de se développer un instant.

Et c’est pourquoi, dans le rapport présenté par notre camarde Jean Terfve au Comité Central élargi du 12 août 1945, le problème de la production est à nouveau placé à l’avant-plan, voici en quels termes :

« Le problème central autour duquel se rassemblent tous les autres, c’est l’augmentation de la production. C’est pourquoi notre Parti lance aux travailleurs le mot d’ordre : production d’abord. Mettons tout en œuvre pour accroître la production.

Aller de l’avant, cela veut dire, dans les circonstances du moment : sortir de l’ornière, développer à tout prix la production. Cette position correspond parfaitement aux intérêts majeurs de la classe ouvrière. A ceux qui crient à la compromission avec les capitalistes, nous demandons simplement d’ouvrir les yeux et de voir quelle est l’attitude adoptée par les hommes des trusts et des monopoles. Ils se rendront compte que ceux-ci, loin de pousser à la production, s’efforcent de la saboter et de la freiner par tous les moyens. Pour maintenir leurs privilèges, pour affermir leur pouvoir ébranlé, ils ont besoin d’un pays anémié, d’une production languissante. Nous ne devons pas oublier que souvent les trusts et les monopoles retirent plus de profit d’une production insuffisante que d’une production élargie. Les intérêts sont devenus contraires à la lutte dirigée contre eux et non une action dont ils retireront les profits. »

LES REVENDICATIONS ET LES COMITES D’ENTREPRISES

Mais pas un instant le Parti n’a séparé la campagne pour la production du problème des revendications justifiées des masses travailleuses, dont la réalisation apparaît d’ailleurs comme une des conditions de base du relèvement de la production.

Depuis la libération, il réclame la participation des travailleurs au fonctionnement et au contrôle de la production aux entreprises et c’est lui qui est le promoteur de la constitution des Comités d’Entreprises, initiative qui, ces derniers temps, a été reprise par le mouvement syndical ainsi que par les groupements les plus divers.

Peu à peu cette idée fait son chemin. C’est à l’initiative des organisations locales ou d’entreprises du Parti que les premiers comités de ce genre ont été créés dans différentes branches de l’industrie.

Le Parti s’est opposé aux mesures de blocage des salaires prises par le Gouvernement Van Acker. Ses représentants au Gouvernement se sont trouvés dans l’impossibilité de faire prévaloir leur point de vue sur ce point. Ils ont estimé – à juste titre – que ce n’était pas une raison suffisante pour rompre la coalition gouvernementale à un moment où la concentration démocratique s’imposait contre les menées léopoldistes. Mais le Parti, en pleine indépendance, ne se considérant pas comme lié par la politique gouvernementale, a mené une action massive pour le relèvement immédiat des salaires, par l’octroi d’une prime d’attente mensuelle de 500 francs et pour l’instauration d’un rapport constant entre l’augmentation des salaires et l’accroissement de la production.

Son action énergique et le soutien qu’il a apporté aux travailleurs en lutte pour leurs revendications, ont eu une influence décisive sur la décision prise en août 1945 d’accorder une augmentation de salaire de 20 % et d’envisager le relèvement ultérieur des salaires en rapport avec l’augmentation de la production.

Se référant à cette promesse gouvernementale, le Parti a pris également l’initiative de la vaste action entreprise au cours de ces dernières semaines pour obtenir un rajeunissement général des salaires, traitements, appointements, pensions et rémunérations diverses, en rapport avec les résultats substantiels obtenus dans le domaine du développement de la production.

Le Parti estime que les ouvriers, les paysans travailleurs et les classes moyennes doivent bénéficier de l’augmentation de la production et réfute les arguments des milieux capitalistes, arguments qui ont été repris en partie – et c’est fort regrettable – par le Premier Ministre Van Acker, arguments qui préconisent la stabilisation des salaires à un niveau très bas.

Il développe son activité dans ce domaine, principalement en apportant son appui constant aux organisations syndicales réunies au sein de la F.G.T.B.

Le Parti s’est toujours efforcé d’apporter aux revendications légitimes des travailleurs une forme cohérente et ordonnée. Il les a mis en garde contre des demandes éparses et trop différenciées qui permettent toujours aux forces de la réaction d’utiliser l’arme de la division. Tout en appuyant et en recommandant, en cas de nécessité, l’usage de tous les moyens de la lutte ouvrière, y compris la grève, il n’a pas hésité à déconseiller les actions hâtives ou mal préparées ou d’autres qui, manifestement, apparaissent comme l’œuvre d’éléments provocateurs. En agissant de la sorte, le Parti a eu conscience de remplir pleinement son rôle de guide de la classe ouvrière.

Les communistes se sont également inquiétés du sort des vieux travailleurs pensionnés. Ils ont pris une large part dans la campagne menée pour l’octroi d’une indemnité complémentaire mensuelle de 500 francs et pour le réajustement immédiat de toutes les pensions.

POUR DES SOLUTIONS EFFICACES

Soucieux de régler ces questions non par le moyen de solutions provisoires, mais attaché à formuler des propositions d’une portée plus générale et d’une efficacité constante, le Parti met en avant :

– L’application très rapide d’un index pondéré du coût de la vie basé sur les prix réels des denrées et objets essentiels pour la vie quotidienne des travailleurs et l’adaptation des salaires et appointements à cet index :

– Le réexamen des margés bénéficiaires imposées aux petits commerçants et aux petits et moyens agriculteurs ;

– Le contrôle sévère ou la suppression des intermédiaires parasites.

L’ÉLARGISSEMENT DU PARTI

Nous rencontrons, à cette occasion une des caractéristiques nouvelles de notre Parti qui de plus en plus, étend sa sphère de rayonnement à des couches non ouvrières de la population.

Des mots d’ordre pénétrèrent de plus en plus dans les classes moyennes, la paysannerie, les divers milieux d’intellectuels et les aspirations de ces couches de la population sont des plus en plus appuyées par les communistes.

Cette révolution n’est nullement due au hasard.

De plus en plus, le développement du régime et le rôle joué par les trusts et monopoles créent, entre des éléments venus des milieux divers de la population laborieuse, une large communauté de situation et d’intérêts.

En face des grandes oligarchies financières se dresse la masse compacte de ceux qui ont à souffrir de leur puissance sans limite. C’est le rôle de notre Parti de travailler sans relâche au resserrement des liens qui unissent ces couches diverses et de les entraîner peu à peu dans les rangs de son organisation.

ENTENTE DÉMOCRATIQUE

Cette large communauté d’intérêts existants entre gens venus d’horizons divers et l’âpreté de la lutte qu’ils doivent mener contre les forces de la Réaction rendent possible et indispensable la formation d’un rassemblement des démocrates.

Le rapport de Lalmand d’octobre 1944, après avoir formulé, en ces termes le désir des communistes de voir se réaliser l’entente démocratique,

« Nous, communistes, sommes décidés à aider de notre mieux à la réalisation de cette concentration de toutes les forces saines du pays, capable de terminer victorieusement la guerre, d’écraser la Ve colonne, de faire échec à tout retour agressif de la réaction complice et alliée du nazisme ».

proposait un programme concret de réalisation immédiate et de redressement du pays.

C’est ce programme qui devait servir de base aux diverses négociations qui furent menées entre les divers groupements démocratiques. La volonté d’entente fut traduite dans les faits. Des résultats tangibles ont été obtenus dans la campagne antiléopoldiste et dans la campagne pour l’épuration.

Est-ce à dire que, parmi nos alliés, il ne s’en trouve point qui rêvent de nous isoler et de former entre eux un bloc centre gauche ?

Non point, mais l’entente démocratique réelle doit se réaliser avant tout dans les masses par l’union entre les éléments sains et profondément démocrates du pays. C’est la réalisation de cette entente qui entraînera l’accord des états-majors politiques et qui balayera les combinaisons abstraites ou malsaines des politiciens professionnels. C’est la raison pour laquelle notre Parti porte son attention avant tout sur les manifestations d’union réalisées à la base et dans l’action.

L’UNITÉ OUVRIÈRE

Inséparable de la lutte pour l’entente démocratique et essentielle pour la réalisation et la consolidation de celle-ci est la lutte pour l’unité ouvrière.

Sur ce point, le Parti n’a pas abandonné une ligne qui est la sienne depuis dix ans et, plus que jamais, il reste attaché à l’unité parce qu’elle est plus nécessaire que jamais et qu’elle correspond plus que jamais au désir profond des masses travailleuses.

En octobre 1944, Lalmand réaffirme la position unitaire du Parti :

« Nous entendons poursuivre inlassablement nos efforts en vue de réaliser le Front Unique, réunissant fraternellement dans l’action, socialistes et communistes. Le désir de réaliser l’unification des forces ouvrières est plus ardent que jamais, l’irrésistible poussée à laquelle nous assistons sur le plan syndical en est, parmi d’autres, une preuve éclatante. Dans de nombreuses régions du pays, des comités de Front Unique ont été constitués et presque partout les ouvriers souhaitent que l’unité d’action conduise au plus tôt à l’unité organique.

La classe ouvrière veut l’unité et cette unité se réalisera avec les dirigeants qui en ont compris la nécessité, contre les dirigeants assez peu clairvoyants pour s’y opposer ».

Cette position est reprise, au cours du Comité Central d’août 1945, et voici les termes dans lesquels s’exprime notre camarade Jean Terfve :

« Notre Parti a pris l’initiative de la lutte ouvrière, il n’entend pas l’abandonner. Certes, nous rencontrons de la part de certains dirigeants socialistes, encore beaucoup d’incompréhension, de réticences, voire une hostilité aveugle, mais cela ne peut justifier un relâchement de l’activité unitaire de la part de nos militants. Nous entendons mettre les adversaires de l’unité, les anticommunistes impénitents au sein du P.S.B., clairement devant leurs responsabilités. Nous n’oublierons pas que la masse des travailleurs socialistes et un grand nombre de militants du P.S.B. souhaitent sincèrement la réalisation de l’unité.

C’est à ce moment que nous avons fait aux socialistes des propositions très précises de constitution immédiate d’un bloc politique pour la rénovation du pays, d’un bloc d’action et d’un bloc d’entente électorale.

Depuis plusieurs mois, une commission d’entente socialiste-communiste a été formée, elle a fonctionné irrégulièrement et les résultats auxquels elle a abouti ont été jusqu’à présent de minime importance si on fait abstraction de l’organisation en commun de la manifestation du 1er Mai.

Ces insuccès ne changent en rien la justesse de notre position unitaire. Mais la lutte pour l’unité plus que n’importe quelle autre, doit se mener dans un contact intime avec les masses qui seules sont capables de briser les résistances de dirigeants aveugles et obstinés. C’est l’objectif que n’a cessé de poursuivre le Parti.

D’autre part, la politique unitaire ne peut avoir pour effet de nous interdire de dénoncer les manœuvres et les agissements des ennemis de l’unité. C’est la raison pour laquelle le Parti s’est refusé à laisser traîner en longueur des négociations dont certains veulent se servir, non pour favoriser l’unité, mais pour se mettre à l’abri de nos justes critiques.

C’est ce que le B.P. a nettement marqué dans sa décision du 23 novembre 1945.

La longue lutte que le Parti a menée pour réaliser l’unité syndicale est une source précieuse d’enseignements. Là, la volonté des masses est parvenue à renforcer l’unité. D’où le Congrès de fusion de la F.G.T.B. Là aussi, l’action des antiunitaires s’est développée à fond et a failli réussir au Congrès de Noël.

Mais la volonté des masses a été plus forte et les attaques des adversaires se sont brisées ou amoindries dans la mesure exacte où les unitaires étaient forts et fermes.

Et nous devons reconnaître que si l’unité socialiste-communiste n’est pas plus poussée sur le plan politique, nous le devons en partie aux hésitations qu’ont certains de nos militants pour poser en clair devant les travailleurs la nécessité impérieuse de l’unité et de dénoncer d’une manière conséquente tous les agissements de ceux qui s’y opposent.

Entente démocratique et unité ouvrière sont les armes essentielles dont nous disposons dans la lutte contre la puissance des trusts et des monopoles que notre Parti dénonce à juste titre comme étant le principal obstacle à la rénovation du pays et à l’instauration d’une paix durable. »

LUTTE CONTRE LES TRUSTS

C’est notre Parti qui a pris la tête de la lutte contre les trusts. Il a marqué sa position dans le rapport de Jean Terfve, d’août 1945, au C.C. :

« Lorsque nous examinons le problème de la production nous nous heurtons à la politique des trusts et monopoles défendant leurs intérêts contre ceux de la Nation.

Si nous recherchons les obstacles à l’instauration d’une paix durable, nous retrouvons les mêmes adversaires. Ce sont eux encore qui freinent en permanence l’amélioration du statut social des travailleurs. Pour cela, comme pour tout le reste, il faut avant tout : briser la puissance des trusts et des monopoles ».

Le Parti a déposé une série de projets de lois visant à la nationalisation des principaux secteurs monopolisés et du crédit, et il mène le combat contre ce que nous appelons les fausses nationalisations, c’est-à-dire les projets d’apparence radicale, mais qui, en fait, derrière une façade attirante et trompeuse laissent subsister tout ce qui fait la puissance des forces que l’on prétend combattre.

L’INDÉPENDANCE DU PAYS

Sous l’occupation l’indépendance du pays était menée par l’envahisseur allemand.

Elle est menacée maintenant d’une manière aussi réelle, bien que moins apparente, par certaines puissances qui rêvent à la fois de placer notre pays sous une dépendance économique quasi totale et d’en faire, par surcroît, une tête de pont militaire et stratégique en vue d’un éventuel conflit avec l’URSS.

Les deux objectifs sont d’ailleurs nettement liés.

Le parti n’a cessé de réclamer une politique économique orientée non en fonction des volontés des trusts étrangers, mais en fonction des besoins de sa libre expansion. C’est pourquoi il a préconisé la réalisation d’ententes avec les pays démocratiques de l’Europe centrale et orientale et avec l’URSS.

Simultanément, il a demandé que la Belgique poursuive une politique étrangère axée sur une entente égale avec les Trois Grands. Qu’au lieu de s’inféoder à l’une quelconque des trois grandes puissances et de constituer un élément du cordon sanitaire que certains s’efforcent de reconstituer autour de l’URSS, elle mette tout en œuvre pour servir leur entente et favoriser le développement de leurs rapports cordiaux.

Le Parti n’a cessé de mener campagne contre l’intégration de la Belgique dans toute espèce de formation du type bloc occidental qui, sous les apparences de l’instauration d’une fausse sécurité, vise à reconstituer des formations antagonistes.

En défendant semblable ligne, le Parti a conscience non de servir exclusivement les intérêts du pays, mais la cause de la paix.

LA QUESTION WALLONNE

Au cours des derniers mois, le Parti a eu à prendre position dans une question qui est apparue comme revêtant une importance particulière : c’est la question wallonne. La situation faite à la Wallonie touche d’une manière directe le sort des masses populaires de la partie sud du pays et l’aggravation de la situation existante menace de provoquer un dangereux conflit entre la Flandre et la Wallonie qui ne pourrait favoriser que les éléments de la Réaction intérieure et les desseins de certaines forces étrangères.

Là aussi, alors que tous les partis hésitent à se prononcer, les communistes ont pris le devant. Ils ont analysé les données du problème en l’inscrivant dans le cadre des questions essentielles et après avoir tenu une conférence spéciale des communistes wallons à Ougrée, le 14 octobre 1945, ils ont déterminé une ligne bien précise.

Leur position a pour but de renforcer la cohésion de l’Etat belge dont ils estiment le maintien actuellement indispensable, tout en accordant aux deux régions, et plus spécialement à la Wallonie en passe de devenir une minorité nationale, la possibilité de se développer librement au maximum, dans tous les domaines, qu’ils soient économiques, sociaux, culturels. Le Parti a mené parmi ses membres et devant les masses, une politique systématique d’éclaircissement à ce sujet.

Il a marqué les raisons de l’intérêt que portait le Parti à cette question et, en même temps, il a combattu les déviations chauvinistes dont le mouvement wallon est menacé.

Voici les termes essentiels de la déclaration votée à la Conférence d’Ougrée du 14 octobre 1945. La Conférence :

« Estime que le peuple wallon a un intérêt majeur à maintenir une collaboration amicale avec les forces démocratiques de la Flandre dans le cadre de l’Etat belge ;

Que l’octroi d’une large autonomie culturelle et administrative est de nature à permettre l’élimination du plus grand nombre des sujets de friction entre Wallons et Flamands ;

Que pour mieux assurer les conditions de collaboration fraternelle des peuples wallon et flamand dans le cadre de l’Etat belge, il est nécessaire de réorganiser les institutions de droit public, qui sont à la base de la constitution de l’Etat ;

Salue les mouvements wallons de diverses tendances qui luttent pour la défense des intérêts légitimes de la Wallonie et met en garde contre le développement des tendances chauvines qui les conduiraient à placer à la base de leur action, non la défense des intérêts wallons, mais le développement de la haine nationale et qui auraient pour effet de compromettre l’indépendance du pays et de le livrer sans défense aux appétits des grands impérialistes étrangers. »

Voici passées en revue les bases essentielles de la politique de notre Parti depuis le dernier Congrès d’août 1939 jusqu’à l’ouverture du 8e Congrès de février 1946.

IV. L’ORGANISATION DU PARTI

Il nous reste à dresser le bilan des réalisations concrètes dans une série de domaines liés à la vie et au fonctionnement du Parti.

Au 7ème Congrès, en 1939, 10.000 membres étaient inscrits au Parti : environ 7.000 en Wallonie, 1.700 en Flandre et 1.300 pour l’agglomération bruxelloise.

Des parties étendues de notre pays n’étaient pas touchées par notre organisation. En général, le Parti était organisé dans les Grands Centres. Aux dernières élections communales, en 1938, nous avions présenté des listes dans 228 villes et communes, alors que notre pays comporte 2.600 communes.

Des sections locales du Parti étaient actives dans environ 200 communes.

Pendant l’occupation, l’organisation du Parti a fonctionné sans interruption. Du secrétariat illégal, partaient les directives de lutte et d’organisation par un système de courriers et de contacts. Le Comité Central tint quatre sessions sous l’occupation, les membres du Comité Central se réunissaient par groupes séparés. Les Comités fédéraux sont reconstitués ainsi que les Comités de section.

L’organisation du Parti s’adapte aux nécessités de la lutte égale et met sur pied des méthodes spéciales de fonctionnement qui tendant à diminuer les risques de répression. Il importe de cloisonner au maximum sans perdre de vue la nécessité du fonctionnement rapide et régulier.

D’abord s’organisent les groupes de 5, puis les groupes de 3. Aucun organisme de notre Parti ne comportera plus de 3 camarades. Jusqu’au 3 septembre 1944, cette forme d’organisation a fourni ses preuves d’efficacité. Elle a permis de triompher de toutes les provocations et aussi elle a atténué les consignes des imprudences commises par trop de camarades peu soucieux des règles de la conspiration.

Grâce à la structure d’organisation des groupes de 3, le Parti a pu lutter et croître dans les entreprises et les localités ainsi que dans tous les mouvements de masse notamment ceux de la Résistance. A la fin de l’occupation, notre Parti clandestin comptait plus de 12.000 membres, chiffre supérieur à celui du Parti légal avant la guerre.

Vint la libération.

Préparés sous l’occupation, les militants du Parti se lancent sans transition à l’action ouverte et publique. Il faut construire un grand Parti Communiste en Belgique au grand jour.

Partout s’ouvrent des permanences publiques.

C’est par dizaines de milliers que se récoltent les adhésions, par centaines que s’organisent les sections du Parti. Les fédérations se hâtent de mettre sur pied leurs directions et, fin 1944, les Congrès fédéraux se réunirent, mettant fin ainsi à la période de la clandestinité où les directions étaient désignées par les organismes supérieurs et la Direction du Parti.

Au C.C. du mois d’août 1945, fut enregistrée l’inscription de 100.000 membres et depuis lors le Parti poursuit son développement et la consolidation de ses effectifs.

Le tableau suivant donne la situation de l’organisation du Parti à fin octobre 1945 :

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Depuis, le Parti s’est encore développé. Un plan de recrutement est en voie de réalisation pour assurer 20.00 nouveaux membres pour le Congrès.

Des nouvelles fédérations ont été créées. Nous atteignons à peu près le stade d’une fédération du Parti, par arrondissement électoral.

Le parti comprend environ 15.000 femmes soit 15 % des effectifs. Cette proportion est insuffisante. Les fédérations doivent faire un effort tout particulier pour la porter, comme première étape, à 25 %. Les résultats importants acquis dans le domaine de recrutement, ne doivent pas faire perdre de vue les insuffisances et les lacunes qui subsistent dans l’organisation.

100.000 membres inscrits ne signifient pas encore 100.000 cotisants et encore moins 100.000 membres actifs.

La trésorerie renseigne une moyenne de 80.000 cotisants pour le troisième trimestre de 1945. Ainsi, 1/5 des membres inscrits ne payent pas régulièrement leur cotisation. Ceci prouve un manque de contact avec les éléments de la base, cette absence de contacts porte préjudice au travail dans tous les domaines.

D’autres défauts d’organisation existent : il importe de les signaler, bien qu’ils ne se dégagent pas expressément des chiffres donnés.

L’organisation du Parti à l’entreprise demeure largement insuffisante et très en dessous des possibilités immenses que nous avons dans ce domaine.

Les comités fédéraux négligent leurs liaisons avec les comités de section locale, trop souvent laissés à l’abandon. Il est pourtant essentiel de veiller à ce que les sections du Parti soient dirigées par des comités de section larges et actifs, groupant les meilleurs éléments de la section, liés aux entreprises et favorablement connus de la population, en raison de leur attitude patriotique sous l’occupation, de leur dévouement à la cause des travailleurs et des masses populaires ainsi que de leur attachement au Parti.

L’organisation du Parti est insuffisante également pour guider et coordonner l’activité des communistes dans les mouvements et organisations de masses. Les amicales communistes sont toujours embryonnaires ou sans activité régulière. L’administration et la gestion financière des fédérations et des secteurs laissent beaucoup à désirer.

Enfin, les groupes de base du Parti n’ont pas de vie politique intense et leur activité est très insuffisante dans de nombreuses régions.

Le Congrès du Parti soit apporter des remèdes et des solutions à tous ces manquements et faiblesses.

Il ne faut pas douter que, se basant sur l’esprit de dévouement et de sacrifice qui caractérise notre Parti, le Congrès réussira à tirer les leçons d’organisation qui se dégagent de la situation actuelle du Parti et des exigences que pose le rôle que le Parti est appelé à jouer dans les mouvements masses et de la vie politique du pays.

C’est Lénine qui a dit : « L’organisation est l’arme principale de la classe ouvrière ».
C’est Staline qui écrit : « Le travail d’organisation décide tout, y compris du sort de la ligne politique elle-même, de sa réalisation ou de son échec ».

Au moment où se prépare le 8ème Congrès du Parti Communiste de Belgique, les membres du parti doivent s’inspirer de ces enseignements impérissables.

1. LE TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Au cours de la période 39-40, nous avons eu à la Chambre des Représentants neuf députés : Lahaut, Glineur, Relecom, Beaufort, Degeer, Cordier, Desselier, Marteaux, et trois sénateurs : Tinclair, Heyndels et Noël.

Pendant cette période, nos parlementaires ont participé très activement à la discussion des différents budgets et au cours de ces discussions, ils ont recherché toutes les occasions de défendre les positions de notre Parti dans les grands problèmes du moment et ils l’ont fait dans une atmosphère d’hostilité profonde à l’égard de notre Parti.

Au cours de la discussion du budget financier, ils abordèrent toutes une série de questions dont la politique extérieure, les poursuites contre la presse communiste, les pensions de vieillesse, les allocations de milice, les congés militaires, les impôts sur les bénéfices exceptionnels, etc.

Ils démontrèrent que la politique de notre gouvernement sur le plan international n’était pas dictée par les intérêts supérieurs du peuple mais par les intérêts des oligarchies capitalistes qui commandent et dirigent notre pays.

Dans la discussion du budget de la Défense Nationale, Borremans prit la défense des intérêts des 600.000 mobilisés et de leurs familles : il appuya les revendications des soldats pour des logements décents, les soins médicaux, pour de meilleures allocations, pour des congés, etc.

De plus, nos parlementaires déposèrent de nombreuses demandes d’interpellations sur la politique extérieure et intérieure du gouvernement, sur les mesures prises contre le Parti Communiste et sur l’interdiction des journaux communistes, sur la catastrophe du grand Trait (qui, malgré les nombreuses interventions de nos parlementaires a mis plus de quatre mois pour venir en discussion), sur les indemnités de milice, sur l’index des salaires, sur la hausse des prix, etc.

Ils ont déposé une dizaine de propositions de loi, dans les domaines de la Santé publique, de l’Agriculture, des Finances, du Travail, des Affaires économiques, des Affaires coloniales, des Femmes.

Nous signalons tout spécialement une proposition de loi instituant un Office de statistiques et organisant l’établissement du contrôle d’un indice pondéré du coût de la vie, ainsi qu’une proposition de loi attribuant le droit de vote aux femmes.

En dehors du travail parlementaire, les élus ont organisé, en 1939, un travail en faveur des soldats mobilisés. Ils ont défendu les positions du Parti sur le conflit russo-finlandais et sur le pacte germano-russe. A ce moment, la politique agressivement anticommuniste du gouvernement, contraignait nos militants à vivre dans une semi illégalité. Nos parlementaires continuaient néanmoins leur travail au Parlement tout en participant activement à la distribution de la presse, devenue clandestine.

En 1940, la fraction parlementaire précise sa position en cas de guerre : « Les communistes seront en première ligne dans la guerre contre le fascisme ».

Le 10 mai 1940, c’est la chasse aux communistes. Des centaines de militants sont arrêtés, parmi eux se trouvent Desselier, député de Charleroi. Mais nos mandataires sont à leur poste.

Après le 10 mai, la lutte illégale s’organise sont le nazisme.

Les mandataires regagnent les postes qui leur sont désignés par la direction du Parti. Dès les premiers mois de la vie illégale, nous avons à déplorer l’arrestation de notre camarade Borremans, député de Nivelles.

Le 22 juin 1941, entrée en guerre des nazis contre l’URSS.

Lahaut est arrêté et conduit à la Citadelle de Huy, puis déporté en Allemagne où il continue malgré tout son travail de militant parmi les prisonniers. Fin 1941, arrestation de Cordier, député du Borinage. En 1942, arrestation de Glineur, en 1943, celle de Relecom.

Enfin, au cours de cette lutte longue et dure, six députés sur neuf ont été arrêtés ainsi que tous les sénateurs.

Quatre députés sont revenus des bagnes nazis, mais nous avons perdu cinq mandataires sur douze. Cordier a été tué par les tortures de la Gestapo en décembre 1941. Desselier, Heyndels, Tinclair et Noël sont morts en captivité.

Dès la libération, les parlementaires restés au pays recouvrent leur liberté d’action et reprennent le travail parlementaire. Nous n’avons plus de représentant au Sénat et à la Chambre, il nous reste trois députés. Peu de temps après, Lévecq est désigné comme successeur de Cordier.

Pendant les premiers mois qui suivirent la libération, nos quatre mandataires prennent position sur toutes les questions importantes intéressant la vie du pays.

Lors de la déclaration du nouveau gouvernement Pierlot, ils interviennent à propos de sa composition, de la Résistance, de l’épuration, du ravitaillement, des salaires, de la politique financière. Ils déposent diverses demandes d’interpellations, en particulier sur la procédure industrielle, principalement la production charbonnière, sur l’ordre public à la suite des événements du 25 novembre, sur l’organisation de la justice, l’épuration, la Résistance, la politique générale du Gouvernement.

En mai 1945, nous avons la grande joie de voir revenir nos camarades Lahaut, Glineur et Borremans, qui, après un court repos, reprennent leur poste de combat.

Peu de temps après, Taillard, revenu aussi des geôles nazies, sera désigné pour défendre nos positions à la tribune du Sénat, où nous ne reverrons plus malheureusement Tinclair, Heyndels et Noël.

Herssens, revenu aussi d’Allemagne, prendra la place de Relecom, démissionnaire, comme député de Bruxelles. Depotte, député d’Ath, quitte les rangs du P.S.B. pour venir nous rejoindre.

Notre fraction parlementaire compte maintenant neuf députés et un sénateur. Au cours de ces derniers mois, nos parlementaires ont déposé une série importante de propositions de lois :

Dans le domaine des Affaires économiques : sur l’établissement d’un indice pondéré du coût de la vie, sur la nationalisation des industries houillères, sur la nationalisation des sociétés à portefeuille, sur la création des comités d’entreprises ;

Dans le domaine de l’épuration, une proposition relative aux publications parues sous l’occupation allemande et une proposition sur l’épuration des conseils provinciaux et communaux ;

Dans le domaine de la justice, une proposition relative aux séquestres des biens des ennemis de l’Etat et une autre, sur la répartition du préjudice causé à la collectivité belge par les agissements des inciviques.

Ils ont déposé encore des propositions sur l’attribution du droit de vote aux femmes, sur les délais de révision des listes électorales, sur la sécurité sociale des ouvriers mineurs, sur les pensions de vieillesse, sur les pensions d’invalidité militaire, sur la protection du titre d’infirmière, ainsi que diverses propositions en matières financières.

De nombreuses interpellations ont été déposées sur l’attitude du Roi en juillet 1945, sur les relations de la Sûreté avec la Gestapo, sur la suspension du « Quotidien », sur les remous causés dans l’opinion publique par le dernier message royal de novembre, sur les événements de Courtrai, où la gendarmerie chargea dans une manifestation de prisonniers politiques, sur l’attribution du droit de vote aux femmes, sur la politique adoptée en matière d’épuration, sur la situation malheureuse des indigents.

Ils sont intervenus au cours de la discussion de diverses interpellations, notamment sur l’organisation de l’armée, sur la politique économique du gouvernement, sur les pensionnés de l’État, sur la sécurité sociale, sur l’aide à apporter aux sinistrés. Ils ont participé également à la discussion de différents projets de lois. Rappelons en particulier l’intervention de Lahaut dans la discussion du projet de loi approuvant la Charte des Nations-Unies, ainsi que les interventions très documentées de Borremans dans la discussion des projets financiers.

Nos parlementaires, enfin, sont intervenus au cours de la discussion des différents budgets au sein des Commissions.

2. LE TRAVAIL DES CADRES

L’appareil des cadres s’est trouvé, au moment même où se terminaient les travaux du dernier Congrès du Parti, face à des problèmes nouveaux et urgents réclamant des solutions rapides – problèmes que posait avec acuité la situation générale de la Belgique en pleine mobilisation.

Ainsi des dizaines de jeunes militants étaient rappelés sous les drapeaux, et il fallait d’urgence pourvoir à leur remplacement et veiller à ce que leur absence n’entrave en rien le travail et le développement du Parti.

Aux vides créés par la mobilisation s’ajoutaient les brèches faites dans les rangs du Parti par la répression à la fois criminelle et stupide.

La continuité du travail du Parti atteste que les brèches étaient comblées, que les absents avaient été remplacés, que les organes dirigeants du Parti voyaient leur composition assurée.

Aux deux dernières causes des bouleversements dans les cadres du Parti, la mobilisation et les arrestations, vint s’ajouter, au 10 mai 1940, l’éparpillement sur les routes de l’exode des militants qu’appelaient en France les « ordres de rejoindre ».

Seuls partirent ceux à qui leur âge imposait l’obéissance aux prescriptions gouvernementales en cette matière, car, de façon très générales, l’ordre lancé par la direction du Parti, de rester en Belgique pour poursuivre la lutte, fut suivi par la masse des militants. Et très rares furent ceux qui durent être sanctionnés pour avoir abandonné leur poste.

L’OCCUPATION

La lutte contre les nazis commence.

La répression devient dure. Un travail d’un aspect nouveau attend les militants du Parti qu’il faut désormais, en premier lieu, convaincre d’observer les règles essentielles de clandestinité et de sécurité.

Il faut lutter contre l’incompréhension manifestée par les uns, la légèreté des autres, contre les habitudes de facilité qui entraînent trop souvent encore à enfreindre les premières directives prescrivant l’observation des mesures de prudence.

Ce travail s’accentue après le 22 juin 1941, quand désormais tous les militants sont en danger – et l’appareil des cadres voit s’accroître ses tâches –. Une directive parue pendant l’occupation les définit ainsi :

« L’appareil des cadres a pour mission :

1° De faire appliquer strictement par tous les dirigeants membres et appareils du Parti les règles du travail conspiratif ;

2° D’assurer la sécurité du Parti par le dépistage des provocateurs, mouchards et éléments tarés, par la lutte contre ceux qui par leur indiscipline, leur laisser aller, leurs bavardages compromettent la sécurité du Parti ;

3° De veiller au respect de la discipline la plus stricte et de l’autorité des dirigeants à tous les échelons ;

4° De vérifier les cadres en fonction, de pousser à leur développement et assainissement, de collaborer activement à la recherche et à la formation de nouveaux cadres pour tous les domaines d’activité du Parti. »

Ces tâches si clairement définies mettent l’accent sur le problème de la sécurité.

Pour arriver aux résultats voulus, il a fallu procéder de différentes manières, par la persuasion, par l’application de mesures disciplinaires dans de nombreux cas, car il fallut sauver les militants malgré eux.

Cependant, parmi toutes les organisations de la Résistance, le Parti peut être cité comme un magnifique exemple pour la discipline qui y était appliquée et pour le respect des règles prescrites.

L’appareil des cadres intervenait pour faire observer ses règles et pour rappeler sans cesse aux militants du Parti qu’il fallait se plier aux formes nouvelles du travail.

Rappelons quelques formes du travail qui tendaient à assurer la sécurité des militants :

Observer la règle des réunions par groupes de trois.

N’accepter un rendez-vous que dans des conditions déterminées, faire preuve d’une vigilance extrême en observant soigneusement les alentours du lieu choisi.

Organiser la transmission du matériel de manière que soient assurées à la fois l’arrivée de celui-ci et la sécurité du courrier.

S’interdire tous contacts autres que ceux liés au travail.

Être toujours en éveil pour observer le voisinage de son domicile clandestin.

S’efforcer d’organiser sa journée de manière que l’on ne doive sortir et rentrer chez soi qu’une seule fois par jour.

Que d’autres exemples pourrions-nous encore donner des multiples règles conspiratives que l’expérience quotidienne inspirait et que plusieurs guides du Militant illégal codifiaient de façon précise.

A cette tâche se liait une autre, toute aussi importante et qui exigeait de l’appareil des cadres la poursuite d’enquêtes longues, minutieuses et souvent périlleuses.

La lutte contre la répression allemande qui s’acharnait contre le Parti demandait en effet que chaque arrestation soit examinée attentivement, que les causes en soient recherchées afin que les faiblesses ou les fautes qui étaient à la base soient élucidées, expliquées et éliminées.

Les enquêtes découvraient ainsi les provocateurs ou les espions introduits au P.C. et ce fut au cours même de l’occupation que furent démasqués :

1. Le provocateur Paquet, actuellement sous les verrous, responsable de l’arrestation de tant de nos militants ;

2. Le provocateur Vincenaux, lui aussi en prison maintenant, et qui, entre autres, est responsable de l’arrestation de notre regretté camarade Dessellier.

C’est également l’enquête menée par l’appareil des cadres qui permit de reconstituer presque entièrement la genèse de la trahison qui aboutit aux arrestations de juin-juillet 1943, établissant dès cette époque les responsabilités du Paul Nothomb et de ses acolytes, et le dénonçant immédiatement dans notre presse clandestine.

Les multiples arrestations entraînaient le souci de remplacer les militants arrêtés – il fallait pourvoir au remplacement presque constant des cadres, il fallait déplacer les militants que des camarades récemment tombés pouvaient dénoncer, aussi bien que ceux que la Gestapo avait repérés et surveillait ; ils partaient où les attendait un nouvel anonymat qui leur permettait d’échapper au danger tout en continuant la lutte.

Après les arrestations, il fallait également retrouver les contacts perdus et, notamment en juillet 1943, ce fut essentiellement l’appareil des cadres qui rétablit le réseau des contacts avec le pays.

Il s’attacha également à la recherche de nouveaux éléments et ce fut la vérification dans les conditions difficiles de l’illégalité de centaines de nouveaux membres attirés au Parti par son élan dans la lutte contre l’occupant.

Dans la mesure où la Résistance se développait dans le pays, le Parti s’imposait la tâche de l’aider en lui procurant des combattants qui furent les meilleurs de cette armée clandestine.

Une première directive prescrit aux fédérations de passer aux forces armées 10 % des effectifs fédéraux – plus tard 20 % devint la règle.

Ces camardes devaient être vérifiés par le R.C.F. – et encadrés des dirigeants qui assurent leur commandement.

Ainsi les R.C.F. trouvèrent pour renforcer les forces armées, et avant tout, les glorieux P.A. des centaines de commandants et des milliers de combattants, qui furent partout à la pointe du combat.

DEPUIS LA LIBÉRATION

A la libération, lorsque les Résistants sortirent de l’illégalité où ils avaient mené le glorieux combat contre les nazis, la force et la puissance du Parti apparurent clairement.

Et si à ce moment l’étendue des pertes subies par le Parti put se mesurer douloureusement, l’on vit en même temps que chaque camarade tombé avait été remplacé par des dizaines de nouveaux militants, durement forgés dans la lutte clandestine et liés au Parti par l’âpreté des combats menés dans ses rangs, et par les sacrifices consentis dans la lutte pour la libération du pays.

De nouveaux problèmes se posaient désormais à ses militants sortant de quatre années d’ombre illégale, à ce parti régi par les règles impérieuses qu’imposait la clandestinité, il fallait donner les directives nécessaires pour leur retour à la légalité.

L’appareil des cadres eut à collaborer à ce travail en procédant à la mise en place des cadres légaux désormais démocratiquement élus dans les congrès fédéraux.

Et il fallut établir les listes des militants qui allaient composer les directions fédérales, en tenant compte désormais que ces directions devraient être élargies, les comités fédéraux se composant, non plus des trois secrétaires clandestins, mais de sept à neuf membres suivant l’importance des fédérations.

Et dans toute la mesure où le travail de Parti le permettait, il fallait prévoir et coordonner le retour dans leurs régions respectives, des militants que le souci de leur sécurité avait fait envoyer à l’autre bout du pays.

Un autre aspect du problème fut la nécessité de procéder le plus rapidement possible au contrôle de milliers de nouveaux membres qui venaient s’affilier au Parti. Il importait d’écarter les provocateurs et les ennemis mêmes du Parti, qui allaient tenter de se glisser dans nos rangs, il fallait de même écarter les carriéristes.

Une grande vigilance s’impose à ce sujet. Le travail est loin d’être fini mais un nombre assez considérable d’éléments ennemis du Parti ont pu être écartés.

Les nouveaux membres attirés au Parti par son rayonnement devaient être entourés de membres anciens, éduqués politiquement et formés à la ferme discipline qui est notre règle. Mais il fallait en outre former les nouveaux cadres que réclamait l’élargissement croissant des effectifs.

Ce travail n’a pu se faire sans tâtonnements ni erreurs, des militants peu connus étaient et sont encore souvent mal utilisés ou utilisés irrationnellement. Mais peu à peu, se dégageaient certaines grandes lignes directrices, et des centaines de nouveaux militants furent entraînés dans le travail du Parti, tandis que de nombreux autres révélaient leurs qualités dans les organisations de masses.

Lorsque commencèrent à revenir les miraculés des camps nazis, une décision du Parti amena chacun de ceux-ci à s’expliquer devant les cadres, afin de rendre compte de leur attitude devant la Gestapo. Dès que s’achevaient les réceptions de bienvenue, nos camarades eux-mêmes demandaient à exposer les raisons de leur arrestation, les trahisons qui en étaient la cause, les faiblesses qu’ils avaient observées soit en eux-mêmes, soit chez leurs camarades de malheur. Ils savaient qu’en agissant ainsi, ils aidaient le Parti en permettant d’écarter les éléments tarés dont la place n’était plus parmi nous. Les enquêtes faites sur leurs indications confirmèrent dans la plupart des cas les enquêtes menées dans l’illégalité. Cette vérification achevée, après un repos qu’eux-mêmes tentaient d’abréger, nos camarades reprirent leurs places de militants et c’est l’appareil du Parti qui eut à présenter aux directions fédérales ou à la direction nationale les propositions concrètes d’affectation de ces cadres.

En liaison avec la création des écoles du Parti, École Centrale du Parti d’abord, les Écoles Fédérales ensuite, les responsables des Cadres eurent à intervenir pour rechercher les élèves. Il fallait établir des listes de candidats en procédant à un choix qui devait comporter tout d’abord la vérification minutieuse des candidats.

Quand l’école terminée, les élèves sont remis au travail, les Responsables des Cadres doivent veiller à ce que les tâches qui leur sont confiées soient établies en tenant compte des remarques et notes décernées aux élèves, par les responsables de l’éducation.

Les militants ainsi mieux armés pour leurs tâches politiques constituent une réserve de cadres où le Parti doit pouvoir puiser, ayant désormais des éléments concrets et appréciables : travail à l’école, travail fourni depuis le retour.

Ce sont là les plus importants parmi les multiples problèmes qu’il fallut résoudre. Pour y faire face, l’appareil des cadres se composait, à la libération : 1 RN ; 2) 2 adjT. au R.N.C. ; 3) les R.C.F.

Mais très vite apparut la nécessité d’élargir et de renforcer cet appareil.

Il fut décidé que la désignation d’un R.C. dans chaque section s’imposait. Ce camarade plus proche des militants de base interviendrait avec plus d’efficacité auprès de ceux-ci. Une directive définit ainsi ses tâches :

1. Vérification de la juste utilisation des militants dans la section ;

2. Recherche de nouveaux militants qui pourraient être appelés à des responsabilités au sein de la section ou dans les organismes fédéraux ou dans les diverses organisations ouvrières ou démocratiques ;

3. Former de nouveaux cadres, vérifier leur activité, signaler leurs qualités et leurs défauts, proposer des promotions, des interventions diverses pour améliorer leur travail, informer le Responsable des Cadres Fédéral des promotions auxquelles des militants du Parti sont appelés dans d’autres organisations ;

4. Enquêtes particulières au sujet de l’activité de certains camarades dont l’attitude est susceptible de nuire ;

5. Vérification des nouveaux adhérents inscrits au Parti depuis la libération.

Il collabore en outre à l’établissement par le R.C.F. de la liste des militants communistes arrêtés, tués ou déportés, permettant ainsi la création d’un Tableau d’Honneur du Parti.

Et c’est particulièrement par son intermédiaire que peut se réaliser le premier grand principe à la base de toute politique des Cadres : pas de membre du Parti qui ne soit au travail pour le Parti.

La dernière réunion des R.C.F. a établi que cette décision n’avait pas reçu d’application suffisante, et que des R.C. manquent encore dans des nombreuses sections. Cependant là où les R.C.F. ont été aidés par un responsable des Cadres dans chaque section, le travail a progressé, et l’ensemble des problèmes des Cadres a reçu une solution plus prompte et plus efficace.

3. L’ÉDUCATION

Le développement de l’organisation du Parti a posé la question de l’éducation de ses adhérents avec plus d’acuité encore qu’avant la guerre.

Bon nombre de nos militants n’ont pas eu la possibilité au cours de la dure période de l’illégalité de développer, comme cela eut été souhaitable, leurs connaissances théoriques. D’autre part, une grande partie des nouveaux membres ignorent quasi tout des éléments de doctrine indispensables pour bien comprendre l’histoire et la politique du Parti.

Pour se retrouver dans la situation politique actuelle très complexe et très mouvante, il faut qu’à tous les échelons, le Parti soit en mesure de comprendre très vite ce qui se passe, il faut qu’il sache s’orienter et agir avec toute l’initiative et l’efficacité voulues. La condition à remplir pour que ces taches puissent être accomplies, c’est la formation théorique, l’éducation de chaque membre du Parti.

« … Le Parti qui ne s’est pas assimilé la théorie marxiste-léniniste – nous rappelle l’histoire du Parti Bolchevik – est obligé d’errer à tâtons ; il perd toute assurance dans son action, il est incapable de conduire en avant la classe ouvrière ».

AVANT LA GUERRE

Entre le 7ème Congrès et le 10 mai 1940, des écoles de cadre fédérales ont été organisées dans plusieurs fédérations (Bruxelles, Liège, Charleroi). Leur but essentiel était d’étudier les problèmes de la guerre et du fascisme.

L’ouverture d’une école centrale était prévue, mais le déclenchement de la guerre ne nous a pas permis de mettre ce projet à exécution.

PENDANT L’OCCUPATION

Le Parti étant devenu illégal, le système d’éducation subit un certain arrêt mais reprit bientôt dans les nouvelles et dures conditions de la clandestinité.

Des écoles fédérales de huit et quinze jours durent organisées à Bruxelles, Liège, Thudinie, avec un nombre restreint de participants.

Pour les membres, des cours édités par le Secrétariat illégal et par certaines fédérations furent donnés. Les programmes portaient essentiellement sur les bases théoriques du Parti, la lutte contre le fascisme hitlérien et les questions de l’organisation illégale. Rappelons l’excellente tenue des publications illégales centrales telles : « Le Cours du Militant », «Les principes du Léninisme », etc. La publication théorique de la Fédération de Liège : « Au service de l’action ! »…

Dans les camps de concentration, nos amis internés ne perdent pas de vue le côté éducatif de leur action. Des écoles furent organisées aux camps du Vernet d’Ariège (France), Breendonck, Buchenwald, etc.

APRÈS LA LIBÉRATION

Deux mois après la libération, sur la proposition du camarade Lalmand, le Comité Central d’octobre 1944 décida d’organiser des cours élémentaires pour les dizaines de milliers de nouveaux membres. L’ouverture d’une Ecole Centrale et de diverses écoles fédérales fut également décidée.

La tâche à réaliser était importante, car pour toucher par des cours ces milliers de membres, il fallait que le Parti forme un maximum d’éducateurs dans un minimum de temps. Cette tâche fut cependant résolue positivement par la formation de militants dans les écoles centrales et fédérales, par l’entraînement de militants fédéraux dans le travail d’éducation.

UN PREMIER BILAN

A) Cours élémentaires

Le premier essai fut tenté sur la base d’un cours ayant pour thème « L’économie belge aux mains de la Haute finance ». Le but était d’armer théoriquement les militants pour la lutte contre les trusts. Des milliers de membres furent touchés dans les groupes et sections.

Malgré les faiblesses marquantes, le travail a été poursuivi à l’échelle des sections du Parti.

Le cours élémentaire se compose de cinq leçons données sur les thèmes suivants :

1) L’économie belge aux mains de la haute finance ;

2) Etat-fascisme-démocratie ;

3) Etat et économie socialistes ;

4) L’unité ouvrière ;

5) Le Parti et son organisation.

Dans de nombreuses fédérations, ce sont des commissions composées des meilleurs éléments sortis des écoles fédérales qui ont assuré la tenue de cours élémentaires.

A Bruxelles, 63 élèves ont suivi un premier cycle de cours ;

A Charleroi : 48 ;

A Huy-Waremme : 146 ;

A Soignies : 150.

B) Les écoles fédérales

Nos écoles fédérales de huit jours ou de quinze soirées rencontrèrent un grand succès. Elles étaient destinées aux militants fédéraux et de sections.

Du 26 août au 15 décembre 1945, des écoles furent ouvertes dans les fédérations suivantes :

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Ce type d’écoles doit être retenu pour l’avenir, car il a permis d’adapter concrètement les enseignements théoriques à la pratique quotidienne et régionale des fédérations du Parti. La participation des militants régionaux à l’enseignement de ces écoles a été très fructueux et a montré que l’éducation du Parti ne doit pas être monopolisée par un cadre de spécialistes.

Des lacunes sont cependant à signaler quant au choix de certains élèves par les comités fédéraux et au trop faible pourcentage de femmes dans ces écoles.

C) Les écoles centrales du Parti

Dans ce domaine, un énorme progrès a été fait sur la période d’avant-guerre. Notre Parti possède maintenant son École Centrale permanente. Depuis le 4 juin 1945, les sessions suivantes ont eu lieu :

Une école française de cadres du Parti (4-24 juin) − 13 élèves

Une école française de cadres du Parti (25/6-15/7) − 12

Une école française des militants paysans (16/7-5/8) − 10

Une école flamande des cadres (6-26/8) − 13

Une école flamande des cadres (27/8-16/9) −12

Une école flamande des cadres (17/9-7/10) − 9

Une école française des militants syndicaux (28/10-25/11) − 11

Une école française d’agitation et propagande (25/11-23/12) − 11

Total : 91 élèves

Le programme initial des premières écoles des cadres qui embrassait les problèmes d’économie politique de léninisme, de politique et d’organisation du Parti, a été depuis fortement spécialisé pour des militants paysans, syndicaux, agitation-propagande.

CONCLUSION

Ainsi la ligne politique de la direction du Parti après la libération a été de donner un minimum d’éducation en un minimum de temps à un maximum de militants.

Après le Congrès du parti, le travail d’éducation doit encore être développé à tous les échelons.

Plus que pendant la période écoulée, il faut :

1) Tenir compte du caractère vivant de la théorie marxiste-léniniste et de la nécessité de lier d’une manière constante la théorie et la pratique ;

2) Que les écoles régionales ne soient ouvertes qu’à des militants dont l’attachement au Parti, la fermeté politique et les possibilités de développement ont été vérifiés sur la base de leur action antérieure et présentés à des postes responsables.

V. LE TRAVAIL DES COMMISSIONS D’ÉTUDE

Il existe à l’heure actuelle vingt commissions d’étude à l’échelon national. Les commissions à l’échelon fédéral commencent à se créer.

A l’échelle nationale, soixante-quatre intellectuels membres du Parti travaillent dans les vingt commissions ; un grand nombre de sympathisants apportent leur collaboration.

Commissions :

Assurances

Travail et lois sociales

Prix et salaires

Dommages de guerre

Crédit

Finances publiques

Classes moyennes

Enseignement

Santé publique

Travaux publics

Agriculture

Politique extérieure

Congo

Juridique

Charbonnages

Électricité

Métallurgie

Transports

Industries chimiques

Radio

Ces commissions ont pour but l’étude de certaines questions pour aider et éclairer le Secrétariat du Parti, le Bureau Politique, le Comité Central ; d’aider la presse et les éditions du Parti, d’aider les mandataires en préparant techniquement des propositions de loi et leur fournissant la documentation nécessaire à leurs interventions.

PRINCIPAUX TRAVAUX

Études sur la nationalisation des sociétés à portefeuille du crédit, de la Banque Nationale, des Industries houillères, études sur l’affiliation des trusts, sur la confiscation des biens des traîtres, sur l’impôt extraordinaire sur les profits des placements réalisés à l’aide de fonds de tiers, sur les projets Gutt et Eyskens de Voghel sur les budgets, sur la réforme des lois sociales, sur la réforme du bail à terme, sur la nationalisation et la coordination des transports, sur les pensions et les allocations des militaires et assimilés.

Préparation de brochures.

Participation aux conférences de production pour les charbonnages, les textiles, la métallurgie.


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