publié dans le bimensuel TPO-AMADA N° 115 du 29 mars 1978

[Nous l’avons dit souvent : les catégories d’AMADA-TPO puis du PTB sont bien insondables. Ainsi, alors qu’en 1978 « l’attaque au cœur de l’Etat » théorisée par les Brigades Rouges compte notamment 106 actions armées révolutionnaires, que les BR développent le thème du MPRO, le Mouvement Prolétaire de Résistance Offensive et que les prisons italiennes comptent des milliers de prolétaires prisonniers ; alors que, toujours en 1978, les berlinguistes du PCI se sont lancés à corps perdu dans la voie du pourrissement opportuniste de l’« eurocommunisme », définissant une « voie nationale » vers le socialisme, TPO-AMADA tente ici, mine de rien, de nous expliquer que les BR et les révisionnistes du PCI sont les deux faces d’une même médaille…]

Jeudi 16 mars. Quelques heures avant que le nouveau gouvernement Andreotti soit installé − gouvernement qui, cette fois, reçoit le soutien officiel du P »C »I − un commando armé des Brigades Rouges frappe au cœur de Rome. Ils enlèvent Aldo Moro, un des hauts dirigeants de la Démocratie Chrétienne, celui-là même qui veut toujours accélérer le rapprochement avec le P »C »I. Les cinq agents de police chargés de la protection de Moro sont abattus.

Immédiatement après l’enlèvement a été mise sur pied une action policière d’une ampleur jamais vue : 50.000 policiers et soldats sont mobilisés, la ville de Rome est fermée hermétiquement et des quartiers entiers sont fouillés maison par maison.

Les Brigades Rouges qui se font volontiers appeler « le bras armé du prolétariat en lutte » ont de nouveau souligné par cette action spectaculaire menée très minutieusement qu’ils ne sont pas tellement les premiers anarchistes enragés venus mais un ensemble de provocateurs professionnels agissant d’une manière froide et n’ayant rien à voir avec la classe ouvrière. La terreur individuelle n’a jamais été un moyen de lutte du prolétariat révolutionnaire et ne le sera jamais.

Le PCI offre ses loyaux services

Le P »C »I fait partie de la majorité parlementaire qui soutient le tout nouveau gouvernement Andreotti. En attendant, ce gouvernement a annoncé un nouveau train de mesures pour lutter contre le « terrorisme ». Toute l’opération n’est qu’une scandaleuse attaque des droits démocratiques du peuple italien, attaque orchestrée ouvertement par les révisionnistes. Les nouvelles mesures sont encore un peu plus vigoureuses que celles de la bourgeoisie ouest-allemande qui jusqu’à présent était en tête en Europe pour les mesures policières anti-démocratiques et la répression.

Les révisionnistes italiens revendiquent maintenant l’honneur douteux de faire passer au parlement des mesures encore plus sévères.

A partir de maintenant en Italie, peut être arrêté sans mandat d’arrêt quiconque est « soupçonné » de terrorisme.

La police a le droit de perquisitionner les maisons sans mandat, d’arrêter des personnes suspectes pour identification et de les garder 24h.

Désormais les interrogatoires peuvent être menés sans que la personne soupçonnée ait le droit de se faire assister par un avocat.

Les écoutes téléphoniques sont entièrement légalisées et aucune autorisation spéciale n’est nécessaire.

Désormais chaque propriétaire est tenu de signaler à la police à qui il a loué ou vendu un appartement ou une maison.

Le PCI en tête pour porter atteinte aux droits démocratiques

Mais qui alors profite de telles actions ?

Dans les milieux proches du P »C »I on défend la position que les actions des Brigades Rouges ont pour but d’élargir le fossé entre le PCI et la Démocratie Chrétienne. En d’autres mots, les Brigades Rouges veulent empêcher que le PCI et la Démocratie Chrétienne travaillent ensemble.

C’est le contraire qui est vrai. C’est grâce à de telles actions, grâce aux attentats à la bombe de ces derniers mois et à des actions contre des personnages de premier plan du monde économique, politique et judiciaire que le P »C »I peut se présenter comme la force « indispensable » pour faire régner « l’ordre et la discipline » en Italie. Le P »C »I trépigne d’impatience depuis des années devant la porte du pouvoir. Un seul but : obtenir enfin des postes clés dans l’appareil d’Etat. Des dirigeants « communistes » comme Lama se donnent chaque jour beaucoup de mal à flatter le capital monopoliste italien en prêchant continuellement auprès des travailleurs italiens une modération des revendications au nom de la mauvaise santé de l’économie.

Mais des actions comme l’enlèvement de Moro sont encore un meilleur moyen pour que le P »C »I se présente comme le « parti de la raison » qui peut résoudre la crise. Ugo Picchioli, qui est considéré comme le ministre des Affaires intérieures du P »C »I a avoué franchement que son parti travaille la main dans la main avec le ministre de l’Intérieur et la police. Il déclare dans un interview accordé au journal Le Monde :

« La collaboration existe, elle est très étroite. Cette collaboration existe depuis deux ans environ. Depuis qu’on ne considère plus les communistes comme une force dont il faut se méfier. »

Dans le même interview, Ugo Pecchioli offre les services du P »C »I pour lutter contre le terrorisme :

« Le problème est que les services secrets italiens ne fonctionnent pas depuis des années, depuis qu’ils ont été mêlés à des affaires troubles (…). Le gouvernement devrait prendre immédiatement des mesures, car la lutte contre le terrorisme exige avant tout des services secrets efficaces. La police vient après.

La réforme de la police est triple : récupérer plusieurs milliers d’agents mal employés et les affecter aux services opérationnels ; revaloriser la profession pour permettre un plus grand recrutement ; constituer une unité opérationnelle entre les trois polices actuelles qui non seulement agissent séparément, mais se concurrencent. (…)

D’autre part, il faudrait appliquer la loi pénitentiaire, très avancée, qui a été publiée en 1975. Nous avons toutes les lois nécessaires.

Il suffit de les corriger − c’est prévu dans le programme de la nouvelle majorité parlementaire − et surtout de les appliquer. » (Le Monde 19/20 mars 78)


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