Bulletin-Marxiste-Léniniste-1

Tout le Pouvoir aux Travailleurs (TPT) – à ne pas confondre avec Tout le Pouvoir aux Ouvriers (TPO) qui deviendra, en 1974, la branche francophone d’AMADA − est une organisation Marxiste-Léniniste issue de la bataille contre le spontanéisme au sein du groupe Université-Usine-Union (UUU). Né du mouvement de Mai 68, UUU était un groupe mao-spontex dont l’ancrage se situait pour l’essentiel à l’Université Libre de Bruxelles.

En 1971, après avoir été traversé par de rudes débats, UUU finit par éclater en deux groupes distincts. Les tenants du spontanéisme se retrouvèrent dans La Parole au Peuple (PAP), alors que l’autre tendance – majoritaire − marquées par l’expérience de la GRCP en Chine et confronté à l’impérieuse nécessité de fonder un Parti d’avant-garde en Belgique, donnera naissance à Tout le Pouvoir aux Travailleurs.

Appelant à l’unité de tous les groupes ML actifs à Bruxelles et dans d’autres villes, Tout le Pouvoir aux Travailleurs fusionne avec le Comité Joseph Staline pour l’Unité Rouge (UR). Pour cette dernière organisation, fondée durant l’été 1970, l’unité des groupes et militants ML au sein d’une même structure est également comprise comme étant la tâche principale de l’époque.

C’est de cette unification que naîtra, en 1972, le pré-parti Union des Communistes (Marxistes-Léninistes) de Belgique (UCMLB). L’organe théorique de l’organisation deviendra dès lors le Bulletin Marxiste-Léniniste dont nous publions aujourd’hui le premier numéro.

Il en paraîtra en tout 6 numéros, publiés entre janvier 1972 et août 1973. Le premier, présenté ci-après, est celui dans lequel est formulée la proposition pour l’unité des Marxistes-Léninistes de Belgique. Il est signé par le seul TPT. A partir du second, cela deviendra l’organe théorique de l’UC(ML)B, avec en sous-titre « ex-Tout le Pouvoir aux Travailleur et ex-Unité Rouge ».

Ce sous-titre disparaîtra cependant à partir du numéro 5, alors qu’une lutte pour l’unité contre le scissionnisme apparaîtra au sein de l’UC(ML)B. Rejetant le centralisme démocratique prôné par l’UC, des cadres appartenant pour la plupart à l’ex-Comité Joseph Staline pour l’Unité Rouge quitteront l’UC(ML)B (ou en seront exclus) pour rejoindre l’Ouvrier en Colère et AMADA durant l’année 1973.

Nos lecteurs pourront constater que dans ce premier numéro du Bulletin Marxiste-Léniniste le groupe AMADA est classé de manière positive parmi les organisations ML, alors que d’autres sont considérées comme étant révisionnistes. La classification d’AMADA dans la première catégorie n’aura qu’un temps. Nous y reviendrons.

Pour le Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste, l’UC(ML)B est importante. Certains de nos lecteurs nous ont posé la question de savoir – en regard, certainement, des documents de Jacques Grippa ou du « PCB grippa » que nous publions sur notre site − si au Centre MLM, nous étions « grippistes » ou encore si nous revendiquons cette filiation. Il n’en est rien !

Outre son rôle héroïque dans la résistance communiste contre le nazisme, à Jacques Grippa revient sans conteste le mérite d’avoir diffusé, au niveau de la Belgique et plus largement, les positions du Parti Communiste de Chine engagé dans la bataille contre le révisionnisme khrouchtchevien puis brejnevien.

Mais nous savons aussi comment Grippa a dégénéré (défense de Liu Shaoqi, prise de position ultra-réactionnaire contre la GRCP, contre Mao Zedong en personne.) et ce a quoi il est retourné (au révisionnisme moderne avec lequel il n’a jamais réellement pu ou voulu rompre et dans lequel il finira par sombrer corps et biens).

Si nous avions à revendiquer une filiation quelconque, elle se situerait plus certainement du côté de l’UC(ML)B, qui est pour nous la seule organisation révolutionnaire de Belgique à avoir – contrairement à Grippa et aux multiples avatars émanant du « grippisme » – compris la nécessité de produire une Pensée-guide. Même si cela a fini par se tourner en son contraire.

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste
25 juillet 2014


Tout le Pouvoir aux Travailleurs : Bulletin Marxiste-Léniniste N°1

« Devant nous se dresse dans toute sa puissance la forteresse ennemie, d’où part une grêle de boulets et de balles qui emporte nos meilleurs soldats. Nous dévons prendre cette forteresse, et nous la prendrons, si nous unissons toutes les forces révolutionnaires russes en un seul Parti. » Lénine (Iskra, n°1)

Tout le pouvoir aux travailleurs prend l’initiative de publier de façon suivie un bulletin marxiste-léniniste.

Le but de cette publication est de contribuer au développement idéologique, politique et théorique du mouvement. Elle permettra de diffuser des textes et de faire connaître aux militants des documents marxistes-léninistes belges et étrangers propres à éclairer la pratique dans la lutte de classes.

L’objet immédiat du bulletin est de servir d’instrument à la lutte idéologique et à l’unification des organisations marxistes-léninistes de Belgique. L’état de désunion et de dispersion où nous sommes est ressenti avec acuité par tous ceux qui ont pris conscience de l’ampleur de nos tâches et qui mesurent notre retard politique à la combativité croissante du prolétariat européen. Il est temps de nous unir. Chercher l’unité est notre premier devoir.

Le bulletin est ouvert à toutes les organisations et à tous les militants qui se réclament du marxisme-léninisme. Nous éditerons tous les textes émanant d’eux, que nous jugerons propres à favoriser la fermeté et l’unité idéologique des marxistes-léninistes, que ceux-ci nous les aient ou non fait parvenir pour publication. Nous sommes pour une lutte idéologique ample et intense. Elle unira tous les marxistes-léninistes et démasquera les imposteurs faufilés dans nos rangs.

VIVE LA LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE DU PROLÉTARIAT !

VIVE L’UNITÉ DES MARXISTES-LÉNINISTES !


PROPOSITION POUR L’UNITÉ DES MARXISTES-LÉNINISTES DE BELGIQUE

« We moeten wetenschappelijk en sistematies te werk gaan. »
AMADA

La construction du Parti est mise à l’ordre du jour par plusieurs organisations marxistes-léninistes. Deux questions se posent, celle de la conception du Parti : quel Parti voulons-nous ? et celle de l’édification du Parti : comment devons-nous nous y prendre aujourd’hui pour commencer à le construire ? Ces questions, posées sur la base des principes, viennent de la pratique. Une fois vaincu l’économisme, les tâches de propagande et d’organisation ont pu suivre un cours rectifié, mais une nouvelle limite a été très tôt atteinte : la nécessité sensible d’un programme, d’une stratégie révolutionnaire, d’une tactique, c’est-à-dire la nécessité d’un Parti.

Nous disons que les organisations ayant par leur pratique atteint ce degré de développement idéologique ont actuellement pour tâche primordiale d’élaborer chacune et de présenter aux autres leur conception du Parti et de l’unification des marxistes-léninistes.

La méthode d’élaboration des positions doit se fonder sur les principes du marxisme-léninisme : il faut pour chaque élément de la proposition pouvoir se référer clairement à des principes du matérialisme dialectique et à l’idéologie communiste. Il faut, en même temps, afin de pouvoir appliquer les principes aux conditions concrètes, voir la construction du Parti comme un processus social, un facteur de la lutte des classes, ce qui suppose une analyse d’ensemble du révisionnisme et du mouvement marxiste-léniniste dans leurs rapports respectifs au mouvement ouvrier, en Belgique, aujourd’hui.

Les responsabilités croissantes que les marxistes-léninistes prennent à l’égard de la classe ouvrière exigent d’eux une étude et une discussion rigoureuses et d’une honnêteté totale. La lutte idéologique qui s’engage aujourd’hui doit faire faire au mouvement marxiste-léniniste un pas décisif sur le chemin de la Révolution en Belgique. En la menant selon les principes nous fonderons l’unité des marxistes-léninistes authentiques. Elle nous permettra de remplir nos tâches envers les masses beaucoup mieux que nous n’avons pu le faire jusqu’à présent.

I. SITUATION DU RÉVISIONNISME ET DU MOUVEMENT MARXISTE-LÉNINISTE.

La contradiction principale du mouvement ouvrier consiste dans la séparation entre la spontanéité du mouvement et la théorie révolutionnaire. La fusion de ces deux éléments est réalisée par le Parti Communiste. Quelle est à cet égard la situation en Belgique ?

LE RÉVISIONNISME

La classe ouvrière et les militants révolutionnaires ont actuellement affaire avec quatre Partis qui se prétendent « communistes » : le P« C »B, le P« C »B (Voix du Peuple), le P« C »B« ML »(L’Exploité) et le P« CML »B(Clarté).

Ces quatre Partis recouvrent deux formes différentes de révisionnisme : le révisionnisme moderne (P« C »B et Voix du Peuple depuis 1968) et (pour les deux autres) le néo-révisionnisme.

Dans le mouvement communiste international, le révisionnisme moderne a été vaincu idéologiquement et théoriquement par le PCC et le PTA. Dans chaque pays, les communistes ont pour tâche de poursuivre cette lutte et de la mener à bien contre leurs révisionnistes nationaux.

Le néo-révisionnisme est de formation beaucoup plus récente : il a précisément paru à l’époque où la pensée mao tsé-toung commençait sa percée victorieuse au niveau international. Il est, comme le révisionnisme moderne, un courant international qui, aux points de vue de la méthode et de la pratique, cache une démagogie stéréotypé au sujet de la théorie communiste, ainsi qu’une façon opportuniste et bureaucratique de construire des organisations sous l’apparence d’un « attachement » servile aux PC de Chine et d’Albanie. Au point de vue de la ligne politique, le néo-révisionnisme en Belgique consiste essentiellement à défendre une ligne subjectiviste étrangère aux principes scientifiques du marxisme-léninisme et à la présenter sous l’enseigne de la pensée mao tsé-toung. Il n’a pas, depuis 1963, créé moins de trois « Partis ».

Le premier travail dont nous devons nous charger pour la construction du Parti est la destruction idéologique du révisionnisme en Belgique. Il serait faux d’alléguer que les quatre Partis en question ont une faible audience, que le révisionnisme moderne a été vaincu sur le plan international ou que les néo-révisionnistes se sont déjà plus ou moins discrédités eux-mêmes par leur manque de pratique ou par leur mauvais style de travail, par exemple. Ce n’est pas sans raison que Staline commence ses « Principes du léninisme » en rappelant la méthode de lutte contre la IIe Internationale. Toutes proportions gardées, notre situation, en entreprenant l’édification du Parti marxiste-léniniste, est la même que celle des révolutionnaires tirant les conclusions de la trahison de la IIe Internationale. Ce n’est pas parce que nos « écuries d’Augias » à nous sont de dimensions modestes que nous pouvons négliger leur « vérification générale et leur nettoyage général ». Pourquoi ?

1. Parce que « sans détruire, on ne peut construire. Détruire, c’est critiquer, c’est faire la révolution. Pour détruire, il faut raisonner, et raisonner, c’est construire. Ainsi vient d’abord la destruction, qui porte en elle la construction. » (Mao, La GRCP, Recueil de documents, 131-132). La critique des quatre Partis, sur la base du marxisme-léninisme, n’a jamais été faite. La poussière est toujours là. Le révisionnisme belge doit être réfuté par les marxistes-léninistes belges. Quant aux néo-révisionnistes, il ne faut pas qu’ils puissent en être quittes pour quelques remarques sur des points secondaires : c’est leur ligne politique toute entière qui doit être démasquée. Cette double critique est une des tâches de la construction du Parti. Nous insistons sur ce point, car jusqu’à prisent presque tous les marxistes-léninistes belges ont oublié l’avertissement de Lénine selon lequel « si elle n’est pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme, la lutte contre l’impérialisme est une phrase creuse et mensongère » (L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, XXII, 325) et qu’ils ont laissé vivre en paix des Partis qui ne se trouvaient sans doute pas souvent sur leur chemin dans le travail de masse, mais qui maintenant n’ont plus aucune raison, bonne ou mauvaise, d’échapper à nos attaques, étant un obstacle certain à la construction d’un Parti authentiquement marxiste-léniniste.

2. Concrètement, cette lutte sera menée pour regrouper les éléments sains et faire cesser la division des forces communistes ; pour éclairer et rallier ceux qui, atteints par les coups idéologiques du révisionnisme, se sont découragés et ont renoncé à militer ; pour étayer le combat contre les spontanéistes qui, s’appuyant sur une critique erronée du grippisme, font avec celui-ci l’amalgame du communisme ; pour mettre un terme à la division que le révisionnisme moderne et le néo-révisionnisme provoquent dans l’avant-garde de la classe ouvrière et pour détruire l’idée fausse qu’ils apportent au prolétariat du communisme et du Parti marxiste-léniniste.

3. La lutte contre le révisionnisme sera un facteur de l’unification des marxistes-léninistes. D’autre part, en faisant l’analyse politique de sa trahison, ils apprendront à éviter de tomber eux-mêmes dans ses erreurs.

A ce propos, il importe par-dessus tout de comprendre que le néo-révisionnisme représente au sein du mouvement marxiste-léniniste, l’ennemi principal. Ceci signifie que les tendances erronées qui se développeront à l’intérieur même des organisations marxistes-léninistes actuelles, prendront nécessairement la forme du néo-révisionnisme. Cette loi est déterminée par la conjoncture internationale du mouvement communiste, caractérisée par la domination idéologique et théorique de la pensée mao tsé-toung : c’est de ce masque-là que devra se couvrir le courant opportuniste dans le mouvement. Que les « Partis » néo-révisionnistes actuels nous servent d’avertissement !

L’analyse et la critique du révisionnisme moderne et du néo-¬révisionnisme pourront être entreprises en commun par plusieurs organisations marxistes-léninistes. Mais dès à présent, des positions claires et fermes peuvent et doivent être prises sur la base d’un certain nombre de points de repère décisifs. L’enquête plus approfondie que nous mènerons permettra d’étayer ces positions de façon plus concrète. Les résultats de ce travail seront publiés bientôt.

a) le révisionnisme moderne

* 1921 édifications du PCB.

Il s’agit d’une fusion de deux organisations, l’ancien PC de Van Overstraeten et le groupe « Les Amis de l’Exploité » dirigé par Jacquemotte, fraction de gauche sortie du POB.

L’Exploité, à cause de ses insuffisances théoriques et idéologiques surtout, ne menait contre la social-démocratie qu’une lutte assez confuse ; il tenait lui-même, sur des points essentiels, des positions opportunistes (refus de la lutte idéologique avec Van Overstraeten, absence d’exigences dans le recrutement).

Van Overstraeten avait dans l’ensemble une position plus proche du communisme, tenant aux principes et dégageant une ligne prolétarienne dans la perspective du socialisme, mais péchant par gauchisme et par spontanéisme (refus « d’organiser le mouvement révolutionnaire », problématique spontanéité – bureaucratie).

La fusion elle-même était en grande partie formelle ; faite en conformité avec une directive de la IIIe Internationale, elle fut précipitée en prévision des élections législatives et réalisée sans lutte idéologique suffisante ni beaucoup d’explication à la base.

Quelques années plus tard, Van Overstraeten sombrait dans le trotskysme. Sous la direction dévouée mais peu opérante de Jacquemotte, le Parti n’a jamais pu rallier l’avant-garde de la classe ouvrière aux idées communistes.

* Intervention économiste dans les grandes grèves de 32 et 36.

* Pendant la guerre, le PC est l’âme de la Résistance. Tout en se trouvant à la tête d’une lutte héroïque, il ne peut ni tracer une ligne révolutionnaire cohérente (cf. DR clandestin) ni éviter la débandade après une tentative de liquidation de la Résistance par le BP sous la menace de la Gestapo.

* A partir de 1945, le Parti trahit ouvertement. Il renforce le Capital en prônant la politique de la productivité. Il fait rendre les armes, combat les grèves, se fait l’otage du gouvernement et mène une politique électoraliste. Il renonce à l’internationalisme prolétarien (« notre » colonie, Algérie, Cuba, etc.). Désormais sa ligne consiste à faire pression sur le PSB et la FGTB. Pression toujours bienveillante d’ailleurs (ex. grève de 60-61, condamnation de l’« aventurisme » dès l’instant où la social-démocratie pousse à rentrer). Alignement sur Khrouchtchev : « déstalinisation », « coexistence pacifique » 1.

b) le néo-révisionnisme.

* 1963, scission grippiste, formation du P« C »B (Voix du Peuple).

Après une très courte lutte idéologique, un petit nombre de cadres du P« C »B se fait exclure, entraînant un tiers de la Fédération bruxelloise et quelques membres des Fédérations régionales.

Création immédiate d’un « Parti », avec CC et journal. Aucune autocritique sur l’origine politique de ce Parti. Processus complètement coupé du mouvement ouvrier et de la lutte des classes. Tous les cadres du nouveau Parti sont des anciens responsables du P« C ». Le Parti est une création d’arrivistes et de bureaucrates, clique hétéroclite qui s’est servie de la lutte du PCC et du PTA contre le révisionnisme moderne pour régler des comptes (personnels plus encore que politiques) avec la direction du Parti révisionniste. Cette direction réussit à regrouper une base où se côtoient éléments révolutionnaires et éléments réactionnaires.

Programme : repris aux révisionnistes, avec plus tard quelques modifications subjectivistes (dogmatiques) (ligne d’indépendance nationale). A une ligne politique construite en chambre a correspondu une pratique économiste (la ligne de démarcation avec les révisionnistes est la surenchère). Organisation : pas de centralisme démocratique. Les décisions sont prises sur avis formel du CC, Grippa tranchant seul ; pas de participation de la base. Les désaccords se règlent par exclusions, scissions et dénonciations à la police. Recrutement des cadres : des révisos et des mercenaires. Organisations de masse : issues non des besoins des masses, mais de ceux du Parti (ex. lutte contre l’OTAN), Statuts repris au P« C » (1954), Style de travail : liaison avec les masses ? style commando ; unité pratique-théorie ? mépris total de la théorie ; l’éducation politique de la base est interdite ; autocritique ? inconnue ; rejet de toute critique de la base ; absence de lutte idéologique, sinon sur des points tout à fait secondaires.

Idéologie : l’idéologie des dirigeants était la conception du monde bourgeoise, sous couvert de la pensée mao tsé-toung afin d’être reconnu nationalement et internationalement comme le Parti marxiste-léniniste. Une partie de la base (les jeunes), s’emparant des idées de la GRCP, a réussi à dévoiler la nature de classe de la direction grippiste et a fait éclater le Parti. Grippa est revenu au révisionnisme moderne (ex. soutien à l’invasion de la Tchécoslovaquie).

Le Parti de Grippa était (et est, pour ce qui en reste) un détachement de la bourgeoisie dans le mouvement marxiste-léniniste et le mouvement ouvrier. Il a fait connaître en Belgique la pensée mao tsé-toung (en la déformant parfois), les 25 points, la lutte contre le révisionnisme moderne : par là il a permis que se diffuse le marxisme-léninisme et que des germes soient jetés (ex. pratique de masse des jeunes militants) qui se sont développés plus tard. Mais il est certain que dans le bilan général du grippisme c’est le négatif qui l’emporte : Grippa a trompé et opprimé un grand nombre de militants révolutionnaires, il a jeté la confusion dans l’avant-garde de la classe ouvrière qui se libérait du révisionnisme pour tomber sous les coups d’un révisionnisme plus subtil.

* 1967. Nés à l’occasion de la GRCP, le P« C »B« ML » (L’Exploité) et le P« CML »B (Clarté) sont des produits du grippisme, dont ils portent les stigmates. Leur ligne ne peut être une base permettant une liaison politique avec les masses. Elle ne peut non plus le devenir, à cause du refus de reconnaître la situation objective et subjective du « Parti » (son origine, son histoire, sa façon non scientifique de construire la ligne, sa pratique – ou son absence de pratique) et de la prétention inhérente au néo-révisionnisme de couvrir toutes ses erreurs et toutes ses faiblesses sous le manteau de l’amitié avec le PCC et le PTA. Le style de travail est marqué par l’absence d’unité entre la théorie et la pratique, par le refus de la critique et de l’autocritique et par l’usage de méthodes bureaucratiques.

L’histoire du communisme en Belgique montre qu’un Parti qui se construit sans observer fidèlement les principes du marxisme-léninisme ou sans être capable de les mettre en pratique, se met dès l’origine à développer une ligne révisionniste (cas de Grippa et consorts) ou est voué à dégénérer rapidement et à soutenir une politique réformiste (cas du PCB). Il ne s’est jamais développé en Belgique de PC se tenant aux principes et lié aux masses, il n’y a pas eu fusion entre le mouvement ouvrier et la théorie marxiste-léniniste. La contradiction principale du mouvement ouvrier n’a pas été résolue.

LE MOUVEMENT MARXISTE-LÉNINISTE (AMADA, GR, MSE, MUBEF, OC, TPT, UR

Chaque organisation marxiste-léniniste, au cours de la discussion, aura à faire le bilan de son évolution.

En ce qui concerne TPT, nous développerons les points suivants :

a) TPT est issu du mouvement étudiant de l’ULB.

Le mouvement étudiant est un mouvement de masse qui s’est placé sur des positions anticapitalistes. Il a été un point de ralliement pour des militants révolutionnaires isolés ou démobilisés ou sans tâches bien définies. La ligne de démarcation s’est tracée entre ceux qui ont compris et ceux qui ont refusé de voir que les petits-bourgeois radicaux doivent rallier la cause de la classe ouvrière, seule classe révolutionnaire jusqu’au bout ; elle a séparé la droite (anarchistes, révisionnistes, trotskystes) qui prétendait rester à l’Université, et la gauche qui a pris pour tâche centrale la participation à la lutte des travailleurs (SVB, MSE, UUU [Université Usine Union ndlr] et MUBEF selon ses projets). Dans cette évolution les grandes grèves spontanées de 70 ont été un facteur objectif décisif.

b) La participation au mouvement révolutionnaire a eu comme aspect positif principal de nous jeter pour la première fois dans la pratique de masse au sein de la classe ouvrière. Cette pratique ne pouvait qu’être spontanéiste, empirique, et il était naturel que la démarcation avec l’ultra-« gauche », qui avait commencé par donner l’impulsion au travail de masse, se fasse sur ce point. La lutte idéologique contre l’économisme s’est conclue par l’expulsion des spontanéistes dont la nature anarcho-syndicaliste s’est très vite affirmée.

c) Pour les militants qui veulent construire une organisation marxiste-léniniste, un long travail de rectification et d’éducation était et reste nécessaire. En premier lieu, la propagande communiste et les principes communistes de l’organisation ont été appliqués, selon notre capacité. D’une façon encore maladroite, le premier pas a été franchi dans la liaison avec les masses, comprise de façon politique. La portée de ce travail est restreinte, principalement à cause de notre faiblesse politique. Voici le point où nous sommes arrivés : une pratique rectifiée au point idéologique, mais qui demande à être éclairée politiquement. La campagne que nous avons menée sur la guerre d’Indochine, celle que nous menons à présent contre la fascisation et la vie chère, apportent aux travailleurs des éléments essentiels de l’orientation communiste : l’internationalisme prolétarien, la conscience de la nécessité de la Révolution, la compréhension de la nature du capitalisme et de la crise, du rôle de la social-démocratie.

Nous ne sous-estimons pas l’importance de ce travail, mais nous en ressentons douloureusement les limites. Nous devons donner à notre activité une base scientifique : analyse de classes internationale et nationale, stratégie, tactique. La présente position sur le Parti et le Centre est la première position que nous sommes en état de construire de façon rigoureusement scientifique, en conformité avec les principes. C’est pourquoi la rectification doit être poursuivie. Nous la mènerons à son terme en posant correctement la question du programme.

II. LES TACHES DES MARXISTES-LÉNINISTES POUR LA CONSTRUCTION DU PARTI.

Lénine a dit que la Révolution est à l’ordre du jour lorsque « ceux d’en haut ne peuvent plus et ceux d’en bas ne veulent plus ». La crise politique, idéologique, économique de l’impérialisme et la montée des luttes ouvrières et populaires qui lui répond, préparent une telle situation de manière accélérée. Les révolutionnaires se trouvent devant des responsabilités énormes. C’est l’élément subjectif, la volonté consciente du socialisme et les moyens politiques et organiques de l’instaurer, qui a le plus de retard. Cet élément dépend directement de l’activité des marxistes-léninistes. Les militants doivent avoir une conscience aiguë du retard que dans l’état de nos capacités et dans l’exécution de nos tâches nous avons sur la combativité des masses. Seul un progrès dans l’élaboration des positions politiques et dans l’organisation peut nous mettre à la hauteur de nos responsabilités. C’est l’ensemble de ce travail que nous appelons la construction du Parti.

La construction de la ligne politique et la construction du Parti forment une seule et même question. Le Parti est l’organisation qui permet d’unir pleinement la pratique et la théorie.

La construction du Parti nous impose à la fois des tâches envers les masses, des tâches internes à l’organisation et, pour chacune des organisations marxistes-léninistes, des tâches envers les autres.

a) tâches envers les masses

La première étape de la fusion du mouvement ouvrier et de la théorie révolutionnaire, de la liaison avec les masses, se fait essentiellement par la propagande et l’organisation de l’avant-garde. Il s’agit de rallier les éléments avancés dans des cellules d’entreprise, par la propagande, l’agitation, la participation aux luttes économiques, l’enquête. Ce travail de masse doit également élever le niveau de conscience politique et idéologique de la classe ouvrière.

Dans la conception et la réalisation de ces tâches nous avons suivi une évolution allant de l’agitation économique à la propagande socialiste, et du comité d’usine à la cellule communiste. En un mot, cette lutte idéologique nous a menés de l’économisme au marxisme-léninisme.

b) tâches internes

C’est la responsabilité du noyau dirigeant d’« éclaircir l’idéologie et d’unir les camarades ».

Nous construisons un Parti de l’époque de Mao Tsé-toung, troisième période du marxisme. La pensée mao tsé-toung a développé et approfondi le rapport dialectique existant entre le Parti et les masses (ligne de masse, contrôle du Parti par les masses) et a mis l’accent sur la lutte idéologique à l’intérieur du Parti et de la société socialiste (lutte entre les deux lignes, inévitable et nécessaire ; GRCP). A l’étape où nous nous trouvons, c’est surtout l’enseignement sur la lutte à l’intérieur du Parti que nous devons étudier et appliquer : cette étape est celle où nous posons les fondements du Parti, et pour que les fondements soient corrects, il est vital que dès le début la ligne révolutionnaire sache débusquer, combattre et détruire toutes les tendances idéologiques bourgeoises qui se font jour dans l’organisation.

Concrètement, le noyau dirigeant, au point de vue idéologique-politique, assure l’éducation des militants et donne impulsion à la lutte idéologique. Education et lutte idéologique portent essentiellement d’une part sur la contradiction principale du moment et les tâches qui en découlent, d’autre part sur l’analyse embryonnaire que nous sommes dès à présent capables de faire pour les besoins de la pratique de masse (crise de l’impérialisme, fascisation et rôle de la social-démocratie, construction du Parti). Au point de vue de l’organisation, le noyau dirigeant établit un fonctionnement du centralisme démocratique correspondant à notre degré de développement. Le centralisme démocratique ne sera appliqué dans toute son ampleur que lorsque nous serons un Parti. Mais nous pouvons et devons actuellement pratiquer ses principes en conformité avec notre situation, définir le point de vue centraliste et l’apport du noyau dirigeant, le point de vue démocratique et l’apport de la base, ainsi que la position de la contradiction qui unit ces deux pôles.

c) tâches envers les organisations

Nous avons un devoir, qui est de chercher l’unité. Il y a pour cela un moyen, la lutte idéologique-politique.

Il est essentiel que nous sachions distinguer clairement le rapport qui doit exister entre ces différentes sortes de tâches.

Les tâches envers les masses sont le fondement, la raison d’être de notre activité : elles doivent évidemment être assurées en toutes circonstances, de façon intense. L’union de la pratique et de la théorie doit être permanente 2.

Quelle est cependant la tâche centrale ?

La première étape de la construction du Parti, qui consiste à rallier l’avant-garde du prolétariat par la propagande de masse, est marquée avant tout par la construction du centre, la démarcation idéologique et l’éducation des cadres révolutionnaires (cf. l’histoire du PCUS).

Nous avons expliqué que les positions politiques que nous prenons sont pour une grande part acquises de façon non systématique. Nous devions nécessairement commencer de cette façon – « la pratique précède la théorie » – , mais il s’ensuit immédiatement que « la pratique pose des questions à la théorie » (Lénine, Ce que sont les « Amis du Peuple », I, 322 n.). Critiquons nos faiblesses, puisque c’est en prenant conscience d’elles que nous poserons le premier jalon de nos progrès. Trois points : insuffisance politique, instabilité idéologique, organisation artisanale.

Notre propagande touche aux extrêmes : la dictature du prolétariat, le socialisme, la Chine – les revendications quotidiennes, les effets immédiats de la crise. La tactique est incertaine. Il n’y a pas encore d’analyse scientifique qui garantisse la justesse d’un programme politique concret pour la classe ouvrière.

De ce fait, nous sommes inévitablement subjectifs. Il y a un va-et-vient entre l’empirisme et le dogmatisme. Dans le travail de propagande, on doit se garder de miser tout tantôt sur la spontanéité du mouvement, tantôt sur la justesse des principes ; dans le travail d’organisation, il est difficile d’éviter tantôt de nous lier sur une base amicaliste, tantôt de regrouper sans rallier vraiment, faute de perspectives claires et précises, ou encore de tomber dans le sectarisme.

Le caractère artisanal de nos méthodes est évident. Portée restreinte du travail, due notamment à un manque d’unité et de liaison avec les autres organisations, incapacité d’organiser les travailleurs et les sympathisants en dehors d’un rayon d’action limité, faible degré de division des tâches.

Nous avons besoin d’une perspective politique, élaborée et concrète. Le dogmatisme nous mènerait à nous couper des masses, à la stérilité ; le spontanéisme à l’échec total, à la trahison. A l’intérieur de l’organisation, le subjectivisme conduirait au scissionnisme.

« Lorsqu’on a à accomplir une tâche (peu importe laquelle), et qu’on n’a pas encore pris une orientation, une méthode, un plan ou une politique, ce qu’il y a de principal, de décisif, c’est de définir une orientation, une méthode, un plan ou une politique. » (Mao, De la contradiction, I, 375)

Nous devons rallier l’avant-garde du prolétariat et créer un courant marxiste-léniniste dans la classe. Ces tâches ne peuvent être remplies que si nous nous mettons maintenant à travailler à la ligne politique du Parti. Ce n’est pas l’amplification du travail de masse qui peut donner actuellement l’impulsion décisive au progrès de notre activité politique. Une succession de campagnes ne nous donnera pas le programme, et la construction d’un plus grand nombre de cellules d’entreprise ne fournira pas la conception juste du Parti. C’est, inversement, la construction du programme politique et du Parti qui raffermira et améliorera notre travail de masse. Celui-ci progressera dans la mesure où progressera la construction du Parti, et seulement dans cette mesure-là.

III. LA CONTRADICTION PRINCIPALE DANS LE MOUVEMENT MARXISTE-LÉNINISTE ET LE MOYEN DE LA RÉSOUDRE.

LA CONTRADICTION PRINCIPALE

Quand le prolétariat d’un pays n’a pas encore ou n’a plus de Parti, c’est le devoir le plus strict et le plus urgent des communistes de le construire. Lénine met en évidence que la conjoncture est à cet égard indifférente : « La constitution d’une organisation de combat et l’agitation politique sont obligatoires dans n’importe quelles circonstances ‘ternes, pacifiques ‘, dans n’importe quel le période de ‘déclin de l’esprit révolutionnaire ‘. Bien plus, c’est précisément dans ces circonstances et dans ces périodes qu’un pareil effort est nécessaire, car au moment de l’explosion, de la conflagration, il est trop tard pour créer une organisation ; elle doit déjà être prête, afin de dégager immédiatement son activité. » (Par où commencer ?, V, 14). A plus forte raison, quand l’explosion est proche et prévisible…

Toutefois, il serait faux de croire que n’importe quel groupe pourrait à n’importe quel moment de son évolution poser utilement la question du Parti. C’est ce qu’on a bien vu quand en 1969 les anciens marxistes-léninistes ou Unité Rouge orientaient leurs discussions sur ce problème. Ces groupes à l’époque (les seuls marxistes-léninistes du pays) n’ayant qu’une pratique restreinte d’enquête dans la classe ouvrière (Athus, ACEC-Ruisbroek) ne pouvaient que poser la question centrale du Parti de façon abstraite − tout en soutenant des aspects justes (ex. position contre les néo-révisionnistes) − et l’abordaient dogmatiquement, sans avoir les moyens de le résoudre (construire le Parti avec qui, comment). La question du Parti, qu’il était tout à fait juste de prendre pour la question centrale, n’était pas alors liée aux besoins politiques de la pratique.

Nous-mêmes, du temps d’UUU, opposions, également à bon droit, l’exigence du Parti aux spontanéistes, sans encore être capables à ce moment de formuler des propositions précises. Aujourd’hui, la situation a progressé. L’exigence du Parti correspond au développement de notre pratique, et nous pouvons désormais mener la discussion de façon concrète. L’économisme peut se passer de Parti marxiste-léniniste, il n’a besoin que d’un syndicat (de comités). Les marxistes-léninistes, non seulement ne peuvent pas se passer de Parti, mais ressentent avec acuité que l’absence de Parti bloque le progrès de leur activité.

Quand nous disons que TPT en est arrivé à ce point, nous décrivons en réalité la situation des marxistes-léninistes sur le plan national, parce que chaque organisation marxiste-léniniste a par définition une vocation nationale, et surtout parce que le développement du mouvement marxiste-léniniste en Belgique a effectivement atteint ce degré de maturation, même s’il est vrai que tous les groupes n’en ont pas encore une conscience également claire.

Une autre caractéristique effective du mouvement marxiste-léniniste belge est, bien entendu, l’émiettement de ses organisations, qui s’accompagne d’une absence d’unité politique et de divergences idéologiques : les premières discussions que nous avons eues ont déjà fait apparaître diverses conceptions du Parti et de la façon de le construire. La désunion existante, nous l’avons jusqu’à présent combattue en recherchant avec, il est vrai, une constance et une vigueur très insuffisantes, la voie de l’unité avec certaines organisations, AMADA en particulier. Mais il doit être évident pour tous les militants qu’à partir du moment où l’on se met à parler de l’édification du Parti, l’exigence de l’unité devient une exigence vitale, fondamentale.

La nécessité actuelle de construire le Parti, c’est-à-dire d’unifier la ligne politique et la direction du mouvement national, d’une part, et la désunion des marxistes-léninistes belges, d’autre part, constituent la contradiction principale du mouvement, celle qui bloque la situation, celle qui empêche le progrès de notre activité en général. Notre volonté politique est de construire le Parti Communiste marxiste-léniniste de Belgique. La classe ouvrière s’oppose à l’Etat belge, et cette contradiction principale est la même pour les travailleurs flamands, wallons, bruxellois. Il ne saurait être question de construire un Parti pour chaque nation ni même de prendre la division de l’Etat belge en nations pour un critère intervenant à un moment quelconque du processus de la construction du Parti.

L’exigence idéologique de tous les marxistes-léninistes doit être de chercher et de réaliser leur unité sur tous les plans. L’appel à l’unité est le premier que les communistes ont lancé : « Prolétaires de tous Les pays, unissez-vous ». Et, en effet, y a-t-il une exigence que la classe ouvrière est mieux prête à entendre et qu’elle-même, puisant dans son instinct de classe et dans l’expérience de sa lutte, impose avec plus d’énergie et de raison ?

La pratique vérifie à l’évidence que le prolétariat, et à plus forte raison, le Parti du prolétariat, n’ont rien à gagner à se lancer dans la bataille en ordre dispersé, présentant des rangs divisés à un ennemi unitaire et hautement organisé. L’unité des marxistes-léninistes est un principe universel, valable à toutes les étapes de l’organisation.

Le devoir que tous les marxistes-léninistes ont de lier cette volonté politique et ce principe idéologique, ainsi que la façon de le remplir, seront nécessairement les premiers points de discussion où chaque organisation se définira. Veut-on l’unité, et comment la réaliser selon les principes ?

La solution sera de concentrer les idées justes (c’est-à-dire la ligne politique, la définition des tâches, la lutte idéologique) sur le plan national. Une telle concentration se réalisera par l’édification d’un Centre marxiste-léniniste belge.

POURQUOI UN CENTRE ?

En quoi un Centre représente-t-il une étape, et en quoi est-il une étape nécessaire, dans la voie de la construction du Parti ?

Le Centre − la fusion des organisations placées sous une direction unique − sera la préfiguration, l’embryon du Parti. Il sera l’unité qui s’oppose à la dispersion actuelle. Il devra prendre sur lui toutes les tâches d’un Parti, telles qu’elles s’imposeront aux marxistes-léninistes à l’étape atteinte. Le Centre sera la transition entre la désunion actuelle et le Parti que nous voulons édifier.

Pourquoi est-il nécessaire ?

La ligne politique du Parti doit être construite non par l’addition mécanique de bric et de broc, mais dans le processus dialectique d’un progrès politique et idéologique, pratique et théorique, de camarades unis dans une même organisation. Les marxistes-léninistes du pays, qui sont nécessairement destinés à constituer ensemble le Parti national, doivent, en effet, au point de vue idéologique, forger et consolider leur unité afin de construire leurs positions en centralisant leur activité. La construction de la ligne politique doit s’effectuer de façon unitaire et organique. Elle se fera par une pratique (travail de masse) nationale, liée à un travail d’étude (analyses) et d’enquêtes national, tous deux dirigés idéologiquement et politiquement par un Centre national. Ce sont là les conditions de la systématisation à réaliser par les dirigeants communistes dans l’élaboration de la ligne de masse.

La constitution du Centre est actuellement ce maillon qui, selon les termes de Lénine, permet si on s’en saisit solidement, de s’emparer de toute la chaîne. Le refus persistant de l’unité, la remise à plus tard du Centre serait aujourd’hui la faute majeure, et ceux qui s’en rendraient coupables cesseraient bientôt d’être des marxistes-léninistes. Sur ce point nous mènerons une lutte idéologique intransigeante. Nous nous efforcerons de convaincre l’unanimité des camarades belges. Du moment que la situation objective et subjective rend possible l’accomplissement d’une tâche, celle-ci devient impérative. Il s’agit ici de la tâche centrale, Il est clair que tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, s’opposerait à la construction du Centre sur la base des principes marxistes-léninistes sera un obstacle sur la voie de l’édification du Parti, et sera critiqué comme position contre-révolutionnaire entraînant la division du prolétariat et l’affaiblissement de sa lutte. Il est clair aussi qu’en vertu du même principe, les organisations qui s’excluraient du mouvement, forceraient par le fait même les marxistes-léninistes, quels que soient les forces et le nombre de ceux-ci, à entreprendre sans elles les tâches de la construction du Parti.

Elaborer la ligne politique du Parti est une tâche immense. Les marxistes-léninistes doivent préparer au mieux les conditions de la révolution victorieuse. Il serait inadmissible qu’ils tentent de bricoler, à l’écart les uns des autres, des fragments de ligne politique, en se fondant sur leur pratique et leur étude particulières. Ceux qui seraient responsables d’une pareille méthode feraient à la lutte révolutionnaire des masses le tort le plus grand.

Comment construire le Centre ?

Le Centre, comme le Parti, sera construit « par le haut ». Les progrès idéologiques et politiques des organisations sont inégaux. L’initiative partira de l’organisation ou des organisations qui ont la conception la plus juste et la plus claire de la contradiction principale et des moyens de la résoudre. Ce sont elles qui devront prendre le travail en main. Cette façon de faire est la seule juste : il faut se conformer depuis le début du processus au centralisme démocratique.

Il suffit, par contraste, de se représenter la solution « démocratique » : réunir toutes les organisations marxistes-léninistes et soi-disant telles, mener une discussion générale sur les positions, et voter à la majorité ou aux deux tiers ! L’unité se construit dans la lutte, et la lutte ne peut recevoir d’impulsion positive que de l’avant-garde idéologique du mouvement, qui ralliera les camarades à ses vues. C’est la seule façon de concentrer les idées justes et d’unir les organisations sur la base de ces idées.

Ceci implique que le Centre sera d’emblée unique, national. S’il est vrai que le Centre est la préfiguration du Parti, il doit, depuis le début, être doté de tous les éléments constitutifs du Parti.

Nous nous appuyons ici sur deux principes du matérialisme dialectique :

1. Nous entamons le processus conscient de l’édification du Parti. Ce processus est double : il comprend les rapports du Parti au prolétariat, à la société toute entière, et il suppose un développement idéologique et politique interne. Or, dans tout processus, les contradictions existent depuis le commencement jusqu’à la fin (Mao, De la contradiction, I, 355-356). Ce principe est général et s’applique à tout genre de processus, y compris les processus politiques, ainsi que Lénine nous en montre l’application à propos de la ligne du PCUS de 1903 à 1920 (Le Gauchisme, XXXI, 21).

2. Les principes du marxisme-léninisme sont universels. Cela signifie notamment qu’ils doivent être reconnus et appliqués à chaque étape d’un développement, la première comprise.

De ces deux principes nous tirons qu’il faut dès à présent construire un embryon de programme 3, appliquer un embryon de centralisme démocratique, établir un embryon de liaison avec les masses, etc. Autrement dit, toutes les contradictions qui caractérisent la vie d’un Parti Communiste − la théorie et la pratique, le centralisme et la démocratie, les tâches envers les masses et les tâches internes − doivent être assumées par l’ensemble des camarades qui veulent édifier le PCB(ml), sous peine de ne pas pouvoir commencer à construire un Parti, en tout état de cause pas un Parti marxiste-léniniste. Un embryon unique pour un Parti unique ! Le rhinocéros naît faible et petit, mais déjà armé de toutes les pièces de son armure !

TACHES DU CENTRE

Le Centre aura des tâches politiques, idéologiques et organiques.

Politiques
La tâche essentielle sera de travailler au programme, ce qui inclut :

– les thèses politiques fondamentales du mouvement

– l’analyse-de classes (internationale et nationale) qui fonde les lois de la Révolution en Belgique

– la stratégie et la tactique

– l’ensemble des revendications des communistes.

Le Centre appliquera le marxisme-léninisme de façon créatrice aux conditions concrètes de la Belgique, il définira la ligne politique, c’est-à-dire les contradictions et les tâches de chaque étape.

Il exercera le contrôle politique et idéologique sur le journal national.

Idéologiques
Le Centre assurera l’éducation et l’unité des camarades (dans cet ordre d’idées il se chargera éventuellement de la rédaction d’un manuel du marxisme-léninisme pour les militants).

Il mènera la lutte contre la social-démocratie, le révisionnisme et le trotskysme, et il ralliera les amis (ex. chez les tiers-mondistes, dans la JOC, certains spontanéistes).

Il sera responsable d’un bulletin théorique pour l’ensemble du mouvement et, au niveau international, il prendra activement part aux Conférences internationales des Partis et Organisations marxistes-léninistes ainsi qu’à la Correspondance bolchevik internationale.

Organiques
Le noyau dirigeant du Centre organisera la pratique de l’ensemble du mouvement en appliquant la ligne de masse et le centralisme démocratique ; il prendra en main la direction de la propagande et de la construction des cellules. Les membres du noyau dirigeant se chargeront d’une tâche dans la pratique de masse.

Le Centre préparera le Congrès de fondation et les statuts.

Il prévoira la mise sur pied d’organisations de masse dépendant du Parti et l’activité marxiste-léniniste dans des organisations de masse qui existeraient déjà (Secours Rouge, etc.). Il garantira la continuité de l’activité contre les coups de la répression.

LA CONSTRUCTION DU CENTRE

Quelles organisations doivent être appelées à construire ou à adhérer au Centre ; quelles doivent être écartées ?

Nous mettons en avant deux principes :

– Unir ce qui peut être uni.

– « Avant de nous unir, et pour nous unir, nous devons commencer par nous démarquer nettement et résolument. Sinon notre unité ne serait qu’une fiction couvrant le désordre existant et empêchant d’y mettre radicalement fin. » (Lénine, Déclaration de la rédaction de l’Iskra, IV, 368)

Nous sommes une organisation marxiste-léniniste. Cela signifie que nous nous appuyons sur les principes et que chacun peut vérifier ce fait en examinant l’ensemble de notre pratique. Cette position idéologique doit être tenue solidement. Si, par exemple, nous doutions de la possibilité d’être dès à présent des marxistes-léninistes, ou de notre faculté de montrer que nous le sommes, nous nous priverions de toute base correcte pour engager la lutte contre nos ennemis, et même la discussion avec nos amis. En suivant jusqu’au bout cette logique, le processus de construction que nous engageons ne pourrait pas nous conduire au Parti marxiste-léniniste.

La situation nous impose de tracer une double ligne de démarcation :

1. entre « Yenan et Sian », entre nous et nos ennemis.

Dénoncer et démasquer la ligne noire dans le mouvement marxiste-léniniste. Entre la ligne marxiste-léniniste et la ligne néo-révisionniste la contradiction est antagoniste. Il s’agit de deux voies opposées ; il n’y a pas de point où elles puissent se rejoindre, pas de base commune pour l’unité. Les camarades qui, de bonne foi, se sont engagés dans le néo-révisionnisme, doivent prendre conscience de la fausseté de leur ligne et construire avec nous une nouvelle unité sur la base des principes marxistes-léninistes.

Il faudra en effet, en certains cas, distinguer entre la ligne et les personnes. « Des distinctions doivent être faites parmi ceux qui ont commis des erreurs de ligne. Ceux… qui ont prôné la ligne erronée doivent être distingués de ceux qui l’ont appliquée ; de même, ceux… qui ont consciemment mis en œuvre cette ligne erronée doivent être distingués de ceux… qui ne l’ont pas fait consciemment ; nous devons faire une différence entre ceux qui l’ont mise en pratique jusqu’à un certain point et ceux qui l’ont mise en pratique dans une mesure moindre ; faire la différence entre ceux qui persistent dans leur erreur et ceux qui veulent les corriger et les corrigent effectivement. » (La GRCP en Chine, 8, p. 9) Une pareille directive s’impose à nous avec d’autant plus de force que l’absence en Belgique d’un Parti Communiste authentique a pendant de longues années privé certains militants révolutionnaires honnêtes de la possibilité objective de devenir des marxistes-léninistes. Leur attitude dans la lutte idéologique et devant la critique, ainsi que l’acceptation ou le refus de faire l’autocritique de leur ligne erronée devant les masses, seront les critères qui les jugeront en tant qu’amis ou en tant qu’ennemis du peuple.

2. à l’intérieur du mouvement marxiste-léniniste (AMADA, GR, MSE, MUBEF, OC, TPT, UR).

Toutes les organisations marxistes-léninistes n’ont pas de la contradiction principale une compréhension également claire et elles divergent plus ou moins profondément sur les moyens de la résoudre. La discussion entre les organisations touchera un ensemble de points idéologiques et politiques, mais c’est sur ce point central que devra s’engager la confrontation.

Il faut être à ce propos très clair et très exigeant. L’importance de l’enjeu est trop grande pour que les marxistes-léninistes puissent tolérer à propos de la conception du Parti des à peu près ou des divergences entre eux, sans poursuivre la lutte jusqu’à ce qu’elle nous ait menée à une unité complète.

« Notre Parti ne fait encore que se constituer, qu’élaborer sa physionomie et il est loin d’en avoir fini avec les autres tendances de la pensée révolutionnaire, qui menacent de détourner le mouvement du droit chemin. Ces tout derniers temps justement nous assistons, au contraire (comme Axelrod l’avait prédit de longue date aux économistes), à une recrudescence des tendances révolutionnaires non social-démocrates. Dans ces conditions, une erreur ‘sans importance‘ à première vue risque d’entrainer les plus déplorables conséquences, et il faut être myope pour considérer comme inopportunes ou superflues les controverses de fraction et la stricte délimitation des nuances. De la consolidation de telle ou telle ‘nuance’ peut dépendre l’avenir de la social-démocratie russe pour de très longues années. » (Lénine, Que faire ?, V, 376)

Dans la confusion qui règne actuellement au sein du mouvement marxiste-léniniste belge (confusion due notamment à l’absence de lutte idéologique systématique), il est normal de ranger dans le mouvement toutes les organisations qui affirment vouloir appliquer les principes communistes et dont il n’y a pas lieu de douter de la véracité, même si leur pratique est encore insuffisante ou si elle ne s’est pas encore réellement dégagée de l’économisme. Une distinction doit toutefois être faite à propos du Centre : à notre avis, si toutes les organisations marxistes-léninistes (au sens large que nous venons de définir) 4 doivent être chacune invitées à adhérer au Centre qui se construira, seules celles qui ont une pratique suffisante et qui se sont complètement affranchies de l’économisme pourront être appelées à le mettre sur pied, parce que seules elles seront en état de jouer un rôle dynamique et de résoudre les problèmes.

Si la constitution du Centre suppose évidemment la fusion des organisations, il est cependant prévisible que leur unité à toutes ne se fera pas en même temps, mais qu’au contraire, les adhésions se produiront de façon échelonnée autour du noyau de ceux qui auront les premiers donné impulsion à la lutte pour l’unité. C’est la tâche présente de ce noyau de se renforcer idéologiquement et d’engager la lutte sur le Centre avec les organisations dont l’orientation générale est la plus proche de la sienne. Ce noyau commencera déjà à prendre sur lui les tâches du Centre : l’exécution de ces tâches est extrêmement urgente (la crise, la fascisation, l’essor des luttes ouvrières, les tâches de la lutte idéologique à l’intérieur du mouvement ouvrier, nous pressent), et il n’y a pas de méthode plus sûre de convaincre que d’employer la force de l’exemple.

Le noyau dirigeant du Centre sera composé des militants les plus avancés idéologiquement : ceux qui auront fait progresser l’unification et qui auront gagné l’adhésion du mouvement – ce qui suppose qu’ils ont aussi la capacité politique que réclament les tâches du Centre et qu’ils ont des responsabilités dans le travail pratique. Le Centre ne sera donc pas nécessairement dirigé par l’addition de tout ou partie des noyaux dirigeants actuels des différentes organisations. L’avant-garde du mouvement se dégagera et se constituera dans l’exécution des tâches de la construction du Parti.

Tous les camarades qui veulent l’unité des organisations marxistes-léninistes sur les principes, doivent s’efforcer de gagner à leur ligne le plus grand nombre possible de militants du mouvement. Les éléments opportunistes seront écartés.

TACHES DE LA CONSTRUCTION DU CENTRE

La mise sur pied du Centre se fera à travers une confrontation générale entre les organisations marxistes-léninistes et portant sur les questions idéologiques, politiques et de style de travail.

Les questions idéologiques et politiques relatives aux tâches internes seront abordées en premier lieu, car elles sont les plus importantes, et l’entente sur les autres questions leur est subordonnée.

« La théorie du président Mao sur les contradictions au sein du Parti est et sera l’idée directrice fondamentale de la consolidation et l’édification du Parti. » (Rapport au IXe Congrès, La GRCP, Recueil de documents, 78)

« L’édification du Parti est essentiellement idéologique, c’est-¬à-dire utiliser au maximum le léninisme, la pensée mao tsé-toung et la ligne révolutionnaire du président Mao Tsé-toung pour éduquer et armer les membres du Parti afin de révolutionnariser leur idéologie. » (Pékin Information, X, 1971,5)

Notre conception du Parti vaudra ce que vaut notre conception du monde. Il faut s’unir d’abord et surtout sur cette question-là : elle est prioritaire et il n’y aura pas de place pour des « nuances » divergentes.

Sur la conception du Parti. Nous voulons construire un Parti de l’époque de Mao Tsé-toung. Qu’entend-on concrètement par-là ? Quels sont les caractères fondamentaux du Parti marxiste-léniniste ? Comment doivent-ils être appliqués à notre situation ? L’ont-ils été jusqu’à présent dans l’organisation ? Démarcation avec les néo-révisionnistes. Importance accordée à la lutte entre les deux lignes. Est-on prêt à épurer ? Questions du centralisme démocratique et du style de travail.

Sur la construction du Parti. Toutes les questions sur le Centre qui sont exposées dans cette proposition : pourquoi un Centre, et un seul ? Quelles seront ses tâches ? Comment le constituer, etc.

Les points les plus importants qui se posent à propos du Centre, du Parti, sont en même temps les questions que le mouvement a pour intérêt vital de résoudre, ce qui justifie la place privilégiée que nous leur donnons :

1. Tient-on effectivement la question du Parti pour la question centrale à résoudre à présent par le mouvement ?

2. Pour la plupart des organisations marxistes-léninistes, l’absence d’unité est due essentiellement à des circonstances historiques, géographiques et non à des divergences portant sur les tâches que nous nous donnons à l’égard des masses. Il n’y a pas, entre AMADA, OC, TPT et UR, d’oppositions politiques assez graves pour justifier leur désunion, encore moins le maintien de cette désunion.

3. Dès lors, le problème à résoudre est un problème d’organisation (c’est-à-dire en premier lieu un problème idéologique) : comment réaliser correctement un centralisme démocratique unique pour l’ensemble des militants marxistes-léninistes ? Veut-on rechercher sans retard l’unité afin de construire un Centre national ?

Une telle ligne de démarcation a un contenu idéologique, politique et théorique. Idéologique : recherche de l’unité selon les principes (la volonté de résoudre la contradiction principale) ; politique : mise en avant de la solution à notre problème central (position sur le Centre) ; théorique : cette position sur le Centre est la seule position que nous soyons en mesure d’élaborer de façon pleinement scientifique, parce que nous pouvons maîtriser toutes les données objectives du problème, ce qui n’est pas encore le cas des tâches envers les masses (question du programme) : à ce titre-là aussi, la question du Centre sera la meilleure pierre de touche permettant de vérifier et notre idéologie et nos capacités.

La discussion sur le Parti, si, à notre avis, elle doit être posée en premier lieu, est évidemment loin d’être suffisante. D’abord, parce que le Parti n’est qu’un instrument d’une politique et qu’il est donc nécessaire de s’accorder sur chaque point de cette politique. Ensuite, parce que notre unité se forgera véritablement dans la lutte des classes, en même temps que nous nous lierons aux masses et que cette liaison se fera en ralliant l’avant-garde sur des objectifs concrets, par des luttes, des actions, des campagnes.

C’est pourquoi la discussion sur les tâches envers les masses doit être approfondie et systématique, ce qui suppose 1) un échange entre les organisations de bilans sur leur évolution (rapport sur la lutte idéologique) et sur la ligne politique, c’est-à-dire l’ensemble de leurs positions et de leur pratique (positions sur la fascisation, la social-démocratie, l’alliance des classes laborieuses, etc.), ainsi que 2) un échange de leurs publications (journaux, textes intérieurs, tracts).

Quand l’unité sur cet ensemble de questions sera acquise, il faudra encore élaborer en commun un plan de travail pour le programme ; les dirigeants devront se tracer une ligne d’éducation théorique et d’analyses concrètes nécessaires à la pratique du mouvement. Cette question n’est pas une question de technique intellectuelle : toute conception du travail d’analyse et d’enquête a un contenu idéologique spécifique.

Tant dans les questions idéologiques que politiques, il sera porté une grande attention à la compréhension et à pratique que chaque organisation a de la théorie du matérialisme dialectique et du matérialisme historique. Il serait assez vain de discuter des points d’un programme avant d’être d’accord sur la façon de construire un programme.

Enfin, les organisations observeront et critiqueront réciproquement leur style de travail, en s’éprouvant dans la pratique, par exemple en menant une campagne en commun.

L’accord sur le contenu de ces trois séries de questions ainsi ordonnées nous paraît être la condition nécessaire à remplir avant de mettre le Centre sur pied. Il porte sur la totalité de la ligne politique correspondant au degré actuel de développement du mouvement. Il nous paraît aussi en être la condition suffisante : il ne serait pas conséquent de poser des exigences correspondant à un état de développement plus avancé (par exemple des « fragments » inédits de programme), puisque c’est précisément le Centre qui sera le moyen de réaliser de tels progrès.

Nous voulons terminer cette proposition en affirmant les raisons de notre optimisme, Il a été beaucoup question dans ce texte de nos besoins et de nos limites. Mais ce n’est qu’un aspect des choses. L’étape que nous parcourons est l’étape de préparation à la lutte des classes qui se déchaînera bientôt en Belgique.

Le travail actuel, régulier et patient, sert à fonder le noyau dirigeant de la classe ouvrière. A son origine, ce noyau est forcément réduit et inexpérimenté. Mais en remplissant toutes nos tâches avec confiance dans les masses et en observant les principes, nous sommes assurés de construire avec le prolétariat le Parti dont il a besoin pour remporter la victoire. La force apparente de la bourgeoisie et de ses alliés, la social-démocratie et le révisionnisme, s’écroulera sous nos coups. Il n’y a d’invincible, dit Engels, que ce qui naît et se développe.

TOUT LE POUVOIR AUX TRAVAILLEURS


PROJET DE BILAN DE LA COMMISSION OUVRIÈRE

« N’attendez pas, pour les résoudre, que les problèmes s’accumulent et donnent lieu à de multiples complications. Les dirigeants doivent prendre la tête du mouvement et non pas rester à la traine. » Mao.

N.B. Tout l’objet de ce texte est de lancer la discussion à Liège. Aussi nous contentons-nous d’aborder les questions les plus urgentes en nous gardant de chercher à les résoudre concrètement dans un cadre aussi limité.

I. L’ORIENTATION DU TRAVAIL DE LA COMMISSION AVANT LE XIe CONGRES.

Rappelons que le MUBEF n’avait pas pour projet initial la constitution d’un groupe M.L. travaillant dans la classe ouvrière, mais en liaison avec les groupes ML existants, de construire l’organisation des étudiants révolutionnaires pour une tâche spécifique, secondaire mais indispensable (voir les 4 thèses et la suite) : la lutte idéologique dans (et contre) l’appareil scolaire.

Chacun était conscient du fait que cette lutte n’avait aucun sens si elle n’était pas reliée au combat du prolétariat, mais les idées ne fusaient pas quant aux formes concrètes que pourrait prendre cette liaison, La présence des trotskistes, dont le point de vue avait le mérite d’être clair et l’inconvénient d’être le leur, n’était pas faite pour arranger les choses.

On les arrangea à l’A.G. du 24/11/70 : celle-ci exclut les trotskistes, instaura le système des commissions tournantes et créa une commission ouvrière chargée d’élaborer les « formes concrètes » dont question plus haut.

La C.O. était supposée « prendre des contacts avec la classe ouvrière et avec les organisations et groupes M.L. travaillant en milieu ouvrier ; préparer la documentation devant servir à une analyse de classe de la formation sociale belge. »

Si la préparation de la documentation a été effectivement entamée (encore que sans grande coordination), il a fallu, quant à la première tâche, constater empiriquement que :

– l’enquête ouvrière sans base politique relève du tourisme pur et simple

– il n’existait pas à Liège de groupe ML tant soit peu implanté dans la classe ouvrière, sinon dans un charbonnage (où d’ailleurs le MUBEF a fourni son appui).

Enfin, dans la mesure où un travail d’agitation a été mené, sous l’impulsion de militants venus d’autres groupes, ce travail a été économiste (nous y reviendrons).

II. LE XIe CONGRES ET LES TACHES ACTUELLES DES ML A LIÈGE.

Le point B de la résolution de la commission « Etat capitaliste » indique :

« L’unité des principes du matérialisme historique et du matérialisme dialectique permet de s’approprier la réalité afin de la transformer.

1) il en résulte que la pratique des commissions ouvrières appelées à assurer leur rôle hégémonique au niveau national dans le plus proche avenir, se détermine en fonction de la lutte politique de classe qui doit être également celle des autres commissions (celle-ci doit se mener indépendamment des partis politiques et des syndicats)

2) de ce fait même nous reconnaissons le rôle dirigeant du prolétariat dans le processus de rupture radicale avec la société capitaliste. »

Ici, rappelons quelques notions élémentaires :

1) « la lutte politique de classe », pour un communiste, c’est la lutte du prolétariat pour la prise du pouvoir d’Etat, la construction du socialisme et du communisme. Cette lutte ne peut être dirigée que par un parti, le parti de la classe ouvrière, le parti marxiste-léniniste. Là où ce parti n’existe pas, la tâche centrale de tous les révolutionnaires est de participer à sa construction.

2) « le rôle dirigeant du prolétariat », ce n’est pas le rôle dirigeant des ouvriers, c’est celui du prolétariat constitué en classe, de la fraction de la classe ouvrière organisée pour les objectifs communistes du mouvement communiste.

Concrètement, reconnaître son rôle dirigeant doit signifier pour nous à cette étape :

– étudier et propager l’expérience historique du mouvement communiste international. Personne ne refuse de le faire mais il conviendrait de savoir si nous sommes tous sortis, par exemple, de la mode du « retour à Marx », ou de l’engouement pour les branches mortes du mouvement ouvrier (guévarisme, luxembourgisme, etc.) ou encore du mépris affiché pour certains dirigeants historiques du prolétariat mondial. Ce que nous avons à diffuser parmi les ouvriers de Belgique, ce ne sont pas nos sentiments personnels, c’est la ligne générale du mouvement.

– axer notre travail sur la tâche de construction du parti marxiste-léniniste en Belgique. Nous n’apprendrons rien à personne en rappelant que le mouvement ML en Belgique et en Europe est divisé sur cette question et qu’aucune des théories existantes n’a encore prouvé sa justesse dans la pratique des groupes. L’objet de ce texte n’est pas de fournir une théorie supplémentaire mais de montrer les modifications qu’implique pour nous le simple fait de centrer notre travail sur l’étude des moyens d’accomplir cette tâche.

A propos de l’analyse de la formation sociale belge :

Dans la question de la construction du parti, le MUBEF s’est placé à l’avant-garde sur un aspect de cette construction : la nécessité de rompre avec le dogmatisme et l’empirisme et de se consacrer à l’analyse de la formation sociale belge, étude longue et difficile comme chacun sait. Cependant, là encore, il semble indispensable de rappeler l’abc.

Analyser une formation sociale, c’est analyser ses contradictions de classe sous tous ses aspects. Jusqu’ici notre travail a été centré sur l’étude de l’aspect actuellement principal de la contradiction principale, à savoir les contradictions internes de la bourgeoisie. Ce travail doit évidemment se poursuivre, mais certains camarades semblent oublier que notre tâche est d’agir sur le prolétariat, qu’on ne peut connaître le prolétariat qu’en le transformant, qu’on ne peut connaître la lutte de classes qu’en y participant, que notre étude n’a aucun sens si nous ne nous lions pas aux masses.

III. LA LIAISON AVEC LES MASSES.

A. Les implications organisationnelles

Lorsque des intellectuels révolutionnaires « vont aux masses », ce peut être pour savoir s’ils sont effectivement révolutionnaires ou non, ou pour y chercher l’idéologie prolétarienne, ou pour se forger une conscience de classe en « étant à la production ». Tout cela part d’un bon sentiment, mais ce qui est important pour le mouvement ouvrier, c’est de savoir comment ces types peuvent lui être utiles.

Avant que le spontanéisme moderne ne bouleverse la science marxiste, tout le mouvement ouvrier considérait, de Marx à Mao, que le rôle des intellectuels révolutionnaires était en général :

1°) d’utiliser au profit et sous la direction du prolétariat les connaissances scientifiques dont la bourgeoisie se réservait l’utilisation (ce qui implique évidemment une transformation de ces connaissances). C’est là le rôle de tous les intellectuels qui veulent un tant soit peu servir le prolétariat.

2°) d’apporter aux ouvriers en lutte la théorie marxiste-léniniste pour qu’ils s’en arment. C’est là le rôle de tous les agitateurs et propagandistes communistes, intellectuels ou non.

La première tâche, spécifique aux intellectuels, le MUBEF se propose de l’accomplir. Elle n’exige qu’une organisation large « de masse », qu’un minimum de discipline, de cohésion. Son organisation doit s’adapter aux conditions particulières de la jeunesse intellectuelle (accent mis sur la formation, rythme universitaire, etc.).

La seconde tâche est une des tâches d’un parti, et la première à entreprendre pour l’édification de ce parti. Elle exige de ceux qui l’entreprennent :

– la cohésion et la discipline les plus grandes, un travail stable : le travail politique dans la classe ouvrière ne peut dépendre des caprices personnels, des obligations familiales ou de l’éclectisme théorique d’un militant.

– une lutte idéologique permanente à l’intérieur de l’organisation : l’exemple des partis communistes qui ont changé de couleur devrait nous inciter à lutter contre l’idéologie bourgeoise dans laquelle baigne chaque militant.

– l’acquisition d’un style de travail communiste, c’est-à-dire :

– liaison de la théorie et de la pratique dont voici entre autres deux aspects :

1) une formation générale ne suffit pas, le travail théorique doit être orienté aussi en fonction des tâches du moment.

2) notre pratique doit être déterminée par les principes. La théorie n’existe pas pour justifier une pratique déjà existante.

– la ligne de masse : « partir des besoins des masses et non de nos propres désirs, si louables soient-ils ». Le travail politique commence avec l’enquête (un texte est en préparation, quant à la signification de la « ligne de masse » pour nos conditions concrètes).

– la critique et l’autocritique : il semble que nombre de camarades ne savent pas encore à quoi cela sert. Chez nous, la critique semble être prise comme une injure personnelle et l’autocritique comme une liste de péchés. Nous baignons à ce point dans le libéralisme et l’autocensure qu’il paraît nécessaire dans l’immédiat à la fois d’organiser des discussions générales sur les critiques les plus importantes (formation, méthode de direction…) et d’encourager la critique sur toutes les questions. Si nous ne supportons pas les critiques des camarades, comment affronter la critique des masses autrement acerbe et sarcastique ?

B. Le travail dans la classe ouvrière

L’année dernière encore, la plupart des groupes (SVB, UUU, MSE, GR, PO) centraient leur travail sur le soutien aux luttes économiques, l’organisation des grèves, la formation de comités de lutte dans les usines, autrement dit un travail « syndical rouge ». Le travail n’a été nullement négatif ; il a appris à ces groupes souvent d’origine intellectuelle à connaître les besoins des masses, à « respirer au même rythme que les masses », bref à avoir les pieds sur terre. En outre, malgré les erreurs putschistes ou opportunistes, il a aidé efficacement les ouvriers à diriger une lutte sans et contre le syndicat jaune. Cependant, ce travail amenait à une liaison « amicale » avec les larges masses et non à une liaison politique, il renforçait la cohésion des ouvriers contre le patron dans des régions autrefois peu combatives, mais ne posait que peu ou pas la question du pouvoir. Sous l’impulsion d’AMADA, le mouvement passe depuis quelques mois à un nouveau stade, celui de l’agitation politique : la construction du parti, l’internationalisme prolétarien, lutte contre l’Etat, etc.

Il paraît que des erreurs gauchistes (abandon brusque, par exemple, du travail « syndical ») aient compromis sérieusement la liaison du mouvement avec les masses. Des informations plus précises sont attendues. Pour le travail à Liège, qui avait suivi jusqu’ici une ligne « intermédiaire » (liaison de l’économique au politique, mais l’économique restant l’aspect nettement principal) les modalités concrètes sont à étudier et à débattre en permanence (le texte sur les luttes à Liège et la ligne de masse devra fournir des indications plus précises), mais, pensons-nous, suivant les lignes directrices suivantes :

– nous ne sommes ni un syndicat rouge, ni le parti de la classe ouvrière, mais un groupe propagandiste, en général extérieur aux usines, avec pour tâche centrale la construction du parti dont la condition première est l’existence d’une avant-garde ouvrière (donc sa formation politique, son organisation, son unification idéologique ML, sa direction sur les masses).

– nous n’avons pas à théoriser l’expérience des autres, mais à l’étudier pour en dégager le positif et le négatif, afin d’avancer plus vite et mieux qu’eux.

Base théorique : « Que Faire ? », surtout III, a, b, c, e.

C. Le travail dans les autres couches « populaires ».

Question à étudier sur les bases suivantes :

– théorique : « Que Faire ? » III, a, e.

– pratique : les luttes des agriculteurs et des commerçants

Le problème posé ici est celui de l’analyse des classes de la formation sociale belge. Les approximations et les généralités que nous dégagerons actuellement ne pourront tenir lieu d’analyse, et ce n’est pas avec ça qu’on fera la révolution. Mais il est indispensable d’éviter les déviations les plus grossières, par exemple :

– disperser les forces en travaillant indistinctement dans « toute la population »

− partir du fait que la classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire pour conclure bravement que le reste forme une seule masse réactionnaire

– oublier que la lutte de la classe ouvrière ne doit pas se limiter à l’usine ; qu’elle doit, entre autres, diriger les luttes des autres couches non exploiteuses contre l’ennemi principal, contre la bourgeoisie monopoliste ; que nous avons donc comme tâche secondaire de lier ces luttes à celle du prolétariat, notamment en les dirigeant contre l’ennemi principal.

IV. L’ORGANISATION – LE CENTRALISME DÉMOCRATIQUE.

Notre tâche centrale (le travail dans la classe ouvrière pour la construction du parti) nous impose la pratique du principe communiste d’organisation (voir III. A du présent texte).

Il est des camarades qui considèrent que ce principe ne doit être appliqué que dans un parti constitué. Il faudra en discuter de façon plus approfondie, mais rappelons tout de même que le centralisme n’est pas tombé du ciel par une lubie de Lénine, ni lié à des conditions spécifiques russes : il est le principe d’organisation de toute forme de lutte du prolétariat contre la bourgeoisie. Pour qu’une simple grève réussisse, les ouvriers d’une usine sont obligés d’en décider à la majorité, chacun s’y soumettant, de choisir un comité de grève (par voie d’élection ou non) qui dirige le mouvement sous contrôle de l’ensemble, d’installer des piquets et de veiller à ce que tous appliquent les décisions, par la persuasion et la discussion et, à la limite, en cassant la gueule aux « jaunes » irréductibles.

Sous son aspect centraliste, le centralisme démocratique implique donc la soumission de l’individu à l’organisation, de la minorité à la majorité, de l’échelon inférieur à l’échelon supérieur, de l’ensemble à l’organe exécutif suprême (dans un parti : le Comité Central), le CC étant lui-même chargé d’appliquer les décisions de l’ensemble (congrès ou assemblée).

Cela signifie, par exemple, que le groupe ne peut être une fédération de cellules, que celles-ci sont de simples instruments de travail sans autonomie politique, que les membres du CC ne sont pas les délégués des cellules, mais au contraire les délégués de l’ensemble dans les cellules, et seulement révocables par l’assemblée.

Sous son aspect démocratique, le centralisme signifie l’élection de tous les organes de direction, l’obligation pour les dirigeants de rendre compte régulièrement de leur travail aux assemblées, de recueillir constamment l’opinion des militants et d’accepter leur contrôle, la pratique constante de la critique et de l’autocritique.

Nous avons du chemin à faire.

Remarque : le centralisme démocratique n’est pas, n’a jamais été un principe qu’on applique mécaniquement et formellement.

Par exemple, ordinairement, le centralisme est l’aspect principal dans l’exécution des décisions, la démocratie dans leur élaboration lorsque c’est possible (clandestinité).


CONTRE LE BAVARDAGE SUR LA CONSTRUCTION DU PARTI
(à propos d’un projet de bilan du MUBEF)

« D’où viennent les idées justes ? Tombent-elles du ciel ? Non. Sont-elles innées ? Non. Elles ne peuvent venir que de la pratique sociale. » ( PLR p.227)

INTRODUCTION

Ce projet de bilan de plusieurs mois d’activités est en fait une somme de conseils sur le parti et sa construction. Après quelques lignes tenant lieu de bilan, le « projet » s’attaque au best-seller du moment : la construction du parti. Tout y passe tâches pour la construction du parti, bilan du mouvement communiste depuis deux ans, principes d’organisation, méthode de travail, rôle des intellectuels, etc. Pour lancer une discussion (but avoué du « projet »), est-il bon de toucher à tout, sans directives précises, sans mettre en évidence les tâches proposées et leur ordre d’importance ?

Ainsi, page 2, le MUBEF veut utiliser ses connaissances scientifiques dans une organisation « large et informe », puis, après réflexion, la tâche principale devient : former une avant-garde ouvrière, « condition première » à la formation d’un parti ; ces ouvriers d’avant-garde se trouveront à leur grande joie dans une organisation qui fonctionne suivant un centralisme démocratique où l’ambiance est à la discipline.

Le MUBEF, à la remorque des groupes ML, a mis l’accent sur la tâche principale actuelle : la construction du parti communiste. Mais de quelle façon !

Nous allons devoir également toucher à tout, aussi brièvement que possible, pour montrer que le projet de bilan est un texte métaphysique, en dehors de la réalité ; il affirme des positions de façon confuse ou fausse, et n’éclaire en rien les tâches actuelles du mouvement communiste.

Il ne peut servir de base à la formation d’un groupe ML et doit être remplacé par un bilan sérieux, avec un esprit critique et à la lumière des principes ML.

Ce « bilan » a au moins le mérite de prouver que sans lier la théorie à la pratique, on se casse le nez.

« Il faut assimiler la théorie marxiste et savoir l’appliquer ; il faut l’assimiler dans le seul but de l’appliquer. » (Mao, t.3, p.34)

ABSENCE DE BILAN

Pour rappel, Mao caractérise un bilan de la façon suivante :

« Il faut faire consciencieusement le bilan de l’expérience acquise. » « Quand on va dans une unité de travail enquêter au sujet d’un mouvement, il faut chercher à en connaitre tout le processus – ce qui s’est passé à son début, puis à l’étape suivante, et enfin ce qui se passe à l’heure actuelle ; la façon de s’y prendre des masses et la façon de s’y prendre des dirigeants ; les contradictions qui sont apparues et les luttes qui se sont produites, l’évolution de ces contradictions, et les progrès accomplis par les gens dans la connaissance – ceci afin d’en dégager ce qui a valeur de règle. » (Extrait du Pékin Information n° 12 de 1969)

Cependant les quelques lignes sur les activités de la C.O. (commission ouvrière) sont éloquentes. L’objectif de la C.O. était modeste : « prendre des contacts avec la classe ouvrière et avec les organisations et groupes ML travaillant en milieu ouvrier préparer la documentation qui devait servir à une analyse de classes de la formation sociale belge ».

Le résultat le fut encore plus : préparation de la documentation entamée, enquête ratée, pas de groupe ML important à Liège. Bilan : rien. Nous déduisons : carence totale.

Un bilan nécessite la connaissance de la lutte de classes. Comment un groupe qui se forme en-dehors de la lutte de classes peut-il accéder à la connaissance ?

« La philosophie marxiste − le matérialisme dialectique − a deux particularités évidentes ; la première, c’est son caractère de classe : elle affirme ouvertement que le matérialisme dialectique sert le prolétariat ; la seconde, c’est son caractère pratique, que la théorie se fonde sur la pratique et, à son tour, sert la pratique. » (PLR, p. 226)

Sans bilan, de quoi peut-on discuter ?

« Du moment que vous ignorez le fond du problème, faute de vous être enquis de son état actuel et de son historique, vous n’en sauriez dire que des sottises ». (Mao, Contre le culte du livre)

Nous allons donc discuter de vos sottises.

L’UNITÉ DE LA THÉORIE ET DE LA PRATIQUE

A aucun moment n’apparaît dans le bilan l’unité de la théorie et de la pratique. Ce n’est pas difficile à comprendre. Etudier dans les livres et rassembler des documents ont été les principales activités de la C.O. Quant à la pratique, on en saura plus … dans un prochain texte ! c’est un bel exemple de connaissance livresque séparée de la pratique.

« En sciences sociales également, la méthode qui consiste à étudier exclusivement dans les livres est on ne peut plus dangereuse, elle peut même conduire à la contre-révolution. » (Mao, Contre le culte du livre)

Le « projet » insiste sur « l’acquisition d’un style de travail communiste », en précisant que « la théorie n’existe pas pour justifier une pratique déjà existante ». Quand on n’a pas de pratique, c’est parler pour ne rien dire, c’est cacher la réalité aux militants, c’est nier le processus de connaissance.

« La connaissance commence avec la pratique ; quand on a acquis par la pratique des connaissances théoriques, il faut encore retourner à la pratique. » (PLR, p. 231)

Prenons un exemple de notre pratique. Dans la lutte idéologique contre l’économisme (économisme : tendance à rabaisser la lutte politique au niveau de la lutte économique, c’est-à-dire se complaire dans les tâches économiques en rejetant nos tâches politiques), nous avions compris la nécessité de la propagande communiste (avec l’aide du « Que Faire ? » de Lénine). La propagande sert à élever le niveau de conscience des ouvriers et à dégager l’avant-garde ouvrière. Ensuite, nous avions distribué un tract qui décrivait les quatre contradictions fondamentales ; le journal était également basé sur ce thème. En fait, la lutte économique était laissée à l’abandon, et nous nous coupions des travailleurs : l’enquête permit assez rapidement de le découvrir. Une nouvelle étude du « Que Faire ? » éclaircit nos idées sur les liens entre la propagande politique et le travail dans la lutte économique avec une perspective socialiste. L’erreur était décelée, puis corrigée.

Pourquoi a-t-il fallu trois périodes d’étude du « Que Faire ? » pour commencer à en comprendre la portée ?

– première période économisme avec « options politiques » (cf. notre première déclaration de principes).

– deuxième période lutte contre l’économisme, compréhension de la’ lutte politique et de la propagande.

– troisième période : lutte contre le dogmatisme.

Parce que, essentiellement,

« Pour que s’achève le mouvement qui conduit à une connaissance juste, il faut souvent mainte répétition du processus consistant à passer de la matière à l’esprit, puis de l’esprit à la matière, c’est-à-dire de la pratique à connaissance, puis de la connaissance à la pratique. Telle est la théorie marxiste de la connaissance, la théorie matérialiste-dialectique de la connaissance ». (PLR, p. 230)

Ce mouvement peut également être synthétisé par la formule : « lutte-critique-réforme ».

Quel « processus » le « bilan » propose-t-il ?

1) Il ne se base en rien sur la pratique de la C.O., si faible soit-elle. La théorie vient uniquement des livres et textes d’autrui.

2) Il ne propose que la C.O. participe à la construction du parti sans indiquer de quel parti il s’agit et comment le construire.

Il passe sous silence la théorie MLde la construction du parti, et cette tâche ne provient en rien de la pratique.

3) Le MUBEF se serait placé à l’avant-garde de la construction du parti (sur un aspect) sans savoir comment le construire et pourquoi le construire ; il s’agirait d’un aspect théorique (analyse de la formation sociale belge) coupé de toute pratique. De quelle théorie s’agit-il ?

4) Il affirme que les intellectuels révolutionnaires serviraient le prolétariat en utilisant leurs connaissances scientifiques, sans participer à la lutte de classes. Où est le processus de connaissance ?

5) « Nous n’avons pas à théoriser l’expérience des autres, mais à l’étudier pour en dégager le positif et le négatif, afin d’avancer plus vite et mieux qu’eux. » « Base théorique : Que Faire ? » (p. 4)

A nouveau, où est le processus de connaissance ? Il faut étudier l’expérience des autres et « Que Faire ? » Dans quel but ? « Afin d’avancer plus vite et mieux qu’eux… » dans l’étude sans doute ! La pratique, c’est pour les autres.

Ces cinq exemples, tirés du « bilan » sont suffisants. Ce « bilan » ne lie en rien la théorie et la pratique, puisque la pratique est absente et que les quelques éléments « théoriques » sont faux. C’est pourquoi tous les passages sur la construction du parti n’ont aucun intérêt.

Quand on n’a aucune pratique, aucune expérience, on le reconnaît et on se corrige en se basant sur l’expérience du mouvement communiste belge et international et de la théorie ML. Ce projet n’ébauche en rien une autocritique sérieuse, des perspectives claires. Au contraire, page 2, il vante le MUBEF de s’être placé « à l’avant-garde sur un aspect de cette construction (du parti) : la nécessité de rompre avec le dogmatisme et l’empirisme et de se consacrer à l’analyse de la formation sociale belge, étude longue et difficile comme chacun sait. »

QU’EST LA C.O. DU MUBEF ?

Quand un groupe ML (ou désirant devenir ML) intervient dans le problème de la construction du parti et essaie d’impressionner les autres groupes ML par leur « supériorité » théorique, Il devrait avoir une pratique, une compréhension théorique et des formes d’organisation suffisantes. Pour la C.O., rien de tout ne cela. A son avis :

1) Pour avoir un avis valable sur la construction du parti, la pratique n’est pas nécessaire (c’est-à-dire, propagande, lutte,…)

2) Les formes d’organisation, on peut les choisir : d’un côté, les « intellectuels révolutionnaires » qui préfèrent une organisation « de masse » avec un minimum de discipline et de cohésion ; de l’autre, les « intellectuels révolutionnaires » qui sont prêts à respecter « la discipline la plus grande » ! Actuellement, le groupe baigne « dans le libéralisme et l’autocensure » ! Un bel exemple à suivre.

3) Du côté théorique (la spécialité du groupe) il y a un engouement « pour les branches mortes du mouvement ouvrier (guévarisme, luxembourgisme, etc) » qu’il faut combattre. C’est bien de partir en guerre contre les branches mortes du mouvement ouvrier, mais il faudrait être un peu plus modeste et ne pas enterrer Staline en prétendant qu’il n’existe aucune théorie juste sur la construction du parti. Puis, il faudrait étudier les branches « vivantes » (Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao). Pourtant, il est juste de mettre l’accent sur la nécessité de l’analyse de classes en Belgique. Que nous offre le MUBEF, organisation d’avant-garde, sur ce problème ? Des résumés (bien conçus et parfois intéressants) de « penseurs » tels Althusser et Poulantzas, des traductions ou publications parfois utiles d’auteurs étrangers (Bettelheim,…)

(note : il s’agit des textes du dernier congrès et des vacances). Est-ce ainsi qu’il faut procéder ? Faut-il se baser sur des auteurs qui révisent le marxisme, qui s’opposent aux théoriciens du marxisme, sur des auteurs qui approfondissent plus ou moins bien quelques aspects du marxisme, ou sur les théoriciens du marxisme ? Pour nous, Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, l’expérience communiste internationale depuis son début, constituent la base théorique pour toute analyse. Les auteurs « marxisants » seront étudiés de façon très critique.

Mais l’analyse marxiste de la lutte de classes en Belgique ne se construira pas avec des brics et des brocs : un petit bout à Mons, un autre à Liège, sans connaissance du marxisme-léninisme, sans participer aux luttes des travailleurs.

Même si le « bilan » souligne qu’il faut participer à la lutte de classes, la prétention affichée sur le problème de la ligne politique, le manque de perspectives, le manque d’autocritique reviennent à nier l’importance de l’intervention des M.L. dans les luttes spontanées et la nécessité de lier la théorie à la pratique pour la construction du parti. Sans oublier les « erreurs » théoriques.

En conclusion, sans pratique, sans organisation, sans connaissance du marxisme-léninisme pourquoi prenez-vous des airs supérieurs et lancez-vous des affirmations sur la construction du parti ?

Une seule réponse est possible : pour bavarder (avec les meilleures intentions). Une unité théorique et politique, une éducation idéologique sur la base du marxisme-léninisme et de la pratique de lutte de classes sont nécessaires pour contribuer positivement à la construction du parti. Cette unité se réalisera sur la base d’une orientation politique (en ce qui nous concerne, le journal TPT) et surtout sur la conception de la construction du parti.

BREF BILAN DE TPT DEPUIS 1968

Déjà l’histoire du mouvement communiste belge depuis 68 et surtout depuis la grève du Limbourg a des similitudes avec l’histoire du PCUS, toutes proportions gardées. Il s’agit des phases préparatoires à la construction du parti.

Dans une première phase, des intellectuels (pour la plupart) aux idées socialistes (depuis 1963, la lutte contre le révisionnisme, menée par la Chine et l’Albanie a une grande importance idéologique) veulent fusionner avec le mouvement ouvrier. Ce processus passe d’une phase passive : « servir le peuple » à une phase active : « créer des comités de lutte ». Des intellectuels d’U.U.U. participent activement à des grèves spontanées (Michelin, Clabecq, Citroën…). Ainsi, ils se rendent compte dans la pratique :

– de la force du mouvement ouvrier et du rôle historique de la classe ouvrière

– des problèmes des masses, et ils commencent à se soucier de leurs conditions de vie

– à comprendre la nécessité de lier la théorie à la pratique pour avoir une attitude juste (ex. : tactique envers les syndicats). Cette phase correspond à une flambée de luttes spontanées de la classe ouvrière.

Néanmoins, en entrant en contact avec les masses ouvrières, ces intellectuels, sous l’influence petite-bourgeoise, ont été opportunistes. Ils ont refusé de défendre les positions communistes exprimées dans les 25 points, soi-disant pour mieux se lier aux ouvriers. Ils mettent l’accent sur la mobilisation des masses plutôt que sur leur organisation, sur la combativité et la révolte plutôt que sur la conscience socialiste. Leur propre organisation est artisanale et fonctionne sans principes (de façon anarchique).

Dans une deuxième phase, les textes marxistes (Que Faire ?) et la pratique défaillante (comités de lutte disparaissant après la lutte, manque de perspectives…) ont permis d’entamer, sous l’impulsion d’AMADA, une lutte idéologique contre les positions spontanéistes, ce qui conduit à la scission et à la formation de TPT.

En fait, notre tâche fondamentale est d’intervenir dans les luttes spontanées des travailleurs pour l’élever à un niveau politique ; du point de vue de l’organisation, notre tâche envers les ouvriers est de recruter des travailleurs d’avant-garde dans la perspective de former des cellules communistes. (Cependant, au début, il existait encore une confusion politique sur le rôle et la formation des comités de lutte et des cellules).

L’organisation TPT se structure (direction, partage des responsabilités, question du centralisme démocratique).

La propagande commence sous forme de campagnes politiques. Mais ces campagnes n’ont été que l’amorce d’une agitation et d’une propagande de masse, par suite d’erreurs dogmatiques et de vues confuses sur l’organisation des travailleurs avancés et de leur recrutement (importance des cellules de base).

Cette phase, se rapprochant de la première période de Staline (celle de la formation d’un noyau) nous a permis de poser plus correctement le problème principal : LA CONSTRUCTION DU PARTI, et de porter tout le poids de nos efforts sur ce problème.
(Note : c’est dans la lutte contre les économistes que Lénine a constitué le noyau et les principes de construction du parti. Cf. « Un pas en avant, deux pas en arrière »).

Ce sont donc à la fois les principes et la pratique qui ont mis en évidence.et la nécessité de construire un parti (tâche principale) et qu’il faut le construire en étant le plus proche possible des masses, en y menant un travail de propagande, d’agitation, d’organisation, en y vérifiant notre orientation politique, et en ajustant notre tactique.

TACHE DES MARXISTES-LÉNINISTES

A plusieurs reprises dans le « bilan », la tâche centrale indiquée est la construction du parti. Pour être précis, notre tâche centrale (stratégique) est :

« De faire triompher la révolution prolétarienne et d’établir la dictature du prolétariat pour résoudre à fond les contradictions de la société capitaliste ». (Point 10 des 25 points).

Mais pour vaincre le capitalisme, il faut un instrument : le parti.

« La plus importante expérience du mouvement communiste international, c’est que le développement et la victoire de la révolution dépendent de l’existence d’un parti révolutionnaire prolétarien. » (Point 24 des 25 points).

Pour remplir nos tâches stratégiques et tactiques, pour les déterminer, il nous faut un tel parti. Actuellement, c’est notre tâche principale de le construire. Pourtant, le « bilan » affirme :

« Jusqu’ici, notre travail a été centré sur l’aspect actuellement principal de la contradiction principale, à savoir les contradictions internes à la bourgeoisie.»

Dans une contradiction, il y a un aspect principal et un aspect secondaire. Lorsqu’on définit l’aspect principal à nouveau par une contradiction, alors… la nuit tombe sur la dialectique ! D’autant plus que la contradiction principale n’est pas indiquée. Reprenons dans l’ordre.

En Belgique, la contradiction principale est la contradiction bourgeoisie – prolétariat (jusqu’à présent) ; dans les colonies, la contradiction principale est entre nations opprimées et impérialisme. L’aspect principal, dominant, est encore la bourgeoisie.

La bourgeoisie en Belgique doit être analysée, c’est-à-dire les groupes monopolistes (belge, américain, allemand) et leur instrument politique, l’Etat bourgeois, ainsi que les contradictions entre eux et avec le peuple, dans le but de déterminer les cibles principales du mouvement ouvrier et ses alliés. Il nous faut donc donner un sens précis à la contradiction bourgeoisie – prolétariat. Par conséquent, les contradictions au sein de la bourgeoisie sont secondaires, quoique importantes. Ce n’est pas tout. Pour « éviter les déviations les plus grossières », il est rappelé : il est indispensable de ne pas « oublier que la lutte de la classe ouvrière ne doit pas se limiter à l’usine ; qu’elle doit, entre autres, diriger les luttes des autres couches exploitées contre l’ennemi principal, contre la bourgeoisie monopoliste ; que nous avons comme tâche secondaire de lier ces luttes à celles du prolétariat, notamment en les dirigeant contre l’ennemi principal. »

Si c’est là une tâche secondaire, quelles sont nos tâches principales ?

Pourquoi Mao, dans un de ses premiers textes, écrit-il :

« Quels sont nos ennemis, quels sont nos amis ? C’est là une question d’importance primordiale pour la révolution. Si, dans le passé, toutes les révolutions n’ont obtenu que peu de résultats, la raison essentielle en est qu’elles n’ont point réussi à unir autour d’elles leurs vrais amis pour porter des coups à leurs vrais ennemis. » (Analyse de classes de la société chinoise).

Depuis quand l’alliance de classe est-elle une tâche secondaire ? Il fallait indiquer que, selon Lénine :

« Il ne serait pas pratique d’envoyer des agitateurs chez les artisans et les ouvriers agricoles, alors qu’il reste tant à faire parmi les ouvriers d’usine, les ouvriers des villes. » (Les tâches des social-démocrates russes, O.c., t. 2, p. 337).

De même, Staline écrit :

« Quant aux réserves du Parti – les contradictions dans le camp des adversaires, à l’intérieur, comme en dehors de la Russie – elles restent inutilisées, ou presque, en raison de la faiblesse du Parti. » (Staline, Le Parti avant et après la prise du pouvoir, t, V, p. 89)

Nous n’avons donc pas les forces d’entamer un travail dans toutes les couches de la population. C’est une tâche fondamentale que nous sommes incapables de remplir. Voilà la vérité. Pour mettre les idées au clair, rappelons :

« Dans les pays impérialistes et capitalistes, il est nécessaire de faire triompher la révolution prolétarienne et d’établir la dictature du prolétariat pour résoudre à fond les contradictions de la société capitaliste. En luttant pour la réalisation de cette tâche, le parti du prolétariat doit, dans les circonstances actuelles, diriger activement la classe ouvrière et le peuple travailleur dans leur lutte contre le capital monopoleur, pour la défense des droits démocratiques, contre le danger fasciste, pour l’amélioration des conditions de vie, contre l’expansion des armements et les préparatifs de guerre de l’impérialisme, pour la défense de la paix mondiale, et il doit soutenir énergiquement la lutte révolutionnaire des nations opprimées. »

« Les communistes doivent, en toutes circonstances, tracer une ligne de démarcation bien nette entre eux-mêmes et le parti social-démocrate sur les questions fondamentales de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat, et liquider l’influence idéologique de la social-démocratie au sein du mouvement ouvrier international et parmi les masses ouvrières. » (Point 10 des 25 points).

« La tâche du parti du prolétariat est d’analyser, sur la base des théories marxistes-léninistes, les conditions historiques concrètes, d’élaborer une stratégie et des tactiques justes et de diriger les masses populaires pour qu’elles contournent les écueils, évitent certains sacrifices inutiles et parviennent au but pas à pas. » (Point 12 des 25 points).

VOILA L’ORIENTATION POLITIQUE DES MARXISTES-LÉNINISTES. POUR S’Y TENIR, IL EST NÉCESSAIRE DE CONSTRUIRE UN PARTI COMMUNISTE.
(cf. point 24)

Cette tâche principale nous impose un travail politique envers les masses (a) et envers les révolutionnaires (b).

(a) faire de la propagande et agitation politiques de masse pour élever le niveau de conscience de la classe ouvrière et surtout pour dégager les ouvriers d’avant-garde, sur la base de notre orientation. (cette tâche est la tâche principale des cellules ou de tout embryon de cellule).

(b) construire le parti communiste en partant d’un centre national relié à des cellules par le centralisme démocratique.

Le centre aura pour tâches principales : journal national, construire un programme, une stratégie et des tactiques, organisation ; étudier l’expérience et systématiser la pratique, diriger les activités envers les masses (campagnes nationales, par ex.)

Ces deux tâches principales sont indispensables et étroitement liées entre elles, puisque la construction du parti nécessite des rapports de plus en plus étroits avec les masses (pour constituer des cellules, connaître la situation de la Belgique, vérifier par la pratique l’orientation politique, pour se défendre des coups de la bourgeoisie et ne pas s’asphyxier). Et en retour, gagner les masses au communisme et dégager l’avant-garde nécessitent l’existence de cellules, d’une direction et d’une ligne juste.

– le problème actuel est de savoir comment le centre sera formé, quelles sont ses tâches principales et quels sont ses rapports avec la base.

– la propagande et l’agitation politiques de masse ont commencé à AMADA et TPT avec les campagnes Major et Indochine. En ce qui concerne AMADA, il existe plusieurs textes qui font le bilan des campagnes ; quant à T.P.T., la campagne Indochine a été caractérisée par des erreurs dogmatiques et surtout par des erreurs d’organisation (sous-estimation de la nécessité de constituer des cellules). Ces expériences nous ont remis en contact avec les 25 points, c’est-à-dire avec l’orientation du mouvement communiste international, et nous avons mieux compris nos tâches dans la construction du parti (sa nécessité, l’importance d’une ligne politique qui parte des 25 points, l’importance de l’éducation politique pour assumer la propagande, etc…)

La propagande et l’agitation politiques se basent sur tous les faits politiques belges et internationaux qui permettent d’élever le niveau de conscience des travailleurs. Par suite de notre faiblesse politique, nous utilisons quelques événements politiques et économiques épars. Il n’empêche que c’est un devoir politique de commencer cette propagande en se servant des 25 points et de notre faible connaissance de la Belgique. C’est évidemment le problème du parti et de la ligne politique qui limite notre activité politique envers les masses. « Sans vue politique, on est comme sans âme. » (Mao, De la juste solution des contradictions au sein du peuple.)

Pourquoi le « bilan » n’a-t-il pas abordé franchement les erreurs du travail de masse, si minime soit-il ?

Alors que la période actuelle est caractérisée par un cheminement inévitable entre le dogmatisme et l’empirisme en l’absence d’une ligne politique élaborée, il est facile de prendre ses distances…quand on ne fait rien.

Pourtant la montée des luttes spontanées de la classe ouvrière nous impose de plus en plus de tâches. La crise du capitalisme, la politique des monopoles, la fascisation de l’Etat, avec toutes les conséquences pour la classe ouvrière et les classes opprimées, vont provoquer de nouvelles luttes de masse. Notre rôle est de soutenir ces luttes et de les élever au niveau politique.

A Liège même, le taux de chômage est très élevé, la crise se fait déjà sentir avec les fermetures, rationalisations ; les conditions de vie des travailleurs empirent régulièrement, d’où mécontentement de plus en plus prononcé et luttes incessantes (Safak, fonderie…). Nous devons remplir nos tâches envers les masses.

LA CONSTRUCTION DU PARTI.

1) Les étapes dans la construction du parti.

Ici aussi, le « bilan » aborde le problème en coup de vent, pour mieux le balayer. Il est erroné de prétendre « Qu’aucune des théories existantes n’a prouvé sa justesse dans la pratique des groupes ». Il est plus exact d’affirmer que LA THEORIE ML SUR LA CONSTRUCTION DU PARTI n’a pas encore été correctement appliquée aux conditions concrètes de la Belgique. « L’histoire du PC(b)US », les éléments d’histoire du PCC que nous possédons, le texte du KPD (ml) et surtout les textes de Staline sur la question, fournissent déjà l’essentiel de la théorie ML sur la construction du parti, sans oublier le texte de TRUONG CHINH « Sur la voie tracée par Karl Marx ».

Le MUBEF n’a peut-être pas de théorie à ce sujet, mais il a beaucoup de prétention, quand il se place « à l’avant-garde sur un aspect (d’une) question » dont il reconnaît n’avoir aucune idée claire. Au royaume des aveugles…

Indiquer la tâche de construction du parti sans savoir comment le construire, c’est une nouvelle sottise (nous l’avons assez commise nous-mêmes).

« Il ne suffit pas de fixer les tâches, il faut encore résoudre le problème des méthodes qui permettent de les accomplir. Supposons que notre tâche soit de traverser une rivière ; nous n’y arriverons pas si nous n’avons ni pont ni bateau. Tant que la question du pont ou du bateau n’est pas résolue, à quoi bon parler de traverser la rivière ? Tant que la question des méthodes n’est pas résolue, discourir sur les tâches n’est que bavardage inutile. » (PLR p 248)

Voilà qui caractérise votre texte.

Nous ne reviendrons pas sur les trois étapes de la construction du parti, mais il faut rappeler que la première étape se divise en trois périodes (d’après Staline) : création du noyau central ; construction du cadre du parti ; développement du cadre du parti et recrutement des travailleurs d’avant-garde.

Les étapes et les périodes ne sont pas séparées par une muraille de Chine ; au contraire, dans chaque période et étape, il faut préparer la période et l’étape suivantes.
Ces principes, pour nous être utiles, doivent être appliqués aux conditions concrètes de la Belgique ; chaque groupe ML a le devoir de participer à ce travail (nous essaierons d’y contribuer dans un autre texte).

2) Note sur le rôle des intellectuels révolutionnaires

Pour des raisons historiques (opportunisme triomphant dans les organisations ouvrières, place des étudiants dans la société…), les intellectuels sont actuellement en majorité dans le mouvement communiste belge où ils détiennent les postes responsables.

De plus, sans entrer dans les détails, il est évident qu’ils joueront un rôle important dans la construction de la ligne ; sans oublier l’expérience du mouvement communiste international, qui souligne la place des révolutionnaires d’origine intellectuelle (la plupart des dirigeants).

Cependant « de Marx à Mao », prétend le projet de bilan, il n’y a jamais eu qu’une conception du rôle des intellectuels révolutionnaires. Et de se moquer des spontanéistes qui « bouleversent la science moderne » en rabaissant ce rôle et qui méprisent l’expérience de tous les partis ouvriers et de tous les mouvements révolutionnaires. (voir texte spontanéiste sur « la grève victorieuse de VW » et la « lettre ouverte » du même auteur).

Attaquer la camelote spontanéiste pour mieux vendre la sienne, c’est habile !

De Marx à Mao, les intellectuels révolutionnaires sont ceux qui non seulement mettent leurs connaissances au service de la révolution, mais qui en plus y consacrent toute leur vie ; ces deux aspects sont inséparables.

« Nous avons tout à fait raison de les estimer (les intellectuels), car, sans intellectuels révolutionnaires, la révolution ne peut triompher. Mais nous savons que beaucoup d’entre eux, se croyant fort instruits, prennent des airs d’érudits, sans se rendre compte que leur attitude est nuisible, déplacée, et qu’elle les empêche de progresser. Ils devraient comprendre cette vérité qu’au fond beaucoup de soi-disant intellectuels sont bien ignorants, et que les ouvriers et les paysans en savent souvent plus qu’eux. » (Mao, T.III p 35)

… « C’est pourquoi je conseille à ceux qui ont acquis des connaissances livresques, mais qui n’ont pas encore eu de contacts avec la pratique ou n’ont que peu d’expériences pratiques, d’être conscients de leurs insuffisances et de se montrer un peu plus modeste. »… « De ceux qui ne possèdent que des connaissances livresques, comment peut-on en faire d’authentiques intellectuels ? Le seul moyen, c’est de les orienter vers un travail pratique, d’en faire des praticiens ; c’est engager ceux qui font un travail théorique à entreprendre l’étude des questions pratiques importantes. » (Idem p 36)

Il est effectivement impossible de séparer les connaissances de la pratique, de l’idéologie, des conceptions politiques. Dans le « bilan », il est écrit que le rôle d’un intellectuel révolutionnaire est :

– « d’utiliser au profit et sous la direction du prolétariat les connaissances scientifiques dont la bourgeoisie se réservait l’utilisation »

QUE LE « PROJET » OPPOSE A

– « d’apporter aux ouvriers en lutte la théorie ML pour qu’ils s’en arment »

C’est faux. Le mouvement ouvrier a besoin d’une ligne politique révolutionnaire, d’une organisation révolutionnaire, et non pas de « connaissances ». Les professeurs bourgeois ne manquent pas et à quoi servent-ils ?

« …le problème se pose uniquement ainsi : idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n’y a pas de milieu… C’est pourquoi tout rapetissement de l’idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l’idéologie bourgeoise ».(Que Faire, de Lénine)

Lénine parle toujours de conscience socialiste et non pas de connaissances « scientifiques » séparées de la théorie ML dont on arme les travailleurs.

Utiliser des connaissances scientifiques (dont nous n’avons nul besoin maintenant) « sous la direction du prolétariat », c’est du bavardage.

Ou bien les intellectuels deviennent révolutionnaires en se mettant au service de la révolution corps et âme et contribuent à la connaissance marxiste par le processus de la connaissance (cf. Mao, « De la pratique », « Pour un style de travail correct dans le parti ») ou bien… ils ne sont pas révolutionnaires. Il y a de plus en plus d’intellectuels qui fournissent une aide précieuse au mouvement communiste en aidant les luttes ouvrières, en réunissant la documentation, en participant au mouvement démocratique (contre Vranckx p.ex.), etc., sans, pour cette raison, jouer au « savant éclairé ». Il est opportuniste de faire croire à des étudiants de gauche qu’ils sont révolutionnaires. Devenir révolutionnaires nous impose à tous des changements idéologiques radicaux.

« De même que jadis, une partie de la noblesse passa à la bourgeoisie, de nos jours une partie de la bourgeoisie passe au prolétariat, et, notamment, cette partie des idéologues bourgeois qui se sont haussés jusqu’à la compréhension théorique de l’ensemble du mouvement historique. » (Marx, Le Manifeste)

Autrement dit, l’intellectuel révolutionnaire change de classe par les positions qu’il prend. Ce changement s’obtient par la participation aux luttes sur une juste ligne, par la pratique de la critique et de l’autocritique, en se liant aux masses, en unissant la théorie et la pratique, en se dévouant à la cause de la révolution.

« Le modèle idéal de l’intellectuel qui s’est entièrement pénétré de l’esprit prolétarien, qui, tout en étant un brillant écrivain, a perdu les traits spécifiques propres à la gent intellectuelle, qui sans murmurer marchait dans le rang, travaillait à chaque poste à lui confié, se consacrait entièrement à notre grande cause et méprisait les pleurnicheries débilitantes au sujet de l’écrasement de sa personnalité. » (Kautsky, extrait du t.7, p 341 de Lénine)

En conclusion, la position prise dans le « bilan » sur le rôle (on en oppose deux) des intellectuels révolutionnaires est caractéristique de la ligne bourgeoise, qui privilège l’intellectuel, qui encourage son individualisme, et pour qui « son arme, c’est son savoir personnel, ses capacités personnelles, ses convictions personnelles… La pleine liberté de manifester sa personnalité lui apparait comme la condition première d’un travail efficace. Il ne se soumet que difficilement à un tout, comme partie auxiliaire de ce tout, il s’y soumet par nécessité, et non pas par son propre mouvement. La nécessité d’une discipline, il ne la reconnait que pour la masse, et non pour les âmes d’élite. Lui-même, bien entendu se range parmi les âmes d’élite. » (Kautsky, extrait t. 7, p 340 de Lénine)

De plus, vous prétendez qu’étudier est une tâche « spécifique aux intellectuels » (p III). C’est la même position bourgeoise qui vise à privilégier les intellectuels aux dépens des ouvriers.

En réalité, on ne distingue les intellectuels révolutionnaires des ouvriers révolutionnaires que dans la phase actuelle où les intellectuels sont en majorité dans les groupes ML.

Mais il s’agit avant tout de communistes.

« D’autre part, les masses n’apprendront jamais à mener la lutte politique, tant que nous n’aiderons pas à former des dirigeants pour cette lutte, aussi bien parmi les ouvriers cultivés (souligné par TPT) que parmi les intellectuels » (Lénine, t 5, p 482).

Au contraire, cette tâche « spécifique aux intellectuels », elle est de plus en plus remplie par les ouvriers chinois révolutionnaires ; cet élément est une preuve de plus que la Chine avance vers le communisme.

« Certes, il ne s’ensuit pas que les ouvriers ne participent pas à son élaboration (de l’idéologie socialiste). Mais ils n’y participent pas en qualité d’ouvriers, ils y participent comme théoriciens du socialisme ». (Lénine, « Que Faire ? »)

CENTRALISME DEMOCRATIQUE : principe d’organisation du mouvement communiste.

Les tâches principales actuelles (stratégie, tactique, organisation) nécessitent l’existence d’un noyau dirigeant ; d’ailleurs à toute étape de la construction du parti, il faut un noyau dirigeant. Pour les tâches que nous accomplissions avant : campagnes, lutte économique, un groupe dirigeant national n’était nullement nécessaire ; le travail parcellaire, artisanal réussissait à accomplir ces tâches plus ou moins bien (nous avons en plus des conditions meilleures que du temps de Lénine où la répression était très féroce).

Maintenant que nous avons conscience des exigences politiques posées par la construction du parti, il faut que les tâches du centre soient prises en mains par des révolutionnaires professionnels qui mettent le gros de leurs forces sur ce travail.
Il faut un travail centralisé avec les meilleurs militants de toute la Belgique (il n’y en aura pas trop). Il faut que ce groupe dirigeant jouisse de la confiance de la base qui reconnaît en lui sa direction politique et qui fournit toute l’aide nécessaire (information, critiques, expérience…)

Dans la période présente, la condition première de la construction du parti est l’existence d’un noyau dirigeant (comme le prouvent notre pratique étriquée et les principes dégagés par Staline) et non pas comme l’affirme le « bilan » : « la condition première est l’existence d’une avant-garde ouvrière ». L’existence de l’avant-garde ouvrière (son recrutement, son éducation…) serait plutôt la condition seconde de la construction du parti (cf. les périodes de Staline). Ici aussi le « bilan » se trompe gravement dans la répartition des tâches (pour autant qu’il y en ait une), justifiant si nécessaire, les critiques précédentes sur les gens qui parlent pour ne rien dire, n’ayant rien vécu.

I) pourquoi parlons-nous de centre NATIONAL ?

1° Les tâches du centre doivent être exécutées par les meilleurs militants de toute la Belgique (militants dont l’idéologie et les connaissances politiques sont suffisantes pour remplir au mieux les tâches).

Si l’on a à cœur de systématiser la propagande et l’agitation, de connaître nos ennemis et nos amis c’est-à-dire de connaître « la théorie révolutionnaire, l’histoire, le mouvement dans sa réalité » (PLR p 4), on recherchera l’unité des organisations ML par la lutte idéologique dans le but de constituer le centre et les cellules de base au mieux des intérêts de la classe ouvrière. (Rappel : les discussions seront menées sur les conceptions politiques et idéologiques ; le problème de la construction du parti, qui est une partie des tâches des communistes de Belgique, est le problème principal.)

2° Le centre doit s’appuyer sur des cellules qui font des enquêtes, critiquent et contrôlent le centre (par le centralisme démocratique), vérifient dans le feu de la lutte de classes les orientations prises par le mouvement, sous la direction du centre.

Une ligne pour toute la Belgique doit surgir de tout le pays et se vérifier partout.

3° Le centre uni à sa base, uni à des masses de plus en plus importantes pourra subsister malgré les coups de la bourgeoisie, se renouveler et se renforcer. N’oublions pas que la bourgeoisie agit dans toute la Belgique au niveau de la répression et que nous devons nous y préparer !

2) fonctionnement du centre

Le centre ne fonctionnera bien que s’il respecte les principes du centralisme démocratique, puisqu’il s’agit de la forme supérieure d’organisation. Le projet de bilan prétend que « sous son aspect centraliste, le centralisme démocratique implique donc la soumission de l’individu à l’organisation, de la minorité à la majorité, de l’échelon inférieur à l’échelon supérieur, de l’ensemble à l’organe exécutif suprême ».

Définir ainsi le centralisme, sans autre justification, est une déformation bureaucratique de ce principe. C’est en ôter tout le contenu politique ! Même Liou Chao-chi aurait ajouté une phrase pour ne pas mettre à nu son fameux principe d’obéissance servile à la bourgeoisie !

C’est Mao qui fournit la meilleure indication sur le centralisme démocratique :

(a) « Qu’entend-on par centralisme ? C’est avant tout concentrer les idées justes. Parvenir sur cette base à unifier les points de vue, les mesures politiques, les plans, les commandements, les actions, c’est ce qu’on appelle l’unité par le centralisme. » (Pékin Information, 10, 1971)

(b) « …la démocratie dans le parti doit servir à renforcer la discipline et la capacité combative et non à les affaiblir…

Dans la pratique, cette initiative se manifestera dans (l’)énergie créatrice, le sens des responsabilités, l’ardeur au travail, le courage et l’aptitude à soulever des questions, à exprimer (son) opinion, à critiquer les défauts, ainsi que le contrôle exercé avec une sollicitude de camarade sur les organismes supérieurs et les cadres dirigeants…

Or, cette initiative se déploie en fonction du degré de démocratie dans la vie du Parti. » (t. II, p. 220)

(Note : les règles du centralisme énoncées dans le bilan se trouvent à la même page du texte de Mao, sous le titre :

« La DISCIPLINE du Parti », et non pas « le centralisme dans le Parti ».)

Dans la période actuelle, caractérisée sur le plan politique par le manque de ligne politique (sauf des bribes) et sur le plan organique par la dispersion des groupes et leur fonctionnement anarchisant, il est juste de mettre l’accent sur le centralisme. D’ailleurs, mettre l’accent sur la nécessité d’un centre national revient à mettre l’accent sur le centralisme, puisque la concentration des idées justes se fait essentiellement par la direction du parti ; ne mettre l’accent que sur la discipline est erroné, puisque :

« Qu’est-ce qui cimente la discipline du parti révolutionnaire du prolétariat ? Qu’est-ce qui la contrôle ? Qu’est-ce qui l’étaye ? C’est, d’abord, la conscience de l’avant-garde prolétarienne, son dévouement à la révolution, sa maitrise de soi, son esprit de sacrifice, son héroïsme. C’est, ensuite, son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si vous voulez, à se fondre jusqu’à un certain point avec la masse des travailleurs la plus large… Troisièmement, c’est la justesse de la direction politique réalisée par l’avant-garde, la justesse de sa stratégie et de sa tactique politiques… A défaut de ces conditions, la discipline est irréalisable. » (Lénine, Le Gauchisme, t. 31, p. 18-19)

Il est vrai que Lénine et Mao, à certaines périodes de la lutte au sein du parti mettent en avant la discipline pour faire appliquer le centralisme démocratique (« Un pas en avant, deux pas en arrière » de Lénine, « Le rôle du PCC dans la guerre nationale » de Mao). Mais quand Lénine, par exemple, met l’accent sur la discipline, il mène un combat contre les opportunistes qui allaient devenir les menchéviks. Ce débat oppose « les partisans de l’individualisme des intellectuels bourgeois qui se sont heurtés aux partisans de l’organisation et de la discipline prolétariennes ». (Lénine, t. 7, p, 281)

En fait, il vise des intellectuels qui se prenaient pour des révolutionnaires ! Ces tendances doivent être disciplinées ; c’est un aspect du centralisme dont il faut tenir compte dans la construction du parti, étant donné tous les courants petits-bourgeois qui subsisteront. Mais, un peu plus loin, Lénine précise les limites de la discipline (les seules limites) :

« L’insurrection est une chose excellente quand les éléments avancés se dressent contre les éléments réactionnaires. Lorsque l’aile révolutionnaire se dresse contre l’aile opportuniste, cela est bien. Lorsque l’aile opportuniste se dresse contre l’aile révolutionnaire, cela est mal. » (Lénine, t. 7, p. 246)

Conclusion :

Les trois conditions qui cimentent la discipline ne sont pas encore réalisées et ne le seront que progressivement. Mais à chaque progrès idéologique et politique correspondra une discipline plus stricte. De plus, il n’y a pas de raison politique suffisante pour mettre l’accent sur la discipline.

Si le centralisme signifie avant tout la formation du centre et le respect de la discipline prolétarienne (compte tenu évidemment des progrès du mouvement), la démocratie doit signifier à présent :

– formation de cellules communistes

– travail de propagande et d’agitation

– soutien aux luttes de masses

– critiques au centre (qui lui-même doit avoir le soutien de la base pour éviter les déformations subjectivistes, dogmatiques…)

Tous ces points sont inséparables.

Actuellement, il faut mettre l’accent sur le centralisme.

Remarque : le « bilan » contient cet exemple de centralisme démocratique : « Il est le principe d’organisation de toute forme de lutte du prolétariat contre la bourgeoisie. Pour qu’une simple grève réussisse, les ouvriers d’usine sont obligés de décider à la majorité, chacun s’y soumettant, de choisir un comité de grève (par voie d’élection ou non) qui dirige le mouvement sous contrôle de l’ensemble… (p. IV).

C’est un excellent exemple pour faire comprendre ce que n’est pas le centralisme démocratique. Le centralisme démocratique n’est applicable que dans le parti et dans les organisations dirigées par le parti (organisations de masse, Etat dans un pays socialiste…). Dans un comité de lutte formé des ouvriers les plus combatifs, la minorité se plie devant la majorité, quelle qu’elle soit. Si la majorité est réformiste (ex. Michelin, Clabecq au début), la minorité doit mener la lutte idéologique pour en obtenir la direction. Ce comité fonctionne-t-il suivant le centralisme démocratique ? Un comité ou toute organisation dirigée par des réformistes fonctionnent-ils suivant le centralisme démocratique ? Non, car la direction ne concentre pas les idées justes et réprime la base en ne défendant pas les intérêts du peuple ; cependant, il faut travailler dans de telles organisations tant qu’elles conservent la confiance des ouvriers. Quand les communistes ont la ferme direction de telles organisations, alors et alors seulement elles peuvent fonctionner selon le centralisme démocratique. Dans un parti révolutionnaire, il faut chasser l’aile réformiste, même si elle est majoritaire (voir plus haut, Lénine, t.7,p. 426).

3) formation du centre.

D’après l’orientation générale proposée pour le centre (voir plus haut), il apparaît que celui-ci devra se former à partir des différents groupes ML existants à la suite d’une lutte idéologique sur les tâches et la façon de les réaliser. Ici se pose le problème de l’unité, de la fusion des groupes (ceux qui se mettent d’accord par le processus unité-critique¬-unité) indispensable pour former un centre national. Il serait faux que l’un ou l’autre groupe se prenne pour le centre national (même si les tâches de la construction seront abordées séparément au début), car ce serait prolonger, pour des raisons purement subjectives, le travail artisanal. Résoudre les problèmes séparément revient à défendre la petite propriété contre l’ouvrier, la division contre l’unité des ML. Mieux les forces des ML seront unies, mieux le centre sera constitué. Nos positions à ce sujet seront développées après discussion.

CONCLUSION

Résumons les critiques :

Conceptions politiques de la C.O. et perspectives :

– aucune tâche politique indiquée (comparer avec les points 1O, 12 et 24 des 25 points), sauf la construction du parti ;

– au sujet de la construction du parti, le « projet » met l’accent sur l’« avant-garde ouvrière » et non sur le centre national ; il ne donne aucune indication pour construire le parti, et le principe de fonctionnement est compris de façon bureaucratique ;

– les tâches envers les masses (propagande, agitation, organisation) n’existent pas.

Conception idéologique de la C.O. :

– la C.O. se place sur le terrain des étudiants bourgeois ; quand elle les traite en révolutionnaires, elle leur donne un statut privilégié.

Organisation actuelle et perspective :

– l’organisation actuelle est anarchique, libérale, et les membres peuvent choisir entre cette organisation et une nouvelle qui serait bureaucratique.

Style de travail de la C.O. :

– la C.O. pousse à l’excès la théorie et néglige la pratique ; il s’ensuit que les deux sont mauvaises. Pour la théorie, engouement pour les branches mortes et ignorance du ML (ex. théorie sur le parti). De la pratique, n’en parlons pas.

– la C.O. ne se lie pas aux masses, et ne commence pas à le faire, puisqu’elle n’intervient pas dans leurs problèmes ;

– quant à la pratique de la critique et de l’autocritique, le « bilan » est un exemple suffisant ; au lieu de la critique et de l’autocritique, c’est la prétention et le bavardage qui prédominent.
De ce projet de bilan, il n’y a pas grand’chose à retenir, sauf une volonté de rejoindre le mouvement communiste.

Nous vous proposons :

1) De recommencer le « bilan » à la lumière des principes ML, dans le but de mieux apprécier votre situation actuelle, de trouver vos erreurs pratiques et théoriques ;

2) De rejoindre le mouvement communiste, en l’aidant activement, c’est-à-dire en participant sous sa direction aux campagnes politiques et aux luttes ;

3) De mener la lutte idéologique avec le mouvement communiste, pour arriver à une unité politique et idéologique.

octobre 1971
TOUT LE POUVOIR AUX TRAVAILLEURS

  1. Le révisionnisme moderne s’est mis sur des positions ouvertement réformistes. Sous des dehors plus radicaux, ses positions sont généralement soutenues par les différentes sectes trotskystes (LRT, UGS-PWT, PORT, AC, etc.), qui pour cette raison seront combattues avec les mêmes armes.
  2. Les tâches envers les masses et les tâches internes seront analysées de plus près dans d’autres brochures. Il n’était pas nécessaire d’y entrer ici dans le détail, puisque ce texte est axé sur les tâches que les organisations marxistes-léninistes ont les unes envers les autres.
  3. Un embryon de programme signifie que l’édification du programme doit se faire d’une façon scientifique, c.à.d. d’après un plan d’ensemble préétabli selon les principes. Il progressera à mesure du développement de la lutte des classes et à mesure de nos forces. Cette façon de travailler n’a rien à voir avec l’assemblage de fragments de programme issus de groupes différents ayant leur activité particulière. On veut un chêne, mais dans le premier cas on plante un gland, dans le second on ficèle des branchages. La première méthode est dialectique et communiste, la seconde mécaniste et bourgeoise.
  4. Le sens le plus large ne permet pas d’englober dans le mouvement marxiste-léniniste le groupe Gauche Ouvrière ni les scissionnistes d’AMADA : la lutte idéologique qui a été menée avec eux les a amenés, dans leur pratique et dans leurs textes, à avouer des positions spontanéistes proches de l’anarcho-syndicalisme qui les mettent en contradiction antagoniste avec les marxistes-léninistes sur la question centrale du Parti.

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