des militants pour le Parti Communiste Politico-Militaire emprisonnés en Italie

[Document publié pour la première fois en français dans la revue « Internationale Debatte » en février 2013]

Le mode de production capitaliste génère, de par sa nature, exploitation, crise et guerre, mais en même temps il crée les conditions pour son dépassement.

Nous essayons ici de donner une lecture de la phase actuelle, pour en comprendre les mouvements d’ensemble, la portée de l’offensive bourgeoise et ses conséquences sur la classe ; ainsi que la résistance que cela rencontre et les possibles développements nécessaires, tant sur le front de la lutte et de l’organisation immédiate que sur le plan de perspective révolutionnaire.

Cet été 2011, toute la néfaste puissance destructrice du capitalisme financier s’est manifestée. La dimension de cette puissance destructrice nous est montrée par sa capacité à mettre en mouvement une masse de richesse nominale environ dix fois plus grande que la richesse réelle produite annuellement sur la planète.

La puissance financière n’est pas le produit d’une autonomie ou d’une « capacité créative propre », du secteur financier, des « artistes de la finance » ou d’une prétendue « nouvelle économie », mais c’est bien plutôt le produit du fonctionnement inhérent du mode de production capitaliste. Elle s’est développée dans les lois propres de son fonctionnement, dans ses conditions historiques, dont la tendance aux crises de surproduction de capital et la chute tendancielle du taux de profit : c’est-à-dire dans l’impossibilité pour le capitalisme de se reproduire régulièrement à une échelle adéquate à sa valorisation globale.

Ce qui se manifeste périodiquement par la surcapacité productive, l’exacerbation de la concurrence, la sous-consommation, etc. Quand toutes ces contradictions s’accumulent, investissant tous les secteurs et toutes les régions du monde, on entre dans une crise de dimension générale et historique de longue durée (comme l’actuelle qui, avec des hauts et des bas, traine depuis les années ’70).

C’est à ce moment que la financiarisation devient une sorte de soupape de sécurité, une échappatoire, un terrain de valorisation factice. Pire encore : de spéculation sur la production future, pas encore réalisée ; en approfondissant énormément la spirale crédit/dette à tous les niveaux et notamment celui de la dette publique. Même la dette de l’Etat est depuis toujours terrain privilégié d’une œuvre systématique de rançonnement social de la part du capital.

Aujourd’hui, tout cela s’aggrave. D’une façon d’autant plus obscène que cela passe par la plongée d’une grande partie de la société dans une crise sociale de dimensions historiques.

La bourgeoisie essaie de déterminer de nouvelles conditions pour l’exploitation, pour maintenir ou augmenter les profits et le pouvoir de contrôle sur la classe en général et sur les travailleurs en particuliers. Une seule donnée en donne la mesure : en 2009, à savoir au pic le plus profond de crise (pour le moment), les 500 principaux groupes capitalisés ont gagné 390 milliards de dollars (+335% sur 2008) tout en licenciant 760.000 salariés dans le monde ! Tendance qui se confirme et est aussi dans les prévisions futures !

L’utilisation classique, anti-ouvrière, de la crise se voit clairement dans les mesures gouvernementales, dans les accords avec les syndicats du régime, dans les plates-formes des industriels qui entre autres choses exigent le relèvement de l’âge de la retraite jusqu’à 70 ans et l’augmentation des taxes universitaires. L’ensemble des mesures souhaitées fait partie de la ligne qui tend à redéfinir les rapports entre entreprises et travailleurs. Sa finalité c’est la stérilisation du conflit et l’intensification de la productivité, afin de réduire le prix de la force de travail.

[…]

Nonobstant le poids de l’offensive bourgeoise et la faiblesse globale du prolétariat (en particulier de ses expressions organisées), la résistance de classe existe et se manifeste de différentes façons : certaines visibles, d’autres moins, d’autres encore complètement obscurcies par le système médiatico-institutionnel.

Bien sûr, nombre de ces luttes sont canalisées dans le créneau institutionnel, sous le contrôle de syndicats de régime. Mais les situations qui, avec colère et détermination, ripostent dignement à l’offensive patronale, ne manquent pas non plus. Ces luttes ont en commun le fait de rompre avec le rituel des mobilisations de façade inoffensives.

Ces luttes pratiquent un conflit authentique jusqu’à l’utilisation de la légitime force ouvrière en cassant l’enceinte de la légalité bourgeoise (qui nous veut les mains levées pour mieux nous matraquer). Un exemple de ce genre de lutte est celui de FINCANTIERI 1 où les ouvriers ont affronté la police à plusieurs reprises et ont opéré à des occupations sauvages et à quelques dévastations dans les palais du pouvoir ; ils ont aussi impliqué la population alentour et enfin (après de longs mois de lutte) ils ont réussi à faire reculer le lourd plan de restructuration et fermeture.

Un autre exemple nous est donné par les travailleurs de GESIP 2 à Palerme qui par centaines ont tenu en échec la mairie pendant de nombreuses semaines avec toute une série d’initiatives de blocages de carrefour, d’irruptions et occupations musclées − jusqu’à avoir gain de cause. Le même discours vaut pour les coopératives manutentionnaires employées dans le secteur logistique, où grâce à l’excellent travail d’organisation syndicale de base (extérieur et opposé aux grandes centrales) et à la solidarité active d’une mouvance de militant(e)s « lève-tôt », une série de revendications sur plusieurs sites et plates formes victorieuses ont été menées à bien.

Autant que cela continue à faire école dans tout le secteur (qui emploi énormément de mains d’œuvre, 200.000 ouvriers seulement dans la grande métropole milanaise) et à se diffuser dans la myriade d’entreprises sur le territoire. Et cela en mettant en œuvre le plus classique des moyens de lutte, le piquet avec blocage des camions aux portes. Ce qui est devenu une arme encore plus incisive vis-à-vis d’entreprises organisées sur les principes du « flux tendu » et du « just intime » et donc au magasin réduit sinon supprimé, qui dépendent entièrement des stocks accumulés dans ces plates-formes logistiques.

Ces trois fronts de lutte ont arraché des victoires significatives. Elles ont réussi à faire reculer le fatalisme aujourd’hui encore si répandu, en exaltant des nouvelles forces ouvrières dans la pratique de lutte et d’organisation. En faisant émerger la centralité de l’auto-organisation et de la détermination à affronter vraiment les patrons et leurs sbires, pour les toucher sur les uniques arguments qu’ils comprennent : blocage de la production et trouble de l’ordre public.

Et encore nous voulons souligner la grève des ouvriers agricoles (immigrés souvent clandestins) de Salerne (province à l’extrême sud), qui se sont soulevés contre des conditions proches de l’esclavage. Même si leur lutte n’est pas encore victorieuse, elle nous donne une importante orientation en perspective. Avant tout c’est un succès de l’avoir démarrée face à de telles conditions d’oppression, de chantage et de violence. D’autant qu’il s’agit peut-être de la première expérience d’une certaine consistance. Ensuite comme dans le cas du secteur de la logistique, une jonction s’est opérée avec des noyaux militants du territoire dans une dynamique qui commence justement à s’étendre tout autour, à construire une organisation en réseau.

Les travailleurs migrants sont le dernier anneau de la chaine de l’exploitation, raison pour laquelle ils constituent un terrain important de la lutte et de la recomposition de classe. Comme ils sont utilisés en tant que « armée industrielle de réserve » pour peser sur tout le corps prolétarien et l’enfoncer, l’action de classe peut s’attaquer à ce mécanisme en le retournant en son contraire : unité internationaliste de classe !

Ce qui donne de la force c’est surement la détermination unie de la conscience de devoir compter sur ces propres forces et à pratiquer le conflit Capital/Travail dans son sens le plus authentique d’antagonisme de classe.

Pour toutes ces raisons, il faudra aussi greffer les dimensions politico-militaires sur le plan général de l’affrontement Capital/Travail. Puisqu’il est clair, surtout par rapport à l’aggravation de leurs méthodes terroristes-répressives, que l’on ne peut pas soutenir la situation seulement sur le plan de l’organisation primaire. Il faut d’autres moyens et types d’intervention : il faut construire organisation prolétarienne armée.

Si on regarde les luttes de territoires, certains de ces aspects émergent clairement. Terzigno 3 et autres localités de la région de Naples et surtout la Val di Suza sont des exemples de capacité de mobilisation et résistance active à la violence de l’Etat et de ses bandes criminelles.

La capacité d’exercer et de se reconnaître en plusieurs pratiques de lutte est une preuve de maturation de la conscience populaire, d’une conscience qui se propage sur le caractère non réformable du système. Un niveau de conscience qui muri justement là où se détermine l’affrontement entre les besoins sociaux précis et le système bourgeois, ses lois indiscutables de développement économique et la répartition des profits qui leur est associée.

[…]

Un frein fondamental aux luttes autonomes et aux processus qui peuvent être générés réside dans l’hégémonie des structures syndicales confédérales. Hégémonie sûrement fondée sur le plan de l’intégration institutionnelle avec les ressources et les moyens qui en découlent (en partie même d’origine directement capitaliste), leur permettant d’élargir les services et supports variés en mystifiant ainsi leur rôle social.

Ce sont les représentants syndicaux à l’intérieur des entreprises qui font la médiation entre les conditions matérielles et la ligne de collaboration. Cette médiation se réalise parmi nombre de contradictions et conflits. Le conflit sur le lieu de travail continuera à exister ; il ne sera pas dans les attributions des centrales syndicales de signer les accords qui enlèveront à la classe ouvrière la possibilité d’agir. Elle agissait même sous le régime fasciste quand faire grève et saboter la production signifiait risquer la déportation, la mort.

Tout lieu d’exploitation est un lieu de violence

L’utilisation de la force de côté prolétarienne est tout à fait légitime en s’opposant à la violence lâche d’un système qui fait du terrorisme et de la pression ses moyens de gestion des conflits et de prévention des soulèvements révolutionnaires.

La violence capitaliste doit être combattue avec des moyens adéquats. Moyens que seule l’organisation du prolétariat constitué en classe pour soi − c’est à dire dans son avant-garde, dans le parti − peut disposer. Tandis que les expressions de lutte immédiate se posent sur le terrain de la force, mais seulement pour donner une solution à des revendications spécifiques, constituent un terrain de maturation avec lequel l’avant-garde organisée doit savoir se rapporter pour lui donner une perspective sur le plan politique général. Autonomie dans le conflit de classe et emploi de la force d’avant-garde sont les fondements d’un parcours de résistance et de reconstruction des conditions nécessaires pour affronter le fauve capitaliste.

[…]

Organiser les termes politico-militaires de la perspective révolutionnaire

Dans le nœud politique, le fond du problème est partout le même : réussir à se hausser au niveau de l’attaque des capitalistes. Comme ceux-ci agissent en déployant tous leurs instruments de pouvoir économique, politico-militaire − même autour de situations spécifiques (FIAT, révolte des immigrés à Rosamo et centre de rétention, territoires en résistance …), le prolétariat doit se poser le problème de son organisation et se donner les différents moyens nécessaires.

C’est un problème d’ensemble. La maturation de conscience de l’exigence révolutionnaire d’une alternative de système, le développement d’une subjectivité révolutionnaire, l’élaboration/définition d’un programme, d’une stratégie et de l’armement politico-militaire pour les concrétiser, sont nécessaires. Le tout dans le développement d’un processus politico-organisationnel qui s’alimente dans la dialectique interne à la classe, entre ses expressions de résistance/auto-organisation et les termes politico-militaires nécessaires pour élever l’affrontement sur la politique générale.

Autrement dit : il faut réussir à développer les différents éléments nécessaires pour engager un processus révolutionnaire qui se présente comme l’unique alternative possible, l’unique débouché positif à la catastrophe capitaliste.

Cela à condition, tout de même, de savoir considérer, réélaborer et surmonter les erreurs et les limites sur lesquelles les révolutions du 20e siècle ont échoué et dégénéré. C’est-à-dire à condition que l’organisation qu’on aura à construire sache s’alimenter constamment d’un débat vivant et d’une recherche de solutions et d’avancées pour ne pas reproduire les erreurs du passé et au contraire développer la révolution.

C’est dans ce sens que nous entendons la définition de la base idéologique et du programme communiste. Comme substance vivante et dynamique à travers les processus réels, acquis historiques et théoriques à revérifier constamment dans la praxis des nouvelles tentatives ; dialectiques entre l’objectif de la transformation sociale et le parcours concret pour la réaliser − à entendre en tant que pilier de la construction en force politico-militaire.

A l’aune des événements actuels, cette construction est encore plus nécessaire et urgente. Si nous voulons affronter la terrible machine de guerre sociale de l’impérialisme, nous devons nous en disposer sur ce terrain où politique et guerre sont indissociables. Citons encore une fois Lutte Révolutionnaire [Groupe anarchiste grec ayant assumé plusieurs actions politico-militaires en Grèce ces dernières années, ndlr] :

« Notre temps semble fort intéressant et offre des possibilités uniques à qui veut se battre. La crise en cours conduit à la désintégration de la relation entre le capital et la société ; les élites se trouvent face à des majorités sociales. Le fossé entre des régimes autoritaires et les masses subalternes s’approfondit. C’est l’occasion pour un mouvement révolutionnaire d’empêcher les nouvelles formes de tractation entre société et l’autorité, de lutter contre toute manipulation de la colère sociale et de définir les temps et les orientations sociales du renversement du système. (…) A ceux qui prétendent que les conditions ne sont pas encore mûres pour engager un parcours révolutionnaire, dont la lutte armée est partie intégrante, nous répondons que les conditions objectives telles que définies par l’analyse du système et de la phase en cours n’ont jamais été aussi bonnes. »

En commençant aussi par l’opposition à la surexploitation, au nouvel esclavage, en greffant sur la résistance prolétarienne l’exercice de force organisée et année. Comme dans les années ’70 justement, l’attaque contre la hiérarchie despotique dans les usines fut le terrain d’affirmation et développement de la lutte armée. Et aussi comme c’est le cas dans les phases de démarrage des guerres populaires du Tricontinent. Aujourd’hui la condition salariale − depuis la vaste masse précarisée et du travail au noir jusqu’aux secteurs centraux de la classe − est largement réglée par le chantage et le terrorisme patronal et d’Etat.

Ce processus ne fait que s’approfondir, s’aggraver, raison pour laquelle la construction de la force prolétarienne dans ces termes politico-militaires peut trouver ici une application utile et nécessaire. Bien sûr en la finalisant de son départ au plan général et centralisé de l’affrontement.

Puisque telle est depuis longtemps et encore aujourd’hui, la dimension qui détermine tout mouvement économique et social. Si bien qu’au cours de cette plongée dans la crise a émergé dans toute sa puissance la véritable dictature des cercles restreints du capital financier (les marchés) et à sa suite, le rôle exécutif des organismes supra-nationaux (BCE, UE, FMI, BM…). Organismes et cercles qui dictent, subordonnent et surveillent les décisions de gouvernements.

Enfin il faut se poser nécessairement sur le plan politique général du rapport de force global entre prolétariat et bourgeoisie. Ce qui est possible seulement dans sa forme politico-militaire. L’utilisation des armes comme façon précise, historiquement déterminée et nécessaire, d’être de la politique révolutionnaire du Parti prolétarien. La lutte armée de Parti en tant que façon précise et incisive d’intervenir dans le vif de l’affrontement et de la crise en cours ; en tant que façon de construire dès le départ, l’organisation et son rapport à la classe. En tant qu’instrument essentiel, enfin, pour poser concrètement et de façon cohérente la perspective de pouvoir. La possibilité de l’alternative sociale qui peut seule dégager la voie dans le processus de démobilisation du mode de production capitaliste et la domination impérialiste.

EN DÉVELOPPANT LA RÉSISTANCE PROLÉTARIENNE, CONSTRUIRE LA PERSPECTIVE RÉVOLUTIONNAIRE À LA CRISE HISTORIQUE DU CAPITALISME !

EN CONSTRUIRE LES TERMES POLITICO-MILITAIRES NÉCESSAIRES

CONTRE LA CRISE ET L’IMPÉRIALISME, GUERRE DE CLASSE POUR LE COMMUNISME !

Davanzo Alfredo, Sisi Vincenzo
Militants pour le Parti Communiste Politico-Militaire
Siano, le 1er octobre 2011

  1. Les grands chantiers navals d’Etat.
  2. Grosse entreprise de sous-traitance pour les services municipaux : nettoyage, jardinage, manutention etc.
  3. Commune de la baie de Naples connue pour ses luttes contre un site l’enfouissement de déchets.

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