La religion a été la tentative, idéaliste, de formuler la totalité ; à ce titre la théologie ne doit pas être rejetée, mais absorbée. Ludwig Feuerbach explique ainsi :

« La philosophie la plus nouvelle est sortie de la théologie – elle est elle-même rien d’autre que la théologie dissoute et transformée en philosophie. »

Il a été dit que pour Ludwig Feuerbach, le protestantisme a joué un rôle progressiste dans le processus d’abaissement de « Dieu », pour le ramener à ce qu’il est : une vision qu’a l’humanité d’elle-même.

Regardons comment lui-même formule cela précisément, dans ses Principes pour la philosophie du futur, Ludwig Feuerbach y explique que :

« La tâche du nouveau temps a été le fait de rendre Dieu [à la fois] réel et humain – la transformation et la dissolution de la théologie en anthropologie.

La manière religieuse ou pratique de cette humanisation a été protestantisme. Le Dieu, qui est être humain, est le Dieu humain et donc : le Christ – celui-ci n’est que le Dieu du protestantisme.

Le protestantisme ne se soucie plus, à l’opposé du catholicisme, de ce qu’est Dieu lui-même, mais seulement de ce qu’il est pour l’être humain : il n’a donc pour cela plus de tendance spéculative ou contemplative, comme l’autre [le catholicisme] : il n’est plus théologie – il est essentiellement seulement christologie, c’est-à-dire une anthropologie religieuse. »

Principes pour la philosophie du futur

On comprend que le marxisme ait eu du mal à s’affirmer en France, pays catholique où la signification du protestantisme n’a pas été comprise ; le protestantisme a toujours été considéré comme une sorte d’ascétisme, une pratique sectaire, etc., et jamais comme l’affirmation de l’individu. Pour cela, le catholicisme a habilement joué sur la « confession » pour donner une marge de liberté hypocrite.

Car en effet le protestantisme met en avant la morale, la responsabilité individuelle. En ce sens, il est affirmation de la raison contrairement au catholicisme ou au judaïsme où les lois existent de manière écrite et il suffit de les suivre de manière passive, irrationnelle.

Mieux que le protestantisme, il y a la philosophie spéculative, qui rabaisse Dieu, et surtout donc qui amène la raison à être non pas concerné par « Dieu » et le mysticisme, mais par la réalité, la nature.

En supprimant Dieu, on ramène la raison sur terre, et donc à la connaissance de la réalité naturelle. L’être humain aboutit alors à lui-même. Karl Marx dit précisément la même chose dans les Manuscrits de 1844.

Voici ce que dit Karl Marx sur comment les humains ont inventé un Dieu « humain » :

« Si le produit du travail n’appartient pas à l’ouvrier, s’il est une puissance étrangère en face de lui, cela n’est possible que parce qu’il appartient à un autre homme en dehors de l’ouvrier.

Si son activité lui est un tourment, elle doit être la jouissance d’un autre et la joie de vivre pour un autre. Ce ne sont pas les dieux, ce n’est pas la nature, qui peuvent être cette puissance étrangère sur l’homme, c’est seulement l’homme lui-même.

Réfléchissons encore à la proposition précédente : le rapport de l’homme à lui-même n’est objectif, réel, pour lui que par son rapport à l’autre.

Si donc il se comporte à l’égard du produit de son travail, de son travail objectivé, comme à l’égard d’un objet étranger, hostile, puissant, indépendant de lui, il est à son égard dans un tel rapport qu’un autre homme qui lui est étranger, hostile, puissant, indépendant de lui, est le maître de cet objet.

S’il se comporte à l’égard de sa propre activité comme à l’égard d’une activité non-libre, il se comporte vis-à-vis d’elle comme vis-à-vis de l’activité au service d’un autre homme, sous sa domination, sa contrainte et son joug.

Toute aliénation de soi de l’homme à l’égard de soi-même et de la nature apparaît dans le rapport avec d’autres hommes, distincts de lui, dans lequel il se place lui-même et place la nature. C’est pourquoi l’aliénation religieuse de soi apparaît nécessairement dans le rapport du laïque au prêtre ou, comme il s’agit ici du monde intellectuel, à un médiateur, etc.

Dans le monde réel pratique, l’aliénation de soi ne peut apparaître que par le rapport réel pratique à l’égard d’autres hommes.

Le moyen grâce auquel s’opère l’aliénation est lui-même un moyen pratique. Par le travail aliéné, l’homme n’engendre donc pas seulement son rapport avec l’objet et l’acte de production en tant que puissances étrangères et qui lui sont hostiles ; il engendre aussi le rapport dans lequel d’autres hommes se trouvent à l’égard de sa production et de son produit et le rapport dans lequel il se trouve avec ces autres hommes.

De même qu’il fait de sa propre production sa propre privation de réalité, sa punition, et de son propre produit une perte, un produit qui ne lui appartient pas, de même il crée la domination de celui qui ne produit pas sur la production et sur le produit. De même qu’il se rend étrangère sa propre activité, de même il attribue en propre à l’étranger l’activité qui ne lui est pas propre. »

Manuscrits de 1844

Le mot d’ordre de Ludwig Feuerbach, et de Karl Marx, est donc le retour à l’être humain, à l’être humain naturel, comme le dit Karl Marx dans les Manuscrits de 1844 :

« La société est l’achèvement de l’unité essentielle de l’être humain avec la nature, la vraie résurrection de la nature, le naturalisme accompli de l’être humain et l’humanisme accompli de la nature. »


Revenir en haut de la page.