Les premiers humains vivaient dans des conditions très difficiles ; sortis de l’état de nature, ils affrontaient la faim, la soif, le froid. Leurs carences étaient inévitablement immenses, alors que l’agriculture et la domestication ne s’étaient pas suffisamment développées et leur cerveau en développement ressentait les chocs de la vie courante avec une immense amplitude.
Les délires provoqués par les carences étaient interprétés comme une attaque du « mal », des forces de l’obscurité, tout comme l’utilisation de drogues naturelles devait permettre de ressentir au maximum la joie, la lumière apportant la visibilité et la chaleur.
Toutes les religions primitives insistent pour cette raison sur l’opposition entre l’obscurité et la lumière, la mort et la vie, deux forces allant ensemble et en lutte ininterrompue.
Le Coran s’appuie sur le même schéma, très exactement ; il est parsemé d’opposition entre la lumière et l’obscurité. Les versets les plus représentatifs se trouvent dans la sourate Le Créateur :
19 L’aveugle et celui qui voit ne sont pas semblables,
20 ni les ténèbres et la lumière,
21 ni l’ombre et la chaleur ardente.
Néanmoins, on retrouve l’insistance sur le conflit obscurité-lumière dans toute l’œuvre ; voici des titres de sourates exprimant la perspective de Mahomet sur ce plan : « La caverne », « Les lumières », « L’étoile », « La lune », « Les constellations », « L’astre du soir », « L’aube », « Le soleil », « La nuit », « La clarté du jour », « L’aube naissante ».
Cette dernière sourate est très courte et parfaitement représentative :
1 Dis : « Je cherche protection auprès du Seigneur de l’aube naissante,
2 contre le mal des êtres qu’Il a créés,
3 contre le mal de l’obscurité quand elle s’approfondit,
4 contre le mal de celles qui soufflent [les sorcières] sur les nœuds,
5 et contre le mal de l’envieux quand il envie. »
L’approche est littéralement polythéiste-animiste. Il faut de l’aide pour ne pas être happé par l’obscurité, c’est-à-dire au sens le plus large toute la souffrance qu’a éprouvé l’humanité au début de son existence, alors qu’elle n’avait pas encore réussi à trouver les moyens de transformer suffisamment la réalité au moyen du travail.
On parle ici d’une période terriblement longue, où l’être humain n’est plus un animal, sans disposer pour autant de moyens de satisfaire à ses besoins. En fait, cette période ne cessera au sens strict qu’avec le communisme.
Mahomet formule une religion qui date, sur le plan idéologique, du mode de production féodal, sauf que lui-même vit au sein d’une mode de production esclavagiste, et encore, peu développé. C’est la contradiction au cœur de l’Islam.
D’où son discours conforme au polythéisme animiste, avec une « vie » interne de l’univers qui implique un conflit ininterrompu entre l’obscurité et la lumière.
Dans le monothéisme, on a déjà un mode de production esclavagiste avancé, mûr pour son effondrement et il n’y a plus la bataille pour la survie à travers les carences alimentaires au point d’avoir des individus délirants, des visions, etc., même si cela reste bien entendu à relativiser, car on sait comment le moyen-âge a connu des périodes de famine, d’hystérie collective, alors que de toutes façons les paysans vivaient misérablement, ce qui a totalement été oublié.
Mahomet veut le monothéisme ; il se situe dans une période donnée, mais entend vivre dans une autre période ; il valorise d’autant plus Dieu comme capable de résoudre le conflit obscurité-lumière typique des débuts de l’humanité.
On lit dans la sourate La lumière :
35. Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d’un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l’huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient. »
Mahomet explique que c’est grâce à Dieu que la lumière l’emporte et s’il est capable de le faire et d’être compris, c’est bien qu’il y en a la possibilité à la base chez les Arabes alors, au moins partiellement.
Si Mahomet est en mesure de prétendre que l’alternance des jours et des nuits est ordonnée, alors les Arabes ont dépassé la période si longue où l’humanité craignait que le soleil ne revienne pas.
Ce qui a accompagné et suivi historiquement cette peur, c’est l’astronomie : les peuples anciens ayant réussi à établir une civilisation se sont précipités dans l’observation des astres et de leurs mouvements, avec un travail acharné.
De la fascination pour le soleil et la peur qu’il ne revienne pas jusqu’à l’astronomie, il y a une immense étape, puis encore une immense étape jusqu’au monothéisme.
Et Mahomet part d’un point très en arrière pour aller très en avant, là est la clef du Coran ; il joue le rôle de catalyseur historique, d’où le jeu dans le Coran sur le soleil et la lune, et les étoiles.
Le polythéisme animiste consistait en la bataille permanente – au moyen des prières, des sacrifices – pour faire revenir la lumière, pour maintenir à distance relative l’obscurité. Et Mahomet vient annoncer que Dieu, le Dieu unique, Allah, est là pour maintenir la lumière.
On lit dans la sourate Ya-Sin :
36. Louange à Celui qui a créé tous les couples de ce que la terre fait pousser, d’eux-mêmes, et de ce qu’ils ne savent pas !
37. Et une preuve pour eux est la nuit. Nous en écorchons le jour et ils sont alors dans les ténèbres.
38. et le soleil court vers un gîte qui lui est assigné ; telle est la détermination du Tout-Puissant, de l’Omniscient.
39. Et la lune, Nous lui avons déterminé des phases jusqu’à ce qu’elle devienne comme la palme vieillie.
40. Le soleil ne peut rattraper la lune, ni la nuit devancer le jour ; et chacun vogue dans une orbite. »
La question n’est pas ici qu’en réalité le soleil ne trouve pas un « gîte » ou bien que la lune se rétrécisse réellement, ou encore que le soleil et la lune se courent après. Encore que cela est important, car on a ici des approches qui relèvent clairement du polythéisme animiste.
Ce qui compte ici comme aspect principal, c’est l’intérêt pour le soleil et la lune, exprimé comme inquiétude que le soleil ne revienne pas, avec Allah comme solution.
Pour en revenir à la question de l’astronomie, il y a même une sourate nommée Les constellations, c’est-à-dire les signes du zodiaque et commençant par :
1 Par le ciel aux constellations !
2 Et par le jour promis !
On est ici tellement dans un cadre polythéiste animiste que, de manière absurde, dans la sourate L’Évènement, Dieu… « jure » dans le Coran et le fait « par les positions des étoiles ».
68 Voyez-vous donc l’eau que vous buvez?
69 Est-ce vous qui l’avez fait descendre du nuage ? Ou [en] sommes Nous le descendeur?
70 Si Nous voulions, Nous la rendrions salée. Pourquoi n’êtes-vous donc pas reconnaissants?
71 Voyez-vous donc le feu que vous obtenez par frottement?
72 Est-ce vous qui avez créé son arbre ou [en] sommes Nous le Créateur?
73 Nous en avons fait un rappel (de l’Enfer), et un élément utile pour ceux qui en ont besoin.
74 Glorifie donc le nom de ton Seigneur, le Très Grand !
75 Non !.. Je jure par les positions des étoiles (dans le firmament).
76 Et c’est vraiment un serment solennel, si vous saviez.
77 Et c’est certainement un Coran noble,
78 dans un Livre bien gardé
79 que seuls les purifiés touchent ;
80 C’est une révélation de la part du Seigneur de l’Univers. »
Le Dieu du Coran est là pour rattraper le monothéisme, mais il n’est pas issu d’une situation donnant naissance de manière « naturelle » au monothéisme.