Les Peredvizhniki – les ambulants – forment un mouvement de peinture russe qui a joué un rôle capital pour l’avènement du réalisme socialiste. Les ambulants, des années 1860 à 1890, montraient leurs tableaux aux masses lors d’expositions itinérantes, avec une peinture orientée vers une représentation de la vie quotidienne du peuple (la narodnost en russe).
Voici deux tableaux de Nikolaï Alexeyevich Kasatkin (1859-1930) : La collecte du charbon, tout d’abord.
Voici Dans une famille ouvrière :
Ils étaient profondément marqués par la littérature russe démocratique, avec notamment Vissarion Belinsky (1811-1848) et Nikolaï Chernyshevsky (1828-1889) – le titre « Que faire ? » de l’ouvrage célèbre de Lénine est directement repris de l’ouvrage éponyme de Nikolaï Chernyshevsky, où l’on peut lire :
« Or, j’ai voulu représenter de simples honnêtes gens de la génération nouvelle, des gens comme j’en rencontre par centaines.
J’en ai pris trois : Vera Pavlovna, Lopoukhov et Kirsanov. Moi-même, je les tiens pour des gens ordinaires eux-mêmes aussi, et tous leurs amis, c’est-à-dire des gens comme eux.
Ai-je jamais parlé d’eux en d’autres termes ? Ai-je conté autre chose à leur sujet ? Je les ai dépeints avec affection et estime.
Mais leur ai-je jamais voué de la vénération ? Ai-je rien hasardé qui puisse le moins du monde faire croire que ce sont des êtres prodigieux et sublimes, que je n’imagine rien au-dessus d’eux, qu’ils sont pour moi un pur idéal ?
Je les fais agir en simples honnêtes gens de la génération nouvelle, pas d’avantage. Que font-ils qui sortent de l’ordinaire ?
Ils ne commettent pas de bassesses, ne sont pas des lâches, ont des idées simplement honnêtes, tâchent de s’y conformer dans leurs actes, sans plus ; que voilà de l’héroïsme à la vérité ! »
Voici La visite des pauvres, par Vladimir Yegorovich Makovsky (1846-1920):
Parmi ces peintres, Ilya Repine (1844-1930) sera mis en avant en URSS comme la plus grande figure, celui qui a pavé la voie au réalisme socialiste.
Voici des oeuvres d’Ilya Repine :
L’historien soviétique Aleksei Aleksandrovich Fedorov-Davydov dit d’Ilya Répine qu’il représente :
« le sommet du réalisme, du démocratisme et de la narodnost possibles dans l’art d’une société de classe.
La peinture de Surikov reflète la plus grande conquête de la culture du XIXe siècle avant le marxisme : l’historicité de la pensée.
Levitan dans le paysage et Serov dans le portrait ont épuisé les possibilités des genres en question. Seule la peinture du réalisme socialiste peut aller plus loin et plus haut qu’eux.»
Les « ambulants » sont d’une valeur extrêmement grande pour la culture mondiale ; elle montre le formidable niveau de la peinture russe dans la seconde partie du XIXe siècle. Il est significatif que la bourgeoisie n’ait jamais réussi à reconnaître la formidable valeur des ambulants, célébrant la seconde moitié du XIXe siècle uniquement du point de vue décadent.
Voici des tableaux de Vassily Maximovich Maximov (1844–1911) :
Lors de son discours au congrès des écrivains soviétiques en 1934, Maxime Gorki notait que le peuple avait produit nombre d’histoires, non écrites, au sujet de grandes figures, créatives et intuitives, prétextes à la rénovation de la vie.
Il cite des héros comme Hercule, Prométhée, Mikula Selyaninovich, Svyatogor, des figures comme Faust, Vasilisa, Ivan le simple, Petrouchka, etc., qui rentrent dans des histoires très vivantes, artistiquement achevées.
Il y oppose le roman picaresque, comme Lazarillo de Tormes ou Simplicissimus, les histoires célébrant les criminels et les bandits, comme Bel Ami de Maupassant ou Arsène Lupin. La bourgeoisie ne sait mettre en scène que des voleurs, des assassins et des agents de police.
On reconnaît bien le principe de montrer le peuple, de célébrer l’universel, et non pas des choses triviales. On voit alors comment les ambulants représentent un formidable apport.
Voici quelques autres tableaux de Kasatkin :
Voici d’autres tableaux des ambulants :