juan_negrin_1.jpgL’union UGT-CNT et le renforcement de l’unification des forces dans le régime républicain ne pouvaient pas aller sans contradictions, dont la première victime fut Francisco Largo Caballero. Son positionnement visant à placer le PSOE comme seul guide au-delà de la mêlée ne pouvait plus fonctionner après la crise de 1937, qui le voit être remplacé par Juan Negrín, également du PSOE.

Ce dernier était moins à gauche politiquement, mais il était un fervent partisan de l’unité républicaine, de l’unification des forces, de leur rationalisation.

Son nouveau gouvernement, en mai 1937, fut composé de trois membres du PSOE, deux de la Gauche Républicaine, un de la Gauche Républicaine de Catalogne, un du parti de l’Union Républicaine, deux du PCE, un du PSUC, un du Parti Nationaliste Basque, la CNT préférant rester à l’écart le temps en quelque sorte de « digérer » avant donc de revenir en avril 1938.

Ce gouvernement d’avril 1938 se composait comme suit : quatre ministres PSOE (Premier ministre ainsi que Défense nationale, État, Intérieur, Justice), un du PCE (Agriculture), un de la CNT (Santé publique et Éducation), trois de la Gauche Républicaine (Finances et Économie, Travaux publics et un sans portefeuille), un de la Gauche Républicaine de Catalogne (Travail et Assistance sociale), un du parti de l’Union Républicaine (Communications et Transports), un du Parti Nationaliste Basque (sans portefeuille).

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Cette disposition reflétait l’esprit d’union, dans un esprit républicain, avec en arrière-plan la CNT et l’UGT formant le noyau dur du régime, ce qui devait s’accompagner pour ces syndicats, bien sûr, d’une avancée sociale formidable lorsque la victoire serait atteinte. Le PCE était le fer de lance de cette opération de modernisation de la République, afin d’en faire un bastion imprenable.

Juan Negrín apparaissait ainsi comme celui qui tenta de sauver la mise coûte que coûte, en profitant de l’unification des forces politiques pour renforcer l’économie de guerre et se maintenir en considérant que la Seconde Guerre mondiale, qui ne pouvait être qu’imminente, modifierait les rapports de force ; la République sachant se maintenir, vaille que vaille, si l’Espagne n’avait plus le soutien germano-italien.

C’est la raison pour laquelle fut décidé le départ des Brigades Internationales, comme opération diplomatique internationale appelant au désengagement, et que son programme en Treize points, du 30 avril 1938, visait à l’unité la plus large et se voulait un programme d’accord faisant vaciller le camp de l’armée franquiste :

1. Assurer l’indépendance absolue et la totale intégrité de l’Espagne

2. Départ des troupes étrangères

3. République démocratique avec un gouvernement jouissant de toute l’autorité

4. Référendum pour déterminer la structure juridique et sociale de la République espagnole

5. Libertés régionales sans nuire à l’unité espagnole

6. Liberté de conscience et de culte garantie par l’état

7. Garantie de la propriété légitime et protection des moyens de production

8. Démocratie paysanne et abrogation de la propriété semi-féodale

9. Législation sociale qui garantit les droits du travailleur

10. Amélioration culturelle, physique et morale de la race

11. Armée au service de la nation, sans l’influence des partis

12. La guerre n’est plus considérée comme instrument de la politique nationale

13. Amnistie large pour les Espagnols qui veulent reconstruire et fortifier l’Espagne

L’armée de Franco, bien supérieure militairement, comptait toutefois aller jusqu’au bout ; Juan Negrín le savait et résumait par conséquent sa pensée ainsi :

« Continuer de se battre, parce qu’il n’y avait pas d’autres choix, même si vaincre n’était pas possible, sauver donc ce qui pouvait l’être – et au bout du compte notre respect de soi-même… Pourquoi continuer de résister ? Simplement parce que nous savions ce que la capitulation signifierait. »

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En décembre 1938, le gouvernement fut obligé de quitter Barcelone pour Gérone, puis pour Figueras, les troupes franquistes envahissant en deux mois la Catalogne, provoquant une fuite de 400.000 personnes vers la France.

Dans la foulée, la Grande-Bretagne et la France, qui avaient pratiqué un blocus maritime de « non-intervention », reconnurent le régime. Le maréchal Pétain devint le nouvel ambassadeur de France en Espagne et les accords Bérard-Jordana franco-espagnols furent mis en place, établissant une sorte de bon voisinage diplomatique.

L’esprit de capitulation prédomina alors dans le reste du territoire républicain. Julián Besteiro, un socialiste tentant d’amener les Britanniques à promouvoir une sorte de compromis, et le militaire Segismundo Casado, organisèrent une junte militaire afin de renverser le régime.

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Un Consejo de Defensa Nacional (Conseil de Défense National) fut érigé en mars 1939, appelant à la capitulation, ce que réfutaient Juan Negrín, tant qu’il n’y avait pas de garanties certaines, et bien sûr les communistes, qui furent alors les grandes cibles militaires du coup d’État, notamment à Madrid, où fut même exécuté Luis Barceló, dirigeant du premier corps d’armée du Centre.

Le coup de force réussit, au prix de 2000 morts, avec l’appui de la CNT (et notamment du militaire Cipriano Mera qui dirigea l’écrasement des communistes à Madrid), et de l’aile droite de l’UGT, nommant chef du gouvernement le général José Miaja. Mais Franco refusa quoique ce soit d’autre que la capitulation totale.

Le 1er avril 1939, Franco put ensuite annoncer la victoire finale, alors que furent exécutés 50.000 personnes dans la foulée, 500.000 autres étant emprisonnées.

Quant au coup d’État, il eut tout de même le mérite du point de vue franquiste de dédramatiser la fin de la République, de la transformer en capitulation politique.

Il est significatif sur ce plan que le cénétiste Cipriano Mera fut par la suite gracié et expulsé par le régime fasciste de Franco en 1946, qu’un bateau anglais amena José Miaja au Mexique avec sa famille, tandis que Segismundo Casado exilé en Amérique latine put revenir sans soucis en Espagne dès 1961, tentant même sans succès de réintégrer l’armée.

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