la_guerre_d_espagne_la_crise_de_1937_1.jpgAu début de l’année 1937, l’Espagne républicaine est sur la défensive ; elle a su défendre Madrid, elle profitait de l’aide de l’U.R.S.S. et des Brigades Internationales, mais l’initiative restait dans le camp du putsch de Fancisco Franco. Le 8 février, l’armée putschiste prenait ainsi l’importante ville de Málaga, pratiquant meurtres et viols en masse, au point d’horrifier l’armée italienne.

Lors de cette bataille, les milices, la plupart anarchistes, n’étaient pas réorganisées dans l’Armée Populaire Républicaine, et n’appliquaient pas des méthodes modernes : on ne trouvait ni tranchées, ni barrages. C’était un exemple, parmi tant d’autres, de l’esprit anarchiste refusant le centralisme et les grades, au profit de l’esprit milicien.

L’urgence de la situation accéléra le processus de maturation des contradictions. En avril, la ville de l’indépendance basque, Guernica, fut bombardée par la légion Condor ; elle est prise dans la foulée, tout comme rapidement après Bilbao. C’est ensuite l’Aragon qui tombe, puis la ville de Santander.

L’offensive républicaine pour soulager Madrid dans la bataille de Brunete échoua également ; les Brigades Internationales y virent un tiers de leurs membres tués, un autre tiers blessé ; au total, cette bataille causa la mort de 20 000 personnes du côté républicain (contre 17 000 chez les « nationaux »), avec la perte également de la moitié de l’aviation, pour un gain de 5 km. Le Nord-Ouest de l’Espagne, qui résistait encore, tomba finalement aussi.

Par contre, la bataille du Jarama, au prix du sang, se termina par un statu quo, empêchant Madrid d’être coupé du Nord-Est encore libre, ce à quoi contribua également la victoire dans la bataille de Guadalajara. L’armée putschiste se rapprocha cependant tellement de Valence, la nouvelle capitale, que le gouvernement républicain dut être évacué en novembre à Barcelone.

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Entre-temps, dans cette même ville, l’ultra-gauche avait profiter de l’atmosphère de tension pour réaliser un coup de force. Elle profita pour cela du fait que, afin de pacifier cette dernière ville et d’éviter les tensions internes multiples entre la CNT et la République pour le contrôle des patrouilles, la manifestation du premier mai fut annulée.

En l’absence d’esprit unitaire, la moindre étincelle pouvait provoquer des troubles, qui partirent effectivement, le lendemain, de la prise de contrôle du central téléphonique par les gardes d’assauts républicains en raison du refus fréquent des téléphonistes CNT de faire suivre les messages gouvernementaux, n’hésitant pas à interrompre même le président de la République, le ministre de la marine et de l’Armée de l’air, le président de la Généralité de la Catalogne.

La CNT répondit à la visite des gardes d’assaut par des coups de feu et dans la foulée, sur la principale place, des barricades sont érigées à l’initiative de l’ultra-gauche, composée principalement des « Amis de Durruti », du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, des « léninistes-bolcheviques » et des jeunesses anarchistes. Des affiches furent collées dans la ville, appelant à l’exécution des dirigeants socialistes et républicains, au nom de la révolution.

Dans les semaines qui précédèrent l’insurrection, les « Amis de Durruti » avaient collé des affiches avec cet appel :

« Agrupación de Los Amigos de Durruti. A la classe travailleuse :

la_guerre_d_espagne_la_crise_de_1937_3.jpg1 – Constitution immédiate d’une Junte révolutionnaire formée par les ouvriers de la ville, de la campagne et par les combattants.

2 – Salaire familial. Carte de rationnement. Direction de l’économie et contrôle de la distribution par les syndicats.

3 – Liquidation de la contre-révolution.

4 – Création d’une armée révolutionnaire.

5 – Contrôle absolu de l’ordre public par la classe travailleuse.

6 – Opposition ferme à tout armistice.

7 – Justice prolétarienne.

8 – Abolition des échanges de personnalité. [N.D.T. : Echange entre Franco et la République de prisonniers antifascistes contre des prisonniers fascistes.]

Travailleurs, attention ! Notre regroupement s’oppose à l’avancée de la contre-révolution. Les décrets sur l’ordre public, soutenus par Aiguadé, ne seront pas appliqués. Nous exigeons la liberté de Maroto et des autres camarades détenus.

Tout le pouvoir à la classe travailleuse. Tout le pouvoir économique aux syndicats.

Contre la Généralité, la Junte révolutionnaire. »

Voici le contenu d’un tract des « Amis de Durruti » du début de mai 1936 :

la_guerre_d_espagne_la_crise_de_1937_4.jpg« CNT – FAI Agrupación de Los Amigos de Durruti.

TRAVAILLEURS !

Une junte révolutionnaire. Exécution des coupables. Désarmement de tous les corps armés. Socialisation de l’économie. Dissolution des partis politiques qui ont agressé la classe des travailleurs.

Ne cédons pas la rue. La révolution avant tout. Nous saluons nos camarades du POUM qui ont fraternisé dans la rue avec nous.

VIVE LA REVOLUTION SOCIALE ! A BAS LA CONTRE-REVOLUTION ! »

Voici le texte d’un tract diffusé au même moment, dans le même esprit, par les bolcheviques-léninistes, c’est-à-dire les trotskystes :

« VIVE L’OFFENSIVE RÉVOLUTIONNAIRE ! Aucun compromis ! Désarmement de la Garde nationale républicaine et des gardes d’assaut réactionnaires.

C’est le moment décisif. Plus tard il sera trop tard.

Grève générale dans toutes les usines, sauf celles qui sont liées à la poursuite de la guerre, jusqu’à la démission du gouvernement réactionnaire.

Seul le pouvoir ouvrier peut assurer la victoire. Armement total de la classe ouvrière ! Vive l’unité d’action C.N.T.-F.A.I.-P.O.U.M. ! Vive le front révolutionnaire du prolétariat ! Comités de défense révolutionnaires dans les ateliers, les usines et les districts ! »

la_guerre_d_espagne_la_crise_de_1937_5.jpgCette ultra-gauche proposa à la CNT de renverser le régime, mais celle-ci refusa et appela à cesser tout combat, alors que le PCE fut aux premières loges pour s’affronter militairement au coup de force.

Finalement, la République parvint à pacifier les rues, au moyen de 6000 gardes d’assaut, dont une partie importante était anarchiste, saluant le drapeau noir et rouge de la CNT en passant devant son siège, alors que l’aviation annonce aux 28e division, ancienne colonne Ascaso, et 29e division du POUM qu’elles seront bombardées si elles continuent leur marche sur Madrid. La tentative de coup d’État aura fait 500 morts.

Les « Amis de Durruti » furent en conséquence exclus de la CNT. C’était un symbole déchirant pour la CNT : Buenaventura Durruti avait été la grande figure insurrectionnelle de la CNT, la grande figure de l’idéologie des milices, lui-même avait été tué à Madrid en 1936, reparti au combat alors que sa colonne avait été pratiquement anéantie quelques jours auparavant, 400 personnes survivant sur 3000.

Le groupe des « Amis de Durruti », rassemblant plusieurs milliers de personnes, possédait une véritable légitimité anarchiste, sa ligne étant celle de la CNT historiquement.

Voici ce que les « Amis de Durruti » reprochaient à la CNT, dans leur organe El Amigo del Pueblo (l’ami du peuple), en février 1938 :

« Lorsqu’une organisation a passé toute sa vie à défendre la révolution sociale, elle a l’obligation de la faire lorsque précisément l’occasion s’en présente. En juillet, la conjoncture y était favorable. La CNT devait se jucher jusqu’au sommet de la direction du pays, en donnant des coups de pieds qui en auraient fini avec tout ce qui était archaïque, avec tout ce qui était vétuste, et ainsi nous aurions gagné la guerre et nous aurions gagné la révolution.

Mais c’est tout le contraire qui se produisit. C’est la collaboration avec la bourgeoisie dans les sphères étatiques qui fut choisie, au moment précis où l’État éclatait en mille morceaux. »

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C’était là un idéalisme le plus complet. Inversement, en choisissant de ne pas renverser la République, la CNT montrait qu’elle avait rompu avec sa perspective insurrectionnelle et compris la nature du nouveau régime, allant dans le sens de l’unification des forces révolutionnaires.

Quant au Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (Partido Obrero de Unificación Marxista), sa tentative d’appuyer les « Amis de Durruti » tant militairement que politiquement, ou encore pratiquement avec leur imprimerie, lui coûta très cher.

Dirigé par un ancien secrétaire national de la CNT, Andreu Nin qui fut retrouvé exécuté, le POUM a été la cible d’une offensive tout azimut de la part du PCE.

Aux yeux du PCE, la tentative d’insurrection à Barcelone montrait que le POUM était une cinquième colonne, terme utilisé par les franquistes pour désigner leurs partisans clandestins au sein du territoire républicain. Le PCE fit pression et obtient que le POUM, dont le positionnement était en fin de compte anti-antifasciste, dans l’esprit trotskyste, soit interdit pour ses activités anti-républicaines ; fort de quelques milliers de membres, il n’existait en tant que tel qu’en Catalogne.

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