1) LA OU LE BAT BLESSE L’ENNEMI

On a dit qu’au-delà des vicissitudes politiques normales, chaque mode de production – despotisme oriental, esclavagisme, féodalisme, capitalisme, socialisme – entraîne un système logique qui, plus ou moins implicitement, doit se retrouver dans chaque structure sociale.

Dans le capitalisme contemporain, l’activité productrice reste le principal facteur qui détermine la vie sociale mais elle est de plus en plus contrôlée par les appareils de l’Etat au service, aujourd’hui plus que jamais, des classes dominantes.

Le fait que la logique politique conditionne la logique économique (il n’existe pourtant pas de préjudices pour les conditionnements que celle-ci a sur celle-là et, par conséquent pour la relation dialectique entre ces deux logiques) détermine de plus en plus le comportement des classes dominantes. Il existe peu d’endroits où cette règle, applicable universellement, soit tant en vigueur que dans l’Etat espagnol.

Le fait que la logique économique dépende de la logique politique a été l’un des éléments caractéristiques de l’ère franquiste, surtout dans les moments critiques du régime. Et non seulement il n’a pas diminué après la mort du dictateur mais encore il a acquis une nouvelle force.

Il suffit de rappeler le retard avec lequel le gouvernement espagnol de la Monarchie commence à adopter des mesures pour faire front à la crise économique et comment des accords politiques précèdent ces mesures afin de garantir l’ordre public que ces mesures exigeaient (pactes de la Moncloa ; accords entre le Gouvernement, la CEOE et les syndicats ; etc.…)

Mais si l’importance de la politique est évidente dans l’ensemble de l’Etat espagnol, en ce qui concerne l’Euskadi elle atteint des dimensions exceptionnelles. En Euskadi Sud on peut dire sans exagérer que tout est subordonné à la logique politique : la guerre que le Mouvement Basque de Libération Nationale mène contre l’Etat, a exigé de la part des différents gouvernements de la Monarchie, qu’ils sacrifient des objectifs chers aux classes dominantes, au nom de la victoire contre l’avant-garde de ce mouvement, la gauche abertzale et, en particulier, son bras armé, notre organisation.

Ce sacrifice constant de la logique économique capitaliste a des conséquences si extraordinairement coûteuses que, pour y remédier, le Gouvernement n’épargne aucun moyen pour nous détruire, puisque nous constituons l’obstacle le plus important pour que « la rationalité capitaliste » puisse récupérer ses privilèges. Cependant la politique gouvernementale n’a rien fait d’autre que d’augmenter l’exaspération du bloc dominant, parce que la prolongation et l’intensification de la répression, non seulement ne donnent pas le résultat escompté -notre anéantissement- mais encore elles font courir de plus en plus de risques au cadre politique que ces classes dominantes se sont donné afin de continuer à profiter du pouvoir.

L’affirmation que ce cadre politique est une démocratie formelle sous la forme d’une Monarchie constitutionnelle, est réfutée journellement par le comportement clairement antidémocratique des gouvernements espagnols successifs qui mènent à bien des actions répressives contre l’ensemble du Peuple Basque, en particulier la torture qui occupe une place d’honneur.

En ce sens, la politique répressive contre le Peuple Basque met en doute d’une part la crédibilité de la jeune démocratie espagnole et sa longévité (c’est un fait de plus en plus évident), d’autre part les options globales que le Bloc au Pouvoir avait prévues, à la mort de Franco, pour tout l’Etat espagnol.

Jusqu’à quand le Gouvernement espagnol pourra-t-il maintenir sa politique actuelle en Euskadi Sud ? Ce n’est pas facile à dire. Cependant, il existe suffisamment de données pour comprendre que, prochainement, le Gouvernement espagnol va se voir dans l’obligation de prendre une autre direction en ce qui concerne l’Euskadi Sud.

Certaines de ces données sont bien connues de tous et leur « timing » aussi. D’autres, par contre, sont moins connues mais n’en sont pas moins exactes. Parmi ces données, connues, nous pourrions souligner celle qui se réfère à l’entrée de l’Etat espagnol dans la CEE prévue pour le 1er Janvier 1986. Il y a tout lieu de penser qu’alors le « contentieux basque » devra être résolu, surtout en ce qui concerne l’affrontement armé.

Il est difficile d’imaginer que la situation actuelle puisse durer après cette date : en effet d’une part la répression espagnole exige une coopération de plus en plus importante de la part des organismes de répression de l’Etat français, d’autre part la libre circulation des hommes et des idées va être alors déclaré officiellement. Pourtant la principale frontière de l’Etat espagnol avec la CEE est continuellement soumise à des opérations de filtrage et à des fermetures intolérables (l’exemple de l’Irlande du Nord n’est donc pas comparable.

Les élections générales qui vont avoir lieu en 1986 dans les Etats espagnol et français constituent une autre donnée connue. Surtout dans le cas espagnol, le PSOE a absolument besoin de trouver une solution au problème basque pour résoudre son futur programme électoral puisque ce serait pratiquement le seul « succès » qu’il pourrait faire valoir à l’électorat, étant donné les résultats de sa politique sociale.

Dans le cas français le thème basque, sans être aussi crucial, va également jouer un rôle important dans le schéma électoral du parti socialiste qui a tout intérêt à résoudre ce problème. En effet, il est actuellement impliqué dans l’action de répression du Gouvernement espagnol, c’est indéniable et c’est potentiellement fort préoccupant. L’immense crispation des groupes de pression de l’Etat espagnol est également bien connue, bien qu’elle n’ait pas de limite dans le temps.

Les oligarques et les banquiers, les chefs d’entreprise et les bureaucrates, les militaires, la garde civile, la police, la hiérarchie ecclésiastique ne peuvent profiter tranquillement de leur pouvoir par crainte d’être l’objet d’un attentat de la part de notre organisation ou de l’inexorable avertissement de notre impôt révolutionnaire.

De nos jours, cette situation est d’autant plus pénible que les classes dominantes n’ont jamais eu l’occasion de trouver un prolétariat si docile et, à cause de notre action armée, elles manquent de la tranquillité nécessaire pour profiter des innombrables privilèges qui sont le propre de leur puissance. Le besoin de mettre fin à cette situation « incommode », une fois pour toutes, est un problème qui, sans aucun doute, limite de plus en plus le champ d’action du Gouvernement espagnol.

Une autre donnée qui, sans aucun doute, incite le bloc dominant espagnol à parvenir à une solution du problème basque, c’est celle que l’on pourrait appeler « l’effet d’imitation » qui peut dériver – et qui en fait dérive comme quelques indices le montrent, de certaines déclarations de leaders politiques de premier ordre – de la lutte que le MVLN mène contre les ennemis du Peuple Travailleur Basque.

Chaque fois, par exemple, qu’un des secteurs du MVLN « touche » les militaires, la couronne ou un oligarque connu, il se produit une avalanche de déclarations précipitées, confuses et parfois contradictoires en défense du pouvoir affecté, de la part de ceux qui feignent le consensus de la démocratie-cirque-monarchique-franquiste. Ces déclarations en général, mettent en évidence la nature réelle des relations de pouvoir du régime politique actuel, qui n’est autre en substance que celle que nous avons tous connu sous la dictature du Général Franco.

Notre guerre contre les pouvoirs réels de l’Etat, considérés dans leur ensemble, et les succès que nos objectifs tactiques supposent chaque fois qu’ils sont menés à bien, possèdent un indéniable contenu idéologique qui rompt précisément le monopole idéologique créé par les forces qui défendent le consensus.

Il est bien connu que le système idéologique dominant tend à faire en sorte que chaque individu soit introduit au sein de ce système pour mettre en pratique ce qu’on lui prêche. Ainsi, l’individu, se trouve immergé dans un environnement d’évidence tel que son propre discours – ce dont il parle et ce qu’il « connaît » – ne fait allusion qu’à ce qui est le lieu commun de « tout le monde ».

Plus les discours que l’on prononce sont homogènes et moins il existe de différences entre eux et plus l’idéologie dominante est efficace. Il n’existe alors aucun doute sur l’essentiel. Une fois ce résultat obtenu, les contenus de l’idéologie dominante sont normaux et assimilables par tous les individus, puisqu’il ne s’agit plus d’opinions ni de façons de penser sinon de certitudes.

Notre action met donc en question ce schéma idéologique dominant, de même que la fragilité de ce consensus et ses contradictions internes. Certains secteurs des classes populaires des différentes nations de l’Etat espagnol, étant donné la situation d’exploitation extrême où ils se trouvent, peuvent être sensibles (malgré le contrôle idéologique des appareils de l’Etat, des partis et des syndicats) à l’alternative d’espoir que la lutte du Peuple Travailleur Basque incarne. En effet ils peuvent découvrir, par notre exemple, qu’ils n’ont que trop de raisons pour se rebeller et lutter contre ceux qui les oppriment en tant que nation et en tant que classe.

Le Gouvernement espagnol n’est pas du tout sûr que les bases des partis ni même les syndicats qui appuient le consensus actuel de la démocratie-cirque-monarchique-franquiste, soient à l’abri de notre influence bénéfique. Il a donc besoin de trouver un moyen urgent de mettre fin le plus tôt possible à notre dangereux exemple, d’autant plus que l’impopularité des mesures que le Gouvernement est en train d’adopter et qu’il adoptera au cours des mois à venir, ne vont que faire augmenter le risque de l’ « effet d’imitation » de nos actions.

Enfin, il faut tenir compte d’un autre élément, uni cependant au précédent : le fait que le Gouvernement basque s’éloigne progressivement et de façon tout à fait significative du Gouvernement espagnol. Toutes les forces politiques espagnoles accusent constamment l’exécutif politique du PNV d’ambiguïté (pour des raisons, bien sûr, radicalement contraires à celles que nous critiquons).

Elles ont ainsi mis en évidence une réalité incontestable : d’une part, que le PNV peut continuer à être écouté par le peuple basque tant qu’il ne renonce pas explicitement à l’indépendance de l’Euskadi même si son action quotidienne est aussi espagnoliste que celle du PSOE lui-même. D’autre part, et en complément de ce qui précède, que le bloc au pouvoir et le Gouvernement espagnol vont continuer à accepter les manifestations conjoncturelles de nationalisme basque du Gouvernement basque ou du PNV parce que l’un et l’autre ont un rôle indispensable en tant que médiateur en Euskadi pour la défense des intérêts du Bloc au pouvoir.

Cependant le terrorisme d’Etat en Euskadi est en train d’atteindre un niveau tel qu’il met le PNV dans des positions de plus en plus insupportables face à ses propres bases, ce qui l’oblige inévitablement à prendre ses distances en ce qui concerne la politique du Gouvernement du PSOE. Ce fait apparut déjà dans toute son évidence lors de la discussion au sein du Parlement espagnol, sur les nouvelles mesures « antiterroristes ».

Par la suite, la demande d’extradition faite au Gouvernement français, de par la protestation généralisée qu’elle provoqua dans toute l’Euskal Herria, obligea le PNV à prendre encore davantage ses distances vis à vis du consensus général espagnol.

L’important dans cet éloignement progressif, ce n’est pas tant le fait que les contradictions entre le PNV et les forces politiques espagnoles se sont aggravées mais plutôt ( comme nous l’avons signalé précédemment) le fait qu’une profonde brèche se soit ouverte dans la monolithique idéologie dominante, au moment précis où la lutte contre l’ETA s’organisait de plus en plus, de préférence, sur le front idéologique(nous n’avons pas à donner des preuves de cette préférence tant elle est évidente).

Le fait que le schéma idéologique officiel (dominant) tombe de nouveau en morceaux, c’est là un échec que le Gouvernement espagnol peut difficilement surmonter à court terme. Ce sont là les inconvénients de la lutte sur le plan idéologique : on ne peut pas improviser du jour au lendemain.

La crédibilité exige du temps et, même si le Gouvernement espagnol essaie de restaurer le monolithe idéologique, ça ne lui servira à rien, du moins en Euskadi : comme d’habitude, il manquera des pièces au puzzle. Et quand nous disons que la crédibilité ne s’improvise pas, nous savons bien ce que nous disons. Il suffit pour cela d’examiner les déclarations des partis politiques espagnols et de leurs leaders, de comparer ce qu’ils disent maintenant et ce qu’ils disaient il y a quelques années, de consulter les journaux et les revues et de les confronter.

Nous connaissons tous les résultats : contradictions, mensonges, cynisme et insolence. Et tous finissent par accepter ce que le franquisme disait des Basques : c’est pourquoi ils sont maintenant au pouvoir. Mais nous, par contre, nous avons toujours défendu la vérité de l’Euskadi – celle de la lutte pour sa libération nationale et sociale – nous avons toujours été cohérents dans ce que nous avons dit, nous n’avons jamais trompé notre peuple même si cela impliquait parfois le sacrifice de nos meilleurs militants.

C’est pourquoi la crédibilité de notre lutte est capable de détruire les appareils d’intoxication idéologique de l’Etat espagnol, des partis politiques et des syndicats, de l’Eglise espagnole et de tous leurs complices internationaux.

2) LA GAUCHE ABERTZALE : SON COMPORTEMENT PROPRE DU TIERS-MONDE

Parmi toutes les étiquettes que les courants politiques du consensus attribuent, afin de les discréditer, à la gauche abertzale, en particulier à notre organisation, il en existe une qui a atteint une importance toute particulière. Ils prétendent ainsi démontrer, semble-t-il, ce dont on nous accuse systématiquement : le manque le plus absolu de rationalité dans notre projet politique. De par sa situation dans le contexte géographique et économique européen, l’Euskadi est un pays développé. Pour expliquer notre lutte, il serait donc, par définition, absurde et insoutenable de prétendre que notre lutte est le propre d’un pays du Tiers-Monde.

De telles critiques sont particulièrement superficielles – et pourtant, on les rabâche constamment et elles passent sous silence une réalité qui est la base de la vie quotidienne du peuple basque. Au-delà de notre solidarité et de notre sympathie pour les pays du prétendu Tiers-Monde notre concordance de vue en ce qui concerne la lutte qu’ils mènent pour leur libération, répond, en fin de compte, à la même exigence de vie en liberté.

C’est de nos jours un lieu commun que de reconnaître qu’au sein du système capitaliste, le potentiel révolutionnaire le plus important réside dans la périphérie du système – dans ce que nous désignons par Tiers-Monde – et non pas dans les pays au capitalisme avancé.

Et ce pour une raison bien simple : parce que dans la majeure partie de la population de ces pays, on retrouve les traits caractéristiques du prolétariat en tant que classe révolutionnaire, tel que le décrivait Marx eu XIXème siècle : « Les conditions de vie du prolétariat concentrent toutes les conditions inhumaines de la société moderne puisque l’être humain se perd dans le prolétariat. Il acquiert cependant une conscience théorique de ce qu’il perd qui l’incite inexorablement… à se soulever contre cette inhumanité » (Marx-Engels « La Sainte Famille »).

En effet, dans les pays dits du Tiers Monde, il est refusé à la grande majorité des habitants, la moindre dignité humaine et c’est ce refus essentiel qui détermine leur propre potentiel révolutionnaire face à ceux qui opposent ce refus : le capitalisme impérialiste du centre du système et les minorités dominantes de sa périphérie (le Bloc des classes au pouvoir qui, dans chaque pays du Tiers Monde sert les intérêts de l’impérialisme). Il est exact que la position géographique de l’Euskadi ainsi que sa structure économique nous éloignent de ce que nous pourrions considérer comme un modèle de pays du Tiers Monde: cependant, si l’on analyse précisément ce qui caractérise le potentiel révolutionnaire des pays du Tiers Monde, on découvre un certain nombre d’éléments que l’on retrouve aussi dans notre réalité quotidienne.

D’abord, il existe en Euskadi ce même refus fondamental : le peuple basque n’est pas reconnu en tant que tel. De plus, il se « perd » dans les nations espagnole et française. On lui refuse sa propre existence. Il est, par la force, espagnol ou français.

Il existe une autre analogie avec les pays du Tiers Monde : les droits les plus élémentaires de la personne y sont refusés systématiquement alors que les principes et les normes du monde capitaliste « du monde libre » consacrent et garantissent ces droits pour tous ses citoyens et les mettent en pratique de façon de plus en plus relative dans les métropoles du système comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne Fédérale, l’Italie, etc…

Or en Euskadi le peuple basque revendique sa condition de peuple différent, distinct de l’espagnol et du français et les Etats dominateurs lui refusent les droits et les garanties dont il devrait jouir en tant que «basque-espagnol» et «basque-français» en accord avec ses propres normes et ses propres principes. Le refus de ces droits est d’autant plus catégorique que la lutte pour la défense de la personnalité basque est plus acharnée.

En Iparralde (Euskadi Nord) c’est ce niveau inférieur de lutte qui fait que la répression contre le mouvement abertzale soit moins sauvage qu’en Hegoalde (Euskadi Sud). Bien sûr, il s’y ajoute d’autres raisons. Ajoutons une autre similitude avec les Pays du Tiers Monde : le caractère périphérique de l’Euskadi, par rapport à ses métropoles espagnole et française, non seulement du point de vue géographique, sinon surtout à cause de l’impossibilité dans laquelle se trouve cette périphérie d’intervenir dans les décisions de la métropole autrement que par la contestation la plus radicale de l’ordre établi.

La situation en Euskadi Sud, en ce sens, constitue un exemple: les élections successives (réalisées, par ailleurs, dans des conditions particulièrement hostiles pour les courants « abertzales» ) apportent chaque fois la preuve que plus des deux tiers des habitants de l’Euskadi Sud se trouvent dans le spectre nationaliste basque. Pourtant toutes les décisions essentielles pour la vie du Pays sont adoptées par des Gouvernements espagnols absolument minoritaires en Euskadi Sud.

Finalement, les Pays du Tiers Monde, au cours de leurs récentes expériences historiques, ont mis en évidence deux faits : d’abord les facteurs économiques bien qu’essentiels, n’ont pourtant pas été l’élément déterminant de leur processus révolutionnaire. Ensuite la conscience et la lutte révolutionnaire ont joué et jouent encore un rôle primordial dans le mouvement de transformation sociale de ces dernières années.

Il en est de même en Euskadi où les facteurs économiques – même s’ils contribuent à l’accélération ou à la décélération du processus – perdent de leur importance devant la progression inexorable de la conscience nationale. C’est pourquoi l’insoumission radicale et l’insubordination que les couches populaires de l’Euskadi Sud opposent aux objectifs des classes dominantes, mettent en évidence les aspects propres au Tiers Monde de la lutte du Mouvement Basque de Libération Nationale en vue de la création d’un nouvel ordre socio-économique.

Comme chacun le sait, le nouvel ordre international de l’économie affecte directement les secteurs de base de l’économie de l’Euskadi Sud, tels que la sidérurgie et les chantiers navals. Les centres financiers internationaux ont imposé leur loi et les secteurs économiques de base, antérieurement cités, doivent être transférés vers la périphérie du système (les pays du Tiers Monde) où il existe encore une main d’œuvre bon marché et les organisations sociales qui n’ont même pas connu les prémices du bien-être (sécurité sociale, assistance sociale et médicale, éducation gratuite, etc…), ce qui rend les investissements dans ces pays particulièrement rentables. Les Etats du centre du système capitaliste doivent donc mettre l’accent sur le maintien de l’ordre public et par conséquent renforcer leurs systèmes de répression, et tout à la fois socialiser les pertes des secteurs reconvertis.

Dans ce contexte d’instabilité de l’emploi, les classes dominantes de l’Etat espagnol, qui sont de plus en plus liées aux grandes entreprises internationales, ont un besoin urgent d’adapter la structure économique de l’Etat espagnol aux critères du nouvel ordre économique. Le marché exige la flexibilité du personnel, la liberté d’embauche, la suppression de la concurrence illégale du secteur public, etc.… ; en un mot : la mobilité des facteurs de production dans un « marché libre », où le capital détermine à tout moment les options qui lui conviennent le mieux.

Et les options en Euskadi Sud, nous les connaissons déjà : d’abord démantèlement des secteurs de base de l’industrie basque (sidérurgie, construction navale, machine-outil, électroménager etc…), ensuite reconversion de ces secteurs et création de nouvelles industries, qui se traduit par une augmentation de la consommation d’énergie − et par contre, par une création dérisoire d’emplois et, par une contamination bien souvent très importante.

Pour combattre ces projets, le MVLN a mené à bien des mobilisations, des occupations, des grèves et d’autres sortes de luttes. Nervacero, Cackole Wilkoks, General Electrica, Altos Homos, Olarra, Echevarria, Fabrelec, Sagardui, Potasas de Navarra, Firestone, Dunlop, Euskalduna et bien d’autres sont la preuve de cet interminable chapelet de luttes contre les plans de la Patronale et du Gouvernement espagnol que le Peuple Travailleur Basque (P.T.V.) égrène au prix d’un énorme sacrifice.

Parmi ces multiples fronts de lutte, il en existe un que nous voulons mettre ici en évidence pour illustrer la dureté de notre combat. Il s’agit, bien sûr, de la Centrale Nucléaire de Lemoiz. Le front anti-nucléaire constitue un exemple qui nous permet de comprendre et de valoriser la lutte que mène le P. T.V. Dès l’apparition du problème nucléaire en Euskadi, tout un processus de prise de conscience est mis en marche, qui va aboutir à des mobilisations massives.

L’ordre établi va répondre à la mobilisation populaire, d’une part par des mesures directement répressives, d’autre part par une campagne d’intoxication qui va de la «démonstration» du besoin incontestable de la Centrale de Lemoiz (sans énergie nucléaire le progrès n’existe pas, sans Lemoiz nous reviendrons à l’âge de la chandelle, etc …), aux tentatives de «récupération» de la lutte populaire (pour ce faire, ils dénoncent la façon dont le projet de Lemoiz a été mené à bien et constatent tout à la fois que l’économie de l’Euskadi doit nécessairement rentabiliser ces énormes investissements) en proposant même des options «démocratiques» ( contrôle public basque de la Centrale, Référendum, etc… ).

Le P.T.V. tout au long d’une décade, est parvenu à surmonter à la fois les mesures répressives et celles d’intoxication, bien que le PNV ait été le principal instigateur de ces mesures. La progression de la lutte contre la Centrale de Lemoiz a obligé l’ennemi à montrer son étroitesse d’esprit et à utiliser sans aucune réserve toute la violence dont le terrorisme institutionnel est capable, dès que le secteur armé du MVLN commence à intervenir dans le thème de Lemoiz.

Les attaques lancées contre les intérêts de l’Entreprise lberduero sont utilisées par le Pouvoir et ses collaborateurs (qui sont pour la plupart des progressistes de pacotille et qui renoncent à la lutte anti-nucléaire « à cause de l’intervention de l’ETA ») pour faire « bras de fer » à notre Organisation, dans une course contre la montre afin de mettre immédiatement en marche la Centrale et de profiter des conséquences inéluctables du fait accompli.

Le Bloc au pouvoir, représenté ici par l’Entreprise lberduero, n’hésite pas à condamner à mort des cadres supérieurs, sûr qu’il était que le sacrifice de ces vies allait isoler notre organisation de sa base populaire.

Le sacrifice de ces vies, dans le cas précis de la Centrale de Lemoiz, s’inscrit dans la ligne constante de notre lutte de libération nationale: chaque conquête du Peuple Basque, sur le chemin de sa libération nationale, a été précédée par d’énormes sacrifices humains, non seulement de la part de nos meilleurs combattants -morts, invalides, torturés, emprisonnés, exilés bu frappés brutalement dans les rues de n’importe quelle ville basque – mais encore de la part de cette énorme multitude de personnes qui, assumant les tâches les plus dégradantes en échange d’un salaire, deviennent la chair à canon de la répression du Pouvoir.

La phrase de Fraga Iribarne, Ministre de l’Intérieur : « Ils passeront sur mon cadavre avant que de hisser la ikurrina », reflète magistralement comment le Pouvoir se moque des agents de police et des « gardes civils » tombés pour empêcher une conquête populaire si élémentaire que celle de l’Ikurrina qui, de nos jours, est reconnue constitutionnellement par ce pouvoir. Combien d’agents, combien de gardes civils et d’indicateurs de police doivent encore tomber pour que les droits essentiels de notre peuple – résumés dans l’alternative KAS – puissent être reconnus au sein de la légalité espagnole ?


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