[Le document rejette la ligne du « Front anti-impérialiste » prôné par la RAF, les BR-PCC et Action Directe.]

Il serait absurde de ne considérer le problème qui se pose au mouvement révolutionnaire européen, à savoir l’existence de deux courants divergents en son sein, qu’en termes de « nécessité ou non du Parti », ou de l’envisager seulement sous l’angle d’une adhésion ou non-adhésion à une « mode » qui serait celle de la reconstruction du Parti Communiste, le Parti de la classe ouvrière.

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Car, au fond, il s’agit de divergences considérables dans l’appréciation du caractère de la révolution en Europe, de l’internationalisme prolétarien, de l’organisation politique des masses, du rôle et des objectifs de la lutte armée de guérilla, de la stratégie et de la tactique, etc.

Dans ce document, nous nous proposons d’examiner du mieux possible les racines économiques et les origines de classe de la politique que poursuivent les « anti-impérialistes », de leurs idées et concepts de base, et enfin, la relation existant entre leur « projet » politique, leur tactique et leur stratégie, et les événements historiques les plus récents qui se sont déroulés en Europe, particulièrement les événements en rapport avec le mouvement ouvrier et communiste.

Cet examen nous permettra de démontrer que les « anti-impérialistes » n’ont pas de programme politique communiste, que toute leur tactique repose sur l’activité « anti-impérialiste », anti-USA, anti- OTAN, et que leurs objectifs et positions idéologiques, au lieu de représenter ceux de la classe ouvrière, correspondent plutôt aux positions de classe d’importants secteurs de la petite-bourgeoisie.

Devant la progression des monopoles des multinationales et l’extension de leur domination à tous les secteurs et groupes sociaux bourgeois, ces mêmes secteurs ont vu s’amenuiser leurs anciens privilèges et leur influence dans la société, et se trouvent souvent ruinés et dépossédés, ce qui explique fort bien leur radicalisme.

C’est le phénomène connu de la prolétarisation des couches basses de la petite-bourgeoisie, des couches qui subissent, de façon caractéristique, une forte pression des monopoles.

Il est indéniable que le mouvement gauchiste fortement radicalisé – et, au fond, réformiste – garde d’importants liens idéologiques avec ces couches en voie de prolétarisation et – si l’on veut être francs – que leur proposition « d’unité » anti-impérialiste et leur concept d’attaque contre l’Etat, contre les secteurs de pointe des monopoles et contre l’OTAN, sont fortement liés à ce processus de prolétarisation.

Un des plus importants succès du mouvement de guérilla apparu au début des années 70 en Europe est celui d’avoir brisé la fausse paix bourgeoise-réformiste des institutions capitalistes européennes, et d’avoir ainsi attiré l’attention des masses sur la perspective révolutionnaire.

Mais quelques groupes, trop obnubilés par les succès remportés par l’activité de guérilla, continuent leurs activités comme si rien n’avait changé depuis ce temps.

Ils ne considèrent pas plus qu’aujourd’hui, on ne peut ajourner l’accomplissement de tâches révolutionnaires historiquement abandonnées, qu’il faut intégrer l’activité de guérilla dans l’important mouvement politique, militaire et organisationnel qui naît et s’étend partout.

Il est vrai que, comme les événements l’ont démontré dans la période qui va du début des années 70 aux années 80, cette forme-là d’activité armée s’imposait, en grande partie, comme le moyen de faire de la politique révolutionnaire dans les pays impérialistes.

Mais aujourd’hui, les conditions ont suffisamment mûri, et si nous poursuivions la lutte de la même manière, nous poursuivrions, de façon injustifiée, une pratique unilatérale et même préjudiciable pour le mouvement révolutionnaire européen.

Pour sortir de cette impasse, il faut réunifier les forces révolutionnaires sur la base du marxisme-léninisme, commencer à élaborer le programme prolétarien de la révolution socialiste et édifier un Parti léniniste solide et de haute cohésion idéologique.

Il est certain qu’avec une vision politique et militaire plus large, basée sur une position de classe prolétarienne, et fonction des objectifs – des plus immédiats aux plus lointains – qu’impose au prolétariat la révolution socialiste, nous pourrons plus adroitement définir nos tâches politiques et militaires.

La tâche politique la plus immédiate est celle qui concerne le renforcement du Parti Communiste et l’élaboration du Programme Minimum de la révolution socialiste, l’organisation et l’éducation des ouvriers aux idées communistes, la dénonciation de la politique de la bourgeoisie et de ses alliés réformistes et révisionnistes, etc.

Dans le domaine militaire, il faudra nous concentrer autour des tâches concernant la formation d’une petite armée de combattants prolétaires qui apprennent à maîtriser l’art de la guerre populaire prolongée et les techniques militaires modernes ainsi qu’à synthétiser, dans des tâches militaires, la ligne politique du mouvement politique de résistance, etc.

Bien que nous nous trouvions dans la première phase de la guerre révolutionnaire, nous ne devons pas oublier que nos objectifs à plus long terme sont l’insurrection populaire et l’armement du peuple.

Actuellement, étant donné le rapport de force, la direction de la guérilla doit sélectionner rigoureusement et adroitement ses activités militaires de telle sorte qu’elles facilitent l’accumulation de forces révolutionnaires et qu’elles encouragent la réalisation des tâches politiques dont sont chargées d’autres forces organisées dans le mouvement de résistance.

A grands traits, en guise d’esquisse, nous pourrions dire que ce sont là les objectifs fondamentaux de la guérilla, son programme militaire minimum.

Aujourd’hui, il nous faut donc aborder sans tarder – le retard est nuisible – les tâches que nous venons de décrire.

Plus nous perdons de temps à comprendre et à entreprendre ces tâches politiques et militaires, plus le chemin de la révolution socialiste devient difficile et accidenté.

Elaborer le programme de la révolution est une tâche qui demande du temps et la synthèse de nombreuses expériences de lutte. Mais il serait très nuisible, et ce serait une grande erreur, de refuser ou de reporter cette élaboration. Ceux qui adoptent cette attitude démontrent leur peu d’intérêt ou leur manque total d’intérêt pour une réelle transformation de la société actuelle.

Pour notre part, nous voulons attirer l’attention des révolutionnaires d’Europe sur l’important processus politique qui se déroule actuellement dans toute l’Europe: la convergence croissante entre les communistes et les secteurs et éléments les plus avancés du prolétariat.

Notre devoir consiste en ce que ce processus semi-spontané se réalise consciemment et s’effectue de la manière la plus organisée et la plus dirigée possible.

Les conditions objectives existent déjà en grande partie: de larges secteurs de la classe ouvrière, les plus combatifs et avancés, ont besoin d’une organisation prolétarienne et communiste qui les dirige et d’un Programme révolutionnaire pour lequel lutter.

En même temps, l’actuelle dépression économique capitaliste, les réductions budgétaires des programmes sociaux bourgeois, le chômage et la misère d’amples secteurs populaires, les licenciements continuels d’un grand nombre d’ouvriers, dus aux plans de restructuration des monopoles, etc. provoquent le réveil à la lutte de milliers et milliers d’ouvriers prêts à combattre pour le socialisme.

Ils sont de plus en plus conscients de leur responsabilité historique, ils se sont identifiés à leur classe et sont décidés aux plus grands sacrifices pour faire progresser la cause du prolétariat.

Les entraves et préjugés réformistes favorisés par la société du « bien-être » ou « post-industrielle », vieilles reliques idéologiques du monopolisme d’après-guerre, sont aujourd’hui dépassés.

NOTRE CONCEPTION INTERNATIONALISTE

Face à ceux qui pensent que la pratique de l’internationalisme prolétarien réside actuellement dans le fait de créer de petites organisations militaires supranationales, comme une pâle copie de l’OTAN, nous réaffirmons la validité de la conception qui impose aux communistes le devoir de s’engager à faire la révolution dans leur propre pays et de contribuer à son triomphe partout.

Compte tenu des circonstances particulières qui sont les nôtres actuellement, nous pensons que la contribution de chacun doit reposer fondamentalement sur ce qui suit:

1. Participer activement à la discussion idéologique et au débat, sur les principes, la stratégie et la tactique, et sur les tâches les plus immédiates des communistes, discussion et débat qui se développent partout.

Dans les limites de notre situation matérielle, nous participons depuis longtemps à cette discussion, apportant nos expériences, défendant nos positions de principe et critiquant fraternellement les positions des autres.

Ainsi, nous sommes intervenus dans le débat sur l’internationalisme, et sur les tâches que nous pensons être, dès aujourd’hui et sans délai, celles qui s’imposent aux communistes (construire le Parti, dénoncer et démasquer toute sorte d’opportunisme).

Nous avons aussi donné notre avis sur le rôle que doit remplir et la configuration que doit prendre le Parti à l’heure actuelle, le rôle et la fonction de l’activité armée de la guérilla, le caractère qu’acquièrent aujourd’hui les contradictions inter- impérialistes, etc. Nous avons écrit plusieurs articles sur ces questions.

2. Appuyer moralement et matériellement la lutte idéologique et politique que livrent nos camarades d’autres pays. Nous croyons que l’appui moral le meilleur est la critique franche et ouverte: signaler les faiblesses des autres et leur origine, faire nôtre leur juste défense des positions communistes, défendre et appuyer leur lutte contre les positions opportunistes et militaristes, et plus spécialement, appuyer le combat juste et résolu face à la bourgeoisie et son Etat, et face à l’impérialisme même si parfois nous ne partageons pas entièrement les objectifs recherchés.

L’internationalisme dont nous parlons dépasse les différences existant entre les deux lignes.

Il facilite les rapports, le rapprochement, l’échange d’expériences et la collaboration sur des sujets généraux ainsi que la lutte commune contre les ennemis communs: l’Etat bourgeois et l’impérialisme.

La collaboration et l’entraide fructueuse ne pourront reposer que sur la critique franche, ouverte et sans réserve, reconnaissant les positions de chacun et acceptant les critiques justes.

Pour cela, et étant donné la situation dans laquelle se trouve le mouvement révolutionnaire européen, nous ne pouvons pas manquer de signaler avec toute la clarté et la fermeté requises les différences de fond existant entre les deux lignes qui se profilent.

Si nous ne le faisions pas, nous courrions le risque de voir nos positions mal interprétées avec le grand tort que cela pourrait causer.

Notre consigne est donc: avancer résolument dans la construction du Parti, dans l’organisation de la classe ouvrière vers la guerre populaire prolongée; combattre, au moyen de la critique, la tendance militariste et le militarisme pan-européiste; lutter pour la révolution socialiste et la dictature du prolétariat en Europe, en forgeant petit à petit l’alliance et la fraternité de tous les prolétaires du continent, et en comptant avant tout sur nos propres forces, sur l’immense force de tous les ouvriers qui combattent le capitalisme dans chaque pays.

Etant donné le tour radical que prennent les luttes et les grèves ouvrières partout (contre les projets de revitalisation du capitalisme décadent), la tendance communiste révolutionnaire du mouvement commence à trouver un soutien et un appui importants.

On peut donc prévoir le renforcement, l’enracinement et le développement de cette tendance.

On comprend le désarroi des « anti-impérialistes » devant l’énoncé et la défense des véritables positions internationalistes et devant le programme communiste de la classe ouvrière.

Et ce désarroi ne pourra que croître tant qu’il leur manquera un vrai programme de classe, prolétarien.

Leur soi-disant « internationalisme » du « Front » n’est qu’un pan- européisme usé, sans autre objectif apparent qu’une Europe dénucléarisée, démilitarisée, verte et sans OTAN.

Objectif utopique et irréalisable en dehors d’un monde entièrement communiste, objectif qui représente l’idéal et l’illusion petite- bourgeoise d’une société capitaliste pacifique, humaine et prospère.

Ces tendances petites-bourgeoises, poussées à l’extrême, seraient conservatrices et réactionnaires malgré leur ferme et combative position anti-OTAN.

MARXISME ET IDÉALISME

Les composants du courant « anti-impérialiste » ont coutume de se proclamer marxistes, mais leur « marxisme » a peu à voir avec les principes fondamentaux défendus par Marx, Engels et Lénine, et ne tient en outre aucun compte du matérialisme historique et dialectique.

Pour autant que nous le sachions, les marxistes partent de l’analyse économique et sociale des classes en lutte dans la société, du mode de production et de l’étape historique, pour ensuite élaborer le programme prolétarien et leur stratégie communiste.

Pour réaliser cette tâche, ils différencient ces conditions objectives (celles qui sont données d’avance au prolétariat et à son avant-garde communiste) des subjectives (celles où le prolétariat peut déterminer quelles doivent être sa tactique et stratégie, etc.).

Lorsqu’on étudie les documents de la Rote Armee Fraktion, on y remarque l’absence de toute analyse de ce type.

Dans les analyses que fait la Rote Armee Fraktion, nous voulons particulièrement signaler ce qui est erroné dans ses concepts de prolétarisation et de prolétariat international.

Par exemple, elle affirme que les classes sociales «ne peuvent plus se définir par la position qu’elles occupent dans le processus de production».

Il suffit de rappeler que, pour Marx et Engels, et spécialement pour Lénine, dans leurs analyses des classes et de la lutte des classes de la société capitaliste, cette définition des classes a toujours été une forteresse inexpugnable du marxisme, du matérialisme.

Et ils ont souvent signalé que s’en écarter mène au marais de l’idéalisme, à l’opportunisme et au chauvinisme.

Il est clair que, derrière des concepts comme la « prolétarisation militante », « l’aliénation et l’embourgeoisement des ouvriers », les « processus à la base », etc. se cache une dénaturation du marxisme. Ainsi les « anti-impérialistes » proclament que « la classe » – considérée par eux de façon abstraite – ce sont «ceux qui ont compris le caractère destructeur du système», et que « ce fondement de la prolétarisation est la raison pour laquelle les personnes présentes dans les processus à la base, dans la résistance, etc., proviennent de tous les secteurs du peuple ».

Comme nous le voyons, les conceptions de la Rote Armee Fraktion s’écartent du léninisme.

Nous devons donc nous demander quelles sont les circonstances qui ont rendu possible la stagnation idéologique du courant « anti- impérialiste ».

Nous croyons que ce sont les suivantes: en premier lieu, la désorganisation et la désorientation de la classe ouvrière (au moment où sont apparus ces groupes), qui furent surtout le produit des théories révisionnistes apparues au XXème Congrès du P.C.U.S.; il faut aussi tenir compte du fait que cela s’est accompli pendant une période de relative paix sociale et même d’expansion économique capitaliste.

En second lieu, l’absence de vrais partis communistes pour affronter la nouvelle situation créée, a fait surgir de nombreux groupes révolutionnaires, pour la plupart ignorants des traditions et des expériences révolutionnaires du marxisme-léninisme.

Ces groupes s’affrontent à l’Etat avec la méthode la plus efficace qui se trouve à leur portée pour initier le combat: la lutte armée. Mais ils se trouvent tout à fait désarmés idéologiquement.

Leur manque d’esprit léniniste ferme et l’incompréhension chez eux de la nécessité de construire un parti capable de rassembler, d’organiser, d’éduquer et de diriger les éléments les plus avancés de la classe ouvrière, les mène, tôt ou tard, vers des positions opportunistes et bourgeoises: les conceptions idéologiques qu’ils assument finalement sont plus proches de Proudhon ou de Bakounine que du marxisme.

Il ne fait aucun doute que cela est dû, en grande partie, aux progrès et à l’extension des monopoles et des trusts dans tous les secteurs économiques de la société capitaliste, qui en écrasant ou rognant les intérêts de la petite-bourgeoisie, ont provoqué un important mécontentement général dans ces secteurs.

Bien que cela soit très clair, on ne peut pas admettre pour autant que ce seraient ces secteurs, brusquement radicalisés par leur situation spéciale, qui défendent les intérêts du prolétariat, ses objectifs ou ses positions de classe.

C’est des ouvriers, c’est de la classe la plus exploitée et la plus spoliée de la société capitaliste, que sortiront les éléments les plus avancés des masses, la force la plus puissante capable de renverser le pouvoir de la bourgeoisie impérialiste.

Et la tâche qui revient aux communistes est celle d’attirer les couches qui se trouvent en voie de prolétarisation vers le programme prolétarien, de leur faire comprendre qu’il n’y a pas d’autre issue que la dictature du prolétariat et le socialisme, de critiquer leur désespoir et leur opportunisme, leur manque de clairvoyance et leur étroitesse de vue, etc. ou, au moins, de les neutraliser!

D’ailleurs, conformément à la description que nous avons faite d’eux, les camarades « anti-impérialistes », abondant dans leurs positions de confusion idéaliste, essaient de nous convaincre que la contradiction Etat-société est la contradiction principale dans les métropoles.

Pour autant que nous le sachions, jamais le marxisme n’a parlé de contradiction entre Etat et société, mais, à partir de l’analyse des classes, il a établi la contradiction existant entre d’une part la bourgeoisie et son Etat et d’autre part le prolétariat, etc.

Et le marxisme a toujours considéré l’Etat comme un appareil d’oppression d’une classe sur une autre; un appareil militaire répressif – par nature – organisé et dirigé – spécialement – contre la classe exploitée et opprimée, le prolétariat.

L’Etat est l’organe le plus important que détient la bourgeoisie au pouvoir comme instrument de la lutte des classes contre le prolétariat. C’est l’essence de l’Etat.

C’est pourquoi le prolétariat doit diriger ses efforts pour renverser l’Etat de la bourgeoisie et pour le remplacer par un autre de type nouveau, l’Etat prolétarien, la dictature du prolétariat.

Opposer l’Etat à la « société », comme le font les « anti- impérialistes », c’est placer l’Etat en dehors de la société, tel un phénomène supérieur transcendant celle-ci; c’est nier le caractère de classe de l’Etat.

En même temps, cela revient à le considérer comme un phénomène pervers et superflu; et à dire que l’objectif des révolutionnaires serait donc de détruire tout vestige de l’Etat, comme le concevait autrefois Bakounine.

De sorte que, outre leurs dispositions anti-Etat et l’absence d’un programme communiste, de classe, les « anti-impérialistes » nous proposent, en accord avec cette contradiction Etat-société, une alliance interclassiste pour combattre l’Etat qui, à leurs yeux, est la seule cause de tous les maux que subit la « société » capitaliste.

Même si, dans un de leurs documents, ils affirment que leur politique révolutionnaire dans les métropoles «n’a rien à voir avec une conception du monde», nous voyons que cela n’est pas vrai.

Nous croyons qu’il est plus exact, au regard des faits, d’admettre que leur conception du monde obéit à la situation dans laquelle se trouve la petite-bourgeoisie qui, écrasée par les multinationales et désespérant de l’avenir, concentre toutes ses attaques contre l’Etat impérialiste, spécialement contre ses appareils militaires et ses alliances.

Attaques qui n’ont d’autres perspectives que la lutte qui est menée et évoquent en tout cas celles des ouvriers lorsqu’ils cassaient les machines croyant ainsi mettre un terme à l’exploitation du prolétariat: c’était surtout d’anciens secteurs ruinés de l’artisanat et du petit commerce qui s’étaient vu éjectés de leurs ateliers et de leurs petites boutiques par la grande mécanisation.

La lutte des réformistes se différencie radicalement de la lutte des communistes, ces derniers essayant d’organiser par leur lutte les forces ouvrières, de les organiser dans l’esprit du communisme et de la stratégie de la guerre populaire prolongée, au travers des objectifs stratégiques les plus immédiats à atteindre.

La même conclusion s’impose lorsque les « antiimpérialistes » considèrent que le prolétariat n’est pas un fait objectif de la société capitaliste, mais un acte de conscience.

Ils affirment que l’élément subjectif est l’élément essentiel et l’élément « décisif pour la lutte dans les centres impérialistes », les centres impérialistes « ne produisant spontanément – à partir des contradictions objectives et des conditions existantes… – aucune condition révolutionnaire mais seulement destruction et pourriture ».

C’est une grave erreur subjectiviste, propre au volontarisme, que d’affirmer et de maintenir ces positions car, pour que triomphe la révolution, certaines conditions révolutionnaires doivent exister et ce sont, en premier lieu, des conditions objectives.

Bien que les conditions révolutionnaires objectives ne soient pas suffisantes en elles-mêmes pour renverser un régime et un gouvernement (qui, si on ne les fait pas tomber, ne tomberont jamais), elles sont indispensables.

C’est pourquoi il faut aussi développer ces conditions objectives en s’appuyant sur les ouvriers, la classe la plus nombreuse et exploitée, la plus avancée, disciplinée et résolue de la société capitaliste.

Pour cela il est indispensable de créer un parti prolétarien sûr et discipliné, intimement lié au mouvement révolutionnaire des masses ouvrières et populaires, un parti qui les organise, élève leur conscience et les prépare à la révolution.

Et ce n’est pas de cela dont nous parlent les « anti-impérialistes ». Pour eux, le prolétariat n’existe pas objectivement. Ils nous disent que les individus ne deviennent des prolétaires que grâce à un acte de conscience, qu’en assumant les positions du prolétariat international.

Pourtant, Marx liait le concept de prolétaire au processus même de la production de marchandises sous le capitalisme, à l’extorsion que subit l’ouvrierproducteur exproprié de ses produits.

Ceci est réellement ce qui intéresse l’ouvrier en tant que classe, dont le mot d’ordre est donc: expropriation des expropriateurs. Et cette contradiction présente dans chaque cellule de production capitaliste est aussi le germe qui donne naissance à la conscience prolétarienne, à la puissante force combattante du prolétariat.

Quelque chose de très différent de ce que défend la Rote Armee Fraktion.

Si, en révolutionnaires voulant transformer la société, nous comprenons les circonstances du retard de quelques secteurs de la classe ouvrière, le rôle de l’aristocratie ouvrière face à la grande masse d’ouvriers surexploités, de semi-prolétaires, de, chômeurs, etc., alors, nous devons comprendre aussi que la transformation de la « classe en soi » en « classe pour soi » ne se fera qu’au moyen du parti ouvrier.

La « classe en soi » est la classe ouvrière telle qu’elle apparaît dans le processus de production capitaliste, dispersée, désunie et sans conscience de sa situation.

L’histoire nous a maintes fois démontré que c’est uniquement au moyen du parti prolétarien que l’on réussira à organiser et à unir la classe ouvrière pour qu’elle participe politiquement, comme force indépendante, aux luttes des classes de son pays, consciente de son rôle historique et des objectifs du socialisme et du communisme; celle-ci est la « classe pour soi ».

Mais, contrairement à ce que nous venons de dire, les « anti- impérialistes » substituent unilatéralement aux conditions économiques et politiques du pays, et à la nécessité du Parti communiste, la considération subjectiviste de la haine et de la colère, très importante par ailleurs dans la lutte contre la bourgeoisie, mais de toute évidence insuffisante.

Sur cette base – celle de la haine et de la colère – ils disent que «se développe «actuellement le front révolutionnaire dans le centre»… Et non sur les épaules du prolétariat, appelé, selon Marx et tous les marxistes, à renverser la société capitaliste, et à être le fossoyeur de société capitaliste!

Pour les « anti-impérialistes », «ceux qui combattent l’impérialisme» constituent le prolétariat.

Dans ce contexte de combat militaire, les ouvriers opposés aujourd’hui aux plans de surexploitation capitaliste ne sont pas, à leurs yeux, des prolétaires et ne méritent aucun intérêt.

A moins que les grèves dans les entreprises «n’abandonnent le terrain institutionnalisé et méprisable de la simple opposition».

Nous reléguerions ainsi à un plan très secondaire l’importante tâche des communistes qui consiste à se joindre aux ouvriers les plus avancés, à les organiser, et à profiter des conflits réels dans les entreprises pour les éduquer à l’arme du marxisme et les faire avancer sur le chemin de la révolution.

Il semble néanmoins que la Rote Armee Fraktion prétend seulement s’appuyer sur les luttes ouvrières quand celles-ci échappent à leur cours normal – chose courante actuellement si nous tenons compte de la profonde crise capitaliste – … pour les transformer en une arme contre l’OTAN.

Ce qui est bien différent de ce que font les communistes, qui essaient de transformer chaque usine en une forteresse du parti prolétarien et la lutte contre l’OTAN en un autre front de la lutte contre le capitalisme et contre l’impérialisme pour la dictature du prolétariat.

La lutte économique des ouvriers, plus encore qu’un conflit inévitable dans le capitalisme, est une arme indispensable pour améliorer leurs conditions de vie, et, en même temps, une arme du communisme très utile pour renforcer la combativité ouvrière et la conscience révolutionnaire, pour répandre le programme prolétarien, etc.

Le parti prolétarien doit centrer ses activités sur les grandes usines du pays, non pas pour constituer des syndicats ou décrire les méchancetés de l’impérialisme et de l’OTAN, mais pour organiser les ouvriers sur base des principes du communisme, pour renforcer leur solidarité prolétarienne, pour faire connaître le programme de la révolution socialiste, pour appuyer leurs luttes, etc.

Il doit combattre de toutes ses forces les révisionnistes et toute sorte de réformisme et d’opportunisme, dénoncer les plans de restructuration des monopoles, forger dans la lutte des organisations ouvrières indépendantes de la bourgeoisie et des réformistes, étendre le mouvement d’appui populaire et les piquets, chercher la solidarité d’autres secteurs de masses, organiser les grèves et les manifestations, appuyer la lutte de guérilla et encourager l’incorporation des ouvriers à la lutte armée.

L’histoire a démontré que la révolution a triomphé là où les révolutionnaires ont compté sur leurs propres forces, en développant la lutte révolutionnaire dans leur pays.

Dans notre cas, ceci signifie travailler au renforcement du mouvement ouvrier révolutionnaire et donc mener à bien toutes les tâches signalées précédemment.

Les autres pays révolutionnaires, socialistes et progressistes, du monde ont toujours soutenu tout pays menant sa révolution, mais si l’on ne compte pas sur ses propres forces, il n’y a rien à faire.

Et compter sur ses propres forces en Europe, cela signifie s’appuyer sur la puissante capacité combative du prolétariat, force principale et dirigeante de la révolution.

La classe ouvrière est la classe qui lutte avec le plus de détermination et de dévouement contre la société capitaliste, elle est donc la seule qui peut la renverser et construire le socialisme. Penser autrement, c’est s’écarter du b-a ba du marxisme.

PARTI COMMUNISTE OU FRONT DE LIBÉRATION NATIONALE?

Quelles coïncidences existe-t-il, dans le mouvement révolutionnaire européen, entre la tendance « anti-impérialiste » et la tendance communiste? A grands traits, nous pourrions résumer ces coïncidences par le combat contre la bourgeoisie et l’impérialisme et l’adoption de la lutte armée.

Les stratégies, les façons de concevoir la révolution et ses objectifs, et les rapports de chaque courant à la lutte politique révolutionnaire du prolétariat sont des aspects qui les différencient.

Le courant « anti-impérialiste » centre fondamentalement sa lutte autour de la préparation et l’exécution d’actions armées de toutes sortes contre les installations et les intérêts de l’Alliance Atlantique et de l’OTAN.

Ces actions sont menées dans le cadre de ce qu’ils appellent «la stratégie contre leur stratégie» et «l’unité» supranationale des organisations de guérilla révolutionnaire – une interprétation fausse de l’internationalisme.

Même dans les cas où ces attaques ont visé des hommes d’affaires et des politiciens en vue, elles l’ont fait en fonction de leur rapport avec l’OTAN, la course aux armements, ou la guerre.

Mais de quelle stratégie peut-on parler quand on se met à la remorque de la stratégie impérialiste?

Les actions armées de la Rote Armee Fraktion et d’Action Directe, dépourvues d’un programme politique prolétarien, se caractérisent par leur spontanéisme et n’ont d’autre but que le militaire lui- même.

Vu la situation du mouvement révolutionnaire européen, les positions défendues par les « antiimpérialistes » créent la confusion au sein d’un important secteur des forces révolutionnaires, en l’écartant de ses véritables objectifs et en retardant ainsi son nécessaire développement.

Bien sûr, l’Allemagne étant aujourd’hui le lieu de rencontre de deux camps antagoniques irréconciliables, le socialisme et le capitalisme, on peut y observer mieux que nulle part ailleurs le rôle que jouent dans le monde actuel les organisations militaires de l’alliance anti-communiste.

Il est donc facile dé comprendre, au vu des conditions historiques et politiques de l’Allemagne, que le mouvement révolutionnaire là- bas ait tendu à insister davantage sur la forme de l’alliance militaire impérialiste et non sur son contenu de classe.

Et davantage sur la puissance apparente de l’impérialisme et non sur les tâches nécessaires pour organiser, éclairer et se mettre à la tête de la classe ouvrière pour pouvoir en finir non seulement avec les alliances impérialistes mais également, ce qui est plus important, avec les classes et le mode de production qui les rendent possibles.

La proposition « anti-impérialiste » d’un front ouest-européen est une transposition impropre en Europe des Fronts de Libération Nationale des colonies et semi-colonies.

Bien que la différence entre l’Europe et les pays du Tiers-Monde saute aux yeux, la Rote Armée Fraktion a toujours considéré ces mouvements comme un modèle politique de validité universelle et dès le début elle a aspiré à devenir un mouvement analogue.

Cette analyse simpliste et unilatérale autrefois soutenue par les khrouchtchéviens, fut sévèrement critiquée par Mao Tsé Toung car elle «tend à remplacer subjectivement toutes les contradictions qui existent dans le monde «par une seule».

Il est inutile de dire le minimum que l’on peut obtenir avec un schéma semblable en Europe.

Il est certain que les peuples et les nations du Tiers-Monde ont apporté des enseignements très précieux aux prolétaires européens, mais vouloir calquer ou reproduire des formules étrangères telles quelles, sans aucun sens critique, a toujours produit des résultats négatifs tout au long de l’histoire.

Supposer un antagonisme entre l’impérialisme et la « libération » n’est pas correct.

Il faudrait parler d’antagonisme entre le capitalisme et le socialisme, entre la « bourgeoisie nationale » impérialiste et le prolétariat national révolutionnaire, entre l’Etat de la bourgeoisie monopoliste et le prolétariat qui lutte pour imposer sa dictature et son Etat.

La proposition des « anti-impérialistes » correspond plutôt aux présupposés politiques révolutionnaires d’autres latitudes où, aux côtés d’un prolétariat réduit, c’est la paysannerie qui constitue la force principale de la population, avec une petite et moyenne bourgeoisie nationale.

En Europe, par contre, la paysannerie est, en règle générale, inférieure à 10% alors que le prolétariat constitue l’immense majorité de la population; nous manquons aussi d’une véritable bourgeoisie nationale qui réclame la révolution ou qui peut s’y joindre, notamment parce que l’époque de la révolution démocratique bourgeoise est depuis longtemps dépassée en Europe.

A notre époque, les communistes de chaque pays doivent aider consciemment le prolétariat de leur pays à lutter contre sa bourgeoisie, à démasquer la ligne politique bourgeoise (l’opportunisme bourgeois) et ses plans d’exploitation et d’oppression, à organiser la classe ouvrière indépendamment de la bourgeoisie et des syndicats corrompus et intégrés au système, à dénoncer la collaboration de classe des partis réformistes et révisionnistes et à lutter contre eux, etc.

Les communistes doivent donc commencer à forger un puissant parti marxiste-léniniste qui puisse diriger le prolétariat dans sa lutte révolutionnaire contre l’oligarchie monopoliste, financière et foncière et contre son Etat.

Sans ce parti prolétarien, la révolution court droit à la défaite la plus fracassante.

Sans ce parti, toutes les tentatives d’organiser la lutte armée pour le communisme seront vaines.

En plus d’appuyer au mieux dé nos possibilités les mouvements de libération nationale des colonies et la lutte contre l’impérialisme, nous devons faire la révolution dans notre pays en comptant sur les forces puissantes du prolétariat et du peuple.

février 1987


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