Editorial : / De / la / scissionnite /

Les marxistes-léninistes s’entendent régulièrement reprocher la « scissionnite » dont ils souffriraient. C’est un vieux clichés : « l’extrême-gauche passe son temps à s’entre ex-communier plutôt que de s’unir contre l’ennemi » . Au vrai, qu’en est-il ?

Les raisons qui poussent à une scission (ou à une démission) peuvent paraître byzantines, mais avoir en réalité une importance extrême. Lorsqu’un navire quitte Anvers pour New York, une modification de cap imperceptible pour un profane en matière de navigation amène le navire à Montréal ou à Miami plutôt qu’à destination.

Pour les militants communistes, qui s’usent les yeux à étudier les lois de l’histoire et les expériences politico-historiques, (comme les capitaines de marine étudient les cartes nautiques), c’est dès le départ du navire qu’un cap correct doit être fixé. Une erreur infime au départ peut avoir des conséquences catastrophiques à l’arrivée.

Le problème est que cette question de cap est à la fois complexe et vitale. Sa complexité rend presque impossible un choix précis faisant l’unanimité. Et l’importance de l’enjeu interdit que l’on traite les désaccords par-dessus la jambe. De là des débats, des crises, des démissions et des scissions qui peuvent sembler ridicules au passager qui s’estime dans le bon dès lors que le navire vogue vers l’ouest.

Bien entendu si, de scission en scission, on se retrouve non plus équipage d’un transatlantique, mais multiples équipages d’une multitude de canoës, personne n’arrivera à New York non plus. Il y a une donc une tension entre le devoir de correction et le devoir d’unité.

Cette tension est d’autant plus difficile à gérer la seule théorie ne suffit pas à régler le problème. Un cap peut être changer presque à n’importe quel moment, et c’est donc presque à n’importe quel moment qu’une divergence peut surgir. La pratique est un critère de vérité : elle joue un rôle irremplaçable pour déterminer si les choix sont bons ou mauvais.

Cessons de filer la métaphore nautique et achevons de remettre en perspective cette « scissionnite » dont nous souffririons. Les réponses aux problèmes de la stratégie et de la tactique révolutionnaires ne sont jamais évidentes. Dans une situation de repli général du camp prolétarien que nous connaissons actuellement, la pratique peut nous renvoyer des réponses difficiles à déchiffrer. Il est notamment difficile de savoir dans quelle mesure l’échec d’une initiative est le résultat d’une erreur politique ou tactique, ou le résultat de conditions généralement défavorables.

Il faut aussi remarquer qu’au plus les groupes sont réduits, au plus les questions personnelles et subjectives prennent de l’importance. Tel membre de l’organisation « incarnera » une option, tel autre en « incarnera » une autre. La frontière entre les problèmes politiques et les problèmes personnels tend à s’estomper.

Dans l’idéal, une frontière bien nette existe. Les communistes ont des méthodes (le centralisme démocratique, la critique/autocritique, la discipline de parti, etc.) qui leur donne les moyens de régler les crises en fonction de l’intérêt supérieur de la lutte. La stricte application de ces méthodes permet d’éviter que les antipathies, les affronts, les rancœurs et les rancunes n’interfèrent. La notion d’intérêt supérieur de la lutte est essentielle. Pratiquement hélas, elle n’est pas opérante au point de faire disparaître toute interférence subjective, mais elle seule permet de ne pas laisser le subjectif aux commandes.

Comme souvent, on peut mieux faire comprendre une chose en exposant son contraire. C’est pour cela que nous reproduisons un petit schéma très instructif tiré un opuscule anarchiste intitulé Pour des collectifs totalitaires (totalitaire au sens propre : « qui englobe la totalité des éléments d’un ensemble ») :

Comme on le voit, la notion d’intérêt supérieur du projet est totalement absente. L’hypothèse : « je participe délibérément à une action qui ne me motive pas » n’est même pas envisagée ! Pourtant, on pourrait envisager de participer à une action « qui ne nous motive pas » pour maintenir l’unité du collectif (parce que la majorité tient à ce que cette action se fasse), ou bien parce que cette action, « qui ne nous motive pas » en elle-même, participe d’une mouvement général que j’approuve. Mais rien de tel dans le schéma. La position anarchistes suppose une parfaite coïncidence de motivation entre la totalité du projet et ses parties. Or une telle coïncidence est miraculeuse.

De plus, ce schéma suppose que l’on soit absolument certain de la validité de ses choix. Oui, il se peut que la majorité fasse une erreur. Mais même alors, en de nombreux cas, il vaut mieux « se tromper avec la majorité » (c’est-à-dire appliquer ses choix défini par la majorité du collectif, tout en les critiquant dans les débats internes), donc de rester dans un fonctionnement collectif, plutôt que de partir et d’avoir raison tout seul dans son coin. Il faut faire primer le collectif parce qu’il a probablement raison (il y a plus dans dix têtes que dans une), mais il faut souvent préserver le collectif même si on est convaincu qu’il fait erreur. L’existence d’une force collective est un facteur important qu’il ne faut pas brader au premier désaccord, à la première déconvenue. Et le fait que le collectif se trompe peut signifier qu’il a plus que jamais besoin de ceux qui, dans la minorité, voient juste.

Les forces communistes ont besoin d’une unité, mais d’une unité ouverte à la critique/autocritique (car la ligne a besoin d’être redéfinie en fonction de l’évolution de la situation objective), et une unité favorisant le développement des forces (pas une unité de type « noyau familial » ou « bande de copains »). Cette unité est d’abord une unité politique , et ensuite une unité de méthode . Il est inutile d’avoir une idée juste de la situation et de ce qu’il faut faire si l’on est incapable de fonctionner dans un collectif, c’est-à-dire de mettre ses qualités au service de la lutte.

Le mode de fonctionnement anarchiste subordonne tout, en dernière analyse, non pas au projet commun mais au fait que chacun s’y sente bien. C’est pour cela qu’un anarchiste ne connaît que deux réponses à une proposition d’action « qui ne le motive pas » : soit il obtient que le collectif change, soit il change de collectif. Alors qu’un communiste ne démissionnera ou scissionnera que s’il est définitivement convaincu que le collectif a cessé de servir l’objectif pour lequel il a été fondé. Dès le moment où un communiste est convaincu que son organisation se révèle incapable d’encore servir la cause révolutionnaire, il doit la quitter, soit pour un joindre une autre qui sert mieux cette cause, soit pour œuvrer à ce qu’une autre apparaisse.

Ceci dit, de la même manière qu’il y a des démissions ou des scissions futiles, il y a des militants qui restent pour de mauvaises raisons dans leur organisation : par habitude, pour les rapports d’amitiés et de fraternité qu’il y trouve, pour la manière de statut social qu’il y a gagné, etc., bref pour des raisons subjectives.

Les crises personnelles et les décisions subjectives existent aussi bien chez les communistes que chez les anarchistes. Mais il existe une différence — d’une portée immense :

Chez les anarchistes, c’est la base même de la méthode de fonctionnement.

Chez les communistes, c’est la pire violation de la méthode de fonctionnement.

ASTREINTES, JUSTICE DE CLASSE ET LUTTE DE CLASSE

Des communistes ont rendu une visite nocturne à la Chambre de commerce et d’industrie de Bruxelles et à l’Union des entreprises de Bruxelles, section régionale de la FEB. La façade du 120 avenue Louise a ainsi été badigeonnée et ont y pouvait lire « guerre au capital » et « vive la grève ».

Le patronat bruxellois s’était distingué lors de la grève du 28 octobre en affrétant un hélicoptère pour déposer rapidement devant des piquets de grève des huissiers. Il avait également ouvertement fait pression sur les bourgmestres des 19 communes pour qu’ils utilisent leur pouvoir de police contre les éventuelles actions de blocage des accès aux entreprises

Cette initiative s’intégrait dans un dispositif patronal à l’échelle nationale. Le 27 octobre, le représentant de la FEB avait annoncé : «Le 28 octobre, nous ferons constater les abus éventuels via des huissiers» . La FEB a poussé ses membres à saisir les tribunaux le plus possible lors de la grève. La VOKA (section régionale flamande de la FEB) aurait même conseillé aux bourgmestres d’édicter des ordonnances préventives pour d’interdire les piquets bloquant les zoning. La collusion entre le patronat et le monde politique est patente. En Flandre, un cabinet d’avocats a organisé une permanence téléphonique le 28 octobre au service des employeurs pour les aider à faire appel à la justice en cas de piquet de grève. C’est le cabinet d’avocat où travaille le premier ministre Guy Verhofsdadt !

Les astreintes, nouvelle tactique patronale

Depuis le précédent de l’usine de verre automobile ACV de Fleurus (ex-Splintex), dont les patrons) avait obtenu en janvier 2005 du président du tribunal de Charleroi une ordonnance décrétant une astreinte de 5.000 euros par personne qui serait empêchée d’entrer dans l’usine, le nombre des luttes de travailleurs attaquées par la justice bourgeoise au moyen du système des astreintes va croisant.

Chez AIS, une petite entreprise de peinture de Genk, un travailleur a été licencié car il avait osé se rendre auprès du syndicat avec une série de plaintes du personnel relatives aux conditions de travail. Huit travailleurs de la PME, sur onze, ont alors débrayé pour s’opposer au licenciement. Le patron a introduit une requête unilatérale au tribunal pour imposer des astreintes aux grévistes. Ceux-ci doivent payer 750 euros si l’accès à l’entreprise est refusé aux non-grévistes. Le 13 avril 2005, lors d’une action de soutien aux travailleurs en grève, menée par la FGTB, le patron a foncé à toute allure avec sa voiture sur le piquet de grève. Quatre travailleurs ont été blessés.

Les patrons de la FNAC Belgique ont concocté un « plan de relance » prévoyant une suppression d’emplois équivalent à 25 temps plein, une nouvelle grille salariale basée sur le mérite au lieu de la grille basée sur l’ancienneté, et un horaire de travail comprenant 25 jours par an où l’employeur peut imposer l’horaire de travail sans l’accord du travailleur. Le 21 avril 2005, les travailleurs du dépôt d’Evere, directement visés par la restructuration ont cessé le travail et ont mis en place des piquets de grève. La direction de la FNAC a immédiatement réagi en faisant appel au tribunal, par une procédure en référé. Le juge a décidé d’infliger une astreinte de 5.000 euros par heure à chaque gréviste présent au piquet, ce qui a mis fin au piquet.

Le 28 octobre 2006, une grève a paralysé la papeterie gantoise Stora Enso, située à Langerbrugge. L’enjeu était une majoration salariale. La Centrale Générale (FGTB) revendiquait une augmentation de € 0,3. 98% des ouvriers s’étaient prononcés contre une première proposition patronale, 78,6% contre une deuxième qui déclencha la grève. Le deuxième jour, un courrier était envoyé à tous les travailleurs les informant que la restructuration mondiale annoncée par la firme mère finnoise, pourrait également frapper le site à Langerbrugge (alors qu’il n’en avait jamais été question auparavant). Le troisième jour, un huissier se pointait au piquet de grève et le jour suivant la direction faisait état du jugement d’un tribunal imposant une astreinte de € 1000 par volontaire et par camion bloqués par le piquet de grève. Chaque travailleur a d’ailleurs trouvé un courrier à ce sujet dans sa boîte aux lettres. Mais les ouvriers ont poursuivi leur action.

Le 8 décembre 2005, pendant la grève contre le « pacte des générations », des huissiers envoyés par les patrons Carrefour Belgium sont venus au piquet du supermarché carrefour d’Auderghem avec un jugement stipulant que le préavis de grève n’avait pas été déposé dans les 15 jours précédant l’action et que la grève ne pouvait avoir lieu. La menace d’astreinte était là de 500 euros par client que la grève empêcherait d’entrer dans le magasin. Cette menace et l’intervention de la police qui embarqua certains grévistes a eu raison de la grève.

Bombage sur la Chambre de commerce et d'industrie de Bruxelles. (Décembre 2005)

Bombage sur la Chambre de commerce et d’industrie de Bruxelles. (Décembre 2005)

Le 13 janvier dernier, les AMP (Messageries de la Presse) annonçaient avoir lancé » un procédure en référé visant à l’interdiction des piquets sous peine d’astreinte. L’offensive contre la grève pris différentes aspects ; ainsi le groupe Sud Presse qui allait trouver une « alternative pour faire distribuer ses journaux » allait en être empêché in extremis par les grévistes qui mirent tout bonnement le feu aux 27.000 exemplaires de la Nouvelle Gazette qui sortaient de presse…

Et le phénomène n’est pas spécifique à la Belgique. Le 3 novembre dernier, après 32ème jours de grèves, un tribunal marseillais a déclaré illégale au motif qu’elle est politique la grève des travailleurs de la Régie des Transports Marseillais luttant contre la privation ! Les syndicats se sont vu infligé une assignation de 10.000 euros par jour de grève supplémentaire, ce qui a amené les grévistes a suspendre le mouvement…

Les astreintes, une arme de la justice bourgeoise

Cette systématisation du recours aux astreintes (immédiatement demandées par les patrons, immédiatement accordées par la justice) témoigne d’une évolution dans la tactique de la justice de classe — et certes pas dans sa nature. La justice de classe a pu faire l’expérience que les astreintes étaient autrement plus efficace pour briser un piquet que les matraques, dans la mesure où les ouvriers en lutte font généralement face avec courage et détermination à une confrontation violente avec les flics, mais hésitent à s’enchaîner pour le restant de leur vie à des dettes judiciaires énormes. De plus, ces condamnations se font avec la complicité totale de la presse du régime, qui est un peu plus gênée lorsque les flics chargent les travailleurs défendant leur emploi.

Si l’on peut considérer les astreintes comme un phénomène nouveau, l’intervention de la justice dans les conflits sociaux ne l’est certainement pas.

Rappelons-nous du procès Clabecq. Même si la plupart des concernés et de leurs proches se réjouissent du fait qu’il n’y a pas eu de condamnation pour les treize camarades syndiqués, les effets de ce procès ont été catastrophiques pour le développement de la lutte des classes en Belgique. Pendant la grève, des centaines de travailleurs du pays tout entier se réunissaient aux Forges pour discuter d’une alternative syndicale — ce qui a donné naissance au Mouvement pour un Renouveau Syndical (M.R.S.). Des débats très animés se menaient régulièrement. Une fois le procès arrivés, les militants se sont retrouvé à devoir investir sur ce front de lutte particulier, et à mener une bataille d’usure avec l’appareil judiciaire. La dynamique de lutte et de mobilisation de classe en a tellement souffert qu’après cinq ans d’audiences et d’escarmouches procédurières, la bourgeoisie n’avait même plus besoin de condamner les treize camarade pour remporter la victoire. Le M.R.S. avait dépensé toutes ses capacités de mobilisation dans un procès qui ne lui permettait pas de les renouveler : de nombreux camarades avaient décrochés, la dynamique de lutte s’était épuisée. À une échelle moindre mais dans le même esprit, l’asbl HIW veut faire comparaître le dirigeant de la FGTB, Xavier Verboven dans une tentative de lui faire payer les dommages occasionnés par la grève du 7 octobre, et a ouvert une procédure contre des grévistes ayant bloqué l’accès à un zoning avec leur véhicule.

Piquet à Splintex (Fleurus, janvier 2005) : astreintes de 500 € par gréviste pour chaque jaune interdit d'accès à l'usine

Piquet à Splintex (Fleurus, janvier 2005) : astreintes de 500 € par gréviste pour chaque jaune interdit d’accès à l’usine

Le patronat et ses hommes-liges préparent déjà l’étape suivante, qui les dispensera de passer par les huissiers et par la procédure des astreintes. Rik Daems (VLD) et Daniel Bacquelaine (MR) ont rendu public leur volonté de déposer à la Chambre une proposition de loi pour «protéger» les travailleurs volontaires lors d’une grève. Cette loi instaurerait une sanction pénale spécifique en cas de voie de fait entravant l’accès au lieu de travail. La sanction irait de 15 jours à 2 ans de prison et pourrait être assortie ou remplacée par une amende. Sur base de cette loi, la police interviendra directement pour arrêter les auteurs du délit que constituera un piquet de grève.

L’état juridique de la grève

Il n’y a pas, en Belgique, à strictement parler, de « droit de grève » ; tout au plus peut-on la considérer comme une « faculté licite ». Il n’existe en effet aucune disposition légale abordant la question du droit de grève, mais, il est implicitement reconnu depuis l’abrogation, en 1921, de l’article 310 du Code pénal sur l’atteinte à la liberté du travail. Diverses propositions de loi ont cependant été déposées par des parlementaires libéraux et socialistes, avec des visions différentes.

Le patronat n’est évidemment pas absent de ce débat et, en avril 1949, il fait du lobbying pour un « Projet de lois sur la suspension du contrat de louage en cas de grève » (qu’il expose dans le n°156 de son Bulletin Social des Industriels ), son discours, depuis, n’a pas varié : « L’exercice du droit de grève doit être organisé par la loi et ce, préalablement à la réglementation des conséquences éventuelles de la grève déclarée. Les principes ci-après doivent être pris en considération :

1° Respect et garantie de la liberté du travail; nul ne peut être contraint à cesser le travail;

2° Le bénéfice de la suspension du contrat de louage de services n’a lieu qu’en cas de grève juste et régulièrement déclenchée ;

3° La grève juste présuppose :

a) que griefs et revendications soient définis avec précision et clarté ;

b) que tous moyens de conciliation soient épuisés et que l’échec des tentatives de conciliation soit expressément constaté ;

c) qu’après constatation dudit échec, un préavis spécial soit notifié avec délai de sept jours francs pour les ouvriers et de six semaines pour les employés (délais à titre simplement indicatif) ;

d) que par scrutin secret, la majorité des travailleurs se soit prononcée pour la grève ;

e) que l’application de la loi du 19 août 1948 sur les prestations d’intérêt public en temps de paix soit assurée.

4° Ces conditions n’étant pas remplies, la grève sera considérée comme irrégulière et légalement interdite; le contrat de louage de services sera tenu pour rompu unilatéralement avec recours possible aux sanctions conventionnelles ou légales; l’autorité doit être habilitée à mettre fin à la grève par toutes voies légales. »

La polémique sur question de la rupture ou de la suspension du contrat de travail n’a trouvé son épilogue juridique qu’en 1981 : la Cour de Cassation a déclaré que la grève impliquait la suspension du contrat de travail et non sa rupture, entérinant ainsi une tendance au sein des tribunaux remontant à l’après-guerre.

Il importe de voir que le discours patronal sur la grève date de l’après-guerre. C’est à ce moment que s’est mis en place le dispositif de concertation sociale généralisé, avec achat de la paix sociale par une amélioration du pouvoir d’achat. Le patronat veut alors voir le droit de grève (sévèrement) réglementé et être libre de faire appel à la justice s’il estime cela nécessaire, et d’abord quand les syndicats remettent en question la signature d’un accord professionnel (ce sont pourtant les commissions paritaires qui déterminent en grande partie le déclenchement et le déroulement des grèves entérinées par les directions syndicales). L’exigence d’un recours aux tribunaux et d’une répression judiciaire est encore plus fort pour les grèves décidées et/ou menées indépendamment des syndicats.

Le discours patronal (plus ou moins radical selon la virulence de la lutte des classes et/ou de la chute du taux de profit) est fondamentalement constant quant à la nécessité de définir un cadre légal dans lequel le droit de grève s’insérerait, et aux critères de reconnaissance d’une grève « légitime ».

Quatre critères reviennent régulièrement :

1° La grève ne peut remettre en question une convention collective, ni même avoir lieu quand une concertation sociale en cours. D’illégitime (en attendant d’être illégale), elle devient aux yeux du patronat « anarchique » si le débrayage est décidé par les masses indépendamment des structures syndicales, à qui le patronat demande de contrôler leurs troupes.

2 : La grève ne peut perturber l’ordre public ni de l’ordre économique, (et spécifiquement pas d’interruption de services vitaux comme ceux de l’énergie et des transports « pour ne pas faire supporter par l’ensemble de l’économie les exigences ou les velléités de quelques-uns »).

3° La grève ne peut être utilisé à d’autres fins que professionnelles : le patronat veut interdire tout grève « politique ». Et encore le terme « politique » est-il utilisé de manière fort large, puisque pour le patronat toute action contre l’Etat est assimilée à une grève politique. Pourtant, à partir du moment où le Parlement légifère en matière économique et sociale, il est logique que parfois la volonté des travailleurs se heurte aux intentions gouvernementales : la distinction grève politique/grève professionnelle est devenue oiseuse. De nos jours, toutes les grèves importantes sont politiques.

4° Les moyens utilisés dans le cadre de la grève doivent être « moralement admissibles », ce qui exclu toute menace contre le « droit au travail » [des jaunes], les menace (et plus encore la pratique) de sabotage de l’outillage ou de la production, etc..

L’offensive bourgeoise et le droit bourgeois

L’offensive bourgeoise actuelle suit pas à pas tous ces axes présents dans le discours patronal dès l’après-guerre. C’est le cas du projet de loi contre les piquets de grève déjà évoqué, mais c’est aussi le cas du « service minimum en cas de grève » mis en avant dans le nouveau contrat de gestion (2005-2010) de la Société Régionale Wallonne des Transports (la société qui chapeaute les TEC). Remarquons que tous les partis du gouvernement wallon ont approuvé ce « service minimum » mis à l’ordre du jour, dès le gouvernement précédent, par l’Ecolo José Daras. Les vieux procédés d’achat de la paix sociale réapparaissent ici puisqu’en échange de ce « service minimum », le gouvernement wallon proposera aux syndicats le 26 janvier que 30% des augmentation des recettes liées au trafic des TEC soient reversés aux travailleurs à titre de « prime d’intéressement ».

L’offensive bourgeoise en général, et particulièrement l’offensive patronale à l’aide des astreintes, relève donc du changement de tactique plutôt que du changement de nature du patronat ou de la justice. Car la justice a toujours été une machine au service des classes dominantes, dont la fonction était de perpétuer le statu quo social. Et les racines de ces caractères plongent très profondément dans la société. Il ne s’agit pas simplement du fruit d’un « déséquilibre » sociologique du système judiciaire. Les bourgeois ou les éléments de cette petite-bourgeoisie intellectuelle qui, dans les écoles, les rédactions et les palais de justice, sert de courroie de transmission entre la puissance capitaliste et les masses exploitées, représentent certes la grande masse du « personnel judiciaire ». Mais il serait erroné de croire qu’il suffirait de modifier cette réalité sociologique pour changer la réalité politique de la machine judiciaire. Un afflux de magistrats issus (par quel miracle ?) du prolétariat en ayant conservé (par quel miracle ?) une identité de classe prolétarienne ne changerait rien à la nature réactionnaire de l’appareil judiciaire.

Le problème n’est pas dans la manière dont la justice est exercée, ou dont les lois sont interprétées. C’est le phénomène juridique tout entier qui est problématique. En effet, contrairement à ce que les idéologies dominantes (passées ou présentes) ont toujours prétendu, le droit n’est pas la codification plus ou moins réussie, sans cesse améliorée, d’un principe supérieur ou immanent, indépendant de histoire, de la Justice humaine. Le droit n’a rien à voir avec on ne sait quelle normalité supérieure ou immanente. En lui-même le droit n’est pas une norme, il est un produit socio-historique transitoire qui est imposé comme norme.

Le droit et la justice : phénomènes de classe

Le caractère socio-historique du phénomène juridique est manifeste quand on le considère dans sa manifestation concrète. Pensons à sa complexité (il se détaille dans un nombre infini de textes constitutionnels, de lois, d’arrêtés royaux, d’actes de jurisprudence, etc.), à son étendue (il faut pour l’animer des dizaines d’organismes tels que tribunaux, parlement, cour d’arbitrage, conseil d’Etat, etc. et plusieurs professions spécifiques : juristes, juges, magistrats, législateurs, etc.) et à sa violence (il lui faut des polices, des prisons, des huissiers, etc. pour se faire un tant soi peu respecter).

Si le droit était l’expression d’une idée de justice plus ou moins transcendante, les éventuelles frictions internes à la société se résoudraient spontanément, sous la pression des citoyens qui partageraient tous cette idée de justice. D’ailleurs, quand il existe une idée de justice propre à une société homogène et harmonieuse (ainsi quelques sociétés primitives), les infractions à la norme collective sont littéralement accidentelles. Le phénomène juridique n’apparaît et ne se développe que dans les sociétés caractérisées par des oppositions et des contradictions permanentes d’intérêts en leur sein. En d’autres mots, le droit n’apparaît et ne se développe que dans les sociétés dont les parties constitutives, les classes sociales, s’opposent, s’affrontent avec chacune leur propre raison de ce qui est juste et de ce qui est injuste.

Le phénomène juridique est apparu tardivement. Les sociétés primitives ne connaissaient ni l’Etat, ni le droit, ni l’appareil judiciaire pour le faire respecter. Elles n’en avaient aucune nécessité parce qu’elles n’étaient pas basées sur des contradictions d’intérêts permanentes, elle n’était pas divisée en classes sociales antagoniques. Au contraire d’être divisées en fractions inconciliables, en classes sociales, les sociétés primitives étaient fondées sur la communauté d’intérêt de toutes leurs différentes composantes. Cette communauté d’intérêt se basait sur la propriété collective des moyens de production (la terre que l’on cultive, la forêt où l’on chasse, etc.).

Dans ces sociétés harmonieuses, non-antagonique, la règle sociale naturelle, spontanée, respectueuse des intérêts de la collectivité, suffit amplement à régulariser les petites crises et ruptures forcément accidentelles surgissant en son sein. Les rapports sociaux primitifs n’avaient donc nul besoin d’être codifiés pour exister, et n’avaient donc pas besoin d’être l’objet de sanctions judiciaires pour se maintenir, dans certains cas, jusqu’à aujourd’hui.

La rupture de la communauté d’intérêt qui caractérisait la société primitive fait suite à l’apparition de la propriété privée des moyens de production. L’accaparement privé des moyens de production est le produit du développement économique. Sans propriété privée sur les sources de richesses, il n’y a pas de division de la société en classes, pas de contradiction interne et inhérente à la société, pas de lutte de classes, pas d’Etat et pas de droit. La propriété privée est donc en elle-même le droit fondamental et premier, le droit d’où dérivent tous les autres, y compris le Droit lui-même en tant que concept philosophique.

Puisque le droit est finalement un corollaire, un produit des sociétés fondées sur la propriété privée, il devient évident que le passage d’un de ces modes à un autre implique le passage d’un droit approprié à un autre. Le droit antique trouvait juste l’esclavage parce qu’il était le produit de la société esclavagiste. Le droit médiéval trouvait juste le servage parce qu’il est le produit de la société féodale. Et ainsi le droit bourgeois trouve juste l’exploitation du travail salarié parce qu’il est le produit de la société capitaliste.

Le droit ne fait que consacrer après coup un système socio-économique déterminé. Il reste conforme à ce cadre particulier dont il est issu. Les changements successifs de droit dans l’histoire n’indiquent pas une évolution du droit. En tant que produit historique entérinant les systèmes sociaux, le droit joue un rôle forcément négatif dans la marche de l’histoire. Le droit féodal, par exemple, n’a pas évolué vers le droit bourgeois : ils sont radicalement opposés. Il fallut que les rapports de production capitalistes aient supplanté les rapports de production féodaux, après une féroce lutte de classes entre les bourgeois et la noblesse, pour que le droit bourgeois supplante le droit féodal. Le droit n’est pas évolutif, il est, à proprement parler, réactionnaire. Le droit s’est toujours opposé à la marche en avant, authentiquement progressiste de l’Histoire.

Consacrant des sociétés basées sur des antagonismes de classe, le droit ne peut être qu’oppressif. Il n’a de raison d’être qu’en tant que codification des intérêts de la classe dominante, permettant au système de perdurer. Le droit antique codifiait les intérêts des propriétaires d’esclavages dans le système esclavagiste, c’est-à-dire organisait l’oppression des esclaves. Le droit médiéval codifiait les intérêts des seigneurs dans le système féodal, c’est-à-dire organisait l’oppression des serfs. Le droit bourgeois codifie les intérêts des bourgeois dans le système capitaliste, c’est-à-dire organise l’oppression des prolétaires.

Dès le moment où l’on cesse de considérer le droit et les lois comme une norme sacrée et intouchable, dès le moment où on les soumet à l’analyse, beaucoup de paravent idéologiques de la bourgeoisie se démasquent. Ainsi le concept d’ »Etat de droit » ne signifie strictement rien d’autre qu’un Etat se pliant aux règles d’un droit bourgeois codifiant le pouvoir et les intérêts de la bourgeoisie contre le prolétariat dans le cadre du système capitaliste.

Piquet à la FNAC (avril 2005), astreintes de 5.000 € par gréviste par jour de blocage du dépôt d'Evere

Piquet à la FNAC (avril 2005), astreintes de 5.000 € par gréviste par jour de blocage du dépôt d’Evere

Il faudra attendre le régime socialiste pour qu’apparaissent un droit et des lois au service du peuple. Comme tout droit et toute légalité, le droit et la légalité socialistes sont au service de la classe dominante : le prolétariat révolutionnaire. Ils apparaissent dans la foulée de la prise de pouvoir politique et militaire par le prolétariat. Mais le droit et la légalité socialistes se différencient fondamentalement des droits esclavagistes, féodaux et bourgeois, en ce que leur exercice supprime peu à peu leur raison d’être. En effet, plus la société socialiste se développe, c’est-à-dire plus elle progresse dans la liquidation des contradictions d’intérêts inhérentes (donc de la division en classe), moins elle doit faire l’objet de sanction judiciaire pour se perpétuer. La société communiste reviendra au schéma de la société primitive où toute infraction à la norme est réellement accidentelle, mais avec des forces productives incomparablement plus puissantes, qui donnent à l’humanité les moyens de sa liberté, de son bien-être et de son progrès.

Exploiter les contradictions internes

La révolution prolétarienne est ainsi la seule voie praticable pour qu’apparaisse un système judiciaire au service du peuple. En système capitaliste, le droit n’est pas réformable. Est-ce à dire qu’il faille renoncer à toute lutte « partielle » sur le front du droit ? Par exemple renoncer à mener campagne contre les astreintes parce qu’il est logique, normal et même inévitable que, par le moyen des astreintes ou par un autre, la justice soit l’ennemie des travailleurs en lutte ? Certainement pas.

La lutte contre les astreintes est une lutte nécessaire. L’ennemi n’est pas sans contradiction, l’ensemble de la petite-bourgeoisie intellectuelle reste persuadée de son autonomie de son indépendance idéologique. Elle croit réellement à « sa » démocratie, elle se retrouve entièrement dans ce système social : c’est à la fois son gagne-pain (elle est payée pour que les écoles, les tribunaux et les médias servent à perpétuer ce système), son identité, son idéal. Ses intérêts idéologiques (en terme de bonne conscience, de conformité à sa vision du monde conciliatrice et réformiste) sont presque aussi importants que ses intérêts économiques.

Il n’est pas rare de voir une part importante de cette classe croire à ses propres mensonges, puis se mettre à les dénoncer quand ils deviennent insoutenables. Le changement de ton des médias à propos de l’occupation en Irak ou en Yougoslavie est symptomatique. Tant qu’ils pouvaient croire (et ils aimaient tellement le croire) que cette guerre allait remplacer une dictature par une démocratie, ils ont servis la propagande de guerre de l’OTAN comme un seul homme. Maintenant que les intérêts impérialistes qui motivaient ces guerres sont évidents même pour eux, le ton change.

Le propre et le ridicule de cette classe de jouer avec entrain et enthousiasme sa fonction de rouage du système capitaliste tant qu’elle peut croire (et faire croire) qu’elle est au service de valeurs telles que la démocratie, la culture, l’état de droit, l’épanouissement des individus, la citoyenneté, l’antiracisme, etc. Même les membres de cette classe qui sont (à des degré divers) conscients du rôle qu’ils jouent sont coincés entre cette fonction globale et les problèmes particuliers auxquels ils sont confrontés chaque jour. Un travailleur social (et l’exemple peut valoir, mutatis mutandis, pour un avocat, un instituteur, un animateur socio-culturel, etc.) peut avoir conscience qu’il est un rouage d’une machine du calibrer du prolo en fonction des besoins du marché de l’emploi, dans la pratique, il est face à X, Y et Z qui a réellement besoin d’un emploi pour sortir de la merde. Et ainsi, tout à fait sincèrement, il peut s’estimer avant tout au service de X, Y et Z ; il utilisera même la marge de manœuvre dont il dispose, non pas pour calibrer la personne pour le seul marché de l’emploi, mais pour l’aider à s’épanouir socialement, culturellement, etc. Telle est la contradiction dans laquelle le système place les éléments les plus sains et les plus conscients de la petite-bourgeoisie intellectuelle.

Mais lorsque cette contradiction ne joue plus, lorsque la petite-bourgeoisie intellectuelle est purement et simplement réduite, sans marge de manœuvre, crûment et nuement, à celle d’auxiliaire direct du capital, alors la machine grince. Alors cette contradiction se résout, pour les éléments les plus avancés, les plus authentiquement attachés aux valeurs affichées par leurs classes, dans un affrontement au système. On l’a vu il y a quelques mois à Paris lorsque 10.000 travailleurs sociaux, éducateurs, assistants sociaux, magistrats, médecins de PMI, formateurs, étudiants en travail social manifestaient à Paris contre un projet de loi sur la prévention de la délinquance qui les obligera à livrer toute information sur les situations qu’ils ont en charge, sous peine de sanction. A Paris mais aussi à Bordeaux, à Toulouse, à Marseille, et ailleurs, les manifestants ont scandés des slogans comme : « Educateur, pas délateur », « Éduc pas indic », etc.

La lutte contre les astreintes

Dénoncer avec vigueur les astreintes pèse sur cette contradiction. Cela ne changera ni le système, ni la justice, mais cela pourra en rendre le fonctionnement problématique. En obligeant l’ennemi à choisir entre le maintien de l’image démocratique qui contribue tant à la stabilité de son système, et l’efficacité brute de la répression de classe, nous pouvons jouer d’une contradiction qui, quelle que soit le choix de l’ennemi, servira la cause des travailleurs : soit la répression devra adopter un profil un peu plus bas, soit l’ennemi se trouvera démasqué idéologiquement et des contradictions naîtrons dans ses relais.

On sait qu’une des raisons du recours de plus en plus systématique aux astreintes est qu’il offre une image bien moins « choquante » de la répression qu’une meute de flics dispersant un piquet par la violence. Les astreintes passent inaperçues, alors qu’elles représentent une violence terrible. On sait ce que peut signifier d’énormes amendes dans un système où les services publics sont soit liquidés, soit transformés en marchandises au profit des opérateurs publics. D’énormes amendes signifie renoncer à un logement décent, à des études supérieures pour les enfants, etc. Il faut dénoncer cette violence là, moins sanglante mais infiniment plus profondément blessante et redoutée qu’il simple passage à tabac. Il faut dénoncer les astreintes. Il faut dénoncer le fait qu’elles soient systématiquement accordées aux patrons, qu’elles leur permettent de casser la résistance ouvrière. La généralisation des astreinte, ce n’est ni plus ni moins que la carte blanche accordée aux patrons. Sûrs de bénéficier des astreintes pour casser les luttes, ils peuvent imposer n’importe quel plan de licenciement, réduction de salaire, dégradation des conditions de travail.

Dénoncer les astreintes implique, naturellement, la plus grande clarté politique et idéologique. Il faut absolument éviter les mots d’ordre qui entretiendraient une illusion sur la nature de classe du système, du pouvoir, de la justice. Il n’y a pas de « droits démocratiques », de « droit de grève » ou de « droits syndicaux » inscrits dans les astres, que la justice devrait servir ou respecter. Il y a une ligne de front , fonction du rapport de force entre les classes, entre les travailleurs luttant pour leurs intérêts et toute une superstructure sociale, politique, judiciaire, médiatique, au service des intérêts du capital. Il n’y a rien d’autre que la lutte. C’est grâce à la lutte que le prolétariat a pu faire évoluer cette ligne de front. Ainsi, ce sont les grèves insurrectionnelles de 1886 à Liège, dans le pays de Charleroi et dans le Borinage qui sont à l’origine de la protection sociale en Belgique. Et ce qui a été acquis par une victoire peut être perdu par une défaite.

Piquet devant un supermarché (8 décembre 2005) : astreintes de 500 € par gréviste pour chaque client interdit d'accès au magasin Carrefour d'Auderghem

Piquet devant un supermarché (8 décembre 2005) : astreintes de 500 € par gréviste pour chaque client interdit d’accès au magasin Carrefour d’Auderghem

La complicité des appareils syndicaux réformistes

Les centrales syndicales, FGTB et CSC, leur appareil et la majorité des délégués sont étroitement liés à l’appareil d’Etat et aux partis bourgeois. Ces centrales sont indispensables à la gestion capitaliste de la main-d’œuvre et au contrôle de la classe ouvrière, à la fois dans ses revendications et dans sa lutte politique. A l’image de la législation du travail qui existe en Allemagne, où les grèves de solidarité sont interdites, les appareils des syndicats réformistes s’emploient à prévenir et à contrôler les grèves, qu’elles soient économiques ou qu’elles aient un caractère politique.

Qu’est-ce qui caractérise la pratique de ces appareils ?

1° ils entretiennent l’illusion que l’Etat et les gouvernements bourgeois sont des intermédiaires entre les organisations syndicales et le patronat.

2° ils ont répandu l’idée que l’Etat et les gouvernements bourgeois sont les défenseurs d’acquis sociaux, dont la sécurité sociale, alors que toutes les mesures gouvernementales constituent un vol systématique, « légal » et planifié des cotisations des travailleurs soit une formidable concentration de capitaux spoliés et reversé au patronat.

3° ils ont pour rôle essentiel de garantir la « paix sociale », c’est-à-dire de maintenir les revendications de la classe ouvrière, et des travailleurs en général, dans un cadre strictement économique, et parfois uniquement défensif (« limiter le nombre des licenciements »)

4° ils entretiennent, au niveau des directions, de multiples liens avec les organisations patronales, par le biais d’organismes gouvernementaux, à l’occasion de « négociations » pour la conclusion de conventions collectives qui répondent aux exigences du patronat.

5° ils participent à la mise sur pied de « comités d’urgences », en collaboration avec la police, les politiciens locaux ou fédéraux, des responsables gouvernementaux et des partis bourgeois quand se développent des luttes ouvrières potentiellement radicales.

6° ils forment des militants coupés de la base, étrangers aux réalités sociales, étrangers à l’histoire du mouvement ouvrier et a u socialisme ignorants du fonctionnement de l’économie capitaliste, convaincus qu’ « il n’y a pas d’autre système », et rompus aux « techniques de négociations ». Ils renforcent ainsi une « aristocratie ouvrière » et un appareil bureaucratique dont les agents se cooptent entre eux et deviennent complices de pratiques antidémocratiques et souvent mafieuses.

7° ils renforcent le corporatisme le chauvinisme et la division entre les travailleurs (cf. le projet d’éclatement de la Centrale des Métallurgiste entre une centrale flamande et une centrale wallonne)

Beaucoup de délégués et d’affiliés revendiquent l’ « indépendance syndicale » et un fonctionnement démocratique comme réponse au réformisme. Cette revendication peut sembler légitime mais elle entretient l’illusion de l’abandon du réformisme et d’une possible réforme, d’un renouveau syndical, qui ne pourront jamais intervenir quel que soit le niveau de mobilisation et de combativité. C’est sur la base de ces critiques fondamentales que se présente la nécessité de militer dans les syndicats réformistes et de créer des alternatives d’organisation de la lutte syndicale.

Nouvelles formes d’organisation, nouvelles formes d’action

Dénoncer les astreintes ne suffit donc pas. Il faut aussi explorer les formes d’organisation et de lutte qui ne prêtent pas le flanc à la répression bourgeoise et qui échappent aux mécanismes de neutralisation des appareils syndicaux réformistes. En ce qui concerne la forme d’organisation, nous avons déjà eu l’occasion d’exposer la formule des Comités de Lutte Syndicale dans le premier numéro de Clarté. En ce qui concerne des formes d’action, il suffira dans ces lignes de mentionner les formes d’attaques aux intérêts patronaux qui préservent l’anonymat des travailleurs qui les pratiquent, comme la sabotage. Les piquets de grève à l’ancienne doivent être remis en question, dès que la menace des astreintes se profile, au profit de formes d’actions plus mobiles et imprévisibles. Chaque entreprise représente un cas particulier, offre des solutions particulières pour bloquer la production (ou la commercialisation des produits) en appui à la lutte.

Et pour cela, il faut résolument affronter la question de l’illégalité. En effet, lorsque l’on a conscience de la nature réelle du droit, des lois, du phénomène juridique et des appareils judiciaires, c’est-à-dire quand on a conscience de leur inévitable nature de classe, on comprend que, selon que l’on soit bourgeois ou prolétaire, on aura une perception radicalement différente du système juridique et judiciaire en place. Tous ceux qui ont intérêt à la perpétuation du système feront tout pour que le droit, (leur propre droit !), continue à régir les rapports sociaux. A l’inverse, tous ceux qui ont intérêt et qui aspirent à un changement de système considèrent comme étranger et hostile un droit qui organise leur oppression.

Les opprimés doivent tout faire pour être victorieux dans la lutte des classes, et cela ne peut que les mener à l’illégalité. Comme le droit est la codification systématique des intérêts de la classe dominante, toute initiative visant sérieusement ses intérêts, et plus encore tout lutte visant finalement à son renversement, devra forcément, tôt ou tard, enfreindre la légalité en vigueur. Lutter contre le système esclavagiste imposait une rupture avec la légalité esclavagiste ; lutter contre le système féodal imposait une rupture avec la légalité féodale ; lutter contre le système capitaliste impose une rupture avec la légalité bourgeoise.

Le rapport des révolutionnaires à la loi est un rapport purement tactique. Le choix et la décision de développer telle ou telle stratégie, d’engager telle ou telle activité de lutte n’est jamais prise au regard de son caractère légal ou illégal. La situation objective détermine les choix dont le seul but est de contribuer au progrès de la lutte révolutionnaire. La question de la légalité ou de l’illégalité n’intervient qu’ensuite, et de manière purement pratique : des choix contraires à la loi exigeront des mesures particulières (telles le secret et l’anonymat), pour qu’ils puissent être menés malgré la réaction de l’appareil policier. Car le droit appelle nécessairement à un appareil répressif capable de l’imposer au corps social. Sans cet appareil répressif et le terrorisme qu’il exerce, il serait en effet impossible d’imposer aux classes dominées les règles du jeu de dupes fixées par la classe dominante: des croix pour les esclaves de la révolte de Spartacus aux quartiers d’isolements pour les révolutionnaires des pays impérialistes.

Constitution de l’association des « Amis de Clarté » !

En cette période de faiblesse des luttes prolétariennes et révolutionnaires, un journal comme Clarté est indispensable pour servir de lien entre les révolutionnaires, pour faire vivre leur réflexion et pour porter leur parole. L’association des « Amis de Clarté » est un collectif qui a pour but de répandre et de soutenir le journal Clarté dont l’action est basée sur la lutte des classes et la poursuite du programme communiste révolutionnaire.
L’association est ouverte aux membres du Bloc Marxiste-Léniniste, à ses sympathisants, et à toute personne qui, sans partager les choix du Bloc ML, trouve utiles l’existence et la popularisation de Clarté .

L’association a pour conditions d’adhésion :

1. Etre en règle d’abonnement « de sympathie » à Clarté ,

2. Promouvoir et diffuser Clarté ,

3. Participer aux réunions des « Amis de Clarté » .

L’association prend pour nom « Amis de Clarté » en hommage aux « Amis de l’Exploité » , organisation pionnière du communisme révolutionnaire en Belgique

Comme première activité, et à l’occasion de la Journée internationale de la femme, les Amis de Clarté organisent le mercredi 8 mars 2006 une projection du film Ouvrières du Monde de Marie-France Collard, sur la lutte des ouvrières de Levis dans le monde entier, au Garcia Lorca (rue des Foulons, métro Anneessens).

1918-1921 : Les « Amis de l’Exploité »

La constitution des « Amis de Clarté » fait directement référence aux « Amis de l’Exploité ». Quelques mots sur cette expérience fondamentale pour l’histoire du mouvement communiste en Belgique. Les « Amis de L’Exploité » est une organisation qui, au sein du Parti Ouvrier Belge, a regroupé ceux qui adhéraient au programme défendu par le journal L’Exploité, « organe socialiste d’action directe » .
Ce mensuel devenu hebdomadaire avait été fondé le 17 novembre 1918, au lendemain de l’armistice. Joseph Jacquemotte, Charles Massart et Charles Everling y exposaient leurs positions contre le « ministérialisme » (la participation de ministres POB aux gouvernements bourgeois), en faveur de la lutte des classes et de la révolution soviétique.

En 1920, L’Exploité fut la cible de la direction social-démocrate du POB. Le Congrès restreint et secret du POB des 11 et 12 décembre 1920 mit en demeure les « Amis de l’Exploité » de cesser leurs activités. C’était en fait une expulsion, mais elle ne freina pas le développement du journal qui devint bi-hebdomadaire, dont le format fut agrandi, et dont le tirage passa à 12.000 exemplaires ! Les « Amis de l’Exploité » ouvrirent une librairie à Bruxelles qui fut aussitôt perquisitionnée par la police (lep résident du POB, Emile Vandervelde, était alors au gouvernement…).

Trois mois plus tard, le deuxième congrès des « Amis de l’Exploité » constatait que l’écart entre son programme et la pratique droitière du POB ne cessait de grandir et affirma son « adhésion morale » aux thèses de la IIIe Internationale (Komintern, fondée en 1919). Au troisième congrès des « Amis de l’Exploité » (en mai 1921), la rupture avec le POB était achevée et les congressistes votèrent par 713 voix contre 35 et 30 abstentions les 21 conditions d’adhésion énoncées par le IIe congrès du Komintern (juillet-août 1920). En juillet, Joseph Jacquemotte et Robert Poulet assistaient au troisième congrès du Komintern. L’étape suivante consista en la fusion des divers groupes qui adhéraient aux conditions d’adhésion au Komintern (comme le groupe de War Van Overstraeten organisé autour du journal L’Ouvrier communiste ) dans la fondation du Parti Communiste de Belgique, « section belge de l’Internationale communiste » .

Ce fut chose faite les 3 et 4 septembre 1921, et, parmi les groupes fondateurs, celui des « Amis de l’Exploité » était probablement le plus avancé idéologiquement, politiquement et opérationnellement.

8 mars : Journée internationale de la femme

Le 8 mars 1857, des travailleuses protestaient à New-York pour obtenir plus de droits dans leur emploi et dans la famille. En 1910, à Stockholm, Clara Zetkin, future dirigeante communiste allemande, invoquait cette lutte historique pour faire naître la « journée internationale de la femme ».

Tachkent, Ouzbekistan soviétique, le 8 mars 1926 : les femmes qui ont mis bas le tchador célèbrent la Journée de la femme sous la protection de l'Armée Rouge - elles défilent malgré les menaces des islamistes

Tachkent, Ouzbekistan soviétique, le 8 mars 1926 : les femmes qui ont mis bas le tchador célèbrent la Journée de la femme sous la protection de l’Armée Rouge – elles défilent malgré les menaces des islamistes

Dès le début, cette journée ne concerna pas que les femmes, tant il est vrai qu’une véritable libération sociale passe aussi, incontournablement, par la libération de la femme : ou il y aura libération pour tout le monde, ou il n’y aura de libération pour personne.

Le rôle de la femme dans la société n’a jamais été ni ne sera jamais « éternel », même si l’idéologie dominante tente de nous en persuader. L’oppression ni l’exploitation n’ont existé de toute éternité ni ne sont promises à l’éternité. La question clé est de savoir comment la femme peut se libérer pour devenir, en tant qu’être humain, une part dans cette société avec des droits et des devoirs égaux à ceux des hommes. Comme l’exposait Bebel dans son classique « La femme et le socialisme », il ne faut pas dissocier pas la question de la femme des autres rapports sociaux, et quand nous parlons de la question de la femme, il s’agit aussi bien de sa place dans la société actuelle que de sa place dans la société pour laquelle nous luttons. La lutte pour la libération de la femme se fait dans le cadre des rapports sociaux (et donc des rapports de production, de propriété), parce que cette problématique n’est qu’un élément dans la question sociale en général.

Affirmer que la question de la femme n’est que la partie d’un tout ne signifie pas atténuer l’importance de cette question. Au vrai, la question de la libération de la femme devient fondamentale, non seulement parce qu’elle concerne directement la moitié de l’humanité qui fait l’objet d’une exploitation et d’une oppression particulières, mais aussi parce que la prolétariat ne peut espérer progresser dans la lutte contre l’oppression bourgeoise que s’il parvient à liquider dans son sein les rapports hiérarchiques et oppressifs comme le sexisme ou le racisme. Le travailleur ne peut se libérer du capitalisme en continuant d’opprimer la travailleuse, ou en laissant la travailleuse continuer à faire l’objet de forme d’oppression particulières. Ce n’est qu’en reconnaissant la situation particulière des femmes dans la société actuelle, qui transforme toutes les choses et tous les être en marchandise, et en luttant contre les formes particulières d’oppression que les femmes endurent, que nous pourrons réellement lutter pour la libération de tous.

AGENDA
A l’occasion de la Journée internationale de la femme, les Amis de Clarté organisent le mercredi 8 mars 2006 une projection du film Ouvrières du Monde de M.-F. Collard, sur la lutte des ouvrières de Levis dans le monde entier au Garcia Lorca, rue des Foulons, métro Anneessens.

FREE THE DOCKERS !

Dans le sillage du Comité Splintex, un comité a été mis sur pied à Bruxelles le samedi 21 janvier 2006 pour la défense de tous les dockers européens, persécutés, emprisonnés et condamnés à la suite de leur grande lutte. Ce comité se réunit tous les lundi à 19HOO au café Greenwich, rue des Chartreux (métro Bourse). Le Bloc ML encourage cette initiative dont voici le texte fondateur :
Les dockers et les travailleurs de toute l’Europe se mobilisent depuis des années contre la directive Bolkenstein et pour la défense de leur emploi et la sécurité au travail. On veut remplacer les dockers par les marins embarqués, sous-payés et doublement exploités, pour les travaux de charge et décharge dans les ports. Cette directive vise uniquement à augmenter encore les profits des grands armateurs, sans même fournir un bénéfice quelconque pour les travailleurs embarqués de pays non-européens, avec lesquels les dockers déclarent d’ailleurs leur solidarité.

Les dockers d’Europe avaient déjà obtenu une première victoire, quand le parlement a rejeté en 2003 un projet « d’ouverture à la concurrence » des services portuaires. Un nouveau projet, la « seconde mouture dramatique de la directive portuaire » selon la Lloyd, a été présenté au Parlement européen, et a été rejeté le 18 janvier. Dix milles dockers étaient venus de tous les ports de l’Europe pour protester depuis le lundi 16 contre cette directive et ont donc obtenu encore une fois gain de cause. « Nous venons d’encaisser une seconde calotte » disait Lamoureux, de la Commission européenne des Transports. Ce qui n’empêchera pas les patrons et la Commission de faire une troisième tentative.

Les dockers ne se battent pas seuls, comme l’a montré la manifestation européenne du 19 mars 2004 à Bruxelles. Cette fois, par une lutte coordonnée de solidarité au-delà des frontières, avec les dockers nous avons gagné tous les travailleurs.

Après cette victoire, le capital européen a contre-attaqué. Mettant en oeuvre les mêmes lois « sécuritaires » fraîchement élaborés à l’occasion de la révolte des banlieues, il y a quelques mois, la police française a réprimé la manifestation des dockers à Strasbourg et a par la suite arrêté et jugé en « comparution immédiate » devant le tribunal correctionnel de Strasbourg neuf dockers belges, deux Français, un Espagnol et un Néerlandais pour « dégradations, violences et rébellion à agent ».

Un docker belge a écopé de quatre mois de prison ferme avec interdiction de territoire d’un an. Un ressortissant espagnol a été condamné à cinq mois d’emprisonnement avec sursis. Un docker français du Havre a été condamné à un mois de prison avec sursis, tandis qu’un ressortissant de Saint-Nazaire a écopé d’une peine de trois mois ferme.

Tous les travailleurs ont bénéficié de la combativité des dockers européens. Tous les secteurs doivent maintenant se concentrer sur la défense de ces camarades et exiger leur mise en liberté immédiate et la cessation de toute poursuite judiciaire. En Belgique nous avons eu un grand exemple lorsque les patrons et le gouvernement ont voulu condamner les militants de la grande lutte des forges de Clabecq. Une mobilisation sans trêve a finalement obtenu leur acquittement. Pour les dockers de toute l’Europe, nous devons aussi organiser une telle mobilisation maintenant, au-delà des frontières évidemment.

Nous exigeons des syndicats une ample mobilisation en défense des dockers. C’est ainsi que nous continuerons la lutte commune et unitaire. L’argent est nécessaire mais pas suffisant. Les sections d’entreprises doivent prendre des initiatives.

Libération immédiate et acquittement de tous les dockers emprisonnés.
Non à la criminalisation des luttes syndicales
Tous ensemble, tous ensemble,
avec les dockers, contre l’Europe du capital !

Le comité FREE THE DOCKERS organise une soirée de soutien au profit des dockers emprisonnés au Garcia Lorca, rue des Foulons (métro Anneessens) le 6 février à 19H30 avec projection du fil de Ken Loach The Flickering Flame sur la grève des dockers de Liverpool en 1995-1997.

Le siège national du Parti socialiste, boulevard de l'Empereur, Bruxelles, janvier 2006.

Le siège national du Parti socialiste, boulevard de l’Empereur, Bruxelles, janvier 2006 : « PS, valet du capital »


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