1. Début de l’intervention militaire de l’étranger. Première période de la guerre civile.

Ainsi la paix avait été conclue à Brest-Litovsk et le pouvoir des Soviets s’était consolidé à la suite des mesures économiques révolutionnaires qu’il avait prises. Ces deux faits s’étaient produits à un moment où, en Occident, la guerre battait encore son plein, et ils avaient provoqué la plus vive alarme parmi les impérialistes d’Occident, et surtout parmi les impérialistes de l’Entente.

Ils craignaient que la signature de la paix entre l’Allemagne et la Russie pût alléger la situation militaire de l’Allemagne et aggra­ver en conséquence celle des armées de l’Entente. Ils craignaient ensuite que la conclusion de la paix entre la Russie et l’Allemagne pût renforcer l’élan vers la paix dans tous les pays, sur tous les fronts, et compromettre ainsi la cause de la guerre, la cause des impérialistes.

Ils redoutaient enfin que l’existence du pouvoir des Soviets sur le territoire d’un immense pays et ses succès intérieurs, consécutifs au renversement du pouvoir de la bourgeoisie, ne fus­sent un exemple contagieux pour les ouvriers et les soldats d’Occident : profondément mécontents d’une guerre qui traînait en longueur, ceux-ci ne pouvaient-ils, à l’exemple des Russes, tourner leurs baïonnettes contre leurs maîtres et oppresseurs ? Pour toutes ces raisons, les gouvernements de l’Entente décidèrent une intervention militaire en Russie, pour renverser le pouvoir des So­viets et mettre sur pied un pouvoir bourgeois qui restaurerait le régime capitaliste dans le pays, annulerait le traité de paix avec l’Allemagne et rétablirait le front militaire contre l’Allemagne et l’Autriche.

Les impérialistes de l’Entente entreprirent d’autant plus volon­tiers cette infâme besogne qu’ils étaient convaincus de la précarité du pouvoir des Soviets et ne doutaient pas que, si ses ennemis s’y employaient, il ne tarderait pas à succomber.

Les succès du pouvoir des Soviets et sa consolidation avaient semé encore plus d’alarme dans les rangs des classes renversées, grands propriétaires fonciers et capitalistes, dans les rangs des partis battus, cadets, menchéviks, socialistes-révolutionnaires, anarchistes, nationalistes bourgeois de toute sorte, dans les rangs des généraux gardes-blancs, des officiers cosaques, etc.

Dès les premiers jours de la victoire de la Révolution d’Octobre, ces éléments hostiles avaient crié sur tous les toits que le pouvoir soviétique n’avait pas de terrain propice en Russie, qu’il était condamné, qu’il s’effondrerait dans une ou deux semaines, dans un mois, ou tout au plus dans deux ou trois mois.

Mais comme le pouvoir soviétique, en dépit des exorcismes de ses ennemis, con­tinuait à exister et à se consolider, les ennemis du pouvoir des Soviets à l’intérieur de la Russie se virent obligés de reconnaître que ce pouvoir était beaucoup plus fort qu’ils ne l’auraient cru, que pour le renverser il fallait un sérieux effort, une lutte acharnée de toutes les forces de la contre-révolution. Aussi décidèrent-ils de faire un vaste travail de rébellion pour rassembler les forces de contre-révolution, pour racoler des cadres militaires, pour or­ganiser des émeutes, avant tout dans les régions cosaques et dans celles où les koulaks étaient en force.

C’est ainsi que dès la première moitié de 1918, deux forces déterminées apparurent, qui étaient prêtes à renverser le pouvoir des Soviets : les impérialistes de l’Entente et la contre-révolution intérieure de Russie.

Aucune de ces forces ne réunissait des moyens suffisants pour entreprendre à elle seule de renverser le pouvoir des Soviets. La contre-révolution de Russie disposait de certains cadres militaires, ainsi que de certaines ressources en hommes, principalement parmi les couches supérieures des cosaques et chez les koulaks, ressources nécessaires pour déclencher un soulèvement contre le pouvoir des Soviets.

Mais elle n’avait ni argent ni armes. Les impérialistes étrangers, au contraire, avaient de l’argent et des armes, mais ils ne pouvaient « assigner » pour l’intervention des forces militaires suffisantes, non seulement parce que ces forces étaient indispensables pour la guerre contre l’Allemagne et l’Autriche, mais encore parce qu’elles pouvaient s’avérer trop peu sûres pour la lutte contre le pouvoir des Soviets.

Les circonstances de la lutte contre le pouvoir des Soviets imposaient la fusion des deux forces antisoviétiques, celle de l’étranger et celle de l’intérieur. Et cette fusion s’opéra dans la première moitié de 1918.

C’est ainsi que prit forme l’intervention militaire de l’étran­ger contre le pouvoir des Soviets, appuyée par les rébellions contre-révolutionnaires des ennemis de ce pouvoir à l’intérieur de la Russie. C’est ainsi que finit la trêve et que la guerre civile commença en Russie, c’est-à-dire la guerre des ouvriers et des paysans des peuples de Russie contre les ennemis extérieurs et intérieurs du pouvoir des Soviets.

Les impérialistes d’Angleterre, de France, du Japon, des États-Unis déclenchent l’intervention sans déclaration de guerre, bien que cette intervention fût une guerre contre la Russie, et une guerre de la pire espèce. Ces brigands « civilisés » se glissent, subrepticement, en voleurs, et débarquent leurs troupes en territoire russe.

Les Anglo-Français opèrent un débarquement dans le nord de la Russie ; ils occupent Arkhangelsk et Mourmansk, et ils y épau­lent l’émeute des gardes blancs ; ils renversent le pouvoir des Soviets et forment un gouvernement garde-blanc, le « gouvernement du Nord de la Russie ».

Les Japonais débarquent leurs troupes à Vladivostok, s’em­parent de la Province maritime, dispersent les Soviets et épaulent les rebelles gardes-blancs, qui rétabliront plus tard le régime bourgeois. Dans le Caucase du Nord, les généraux Kornilov, Alexéev, Dénikine, secondés par les Anglo-Français, organisent une « armée volontaire » de gardes blancs, provoquent une émeute parmi les couches supérieures des cosaques et partent en campagne contre les Soviets. Dans la région du Don, les généraux Krasnov et Mamontov, secrètement aidés des impérialistes allemands (qui n’osaient les soutenir ouvertement, en raison du traité de paix avec la Russie), soulèvent une révolte parmi les cosaques du Don, occupent la ré­gion et partent en campagne contre les Soviets.

Dans la région de la Moyenne-Volga et en Sibérie, les menées anglo-françaises aboutissent à l’organisation de la révolte du corps d’armée tchécoslovaque. Le gouvernement soviétique avait autorisé ce corps d’armée composé de prisonniers de guerre à rentrer dans sa patrie par la Sibérie et l’Extrême-Orient. Mais il fut utilisé en cours de route par les socialistes-révolutionnaires et les Anglo-Fran­çais qui le poussèrent à se soulever contre le pouvoir des Soviets.

L’émeute du corps d’armée tchécoslovaque fut le signal de la ré­volte des koulaks dans le bassin de la Volga et en Sibérie, et de celle des ouvriers des usines de Volkinsk et d’Ijevsk qui suivaient les socialistes-révolutionnaires. Dans la région de la Volga se cons­titua le gouvernement garde-blanc et socialiste-révolutionnaire de Samara ; à Omsk, le gouvernement garde-blanc de Sibérie.

L’Allemagne ne participait pas et ne pouvait pas participer à cette intervention du bloc anglo-franco-nippo-américain. D’abord parce qu’elle était en guerre contre ce bloc. Mais malgré cela, et en dépit du traité de paix qui existait entre la Russie et l’Allemagne, personne parmi les bolchéviks ne doutait que le gouvernement de l’empereur Guillaume ne fût, pour le pays des Soviets, un ennemi tout aussi féroce que les interventionnistes anglo-franco-nippo-américains. Et en effet, les impérialistes allemands faisaient l’im­possible pour isoler, affaiblir et perdre le pays des Soviets.

De la Russie soviétique, ils détachèrent l’Ukraine, en vertu, il est vrai, d’un « traité » passé avec la Rada d’Ukraine ; ils introduisirent leurs troupes dans ce pays à la demande de la Rada ukrainienne contre-révolutionnaire, et se mirent en devoir de piller et d’oppri­mer inhumainement le peuple ukrainien, en lui interdisant le moindre contact avec la Russie soviétique. Ils amputèrent la Russie soviétique de la Transcaucasie où, à la demande des nationalistes géorgiens et azerbaïdjanais, ils introduisirent des troupes allemandes et turques et s’installèrent en maîtres à Tiflis et à Bakou. Ils soutenaient contre le pouvoir des Soviets, — secrètement il est vrai, — mais par tous les moyens, en lui fournissant munitions et vivres, le général Krasnov, révolté dans la région du Don.

La Russie soviétique se trouvait ainsi coupée de ses principales sources de vivres, de matières premières et de combustible.

La situation de la Russie soviétique fut difficile, à l’époque. On manquait de pain. On manquait de viande. Les ouvriers étaient tenaillés par la faim. Aux ouvriers de Moscou et de Pétrograd, on distribuait cinquante grammes de pain pour deux jours. Et il arrivait qu’on ne distribuât pas de pain du tout. Les usines chômaient, ou presque ; elles manquaient de matières premières et de combustible. Mais la classe ouvrière ne connut pas le découragement. Le découragement n’atteignit pas le Parti bolchévik. Les difficultés inouïes de cette période et la lutte acharnée contre les difficultés montrèrent quelle énergie inépuisable la classe ouvrière recèle et de quelle force d’autorité, grande et infinie, le Parti bolchévik dispose.

Le Parti proclama que le pays était un camp retranché, et réorganisa la vie économique, politique et culturelle sur le pied de guerre. Le gouvernement soviétique déclara : « La patrie socialiste est en danger », et appela le peuple à la résistance. Lénine lança le mot d’ordre : « Tout pour le front. » Et des centaines de milliers d’engagés volontaires, ouvriers et paysans, rejoignirent l’Armée rouge.

Près de la moitié des effectifs du Parti et des Jeunesses communistes étaient au front. Le Parti soulevait le peuple pour la guerre de salut de la patrie, contre l’invasion des troupes étrangères, contre les rébellions des classes exploiteuses renversées par la révolution. Le Conseil de la défense ouvrière et paysanne, organisé par Lénine dirigeait le ravitaillement du front en hommes, en vivres, en équipements, en munitions. L’abandon du principe du volontariat et l’introduction du service militaire obligatoire firent affluer dans l’Armée rouge de nouveaux contingents, forts de centaines de milliers d’hommes ; en un court espace de temps, les effectifs de l’Armée rouge avaient atteint un million d’hommes.

Bien que la situation du pays fût difficile et que l’Armée rouge, encore jeune, n’eût pas eu le temps de prendre toute sa force, les mesures prises pour la défense aboutirent à de premiers succès.

Le général Krasnov fut repoussé de Tsaritsyne dont il considérait la prise comme certaine, et rejeté au delà du Don. L’action du général Dénikine fut localisée dans une zone peu étendue du Cau­case du Nord, et le général Kornilov fut tué dans une bataille contre l’Armée rouge. Les Tchécoslovaques et les bandes de socialistes-révolutionnaires et de gardes blancs furent chassés de Kazan, de Simbirsk, de Samara et refoulés vers l’Oural. L’émeute du garde blanc Savinkov, à Iaroslavi, qui avait été organisée par Lockhart, chef de la mission anglaise à Moscou, fut écrasée, et Lockhart arrêté. Pour avoir exercé la terreur blanche contre les bolchéviks, les socialistes-révolutionnaires qui avaient assassiné les camarades Ouritski et Volodarski et perpétré un lâche attentat contre Lénine, furent soumis à la terreur rouge et écrasés sur tous les points quelque peu importants de la Russie centrale.

La jeune Armée rouge se trempait, s’aguerrissait dans les batailles contre l’ennemi. Les commissaires communistes qui travaillaient alors dans l’Armée rouge, jouèrent un rôle décisif pour la consolidation de l’Armée, pour son éducation politique, pour le renforcement de sa valeur militaire et de sa discipline.

Le Parti bolchévik comprit que ces succès de l’Armée rouge ne pouvaient décider de l’issue des opérations, que ce n’étaient là que des coups d’essai. Il se rendit compte que de nouvelles batailles, encore plus graves, étaient imminentes ; que le pays ne pourrait récupérer ses bases de ravitaillement en vivres, en matières premières et en combustible qu’au prix de batailles sérieuses, acharnées, contre l’ennemi. Aussi les bolchéviks entreprirent-ils de se préparer énergiquement à une guerre de longue haleine ; ils résolurent de mettre l’arrière tout entier au service du front.

Le gouvernement soviétique instaura le communisme de guerre. Il plaça sous son contrôle, outre la grande industrie, la petite et la moyenne, afin d’accumuler des réserves de marchandises de gran­de consommation et d’en pourvoir l’armée et la campagne. Il éta­blit le monopole du blé, en interdit le commerce privé et établit un régime de prélèvements pour recenser tous les excédents de pro­duits alimentaires détenus par les paysans, afin d’amasser des réserves de blé et de ravitailler l’armée et les ouvriers. Enfin, il introduisit le travail obligatoire pour toutes les classes. En con­traignant la bourgeoisie au travail manuel et en libérant de la sor­te les ouvriers, qui purent ainsi exécuter un autre travail, plus im­portant pour le front, le Parti réalisait le principe : « Qui ne tra­vaille pas, ne mange pas. »

Tout cet ensemble de mesures, qui étaient imposées par les conditions exceptionnellement difficiles de la défense du pays et qui avaient un caractère provisoire, s’appela communisme de guerre. Le pays se prépara à une longue et âpre guerre civile contre les ennemis extérieurs et intérieurs du pouvoir des Soviets. Il lui fallut tripler les effectifs de l’armée vers la fin de 1918. Il lui fallut accumuler des ressources pour ravitailler cette armée.

Lénine indiquait à l’époque :

« Nous avions décidé d’avoir une armée d’un million d’hommes au printemps ; et il nous faut maintenant une armée de trois millions d’hommes. Nous pouvons l’avoir. Et nous l’aurons. »

**2. Défaite militaire de l’Allemagne. Révolution allemande. Fondation de la IIIe Internationale. VIIIe congrès du Parti.

Tandis que le pays des Soviets se préparait aux nouvelles batailles contre l’intervention étrangère, des évènements décisifs se déroulaient en Occident, à l’arrière et sur les fronts des pays belligérants. L’Allemagne et l’Autriche étouffaient dans l’étau de la guerre et de la crise de subsistances. Alors que l’Angleterre, la France te les États-Unis engageaient des réserves toujours nouvelles, les faibles réserves de l’Allemagne et de l’Autriche touchaient à leur fin. Il était évident que les deux pays, épuisés à l’extrême seraient incessamment vaincus.

Simultanément, l’indignation populaire montait en Allemagne et en Autriche contre l’interminable et funeste guerre, contre les gouvernements impérialistes de ces pays, qui vouaient le peuple à l’épuisement, à la famine.

À cet état d’esprit contribuait également la puissante action révolutionnaire de la Révolution d’Octobre, la fraternisation des soldats soviétiques avec les soldats austro-allemands sur le front, dès avant la paix de Brest-Litovsk, enfin, l’influence de la cessation de la guerre avec la Russie soviétique, l’influence de la paix signée avec elle. L’exemple de la Russie, dont le peuple avait mis un terme à la guerre exécrée en renversant son gouvernement impérialiste, ne pouvait pas ne pas servir de leçon aux ouvriers austro-allemands.

Quant aux soldats allemands qui avaient été sur le front est et qui, plus tard, après la paix de Brest-Litovsk, avaient été envoyés au front ouest, ils ne pouvaient manquer de décomposer l’armée allemande en racontant leur fraternisation avec les soldats soviétiques et comment ceux-ci s’étaient libérés de la guerre. En ce qui concerne l’armée autrichienne, elle avait commencé à se décomposer bien plus tôt, pour les mêmes raisons.

Toutes ces circonstances renforcèrent l’aspiration à la paix des troupes allemandes ; elles avaient perdu leur ancienne valeur combative et elles reculaient sous la poussée des armées de l’Entente. En Allemagne même, une révolution éclata en novembre 1918, qui renversa Guillaume et son gouvernement.

Force fut à l’Allemagne de s’avouer vaincue et de demander la paix à l’Entente.

C’est ainsi que l’Allemagne, puissance de premier rang, fut réduite d’un seul coup à l’état de puissance de second ordre.

Pour le pouvoir des Soviets, cette circonstance avait une certaine portée négative, puisqu’elle faisait des pays de l’Entente, organisateurs de l’intervention militaire contre le pouvoir soviétique, la force dominante de l’Europe et de l’Asie ; elle leur permettait de renforcer l’intervention et d’organiser le blocus du pays des Soviets, de serrer encore le nœud coulant qui étranglait ce pays. C’est bien ce qu’ils firent, comme nous le verrons plus tard.

Mais d’un autre côté, cette circonstance avait une portée positive encore plus grande, puisqu’elle allégeait radicalement la situation du pays des Soviets. Premièrement, le pouvoir soviétique pouvait annuler la paix spoliatrice de Brest-Litovsk, arrêter les paiements au titre de la contribution de guerre et engager ouvertement la lutte militaire et politique pour libérer l’Estonie, la Lettonie, la Biélorussie, la Lituanie, l’Ukraine, la Transcaucasie, pour les arracher au joug de l’impérialisme allemand.

En second lieu, et c’est là l’essentiel, l’existence au centre de l’Europe, en Allemagne, d’un régime républicain et de Soviets de députés ouvriers et soldats devait exercer une influence révolutionnaire, — et elle exerça réellement cette influence, — sur les autres pays d’Europe, ce qui ne pouvait manquer de raffermir la situation du pouvoir des Soviets en Russie. La révolution allemande était, il est vrai, une révolution bourgeoise, et non socialiste ; les Soviets y étaient un instrument docile du parlement bourgeois, car en son sein dominaient les social-démocrates, des conciliateurs dans le genre des menchéviks russes, ce qui explique proprement la faiblesse de la révolution.

À quel point elle était faible, c’est ce qu’atteste, par exemple, le fait qu’elle laissa impuni l’assassinat par les gardes blancs de révolutionnaires en vue comme R. Luxembourg et K. Liebknecht. Mais c’était quand même une révolution. Guillaume avait été renversé. Les ouvriers avaient secoué leurs chaînes ; ce fait seul devait forcément donner libre cours à la révolution en Occident, susciter un essor de la révolution dans les pays d’Europe.

La révolution montait en Europe. En Autriche, le mouvement révolutionnaire prenait de l’extension. La République des Soviets avait été proclamée en Hongrie. À la faveur de la vague révolutionnaire, les partis communistes, en Europe, étaient remontés à la surface.

Un terrain réel se trouvait crée pour l’unification des partis communistes dans la IIIe Internationale, dans l’Internationale communiste.

En mars 1919, à Moscou, au Ier congrès des partis communistes de différents pays, l’Internationale communiste fut fondée sur l’initiative de Lénine et des bolchéviks. Le blocus et les persécutions des impérialistes avaient empêché beaucoup de délégués de se rendre à Moscou ; le Ier congrès réunit néanmoins les délégués des principaux pays d’Europe et d’Amérique. C’est Lénine qui dirigea les travaux du congrès.

Dans son rapport sur la démocratie bourgeoise et la dictature du prolétariat, Lénine montra la signification du pouvoir des Soviets, en tant que démocratie authentique pour les travailleurs. Le congrès adopta un Manifeste au prolétariat international, qui appelait à la lutte décisive pour la dictature prolétarienne, pour la victoire des Soviets dans tous les pays.

Le congrès constitua un Comité exécutif de la IIIe Internationale, de l’Internationale communiste (C.E. de l’I.C.).

C’est ainsi que fut crée une organisation internationale du prolétariat révolutionnaire d’un type nouveau, l’Internationale marxiste-léniniste.

D’une part se renforçait donc le bloc réactionnaire des États de l’Entente contre le pouvoir des Soviets, mais d’autre part, l’essor révolutionnaire s’affirmait en Europe, principalement dans les pays vaincus et cet essor avait puissamment allégé la situation du pays des Soviets, telles étaient les circonstances contradictoires au milieu desquelles le VIIIe congrès de notre Parti se réunit en mars 1919.

Il comptait 301 délégués avec voix délibérative, représentant 313 766 membres du Parti. Les délégués avec voix consultative étaient au nombre de 102.

En ouvrant le congrès, Lénine évoqua d’abord la mémoire d’un des meilleurs organisateurs du Parti bolchévik, J. Sverdlov, qui était mort la veille.

Le congrès adopta le nouveau programme du Parti. Ce programme donnait la caractéristique du capitalisme et de son stade suprême, l’impérialisme ; deux systèmes d’États y étaient mis en regard : le système de la démocratie bourgeoise et le système soviétique.

Il exposait en détail les tâches concrètes du Parti en lutte pour le socialisme : mener jusqu’au bout l’expropriation de la bourgeoisie, gérer l’économie du pays d’après un plan socialiste unique, faire participer les syndicats à l’organisation de l’économie nationale ; appliquer la discipline socialiste du travail ; utiliser les spécialistes dans l’économie nationale sous le contrôle des organismes soviétiques ; entraîner graduellement et méthodiquement la paysannerie moyenne à l’œuvre de la construction socialiste.

Le congrès adopta la proposition de Lénine de donner dans le programme, à côté de la définition de l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, la description du capitalisme industriel et de l’économie marchande simple, qui figurait dans l’ancien programme adopté par le IIe congrès du Parti. Lénine jugeait nécessaire de marquer dans le programme la complexité de notre économie et d’indiquer l’existence dans notre pays de différentes formations économiques, y compris la petite économie marchande représentée par le paysan moyen.

C’est pourquoi, lors de la discussion du programme, Lénine s’éleva résolument contre le point de vue antibolchévik de Boukharine, qui proposait d’éliminer du programme les paragraphes relatifs au capitalisme, à la petite production marchande, à l’économie du paysan moyen. Le point de vue de Boukharine signifiait la négation menchévique et trotskiste du rôle du paysan moyen dans la construction du régime soviétique. En même temps, Boukharine escamotait le fait de l’apparition et du développement des éléments koulaks engendrés par la petite exploitation marchande à la campagne.

Lénine battit également en brèche le point de vue antibolchévik de Boukharine et de Piatakov sur la question nationale. Tous deux s’étaient prononcés contre l’inscription au programme d’un paragraphe sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, contre l’égalité des droits pour les nations, sous prétexte que ce mot d’ordre empêcherait la révolution prolétarienne de triompher, empêcherait l’union des prolétaires des différentes nationalités. Lénine réfuta ces funestes conceptions impérialistes et chauvines de Boukharine et de Piatakov.

Le VIIIe congrès du Parti réserva dans ses travaux une place importante à la question de l’attitude à observer envers le paysan moyen. Après ce décret que l’on connaît sur la terre, le village devenait de plus en plus un village de paysans moyens ; c’étaient eux qui constituaient maintenant la majorité de la population paysanne. L’état d’esprit et la conduite de la paysannerie moyenne, qui avait oscillé entre la bourgeoisie et le prolétariat, étaient d’une importance considérable pour les destinées de la guerre civile et de la construction socialiste.

L’issue de la guerre civile dépendait pour beaucoup de ces questions : de quel côté pencherait le paysan moyen ; quelle classe, — prolétariat ou bourgeoisie, — saurait gagner la paysannerie moyenne. Dans l’été de 1918, les Tchécoslovaques, les gardes blancs, les koulaks, les socialistes-révolutionnaires, les menchéviks étaient parvenus à renverser le pouvoir des Soviets dans le bassin de la Volga, parce qu’ils avaient eu l’appui d’une partie importante de la paysannerie moyenne. Il en avait été de même des émeutes fomentées par les koulaks dans la Russie centrale. Mais à partir de l’automne 1918, un revirement s’opère dans l’état d’esprit des masses de la paysannerie moyenne en faveur du pouvoir des Soviets.

La paysannerie s’était rendue compte que la victoire des blancs entraînait la restauration du pouvoir des grands propriétaires fonciers, la reprise des terres aux paysans, le pillage, le fouet et la torture pour les paysans. Ce qui contribua aussi à modifier l’attitude de la paysannerie, ce fut l’activité des comités de paysans pauvres, qui avaient maté les koulaks. Voilà dans quelles conditions Lénine formula en novembre 1918 le mot d’ordre :

« Savoir aboutir à une entente avec le paysan moyen, sans renoncer une minute à la lutte contre le koulak et en s’appuyant solidement sur les seuls paysans pauvres. » (Lénine, t. XXIII, p. 294, éd. Russe.)

Certes, les hésitations de la paysannerie moyenne n’avaient pas cessé entièrement, mais elle s’était rapprochée du pouvoir des Soviets et elle le soutenait avec plus de fermeté. La politique préconisée par le VIIIe congrès du Parti à l’égard de la paysannerie moyenne y contribua dans une grande mesure.

Le VIIIe congrès marqua un tournant dans la politique du Parti envers la paysannerie moyenne. Le rapport de Lénine et les décisions du congrès déterminèrent une nouvelle ligne du Parti dans cette question. Le congrès demanda aux organisations du Parti et à tous les communistes de faire une stricte distinction entre la paysannerie moyenne et les koulaks, de la gagner à la cause de la classe ouvrière en se montrant attentifs à ses besoins.

Il fallait lutter contre le retard du paysan moyen par la persuasion, et non par des mesures de contrainte, de violence. Aussi le congrès donna-t-il la directive de réaliser les mesures socialistes à la campagne (constitution des communes, des artels agricoles), sans user de contrainte.

Dans toutes les occasions où l’on heurtait les intérêts vitaux du paysan moyen, il fallait aboutir à s’entendre pratiquement avec lui, lui faire certaines concessions sur les moyens de réaliser les transformations socialistes. Le congrès proposa de pratiquer une politique d’alliance solide avec le paysan moyen, en conservant au prolétariat le rôle dirigeant dans cette alliance.

La nouvelle politique envers la paysannerie moyenne, proclamée par Lénine au VIIIe congrès, demandait au prolétariat de s’appuyer sur la paysannerie pauvre, de réaliser une alliance solide avec le paysan moyen et de mener la lutte contre le koulak. Jusqu’au VIIIe congrès, le Parti avait en somme fait une politique de neutralisation du paysan moyen. Autrement dit, il avait voulu obtenir du paysan moyen qu’il ne se plaçât pas aux côtés de la bourgeoisie. Mais maintenant cela ne suffisait plus. Le VIIIe congrès passa de la politique de neutralisation du paysan moyen à l’alliance solide avec lui pour lutter contre les gardes blancs et l’intervention étrangère de même que pour assurer le succès de la construction socialiste.

La ligne adoptée par le congrès envers la masse fondamentale de la paysannerie, envers le paysan moyen, joua un rôle décisif pour assurer la victoire dans la guerre civile contre l’intervention étrangère et ses suppôts, les gardes blancs. En automne 1919, lorsqu’il fallut choisir entre le pouvoir des Soviets et Dénikine, la paysannerie soutint les Soviets, et la dictature du prolétariat triompha de son ennemi le plus dangereux.

Les questions d’organisation de l’Armée rouge prirent une place toute spéciale dans le congrès. On vit s’affirmer l’opposition dite « opposition militaire ». Elle réunissait bon nombre d’anciens « communistes de gauche ».

Mais, outre les représentants du « communisme de gauche » battu, l’ « opposition militaire » comprenait des militants qui, sans jamais avoir participé à aucune opposition, étaient mécontents de la direction de Trotski dans l’armée. La plupart des délégués militaires étaient très montés contre Trotski, contre le culte qu’il vouait aux spécialistes de l’ancienne armée tsariste, dont une partie nous avaient franchement trahis pendant la guerre civile, contre son attitude d’arrogance et d’hostilité envers les vieux cadres bolchéviks de l’armée.

On cita au congrès des exemples « tirés de la pratique », montrant que Trotski avait voulu faire fusiller nombre de communistes responsables de l’armée qui n’avaient pas l’heur de lui plaire, faisant ainsi le jeu de l’ennemi ; seule l’intervention du Comité central et les protestations des militants de l’armée avaient empêché que ces camarades ne fussent exécutés.

Mais tout en luttant contre la déformation de la politique militaire du Parti par Trotski, l’ « opposition militaire » défendait un point de vue erroné dans plusieurs problèmes relatifs à la construction de l’armée.

Lénine et Staline s’élevèrent résolument contre l’ « opposition militaire », qui défendait les survivances de l’esprit partisan dans la troupe et luttait contre la création d’une Armée rouge régulière, contre l’utilisation des spécialistes militaires, contre la discipline de fer sans laquelle il ne saurait y avoir de véritable armée. Dans sa réplique à l’ « opposition militaire », le camarade Staline demanda la création d’une armée régulière, imprégnée d’un rigoureux esprit de discipline.

« Ou bien, disait le camarade Staline, nous créerons une véritable armée ouvrière et paysanne, principalement paysanne, rigoureusement disciplinée, et nous défendrons la République, ou bien c’en sera fait de nous. »

Tout en repoussant une série de suggestions de l’« opposition militaire », le congrès critiqua violemment Trotski, en exigeant de lui l’amélioration du travail des institutions militaires centrales et le renforcement du rôle des communistes dans l’armée.

Les travaux de la commission de l’Armée désignée dans le sein du congrès aboutirent à une décision unanime des congressistes sur la question militaire.

Les décisions du congrès fortifièrent l’Armée rouge et la rapprochèrent encore du Parti.

On examina ensuite les problèmes relatifs à la construction du Parti et des Soviets, au rôle dirigeant du Parti dans le travail des Soviets. Au cours de la discussion, le congrès infligea une riposte au groupe opportuniste de Sapronov-Ossinki, qui déniait au Parti le rôle dirigeant dans le travail des Soviets.

Enfin, devant l’afflux considérable de nouveaux adhérents, le congrès prit une décision tendant à améliorer la composition sociale du Parti et à procéder à un nouveau recensement.

Et ce fut le début de la première épuration du Parti.

**3. L’intervention s’étend. Blocus du pays des Soviets. Campagne de Koltchak et écrasement de Koltchak. Campagne de Dénikine et écrasement de Dénikine. La trêve de trois mois. IXe congrès du Parti.

L’Allemagne et l’Autriche une fois vaincues, les États de l’Entente décidèrent de lancer d’importantes forces militaires contre le pays des Soviets. Après la défaite de l’Allemagne et le retrait de ses troupes hors d’Ukraine et de Transcaucasie, ce furent les Anglo-Français qui prirent sa place en amenant leur flotte dans la mer Noire et en opérant des débarquements à Odessa et en Transcaucasie.

Les envahisseurs de l’Entente, qui se conduisaient en maîtres dans les régions occupées, en arrivèrent à un tel degré de sauvagerie qu’ils n’hésitaient pas à passer par les armes des groupes entiers d’ouvriers et de paysans. Enfin, après l’occupation du Turkestan, ils poussèrent le cynisme jusqu’à emmener au delà de la Caspienne 26 bolchéviks dirigeants de Bakou, les camarades Chaoumian, Fiolétov, Djaparidzé, Malyguine, Azizbékov, Korganov et autres, et là, aidés des socialistes-révolutionnaires, ils les firent sauvagement fusiller.

À quelque temps de là, les envahisseurs proclamèrent le blocus de la Russie. Les communications maritimes et autres avec le monde extérieur furent coupées.

Le pays des Soviets se trouva ainsi presque entièrement cerné.

À cette époque, l’Entente fondait son principal espoir sur l’amiral Koltchak, sa créature en Sibérie, à Omsk. Il avait été proclamé « régent suprême de la Russie ». Toute la contre-révolution de Russie obéissait à ses ordres.

Ainsi, le front est devenait le front principal.

Au printemps de 1919, Koltchak, à la tête d’une importante armée, atteignit presque la Volga. Les meilleures forces bolchéviques furent lancées contre lui ; on mobilisa Jeunesses communistes et ouvriers. En avril 1919, l’Armée rouge infligea à Koltchak une défaite grave. Et ce fut peu après, sur toute la ligne du front, la retraite de son armée.

Au plus fort de l’offensive de l’Armée rouge sur le front est, Trotski proposa un plan qui ne laissait pas d’être suspect : s’arrêter devant l’Oural, cesser la poursuite de Koltchak et porter l’armée de front est au front sud.

Le Comité central du Parti comprit fort bien qu’il était impossible de laisser aux mains de Koltchak l’Oural et la Sibérie, où il pouvait, avec le concours de Japonais et des Anglais, se ressaisir et se remettre sur pieds : le Comité central rejeta ce plan et donna la directive de poursuivre l’offensive. Trotski, en désaccord avec cette directive, donna sa démission.

Le Comité central n’accepta pas sa démission, mais il l’obligea à abandonner sans délai la direction des opérations militaires sur le front est. L’Armée rouge poussa son offensive contre Koltchak avec plus de vigueur encore. Elle lui fit subir une série de nouvelles défaites et débarrassa des blancs l’Oural et la Sibérie, où elle fut soutenue par un puissant mouvement de partisans, surgi à l’arrière des blancs.

En été 1919, les impérialistes chargèrent le général Ioudénitch, qui se trouvait à la tête de la contre-révolution dans le nord-ouest (dans les Provinces baltiques, sous Pétrograd), de détourner du front est l’attention de l’Armée rouge en lançant une attaque sur Pétrograd.

La garnison des deux forts qui défendaient les accès de la ville, gagnée par l’agitation contre-révolutionnaire des anciens officiers, se souleva contre le pouvoir des Soviets ; un complot contre-révolutionnaire fut découvert à l’état-major du front. L’ennemi menaçait Pétrograd. Mais grâce aux mesures prises par le pouvoir soviétique avec le concours des ouvriers et des matelots, les forts insurgés furent repris aux blancs et les troupes de Ioudénitch, vaincues, rejetées sur l’Estonie.

La défaite de Ioudénitch devant Pétrograd facilita la lutte contre Koltchak. Fin 1919, l’armée de Koltchak était définitivement mise en déroute. Koltchak lui-même fut arrêté et fusillé à Irkoutsk, sur sentence du comité révolutionnaire.

C’en était fini de Koltchak.

En Sibérie, le peuple chantait ce refrain :

« Veste anglaise,
Epaulette française,
Tabac du Japon,
Régent d’Omsk, hon !

Usée, la veste,
Epaulette,
tombée,
Du tabac, n’en reste,
Régent décampé ! »

En voyant que Koltchak n’avait pas justifié l’espoir qu’ils avaient mis en lui, les envahisseurs modifièrent leur plan d’offensive contre la République des Soviets. On dut évacuer d’Odessa les troupes d’intervention qui, au contact des armées de la république soviétique, se laissaient gagner par l’esprit révolutionnaire et avaient commencé à se soulever contre leurs maîtres, les impérialistes.

C’est ainsi, par exemple, que les marins français, guidés par André Marty, s’étaient révoltés à Odessa. Aussi, après la défaite de Koltchak, l’Entente reporta-t-elle son attention principale sur le général Dénikine, complice de Kornilov et organisateur de l’ « armée des volontaires ». Dénikine travaillait à ce moment contre le pouvoir des Soviets dans le midi, dans la région du Kouban. L’Entente avait abondamment ravitaillé son armée en armes et équipements, et elle la jeta vers le nord, contre le pouvoir des Soviets.

Cette fois, le front sud devenait le front principal.

Dénikine engagea sa grande campagne contre le pouvoir des Soviets dans l’été de 1919. Trotski avait désorganisé le front sud, et nos troupes subissaient défaite sur défaite. À la mi-octobre, les blancs avaient envahi toute l’Ukraine, enlevé Orel, et ils menaçaient Toula qui fournissait notre armée en cartouches, en fusils et en mitrailleuses. Les blancs arrivaient sur Moscou. La situation de la république des Soviets devenait plus que grave. Le Parti sonna l’alarme, appelant le peuple à la résistance. Lénine lança le mot d’ordre : « Tous à la lutte contre Dénikine ! » Sous l’inspiration des bolchéviks, les ouvriers et les paysans tendirent toutes leurs forces afin d’écraser l’ennemi.

Pour organiser l’écrasement de Dénikine, le Comité central dépêcha sur le front sud les camarades Staline, Ordjonikidzé, Boudionny. Trotski fut écarté de la direction de l’Armée rouge du midi. Avant l’arrivée du camarade Staline, l’état-major avait élaboré, de concert avec Trotski, un plan d’après lequel l’attaque principale contre Dénikine devait être portée de Tsaritsyne sur Novorossiisk en passant par les steppes du Don, où l’Armée rouge se serait trouvé dans une région totalement dépourvue de voies de communication et peuplée de cosaques, dont une notable partie subissait alors l’influence des gardes blancs.

Le camarade Staline fit une critique serrée de ce plan et proposa au Comité central son propre plan d’écrasement de Dénikine : diriger l’attaque principale par la ligne Kharkov – Bassin du Donetz – Rostov. Ce plan assurait l’avance rapide de nos troupes contre Dénikine, grâce aux sympathies manifestes de la population ouvrière et paysanne des régions que traverserait notre armée. En outre, l’existence, dans cette zone d’action, d’un réseau ramifié de chemins de fer permettait de ravitailler régulièrement nos troupes. Ce plan permettait enfin de libérer le bassin du Donetz et de pourvoir notre pays en combustible.

Le Comité central du Parti adopta le plan du camarade Staline. Dans la seconde quinzaine d’octobre 1919, après une résistance acharnée, Dénikine fut défait par l’Armée rouge dans des batailles décisives, devant Orel et Voronèje. Dénikine se replia rapidement, puis il précipita encore sa retraite vers le sud, poursuivi par nos troupes. Au début 1920, toute l’Ukraine et le Caucase du Nord étaient libérés des blancs.

Pendant les combats décisifs livrés sur le front sud, les impérialistes avaient de nouveau lancé le corps d’armée de Ioudénitch sur Pétrograd, pour détourner une partie de nos forces vers le nord et remédier ainsi à la situation des troupes de Dénikine. Les blancs étaient tout près de la ville. Le prolétariat héroïque de Pétrograd fit de son corps un rempart pour défendre la première ville de la révolution. Comme toujours, les communistes marchaient dans les premiers rangs. À la suite de combats acharnés, les blancs furent battus et rejetés à nouveau au delà des frontières de notre pays, en Estonie.

C’est ainsi qu’on en finit avec Dénikine également.

Koltchak et Dénikine écrasés, il se fit une courte trêve.

Les impérialistes voyaient que les armées blanches avaient été défaites, que l’intervention échouait et que le pouvoir des Soviets se consolidait dans le pays, tandis que par ailleurs, les ouvriers d’Europe occidentale manifestaient leur indignation croissante de la guerre d’intervention contre la République des Soviets : les impérialistes changèrent donc d’attitude à l’égard de l’État soviétique. En janvier 1920, l’Angleterre, la France et l’Italie décidèrent de lever le blocus.

C’était là une brèche importante pratiquée dans le mur de l’intervention.

Evidemment, il ne fallait pas en déduire que l’État soviétique en avait fini avec l’intervention et la guerre civile. Restait le danger d’une agression de la part de la Pologne impérialiste. Les envahisseurs n’avaient pas encore été définitivement chassés d’Extrême-Orient, de Transcaucasie et de Crimée. Mais le pays des Soviets avait obtenu une trêve momentanée, qui lui permettait de consacrer plus de forces à la construction de l’économie. Le Parti pouvait s’occuper des problèmes économiques.

Pendant la guerre civile, nombreux étaient les ouvriers qualifiés qui avaient abandonné la production en raison de la fermeture des fabriques et des usines. Maintenant, le parti rappelait ces ouvriers pour qu’ils pussent travailler à la production dans leur spécialité. Plusieurs milliers de communistes furent spécialement affectés au relèvement des transports, dont la situation était difficile.

Sans avoir rétabli les transports, on ne pouvait songer sérieusement à rétablir les principales branches de l’industrie. Le travail d’approvisionnement se renforça et s’améliora. On entreprit d’élaborer un plan d’électrification de la Russie. Près de cinq millions de soldats rouges, que, vu le danger de guerre, on ne pouvait encore licencier, se trouvaient sous les armes, aussi certaines unités de l’Armée rouge furent-elles transformées en armées du travail et utilisées aux tâches de la construction économique. Le Conseil de la défense ouvrière et paysanne fut transformé en Conseil du travail et de la défense (STO). Pour l’aider dans ses travaux, on créa une Commission du plan d’État (Gosplan).

C’est dans cette atmosphère que s’ouvrit, fin mars 1920, le IXe Congrès du Parti.

Au congrès assistèrent 554 délégués avec voix délibérative, représentant 611 978 membres du Parti. Il y avait 162 délégués avec voix consultative.

Le congrès fixa les tâches économiques immédiates du pays dans le domaine des transports et de l’industrie ; il affirma particulièrement la nécessité, pour les syndicats, de participer à la construction économique.

Une attention soutenue fut accordée au plan unique de l’économie, qui prévoyait en premier lieu le relèvement des transports, du combustible, de la métallurgie. Dans ce plan, la place essentielle revenait à l’électrification de l’ensemble de l’économie nationale, que Lénine préconisait comme « un grandiose programme pour 10 à 20 ans ». C’est sur cette base que fur élaboré ensuite le célèbre plan GOELRO [Plan d’État pour l’électrification de la Russie], dépassé de loin aujourd’hui.

Le congrès infligea une défaite au groupe du « centralisme démocratique », groupe hostile au Parti, qui s’élevait contre la direction unique et la responsabilité personnelle des dirigeants dans l’industrie, et qui défendait la « collégialité » sans limites et l’irresponsabilité dans la direction de l’industrie. Le rôle principal dans ce groupe ennemi du Parti était joué par Sapronov, Ossinki, V. Smirnov. Ils furent soutenus au congrès par Rykov et Tomski.

**4. Agression des hobereaux polonais contre le pays des Soviets. Aventure du général Wrangel. Effondrement du plan polonais. Écrasement de Wrangel. Fin de l’intervention.

Malgré l’écrasement de Koltchak et de Dénikine, et bien que le pays des Soviets étendît de plus en plus ses dimensions en libérant des blancs et des envahisseurs le territoire du Nord, le Turkestan, la Sibérie, le Don, l’Ukraine, etc. ; bien que l’Entente eût été obligée de lever le blocus de la Russie, les États de l’Entente se refusaient néanmoins à accepter l’idée que le pouvoir des Soviets s’était montré imbattable et qu’il demeurait victorieux. Aussi décidèrent-ils de tenter une nouvelle intervention contre lui. Cette fois, les envahisseurs vont utiliser d’une part Pilsudski, nationaliste contre-révolutionnaire bourgeois, chef effectif de l’État polonais, et d’autre part le général Wrangel, qui avait rassemblé en Crimée les débris de l’armée de Dénikine et de là, menaçait le bassin du Donetz, l’Ukraine.

Selon le mot de Lénine, la Pologne des hobereaux et Wrangel étaient comme les deux mains de l’impérialisme international, qui tentaient d’étrangler le pays des Soviets.

Les polonais avaient leur plan : s’emparer de l’Ukraine soviétique rive-droite du Dniepr, s’emparer de la Biélorussie soviétique, rétablir dans ces régions le pouvoir des hobereaux polonais, étendre les limites de l’État polonais « d’une mer à l’autre », de Dantzig à Odessa, et pour le concours que leur prêtait Wrangel, aider celui-ci à battre l’Armée rouge et à rétablir dans la Russie soviétique le pouvoir des grands propriétaires fonciers et des capitalistes.

Ce plan fût approuvé par les États de l’Entente.

Les tentatives du gouvernement soviétique pour engager des négociations avec la Pologne en vue de maintenir la paix et de conjurer la guerre ne donnèrent aucun résultat. Pilsudski ne voulait pas entendre parler de paix. Il voulait la guerre. Il comptait que l’Armée rouge, fatiguée des batailles livrées à Koltchak et à Dénikine, ne résisterait pas à l’attaque des troupes polonaises.

La courte trêve prit fin.

En avril 1920, les troupes de la Pologne envahissaient l’Ukraine soviétique et s’emparaient de Kiev. Dans le même temps, Wrangel prenait l’offensive, menaçant le bassin du Donetz.

En riposte à l’attaque de l’armée polonaise, les armées rouges du front sud atteignirent dans leur élan les portes de Lvov en Galicie, tandis que l’armée du front ouest approchait de Varsovie. L’armée des hobereaux polonais allait être battue à plate couture.

Mais les louches agissements de Trotski et de ses partisans au Grand Quartier Général de l’Armée rouge compromirent nos succès. Par la faute de Trotski et de Toukhatchevski, l’offensive des armées rouges sur le front ouest, en direction de Varsovie, s’effectuait d’une façon absolument inorganisée : on ne laissait pas aux troupes le temps de se fortifier sur les positions conquises ; on fit prendre une avance excessive aux unités de tête, qui se trouvèrent sans munitions et sans réserves, celles-ci étant restées trop loin derrière ; la ligne de front avait été allongée sans fin, ce qui en facilitait la percée.

C’est ainsi qu’un faible contingent de troupes polonaises ayant enfoncé notre front ouest dans un des secteurs, nos troupes dépourvues de munitions durent opérer un recul. En ce qui concerne les armées du front sud, qui étaient déjà devant Lvov et refoulaient les polonais, le triste « président du conseil militaire révolutionnaire » Trotski leur interdit de prendre Lvov et leur enjoignit de dépêcher loin vers le nord-est, soi-disant pour appuyer le front ouest, l’armée de cavalerie, c’est-à-dire la force principale du front sud : il était cependant facile de comprendre que la prise de Lvov était le seul – et le meilleur – soutien possible à procurer au front ouest !

Tandis que le retrait de l’armée de cavalerie du front sud et son départ de la zone de Lvov signifiait en fait le repli de nos armées, sur le front sud également. C’est ainsi que Trotski, par un ordre de trahison, imposa à nos armées du front sud une retraite incompréhensible pour elles et dénuée de fondement, à la grande joie des hobereaux polonais.

C’était bien une aide directe, non pas à notre front ouest, mais aux hobereaux polonais et à l’Entente.

Quelques jours plus tard, l’offensive des armées polonaises était arrêtée ; nos troupes s’apprêtaient à une nouvelle contre-offensive. Mais la Pologne, manquant de forces pour continuer la guerre et alarmée par la perspective d’une contre-attaque des rouges dut renoncer à se prétentions sur l’Ukraine rive-droite et la Biélorussie ; elle préféra conclure la paix avec la Russie. Le 20 octobre 1920, à Riga, un traité de paix était signé avec la Pologne, en vertu duquel la Pologne conservait la Galicie et une partie de la Biélorussie.

Quand elle eût signé la paix avec la Pologne, la république soviétique décida d’en finir avec Wrangel. Celui-ci avait reçu des Français et des Anglais, des armes modernes, des autos blindés, des chars d’assaut, des avions, des équipements.

Il disposait d’unités de choc, principalement composées d’officiers blancs. Mais Wrangel n’avait pas réussi à rassembler des forces quelque peu importantes de paysans et de cosaques autour des troupes de débarquement qu’il avait fait descendre dans le Kouban et la région du Don. Cependant, Wrangel, qui touchait de près au bassin du Donetz, menaçait notre région houillère. La situation du pouvoir des Soviets se compliquait encore du fait qu’à cette époque l’Armée rouge était recrue de fatigue. Les soldats rouges étaient obligés d’avancer dans des conditions extrêmement difficiles, en marchant contre les troupes de Wrangel et en écrasant en même temps les bandes d’anarchistes-makhnovistes [partisans de Makhno], qui aidaient Wrangel.

Mais bien que celui-ci eût l’avantage de la technique de son côté, et bien que l’Armée rouge ne disposait pas de chars d’assaut, elle refoula Wrangel jusque dans la presqu’île de Crimée. En novembre 1920, les troupes rouges s’emparaient des positions fortifiées de Pérékop, pénétraient en Crimée, écrasant les troupes de Wrangel et libérant la Crimée des gardes blancs et des envahisseurs. La Crimée devint soviétique.

C’est l’effondrement des plans impérialistes polonais et l’écrasement de Wrangel qui ferment la période de l’intervention militaire.

Fin 1920 avait commencé la libération de la Transcaucasie du joug des nationalistes bourgeois moussavatistes en Azerbaïdjan, national-menchéviks en Géorgie, dachnaks en Arménie. Le pouvoir des Soviets triompha en Azerbaïdjan, en Arménie et en Géorgie.

Cela ne signifiait pas encore la fin complète de l’intervention. L’intervention japonaise en Extrême-Orient se poursuivit jusqu’en 1922. En outre, il y eût de nouvelles tentatives d’organiser l’intervention (ataman Sémionov et baron Ungern à l’est, intervention des gardes blancs de Finlande en Carélie, en 1921). Mais les principaux ennemis du pays des Soviets, les forces essentielles de l’intervention, avaient été écrasés fin 1920.

La guerre des envahisseurs étrangers et des gardes blancs russes contre les Soviets s’était terminée par la victoire des Soviets. La République soviétique avait sauvegardé l’indépendance de son État, sa libre existence.

C’était la fin de l’intervention militaire étrangère de la guerre civile.

C’était la victoire historique du pouvoir des soviets.

**5. Comment et pourquoi le pays des Soviets a vaincu les forces conjuguées tournées contre lui : l’intervention de l’Angleterre, de la France, du Japon, de la Pologne et la contre-révolution de la bourgeoisie, des grands propriétaires fonciers et des gardes blancs de Russie.

Si l’on prend la grande presse européenne et américaine de l’époque de l’intervention, on peut constater sans peine que pas un écrivain en vue, militaire ou civil, pas un connaisseur de l’art militaire ne croyait à la victoire du pouvoir des Soviets. Au con­traire, tous les écrivains en vue, tous les connaisseurs des choses militaires, les historiens des révolutions de tous les pays et de tous les peuples, ce qu’on appelle les hommes de science, tous étaient unanimes à proclamer que les jours du pouvoir des Soviets étaient comptés, que sa défaite ne saurait être conjurée.

Leur certitude de la victoire de l’Intervention reposait sur le fait que le pays des Soviets n’avait pas encore une Armée rouge constituée, qu’il aurait à la créer, pour ainsi dire, en cours de mar­che, tandis que les envahisseurs et les gardes blancs avaient une armée plus ou moins prête.

Elle reposait ensuite sur le fait que l’Armée rouge n’avait pas de cadres militaires expérimentés, la majeure partie des cadres de ce genre étant passée à la contre-révolution, tandis que les en­vahisseurs et les gardas blancs avaient de tels cadres.

Elle reposait encore sur le fait que l’Armée rouge souffrait de l’insuffisance, — en quantité et en qualité, — des armements et des munitions, à cause du retard de l’industrie militaire russe ; qu’elle ne pouvait recevoir de matériel militaire des autres pays, la Russie étant bloquée de toutes parts, tandis que les armées d’in­tervention et les blancs étaient et continueraient d’être abondam­ment pourvus en armements, en munitions et en équipements de premier ordre.

Elle reposait enfin sur le fait que les armées d’intervention et les blancs occupaient alors les régions les plus riches en denrées alimentaires, tandis que l’Armée rouge était coupée de ces régions et souffrait du manque de vivres.

Effectivement, tous ces défauts et toutes ces insuffisances exis­taient dans les unités de l’Armée rouge. Sous ce rapport, mais seulement sous ce rapport, messieurs les interventionnistes avaient parfaitement raison. Comment expliquer en ce cas que l’Armée rouge, qui avait tant de défauts graves, ait vaincu l’armée des envahisseurs et des gardes blancs, exempte de tous ces défauts ?

1° L’Armée rouge a vaincu parce que la politique du pouvoir des Soviets pour laquelle elle se battait était une politique juste, conforme aux intérêts du peuple ; parce que le peuple sentait et concevait cette politique comme une politique juste, comme sa politique à lui, et la soutenait jusqu’au bout. Les bolchéviks savaient qu’une armée qui lutte au nom d’une politique injuste, non soutenue par le peuple, ne peut pas vaincre.

Telle était précisément l’armée des envahisseurs et des gardes blancs. Cette armée avait tout : de vieux chefs expérimentés, un matériel de premier ordre, des munitions, des équipements, des vivres. Il ne lui manquait qu’une chose : le soutien et la sympathie des peuples de Russie, qui ne voulaient ni ne pouvaient soutenir la politique antipopulaire des envahisseurs et des « régents » gar­des blancs. Et l’armée des envahisseurs et des gardes blancs fut battue.

2° L’Armée rouge a vaincu parce qu’elle était fidèle et dévouée jusqu’au bout à son peuple, ce qui lui valait l’amour de ce peuple, qui la soutenait comme son armée à lui. L’Armée rouge est issue du peuple. Et si elle est fidèle à son peuple comme un fils est fi­dèle à sa mère, elle aura le soutien du peuple, elle vaincra. Tandis qu’une armée qui va contre son peuple subira nécessairement la défaite.

3° L’Armée rouge a vaincu parce que le pouvoir des Soviets avait réussi à alerter tout l’arrière, tout le pays, pour servir le front.

Une armée sans un arrière fort pour soutenir le front par tous les moyens, est vouée à la défaite. Les bolchéviks savaient cela, et c’est pour cette raison qu’ils avaient transformé le pays en un camp retranché qui approvisionnait le front en matériel de guerre, en munitions, en équipements, en vivres, en contingents de renfort.

4° L’Armée rouge a vaincu parce que : a) les soldats rouges comprenaient le but et les objectifs de la guerre, et se rendaient compte qu’ils étaient justes ; b) la conscience que le but et les tâches de la guerre étaient justes, fortifiait leur esprit de discipline et leur valeur combative ; c) ceci étant, la masse des soldats rouges a fait preuve, à tout instant, dans sa lutte contre l’en­nemi, d’une abnégation sans exemple et d’un héroïsme sans pré­cédent.

5° L’Armée rouge a vaincu parce que son noyau dirigeant, à l’arrière et au front, était le Parti bolchévik, soudé par sa cohé­sion et sa discipline, puissant par son esprit révolutionnaire et sa volonté de consentir tous les sacrifices pour faire triompher la cause commune, insurpassé par sa capacité à organiser les mul­titudes et à les diriger de façon judicieuse, dans une situation complexe.

Lénine a dit :

« C’est uniquement parce que le Parti était sur ses gardes, parce que le Parti était rigoureusement discipliné et que son autorité unissait toutes les institutions et toutes les administrations, parce que des dizaines, des centaines, des milliers et, en fin de compte, des millions d’hommes suivaient comme un seul le mot d’ordre du Comité central, c’est uniquement parce que des sacrifices inouïs furent consentis, que le miracle qui s’est produit a pu se produire. C’est uniquement pour cela qu’en dépit des campagnes redoublées, triplées, quadruplées des impérialistes de l’Entente et des impérialistes du monde entier, nous nous sommes trouvés en mesure de vaincre. » (Lénine, Œuvres choisies, t. II, p. 671.)

6° L’Armée rouge a vaincu parce que : a) elle a su former dans son sein des dirigeants militaires d’un type nouveau comme Froun­ze, Vorochilov, Boudionny et autres ; b) dans ses rangs combattaient des héros-nés comme Kotovski, Tchapaev, Lazo, Chtchors, Parkhomenko et bien d’autres ; c) l’éducation politique de l’Armée rouge était faite par des hommes tels que Lénine, Staline, Molotov, Kalinine, Sverdlov, Kaganovitch, Ordjonikidze, Kirov, Kouibychev, Mikoïan, Jdanov, Andréev, Pétrovski, Iaroslavski, Dzerjinski, Chtchadenko, Mekhliss, Khrouchtchev, Chvernik, Chkiriatov, d’autres encore ; d) l’Armée rouge comptait dans son sein ces organisateurs et agitateurs peu communs qu’étaient les commissai­res militaires, dont l’activité cimentait les rangs des soldats et qui implantaient parmi eux l’esprit de discipline et l’intrépidité au combat, réprimaient avec énergie, — rapidement et sans merci, — les actes de trahison de certains chefs et, au contraire, soutenaient avec courage et résolution l’autorité et la gloire des commandants, membres et non-membres du Parti, qui avaient prouvé leur dé­vouement au pouvoir des Soviets et s’étaient montrés capables de diriger d’une main ferme les unités de l’Armée rouge.

« Sans commissaires militaires, nous n’aurions pas eu d’Armée rouge », disait Lénine.

7° L’Armée rouge a vaincu parce qu’à l’arrière des armées blanches, à l’arrière de Koltchak, de Dénikine, de Krasnov, de Wrangel, travaillaient dans l’illégalité des bolchéviks admirables, membres et non-membres du Parti, qui soulevaient les ouvriers et les paysans contre les envahisseurs, contre les gardes blancs ; qui minaient l’arrière des ennemis du pouvoir des Soviets et, par là même, facilitaient l’avance de l’Armée rouge.

Nul n’ignore que les partisans d’Ukraine, de Sibérie, d’Extrême-Orient, de l’Oural, de Biélorussie, du bassin de la Volga, qui disloquaient l’arrière des gardes blancs et des envahisseurs, ont rendu un service inappré­ciable à l’Armée rouge.

8° L’Armée rouge a vaincu parce que le pays des Soviets n’était pas seul dans sa lutte avec la contre-révolution des gardes blancs et l’intervention étrangère ; parce que la lutte du pouvoir des Soviets et ses succès avaient suscité la sympathie et l’aide des prolétaires du monde entier. Si les impérialistes voulaient étouffer la République soviétique par l’intervention armée et le blocus, les ouvriers de ces pays impérialistes sympathisaient avec les Soviets et les aidaient. Leur lutte contre les capitalistes des pays ennemis de la République soviétique a fait que les impérialistes ont dû re­noncer à l’intervention.

Les ouvriers d’Angleterre, de France et des autres pays qui avaient participé à l’intervention, organisaient des grèves, refusaient de charger le matériel de guerre destiné aux en­vahisseurs et aux généraux blancs ; ils formaient des « comités d’ac­tion » sous le mot d’ordre « Bas les mains devant la Russie ! »

« Aussitôt que la bourgeoisie internationale, disait Lénine lève la main contre nous, ses propres ouvriers la saisissent au poignet. » (Ibidem, p. 405.)


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