Rapport présenté par V. M. Molotov, Commissaire du Peuple aux Affaires étrangères, à la Xe Assemblée du Soviet Suprême de l’U.R.S.S., le 1er février 1944.

Camarades députés,

Devant le Soviet Suprême est posée la question de la réorganisation de deux Commissariats du Peuple, le Commissariat de la Défense et le Commissariat des Affaires étrangères. Le Conseil des Commissaires du Peuple considère cette question comme très actuelle.

Il ne s’agit pas d’une réorganisation habituelle de deux Commissariats du Peuple. Il s’agit, avant tout, de problèmes d’une grande importance que doivent résoudre les républiques fédérées.

Les républiques fédérées vont se trouver devant de nouveaux droits et de nouveaux devoirs, premièrement en ce qui concerne la défense de notre pays, en second lieu pour les relations avec les Etats étrangers ; d’importantes réformes au sein de notre Etat fédéré en résulteront.

Jusqu’à présent, les républiques fédérées participaient en commun à l’institution, à l’organisation et à l’armement de l’Armée Rouge. Notre armée était une armée fédérale, et il n’y avait point de formations militaires séparées. La proposition est faite aujourd’hui pour les républiques de créer des formations militaires séparées, dont l’ensemble doit constituer l’Armée Rouge. La nécessité se fait sentir en même temps d’instituer des Commissariats du Peuple séparés pour la défense commune de l’Union soviétique.

Il faudra également réorganiser le Commissariat Fédéral de la Défense pour en faire un Commissariat Fédéral-Républicain. D’autre part, après la fondation de l’U.R.S.S. en 1922, les relations politiques extérieures furent concentrées entièrement dans le Commissariat du Peuple pour les Affaires étrangères et toutes les républiques fédérées transmirent leurs pouvoirs en ce qui concerne les relations extérieures à ce commissariat.

Mais, maintenant, le Gouvernement de l’Union se propose de laisser aux républiques fédérées les pouvoirs nécessaires pour entrer en relations immédiates avec les Etats étrangers et conclure avec eux des accords. Ces pouvoirs accordés aux républiques fédérées dans le domaine des relations internationales présupposent naturellement la création de Commissariats pour les Affaires étrangères dans les républiques fédérées, et la nécessité de réorganiser le Commissariat Fédéral des Affaires étrangères en Commissariat Fédéral-Républicain.

Le sens de cette nouvelle réforme est tout à fait clair. Elle représente un grand élargissement de l’activité des républiques fédérées, qui est rendu possible par leur développement croissant dans les domaines politique, économique et culturel, en d’autres mots, par leur développement national. En cela, on ne peut que voir un pas important fait dans la solution pratique du problème national dans le cadre de notre Etat multinational, on ne peut que voir une nouvelle victoire de notre politique nationale léniniste-stalinienne. (Applaudissements.)

Toutefois, cette réorganisation est rendue possible surtout du fait de l’affermissement de notre Etat fédéral dans son ensemble. Et la meilleure preuve de cet affermissement de l’U.R.S.S., c’est notre Armée Rouge, qui supporte le plus grand poids de la lutte contre les forces principales d’un ennemi très dangereux, qui bat l’armée fasciste allemande et fait approcher avec succès le moment de l’expulsion totale de l’ennemi hors du territoire soviétique, et de son complet anéantissement. (Applaudissements.)

Dès maintenant, on voit avec une parfaite évidence que se sont effondrés les projets de l’ennemi qui comptait sur la défaite de l’Armée Rouge, et de quelle myopie faisaient preuve les espoirs hitlériens d’une scission entre les peuples de l’U.R.S.S.

Notre armée, dans laquelle sont entrés des milliers d’hommes appartenant à tous les peuples de l’U.R.S.S. et à laquelle nos partisans donnent une aide si efficace à l’arrière du front ennemi, démontre quotidiennement, avec toujours plus de succès, combien notre pays s’est renforcé, combien le régime soviétique est puissant, et combien est grande l’amitié entre tous les peuples soviétiques. (Applaudissements.)

L’actuelle proposition de réorganisation dans les domaines de la Défense et des Relations extérieures, avec un élargissement sensible des fonctions des républiques fédérées, doit servir de confirmation nouvelle à notre certitude de la force de l’U.R.S.S. et de sa croissance. Cette certitude est d’autant plus effective que nous nous proposons de mener à bien ces réformes en pleine guerre nationale, quand est si grande la tension des forces de nos peuples, à un moment où rares sont les Etats qui pourraient décider de transformations si importantes.

I. RÉORGANISATION DU COMMISSARIAT DU PEUPLE DE LA DÉFENSE NATIONALE

Je passe au problème de la réorganisation du Commissariat de la Défense nationale. Le projet de loi prévoit la constitution de formations militaires propres pour chaque république et la réorganisation du Commissariat du Peuple Fédéral de la Défense en Commissariat fédéral-républicain. Dans ce but, il est prévu d’apporter les modifications indispensables à la Constitution de l’U.R.S.S. Nous avons aujourd’hui déjà des formations nationales au sein de l’Armée Rouge. Elles appartiennent aux nationalités suivantes : lithuanienne, lettone, estonienne, géorgienne, azerbaidjanienne, arménienne, de Kazakhie, ainsi qu’à quelques autres. Certaines de ces formations de troupes ont été fondées dès le commencement de la présente guerre nationale.

Et maintenant que tous les peuples de l’U.R.S.S. tendent à avoir leur place dans l’Armée Rouge, il est de la plus haute importance pour nous de créer des formations militaires des républiques constituant l’Union. Comme on le sait, dans la Russie tsariste certains peuples étaient exemptés du service militaire. C’étaient notamment les Ouzbeks, les Kazaks, les Tadjiks, les Turkmènes, les Kirghiz, la plus grande partie des populations du Caucase du Nord, et également les peuplades du Nord de la Russie. Il est avéré que le tsarisme n’avait pas confiance dans les peuples qu’il tenait dans une sujétion coloniale ou semi-coloniale. Le gouvernement du tsar ne faisait d’autre part rien pour habituer tous ces peuples au service militaire.

A l’époque soviétique, les choses se sont transformées du tout au tout. Dans notre juridiction, on ne trouve aucune limitation quant à l’appel aux armes de tel ou tel autre peuple ou nationalité de l’Union. Mais il a dû se passer un certain temps avant que puisse se réaliser l’incorporation dans l’armée de tous les peuples de l’Union. Des appels partiels au service militaire se faisaient il y a quelques années déjà dans les territoires de l’U.R.S.S. où, avant la Révolution, l’on ne procédait jamais à la mobilisation. Des formations militaires nationales furent instituées également au sein de l’Armée Rouge, mais ces groupements, jusqu’à aujourd’hui, n’ont jamais pu se développer pleinement. Cependant, la situation s’est actuellement modifiée dans un sens progressif. Il s’est créé des possibilités suffisantes en vue de la constitution des formations militaires dans les républiques fédérées.

Dans toutes les républiques il n’y a pas seulement des cadres de combattants, mais encore certains cadres de commandement, en état de diriger les formations de soldats. Aussi est-il maintenant possible de commencer de façon générale à organiser des formations militaires séparées dans les différentes républiques. Mais pour le faire, il est indispensable de créer des Commissariats du Peuple Républicains de la Défense, et par conséquent de transformer le Commissariat du Peuple Fédéral de la Défense en Commissariat Fédéral Républicain. On est en droit de penser que l’attention donnée par les républiques à l’enseignement militaire dans les écoles et les universités en sera très utilement renforcée. Les modifications proposées, la constitution de formations militaires particulières à chaque république, mais parties intégrantes de l’Armée Rouge, joueront un rôle positif d’une grande importance.

Quel résultat auront-elles sur notre Armée Rouge ? Celle-ci en sera-t-elle renforcée ? Oui ! Il ne peut exister le moindre doute à ce sujet.

Notre armée a toujours été proche et chère aux peuples de l’U.R.S.S. Au cours de la présente guerre nationale, l’amour des peuples de l’Union pour son armée est devenu plus fort, et plus forte et plus générale est devenue la fierté des citoyens soviétiques pour l’héroïsme et les succès de l’Armée Rouge. (Applaudissements.)

En vérité, qui ne voit pas quelle lutte glorieuse mène notre armée pour la libération de l’Ukraine, pour la libération de la Russie-Blanche ? Qui n’approuve de tout son cœur ce que l’Armée Rouge fait pour préparer la prochaine libération de la Lithuanie, de la Lettonie, de l’Estonie, de la Moldavie, de la République finno-carélienne ? (Applaudissements prolongés.)

Qui ne se rappelle que les armées soviétiques ont sauvé l’Azerbaïdjan, la Géorgie et l’Arménie de l’invasion du fascisme allemand ? (Applaudissements.)

Qui dans le peuple soviétique ne glorifie notre armée qui a protégé Moscou, notre capitale, qui a consommé l’anéantissement des Allemands sous Stalingrad, qui a pris l’offensive sur tout le front, protégé Leningrad, levé complètement le siège de cette ville et qui chasse maintenant l’ennemi de notre terre, en ne lui laissant aucun répit ? (Applaudissements puissants et prolongés.)

Qui, sauf ceux qui sont envoûtés par le fascisme, n’a pas compris aujourd’hui que l’Armée Rouge exerce une mission libératrice, et non pas seulement pour sa propre patrie, mais encore pour tous les pays démocratiques qui luttent pour leur honneur, pour leur liberté et leur indépendance contre le danger mortel dont les menace le fascisme ? (Applaudissements.)

Et qui ne sait que les ouvriers et les ouvrières de nos fabriques et de nos usines, que les paysans et les paysannes des kolkhoz, que nos intellectuels, que tous les citoyens soviétiques sont prêts à donner pour le renforcement de la puissance de l’Armée Rouge toutes leurs forces ; et que par leur labeur plein de dévouement ils remplissent leur devoir vis-à-vis de la Patrie, vis-à-vis de l’héroïque Armée Rouge ? (Applaudissements prolongés.)

La formation des unités militaires des différentes républiques doit servir au renforcement encore plus grand de notre armée, défenseur de notre patrie et soutien éprouvé de l’Union soviétique. Les ennemis de l’U.R.S.S. ne peuvent avoir aucun doute sur le fait que la création des nouvelles formations militaires rendra les forces de notre Etat encore plus puissantes. Cela les obligera à l’avenir à être plus prudents. Cette nouvelle incarnation de l’amitié qui se renforce toujours entre les peuples de l’U.R.S.S. favorisera le prestige de notre pays parmi les peuples de l’Orient et de l’Occident. (Applaudissements.)

II. RÉORGANISATION DU COMMISSARIAT DU PEUPLE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

La réorganisation du Commissariat du Peuple des Affaires étrangères de Fédéral en Fédéral Républicain n’a pas une moindre importance.

Jusqu’à la formation de l’Union soviétique, parallèlement au Commissariat du Peuple des Affaires étrangères de la R.S.F.S.R., existaient des Commissariats du Peuple des Affaires étrangères d’Ukraine, de Russie-Blanche, de Géorgie, d’Arménie, d’Azerbaidjan, qui maintenaient, dans des cas particuliers, des relations avec les autres Etats.

Durant la première période, quand notre Etat n’était pas encore soudé en une Union fédérative, mais se composait de parties séparées, une série d’accords furent conclus entre les différentes républiques soviétiques et les Etats étrangers. Dans certains cas les représentants de la Grande-Russie recevaient des pouvoirs spéciaux des autres républiques soviétiques afin de participer à des conférences internationales et pour conclure des traités au nom de toutes ou de quelques-unes seulement des républiques soviétiques. Le camarade Staline a dit au Premier Congrès des Soviets « qu’alors les républiques soviétiques, tout en agissant ensemble, allaient toutefois séparément, occupées qu’elles étaient avant tout par le problème de leur existence ». A ce premier stade on ne pouvait agir autrement.

Lors de la constitution de l’U.R.S.S., en conformité avec la volonté unanime des républiques alliées, il fut décidé de concentrer dans un seul organisme toutes les relations avec les Etats étrangers. C’est alors que fut créé le Commissariat du Peuple Fédéral des Affaires étrangères, qui reçut les pouvoirs des Commissariats du Peuple des Affaires étrangères des républiques fédérées. Depuis lors et jusqu’à nos jours, l’Etat soviétique fut représenté à l’étranger par des envoyés diplomatiques fédéraux. Les traités et les accords avec les Etats étrangers furent signés seulement au nom de l’Union tout entière.

Cette façon d’agir était indispensable durant l’étape bien définie du développement de notre Etat et elle a donné des résultats positifs, renforçant l’Etat et augmentant hautement son prestige dans les affaires internationales. (Applaudissements.)

Mais à ce moment encore, au Congrès du Parti de 1923, le camarade Staline déclara : « Le problème national, nous le poserons encore plus d’une fois, car les conditions nationales et internationales changent et peuvent encore changer. Je ne puis dire d’avance que nous ne dissocierons pas encore certains commissariats, que nous sommes obligés à l’heure présente de réunir en un seul. »

En sa qualité de connaisseur le plus qualifié du problème national, et non seulement dans notre Parti et dans notre pays, Staline, qui avec le grand Lénine posa les fondements de l’Union soviétique, indiquait déjà à cette époque que les changements sur la scène internationale comme également le développement national provoqueront souvent des réorganisations dans les institutions de l’Etat soviétique. Du reste, il est impossible de se représenter les choses autrement, surtout dans un organisme aussi jeune et se renforçant aussi rapidement que l’U.R.S.S.

Actuellement le problème des relations extérieures des républiques soviétiques se pose autrement qu’il y a vingt ans, quand se formait l’U.R.S.S. Ce problème est né des nécessités vitales des républiques et sa solution est dictée par les intérêts de l’Union dans son ensemble. Le temps est depuis longtemps dépassé, où certains Etats étrangers faisaient mine d’ignorer l’existence de la République soviétique, née de la Révolution d ‘Octobre. Maintenant, au contraire, dans les Etats étrangers croit la tendance à former et à développer les relations diplomatiques avec notre Etat.

Naturellement, au cours de la guerre mondiale actuelle bien des obstacles s’y opposent, mais cependant, même durant ces années de guerre les liens internationaux de l’U.R.S.S. se sont développés à un rythme plus rapide qu’auparavant. Les faits sont universellement connus. Pour la première fois dans l’existence de l’U.R.S.S. nous avons noué des relations non seulement amicales, mais encore en tant qu’alliés, avec la Grande-Bretagne. (Applaudissements prolongés.)

Les mêmes bonnes relations nous lient également aux Etats-Unis. (Applaudissements prolongés.)

Une coalition puissante s’est formée contre l’hitlérisme, ayant à sa tête l’U.R.S.S., la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ; son importance ne peut être méconnue pour l’ensemble des Etats démocratiques. (Applaudissements.)

Le traité soviéto-tchécoslovaque conclu récemment peut servir d’exemple des relations amicales et en constant développement que l’U.R.S.S. entretient avec les Etats européens.

Les bases sont posées pour la coopération des grandes et des petites Puissances démocratiques, non seulement pour la durée de cette guerre contre l’ennemi commun, mais aussi pour la période d’après-guerre, au nom de la protection de la paix contre de nouveaux attentats de la part d’Etats agresseurs.

Comme on le sait, les conférences de Moscou et de Téhéran ont pris une place des plus importantes dans le développement et le renforcement de la coalition antihitlérienne. Et de même que jamais la certitude des peuples du camp antihitlérien ne fut plus grande dans une complète et proche victoire grâce aux coups qui seront bientôt assénés en commun à l’ennemi commun, de même existe la certitude que dans cette lutte commune se tremperont l’alliance et l’amitié des pays antifascistes. (Applaudissements.)

Mais pourtant, l’on ne peut dire que ce développement général positif des relations internationales de l’Union soviétique permette d’embrasser l’ensemble tant de ses besoins sur le plan fédéral, que des nécessités multiples, et qui vont croissant, des républiques fédérées sur le plan des affaires extérieures. En effet, les républiques fédérées ont de nombreux besoins économiques et culturels qui leur sont particuliers et qui ne peuvent être dans une complète mesure saisis par les représentations de l’U.R.S.S. à l’étranger, ou inclus dans les accords et traités de l’Union avec les autres Etats.

C’est dans des relations directes avec ces Etats que les républiques fédérées trouveront la meilleure façon de satisfaire à ces besoins. Il est bien entendu qu’une étude préalable concrète de toutes les questions de ce genre, par les organes fédéraux et républicains, sera indispensable. On ne saurait nier non plus qu’un certain laps de temps devra s’écouler avant que nous soyons en mesure d’organiser au mieux l’activité sur le plan extérieur des républiques soviétiques.

Des problèmes d’une telle envergure ne peuvent être résolus d’après un modèle unique. Mais il reste hors de doute que la question d’une sortie sur l’arène de l’activité extérieure est devenue déjà pour toute une série de républiques d’une importance vitale. Il faut enfin reconnaître que ces modifications ne se feront pas seulement dans l’intérêt de telle ou telle autre république soviétique, mais seront aussi de grande importance pour le développement des relations internationales et le renforcement de la collaboration de l’U.R.S.S. avec les autres Etats.

Ce développement et ce renforcement, qui sont si importants pendant cette guerre, donneront également leurs fruits dans la période d’après-guerre. Ce sont là les raisons qui font juger nécessaires la réorganisation des Commissariats du Peuple des Affaires étrangères. Si dans la première période existaient seulement des Commissariats du Peuple des Affaires étrangères républicains, et dans la deuxième période seulement le Commissariat du Peuple Fédéral, maintenant, ce Commissariat fédéral doit se transformer en une institution plus complexe et plus étendue en Commissariat du Peuple Fédéral-Républicain des Affaires étrangères.

Il me reste encore à ajouter quelques mots au sujet de notre pratique diplomatique. Il faut constater que l’absence d’indications spéciales dans la Constitution soviétique en ce qui concerne les droits des républiques fédérées pour l’échange des représentations diplomatiques avec les autres Etats est interprétée souvent au préjudice des intérêts des républiques soviétiques et de l’Union comme telle. C’est pourquoi ces explications serviront à liquider ces interprétations.

III. UN NOUVEAU PAS EN AVANT VERS LA SOLUTION DU PROBLÈME NATIONAL

La réorganisation proposée du Commissariat du Peuple des Affaires étrangères et du Commissariat de la Défense nationale constitue un nouveau pas en avant vers la solution du problème national en U.R.S.S. Cette réorganisation se trouve être en pleine conformité avec les principes de notre politique nationale léniniste-stalinienne. L’établissement à notre époque d’une telle série de mesures signifie que l’Etat soviétique est arrivé à un nouveau degré de son développement, en se transformant en un organisme plus complexe. En cela l’on ne peut pas ne pas voir un nouveau témoignage de la très grande importance qu’ont les principes socialistes dans l’organisation de l’U.R.S.S. Dans son rapport au Congrès des Soviets qui a sanctionné la Constitution de l’U.R.S.S. de 1936, le camarade Staline a défini de la sorte la victoire de la politique nationale du pouvoir soviétique, qui a garanti le succès de la formation d’un Etat multinational sur la base du socialisme :

« Absence de classes exploiteuses, qui sont les principales organisatrices des collisions entre nations ; absence de l’exploitation qui entretient la méfiance réciproque et attise les passions nationalistes ; présence, au pouvoir, de la classe ouvrière, ennemie de tout asservissement et fidèle champion des idées d’internationalisme ; réalisation pratique de l’assistance mutuelle entre peuples dans tous les domaines de la vie économique et sociale ; enfin, épanouissement de la culture nationale des peuples de l’U.R.S.S., nationale par la forme, socialiste par le contenu : tous ces facteurs et autres analogues ont fait que la physionomie des peuples de l’U.R.S.S. a radicalement changé ; que le sentiment de la méfiance réciproque a disparu chez eux ; que s’est développé en eux le sentiment de l’amitié réciproque, et que s’est organisée ainsi une véritable collaboration fraternelle des peuples, au sein de l’Etat fédéral uni.

C’est ce qui fait que nous avons aujourd’hui un Etat socialiste multinational parfaitement constitué, et qui a triomphé de toutes les épreuves, et dont la solidité peut faire envie à n’importe quel Etat national, de n’importe quelle partie du monde. » (Rafale d’applaudissements.)

Depuis le moment où fut prononcé ce discours, sept années se sont écoulées, et quelles années ! Il y aura bientôt trois ans que nous menons la guerre patriotique et nationale contre le fascisme germanique et ses alliés, qui exploitent dans leur lutte contre l’Union soviétique les ressources matérielles et humaines de l’Europe presque entière.

Ce fut une nouvelle épreuve et la plus sérieuse pour notre Etat multinational. Et de cette épreuve encore l’U.R.S.S. sortit avec honneur.

Lors du vingt-sixième anniversaire de la Révolution d’Octobre, le camarade Staline a fait le bilan de cette période dans les termes suivants :

« Tous les peuples de l’U.R.S.S. se sont unanimement levés pour défendre leur patrie, considérant avec raison la guerre nationale actuelle comme la cause commune de tous les travailleurs, sans distinction de nationalité et de religion. Maintenant déjà les politiciens hitlériens eux-mêmes voient que leurs espoirs de dissensions et de divisions entre les peuples de l’U.R.S.S. se sont avérés stupides. L’amitié des peuples de notre pays a résisté à toutes les difficultés et à toutes les épreuves de la guerre et s’est encore plus fortement trempée dans la lutte menée en commun par tous les citoyens soviétiques contre les agresseurs fascistes. » (Applaudissements.)

Et cela représente, d’après les paroles du camarade Staline, l’un des éléments déterminants de la force de l’U.R.S.S.

Faisons le compte.

Nous occupant dans les conditions actuelles de réformes d’Etat considérables, nous devons naturellement nous demander de quelle manière les jugeront l’Armée Rouge et tout l’arrière du pays. En d’autres termes, faisons-nous un pas en avant en vue du renforcement de l’U.R.S.S. ou au contraire allons-nous vers son affaiblissement ?

Tout ce qui a été dit plus haut fournit la possibilité de donner à cette question une réponse positive.

La réorganisation des Commissariats des Affaires étrangères et de la Défense nationale, qui découle du développement et de l’élargissement des fomentions des républiques fédérées à l’intérieur du pays et hors de ses frontières, non seulement n’est pas contraire au renforcement de notre Union, mais bien plutôt lui est grandement favorable. (Applaudissements prolongés.)

Depuis le moment de la formation de l’U.R.S.S., la Constitution a garanti aux Républiques soviétiques une large expression de leurs droits souverains, comme le droit de sortir librement de l’Union.

Mais plus nous allons de l’avant, plus les peuples de l’U.R.S.S. sont animés du désir de vivre en étroite amitié les uns avec les autres, de s’entraider mutuellement et d’avancer ensemble sous la direction du pouvoir soviétique. (Applaudissements.)

Le fait que l’Union reconnaisse que les besoins de chaque république, dans le cours de son développement, s’accroissent, en particulier dans le domaine de l’activité extérieure, et celui que la satisfaction de ces besoins soit assurée par la loi, ces deux faits ne font que renforcer les relations fraternelles des peuples de notre pays, et démontrent plus clairement encore aux peuples de l’Orient et de l’Occident le sens historique de l’existence de l’U.R.S.S.

Il est utile par ailleurs de comprendre que le nouveau pas en avant fait dans la solution du problème national en U.R.S.S. revêt une grande importance du point de vue de toute l’humanité progressiste. Dans la période où le fascisme allemand − ce produit le plus dangereux de l’impérialisme − a levé la tête et a déclenché la guerre mondiale, afin d’étrangler ses voisins, d’anéantir des Etats indépendants et d’imposer sa politique de brigandage impérialiste aux peuples d’Europe, de même qu’aux autres peuples du monde, le nouveau succès dans la réalisation de la politique nationale léniniste-stalinienne en Union soviétique aura une répercussion internationale particulièrement grande.

Cette décision du pouvoir soviétique sera un nouveau coup moral et politique asséné au fascisme et à sa politique de haine de l’humanité, entièrement contraire aux intérêts d’un développement national libre des peuples. L’U.R.S.S. et ses alliés battent déjà avec succès le fascisme, qui a déclenché cette guerre, et se rapprochent du moment de son complet anéantissement militaire. Mais nous savons que nous ne pouvons pas nous arrêter à l’anéantissement militaire du fascisme. Il est nécessaire que la liquidation morale et politique du fascisme devienne également un fait accompli. (Applaudissements prolongés.)

Et à cela, nous en sommes convaincus, contribueront heureusement toutes les réorganisations en U.R.S.S. qui sont actuellement proposées à votre acceptation. J’exprime la certitude que le Soviet Suprême démontrera l’unanimité des citoyens soviétiques pour résoudre le problème des réorganisations d’Etat proposées. (Applaudissements enthousiastes et prolongés. Tous se lèvent.)

LOI
au sujet de l’institution de formations militaires des républiques fédérées et de la réorganisation du Commissariat du Peuple Fédéral pour la Défense en Commissariat du Peuple Fédéral-Républicain.

Dans le but de renforcer la puissance militaire de l’U.R.S.S., le Soviet Suprême de l’U.R.S.S. statue :

1. d’établir que les républiques de l’Union instituent des formations militaires.

2. d’ajouter à la Constitution de l’U.R.S.S. ce qui suit :

a) de compléter l’article 14, lettre g) de la Constitution de l’U.R.S.S., à la suite des mots « l’organisation de la défense de l’U.R.S.S. et la direction de toutes les forces armées de l’U.R.S.S. », par les mots « l’institution des bases directrices de l’organisation des formations militaires », en exposant ce point de la façon suivante :

g) l’organisation de la défense de l’’U.R.S.S., la direction de toutes les forces armées de l’U.R.S.S., l’institution des bases directrices de l’organisation des formations militaires des Républiques alliées » ;

b) de compléter la Constitution de l’U.R.S.S. par l’article 18 b du contenu suivant :

ART. 18 b. Chaque république fédérée possède ses formations militaires républicaines » ;

c) de compléter l’article 60 de la Constitution de l’U.R.S.S. par la lettre e de la teneur suivante :

« e) fixe l’ordre de la création des formations militaires de la république fédérée ».

3. de réorganiser le Commissariat du Peuple Fédéral de la Défense en Commissariat du Peuple Fédéral-républicain.

LOI
au sujet de l’octroi aux républiques fédérées de pouvoirs dans le domaine des relations extérieures et au sujet de la réorganisation consécutive du Commissariat du Peuple Fédéral des Affaires étrangères en Commissariat du Peuple Fédéral-Républicain.

Dans le but d’élargir les relations internationales et de renforcer la collaboration de l’U.R.S.S. avec les autres Etats, et en tenant compte du besoin accru des républiques fédérées d’établir des relations directes avec les Etats étrangers, le Soviet Suprême de l’U.R.S.S. statue :

1. d’établir que les républiques alliées peuvent entrer en relations directes avec les Etats étrangers et conclure avec eux des accords.

2. d’insérer dans la Constitution de l’U.R.S.S. les compléments suivants :

a) de compléter l’article 14, lettre a) de la Constitution de l’U.R.S.S. en ajoutant à la suite des mots « la représentation de l’U.R.S.S. dans les relations internationales, la conclusion et la ratification des traités avec les autres Etats », les mots cc l’établissement d’une procédure générale pour les relations entre les républiques fédérées et les Etats étrangers », en exposant ce point de la façon suivante :

« a) la représentation de l’U.R.S.S. dans les relations internationales, la conclusion et la ratification des traités avec les autres Etats, et l’établissement d’une procédure générale pour les relations entre les républiques fédérées et les Etats étrangers » ;

b) de compléter la Constitution de PU.R.S.S. par l’article 18 a de la teneur suivante :

« ART. 18 a. − Chacune des républiques possède le droit d’entrer en relations directes avec les Etats étrangers, de conclure avec eux des accords et le droit d’échanger des représentants diplomatiques et consulaires » ;

c) de compléter l’article 60 de la Constitution de l’U.R.S.S. par la lettre f) de la teneur suivante :

« f) établit la représentation de la république Fédérée dans les relations internationales ».

3. de réorganiser le Commissariat du Peuple Fédéral des Affaires étrangères en Commissariat du Peuple Fédéral-Républicain.

(Traduction textuelle mais non officielle de la loi constitutionnelle parue dans la Pravda du 3 février 1944.)

 


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