Les notes qui figurent ci-après ont été écrites le 2 février 1968 par Pierre Mulele en préparation d’une de ces leçons politiques

Il n’y a pas de doute que la révolution arrivera dans notre pays, le Congo.

Les quatre années qui sont passées, il était impossible de parler de la révolution. Si tu parlais de la révolution, on te tuait ou on pillait et brûlait ta maison. Mais maintenant, le nom de la révolution est devenu populaire et un titre d’honneur.

Pierre Mulele au maquis – debout au centre de l’image – en 1966

Pourquoi la révolution doit-elle s’effectuer dans notre pays ? Pour que le Congo soit libéré de l’esclavagisme.

Pour que le Congo redevienne libre comme du temps de nos ancêtres. Qui va faire la révolution et où se produira-t-elle ?

Quand le grand Congo sera-t-il libre ? Et quand la vie du Congo sera elle entre les mains des fils du Congo ?

D’une certaine façon, on pourrait dire que le pouvoir se trouve maintenant dans les mains de fils du Congo et que les fusils sont tenus par des nains de fils du Congo. Mais est-ce que la vie du Congo se trouve maintenant entre les mains des fils du Congo ? Non !

Qu’est-ce que nous attendons pour prendre en main la vie de notre Congo ? Les fusils sont dans les mains de nos soldats. Mais au moment où les Belges tenaient le pouvoir au Congo, le fusil se trouvait aussi entre les nains de fils du Congo. Si nous avions attendu que ces derniers se battent pour l’indépendance, est-ce qu’il aurait été possible d’avoir le pouvoir dans nos mains ? Non ! Ce n’est pas le fusil qui décide des affaires, mais l’homme.

Pour que le Congo revienne dans la voie juste et authentique, il faut que toute la vie du Congo soit gérée par ses fils. Pour y arriver, il faut que tous les travailleurs sachent qui est leur ennemi ; ainsi leur lutte pourra aller de l’avant. Si la route est bloquée, nous devons tous nous unir pour ouvrir cette voie en faisant correctement notre travail.

Est-ce que la route est bloquée ? Oui !

Voyons la première ligne, les ouvriers et les masses laborieuses. Les paysans font leurs champs pour cultiver le café, le riz, le coton, l’ananas. En face d’eux, il y a les sociétés comme les Huileries du Congo belge, Madail, la Compagnie du Congo belge, Cooremans, la Cotonco et toutes les autres ce genre. Les sociétés sont les adversaires de ceux qui font les champs, les paysans.

Quel jour pensez-vous que ces gens-là vont aider les ouvriers et les masses laborieuses à s’émanciper ? Les palmiers dans la forêt grandissent tout seuls. Mais comme ces sociétés sont leurs adversaires, les masses laborieuses ne peuvent pas grandir normalement. Les masses travailleuses souffrent pour aller faire leurs champs, mais au moment où ils vendent leurs marchandises, ce ne sont pas eux qui fixent les prix.

Qui peul vous montrer la voie juste à suivre ? La force, l’intelligence et le courage se trouvent dans la révolution.

Regardons la deuxième ligne, les commerçants.

Les grandes sociétés de commerce sont nos concurrents. Ces gens-là ne vont pas vous aider pour que vous soyez grands comme eux. Est-ce que ces gens ont intérêt à vous aider pour que vous soyez grand et pour que leur propre société soit ruinée ? Non, ils ne peuvent pas nous aider.

Qu’est-ce que nous, les commerçants congolais, devons faire pour prendre le commerce dans nos propres mains ? C’est la révolution qui montrer, comment vous aussi pouvez grandir.

Dans la troisième ligne, nous voyons les forgerons, les gens qui fabriquent la houe, les couteaux, les artisans. Est-ce que les sociétés comme Cooremans, la Cotonco, etc. vont nous apprendre un jour comment ils fabriquent les houes et les couteaux ? Pour grandir, vous devez posséder votre manière de fabriquer la houe et le couteau.

La quatrième ligne, les ouvriers.

Comment les fils du Congo pourraient-ils grandir par leur travail.

Quand est-ce que nous-mêmes pourrions décider de développer notre intelligence ?

La cinquième ligne, les intellectuels et les étudiants.

Quand est-ce que votre intelligence va servir les gens qui prennent la voie de la libération du Congo ?

Sixième ligne, les militaires.

Qui bloque la route pour que le Congo montre sa vraie grandeur ? Qui est responsable du fait que les enfants du Congo ne puissent pas prendre les affaires de leur pays dans leurs propres mains ? Ces armes-là dans vos mains, elles sont au service de qui ?

Septième ligne, les hommes au pouvoir. Quand est-ce que le pouvoir réel sera dans vos mains ? S’il vous arrive de promulguer des lois qui soient dans l’intérêt du peuple, alors ce dernier n’hésitera pas. Voyez les remous autour de l’Union minière.

Huitième ligne, les religieux.

Quand est-ce que le pouvoir religieux reviendra-t-il aux enfants de ce pays ?

Aujourd’hui, le nom de la révolution n’est plus en cause. Nous tous, nous nous prononçons pour la révolution.

Il vaut mieux que nous tous, nous soyons unis dans le combat pour remettre les affaires de notre pays dans nos propres mains.

2 février 1968


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