Nous trouvons vraiment insupportable la position de classe au nom de laquelle tu te gonfles. Ce n’est pas une question de définition – c’est que la lutte, donc le principal, en est éliminé.
Ta position, ça n’existe pas. Si tu restes sur ton perchoir, ça n’a pas grand chose à voir avec ce que nous, nous voulons. Nous voulons, ce que nous voulons, c’est la révolution.
Autrement dit, il y a un but, et par rapport à ce but il n’y a pas de position, il n’y a que du mouvement, il n’y a que la lutte; le rapport à l’être – comme tu dis – c’est : lutter.
Il y a la situation de classe : prolétariat, prolétarisation, déclassement, avilissement, humiliation, expropriation, servitude, misère.
Étant donné que dans l’impérialisme les rapports marchands pénètrent complètement tous les rapports, et étant donné l’étatisation continue de la société par les appareils d’État idéologiques et répressifs, il n’est pas de lieu ni de moment dont tu puisses dire: je pars de là.
Il y a l’illégalité, et il y a des zones libérées; mais nulle part tu ne trouveras l’illégalité toute donnée comme position offensive permettant une intervention révolutionnaire car l’illégalité constitue un moment de l’offensive, c’est-à-dire ne se trouve pas hors de l’offensive.
La position de classe typique, c’est la politique extérieure soviétique, supposée issue de la position du prolétariat mondial, c’est aussi le modèle d’accumulation, décrétée socialiste, de l’Union Soviétique.
C’est la position – l’apologie – du socialisme dans un seul pays, autrement dit: une idéologie assurant une domination, qui ne se détermine pas dans son opposition à l’impérialisme de manière offensive, mais de manière défensive, contrainte et forcée par l’encerclement.
Tu peux dire que la politique intérieure et extérieure soviétique aura été historiquement nécessaire – tu ne peux pas soutenir son absolutisation comme position de classe.
La position de classe – à savoir l’intérêt, le besoin, la mission d’une classe, de lutter pour le communisme afin de vivre – est partie intégrante de sa politique – je dirais même: s’y résout – ce qui est un non-sens. Position et mouvement s’excluent. C’est une dérobade, un subterfuge pour se justifier, une affirmation gratuite.
C’est supposer que la politique de classe dérive de l’économie – et c’est faux. La politique de classe résulte de la confrontation avec la politique du capital -; la politique du capital est fonction de son économie. Et je pense que Poulantzas le saisit bien quand il dit que les fonctions économiques de l’Etat sont parties intégrantes de ses fonctions répressives et idéologiques – c’est la lutte des classes.
La politique de classe, c’est de lutter contre la politique du capital et non contre l’économie qui prolétarise directement ou à travers l’Etat. La position de classe du prolétariat, c’est la guerre – il y a là contradiction in adjecto, pur bla bla.
L’Union Soviétique parle beaucoup de position de classe, parce qu’elle veut faire passer sa politique d’Etat pour une lutte de classes.
Je dirais : il y a là capitalisation de la politique extérieure soviétique. Ce qui signifie qu’ils peuvent être alliés dans le processus de libération, mais nullement protagonistes.
Le protagoniste n’a pas de position – il a un but, quant à la « position de classe », c’est toujours du matraquage – c’est penser et dispenser par l’intermédiaire d’un appareil de parti un concept de réalité ne correspondant pas à l’expérience de la réalité -, en fait ça signifie soutenir une position de classe sans lutte de classes.
Comme tu dis: ce n’est pas « à partir d’elle » qu’il faut agir.
En 69 ce sont les groupes ml, ksv, ao [marxistes-léninistes, union étudiante communiste, groupe de construction du parti] qui ont, avec leur « position de classe », dépolitisé le mouvement politique dans les universités, en prônant comme juste une politique avec laquelle aucun étudiant ne pouvait plus adhérer subjectivement.
C’était une position parfaitement liquidatrice du mouvement de protestation anti-impérialiste. Et je pense que c’est là tout l’horreur du concept et de son contenu, à savoir qu’il exclut toute possibilité d’adhésion affective à la politique prolétarienne – c’est un catéchisme.
Nous ne partons pas d’une position de classe, quelle qu’elle soit, mais de la lutte des classes comme principe de toute histoire, et de la guerre de classes, comme réalité dans laquelle se réalise la politique prolétarienne, et – comme nous l’avons appris – seulement dans et par la guerre.
La position de classe ne peut être que le mouvement de la classe dans la guerre des classes, le prolétariat mondial armé et combattant, réellement ses avant-gardes, les mouvements de libération – ou comme dit Jackson : connections, connections, connections – c’est-à-dire mouvement, interaction, communication, coordination, lutte collective – stratégie.
Tout cela est paralysé dans le concept de « position de classe ». (…)