Staline dénonce les fauteurs de guerre et affirme sa confiance dans les forces de paix

 Les deux documents ci-dessous présentés : le texte de l’interview de Staline à la « Pravda », le 28 octobre 1948, et celui du discours d’Andreï Vychinski prononcé au Comité Politique de la troisième session de l’Organisation des Nations Unies, le 7 octobre de la même années ont été publiés, fin 1948, en Belgique, par les Amitiés Belgo-Soviétiques (ABS) sous le titre « Belges ! Vous voulez la paix : la voici ! ».

Amitiés Belgo-Soviétiques-1

Il y est expliqué que dès 1927, l’Union Soviétique posait à la Société des Nations la question du désarmement général. Bien entendu, cette proposition à plusieurs reprises réitérée ne recevra jamais l’appui qu’elle méritait de la part de la majorité des membres d’une S.D.N. alors sous influence des l’impérialistes anglo-américains et français.

Venant de l’URSS nous avons là une politique clairement démocratique déterminée par l’essence, le caractère, la nature même de l’État socialiste des ouvriers et des paysans au plus haut point intéressé au maintien et au renforcement de la paix et de la sécurité des peuples.

Aux propositions de paix formulées par l’URSS s’opposent ici les tenants d’une dynamique anticommuniste toujours plus prégnante. Paul-Henri Spaak et Ernest Bevin − respectivement ministre social-démocrate des Affaires étrangères de Belgique et du Royaume-Uni − nous sont ainsi dévoilés sous leur véritable jour : celui de comploteurs bourgeois-réactionnaires partisans d’une agression militaire contre l’URSS !

Le rôle historique délétère de Paul-Henri Spaak est bien connu des masses populaires et des communistes de Belgique. Ce sinistre personnage qui fut, avec Belvin et d’autres, au centre de la fondation de l’OTAN, finira par déserter la social-démocratie en 1971 pour aller grossir les rangs du Front Démocratique des Francophones (FDF) − organisation tendant au nationalisme réactionnaire, au chauvinisme alors nouvellement fondée −, invoquant pour se justifier la reculade de « la gauche » francophone face au revendications nationalistes flamandes.

Ernest Bevin est quant à lui issu des rangs du syndicat général des travailleurs du transport. Social-démocrate et antisémite notoire, il est à l’origine de la création, en 1948, d’une cellule secrète de propagande antisoviétique au sein du ministère des Affaires étrangères britannique, cellule liée au MI6. A son actif, la participation au « Projet Valuable » qui en en 1949 visait, en collaboration avec la CIA, à déstabiliser l’Albanie socialiste en s’appuyant sur la Yougoslavie titiste alors en conflit ouvert avec l’Albanie et les autres pays du camp socialiste.

Des personnages comme Spaak et Bevin n’ont rien à voir avec la social-démocratie historique, celle du programme de Hainfeld qui est un véritable bijou de la social-démocratie de sa période révolutionnaire et qui a produit, dialectiquement, des grands dirigeants, comme Karl Kautsky, Rosa Luxemburg, August Bebel, Franz Mehring, Wilhelm Liebknecht, Georgi Plekhanov, Lénine, Rudolf Hilferding, Otto Bauer, Karl Renner, Wilhelm Pieck… alors que Spaak et Belvin n’auront jamais été que des renégats, des bourgeois réactionnaires et décadents, voire des fascistes.

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B]
18 août 2015


URSS-72

URSS-72

Moscou, 28 octobre (Reuter). – Le généralissime Staline a répondu à une série de questions qui lui ont été soumises par un correspondant de la « Pravda », au sujet du conflit de Berlin :

– Quelle est votre opinion sur les résultats de la discussion de la situation à Berlin par le Conseil de Sécurité et sur l’attitude des représentants anglo-américains à cet égard ?

– Je considère qu’il s’agit d’une manifestation de l’esprit d’agression de la politique des milieux dirigeants anglo-américains et français.

– Est-il exact qu’au mois d’août de cette année, un accord a été réalisé entre les quatre puissances sur la question de Berlin ?

– Oui, c’est exact… Comme on le sait, le 30 août de cette année, un accord a été réalisé à Moscou entre les représentants de l’U.R.S.S., des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France au sujet de l’application simultanée, d’une part, de mesures en vue de faire cesser les restrictions visant les communications, d’autre part, de mesures visant à l’introduction du mark allemand de la zone soviétique comme seule monnaie à Berlin.

» Cet accord n’empiétait sur le prestige de personne. Il tenait compte des intérêts des parties et assurait la garantie d’une coopération ultérieure, mais les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont désavoué leurs représentants à Moscou et déclaré que cet accord était nul et non avenu. Ils l’ont violé, décidant de soumettre la question au Conseil de Sécurité au sein duquel les Britanniques et les Américains ont une majorité assurée. ».

– Est-il exact que dernièrement à Paris, lorsque la question était discutée au Conseil de Sécurité, au cours de conversations officieuses, un accord fut à nouveau réalisé ?

– Oui, c’est exact. Le représentant de l’Argentine, le Dr Bramuglia, président du Conseil de Sécurité, qui eut des entretiens officieux avec Vychinski, au nom des autres puissances intéressées, avait, en effet, en mains un projet de solution ayant fait l’objet d’un accord. Mais les représentants des États-Unis et de la Grande-Bretagne déclarèrent que cet accord n’existait pas.

– Quel est le fond de la question? Ne peut-on l’expliquer ?

– Le fond de la question est que les inspirateurs de la politique agressive des Etats- Unis et de la Grande-Bretagne ne se considèrent pas comme intéressés à un accord et à la coopération avec l’U.R.S.S. Ils ne veulent ni accord ni coopération afin de rejeter la responsabilité sur l’U.R.S.S., et ainsi de prouver l’impossibilité de la coopération avec l’U.R.S.S.

» Les fauteurs de guerre, qui cherchent à en déchaîner une nouvelle, craignent plus que tout l’accord et la coopération avec l’U.R.S.S., car la politique d’accord avec I’U.R.S.S. affaiblit les positions des fauteurs de guerre et prive d’objectif la politique agressive de ces messieurs. Précisément pour cette raison, ils défont les accords déjà réalisés, désavouent les représentants qui ont conclu ces accords avec l’U.R.S.S., soumettent la question, en violation de la Charte des Nations-Unies, au Conseil de Sécurité, où ils disposent d’une majorité assurée et on ils peuvent « prouver » n’importe quoi.

» Tout cela est fait afin de démontrer l’impossibilité de la coopération avec I’U. R. S. S. pour démontrer la nécessité d’une nouvelle guerre et ainsi préparer les conditions de son déchaînement. La politique des dirigeants actuels des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne est politique d’agression et de déchaînement d’une nouvelle guerre. »

– Que pensez-vous des actions des six États du Conseil de Sécurité Chine, Canada, Belgique, Argentine, Colombie, Syrie ?

– Il est évident que tous ces messieurs appuient une politique d’agression, une politique de déchaînement d’une nouvelle guerre.

– Comment tout cela peut-il finir ?

– Cela ne peut se terminer que par la chute honteuse des instigateurs d’une nouvelle guerre. Churchill, le principal fauteur de guerre, a déjà réussi à se priver de la confiance de son pays et des forces démocratiques du monde entier. Le même sort attend tous les autres instigateurs d’une nouvelle guerre. Les horreurs de la guerre récente sont trop vivaces dans la mémoire des peuples et les forces populaires favorables à la paix sont trop grandes pour que les disciples en agression de Churchill puissent les vaincre et les entraîner vers une nouvelle guerre.


Discours de Andreï Vychinski prononcé au Comité Politique de la troisième session de l’Organisation des Nations Unies, le 7 octobre 1948

Sur l’interdiction de l’arme atomique et la réduction par les cinq grandes puissances, d’un tiers de leur armement

Le 25 septembre, la délégation de l’U.R.S.S., au nom du gouvernement Soviétique, a soumis à l’examen de l’Assemblée Générale, la proposition de réduire d’un tiers, en l’espace d’une année, les forces armées et les armements des cinq grandes puissances, d’interdire l’arme atomique et de créer un organisme chargé de contrôler la mise en vigueur de ces décisions. Alors déjà, dans sa première déclaration à l’Assemblée Générale, la délégation de I’U.R.S.S. a exposé les motifs qui ont incité le Gouvernement Soviétique à présenter ces importantes propositions. En les présentant, le Gouvernement soviétique poursuit sa politique immuable de lutte contre tous les plans et toutes les mesures visant à diviser les peuples, sa politique de lutte pour la réalisation des principes démocratiques de paix dans le monde d’après-guerre, pour la sécurité des peuples.

La politique de l’Union Soviétique, c’est une politique immuable et conséquente qui vise à étendre et à renforcer la coopération internationale. Elle est déterminée par l’essence, le caractère, la nature même de l’État socialiste soviétique des ouvriers et des paysans au plus haut point intéressés, de même que des millions de simples gens dans, le monde entier, au maintien et au renforcement de la paix et de la sécurité des peuples. Le peuple soviétique qui a héroïquement repoussé l’agression d’un ennemi perfide, qui a chassé de son sol l’envahisseur fasciste allemand et qui depuis trois ans déjà, consacre tout son effort à guérir les plaies causées par la guerre, à relever l’économie nationale ruinée dans les régions de l’U.R.S.S. autrefois occupées par les troupes ennemies, à développer et à renforcer la puissance économique de l’État soviétique, − ce peuple est tout particulièrement intéressé au maintien d’une paix solide et durable dans le monde entier. Voilà pourquoi l’Union Soviétique travaille méthodiquement, avec persévérance, pour la paix et contre les tentatives d’allumer une nouvelle guerre qui apporterait les plus grandes calamités à l’humanité tout entière.

Cette politique de paix et de lutte persévérante et systématique contre toute agression, contre la psychose belliciste si largement attisée par les milieux réactionnaires des États-Unis, contre les aventures militaires, contre la guerre dans n’importe quelle partie du monde, le Gouvernement soviétique la mène depuis le début de son existence, depuis le jour où, dans notre pays, le pouvoir est passé aux mains des ouvriers et des paysans ; il mène avec esprit de suite et inlassablement la lutte pour la paix et la sécurité des peuples.

Dans l’ancienne Société des Nations, l’Union Soviétique, a poursuivi sans relâche une politique de lutte contre les guerres, pour le désarmement et la réduction des armements ; elle a, pour sa part, constamment fait preuve dans cette question d’initiative et de persévérance, appuyant les initiatives prises dans ce domaine par d’autres États. Rappelons que dès 1927, l’Union Soviétique posait à la Société des Nations la question du désarmement général. Cette proposition n’ayant pas reçu l’appui qu’elle méritait de la part de la majorité des membres de la S.D.N., l’Union Soviétique proposa une réduction des armements, C’est ainsi qu’en 1927, à la première séance de la quatrième session de la Commission du désarmement, à laquelle assistait pour la première fois une délégation soviétique, I’U.R.S.S. déposa une proposition soulignant la nécessité d’un désarmement général, total et immédiat. L’examen de cette question fut alors ajourné à la session suivante.

En février 1928, la délégation soviétique déposait à la Commission son projet de convention de désarmement général, total et immédiat, où étaient concrétisées les propositions formulées par la délégation soviétique le 30 novembre 1927. Mais ce projet ne trouva pas, lui non plus, un accueil favorable à la Commission qui repoussa le projet soviétique de convention de désarmement total et ajourna l’examen d’un autre projet présenté par la délégation soviétique, proposant de réduire les armements de moitié pour les grands pays, d’un tiers ou d’un quart pour les autres pays plus petits, en attendant l’étape suivante. La sixième session de la Commission du désarmement, qui s’ouvrit en avril 1929, repoussa également le deuxième projet soviétique de réduction des armements, tout en s’engageant à le porter devant la Conférence en même temps que le projet dressé par la Commission en 1927. La délégation soviétique a déployé la plus grande activité à la Commission du désarmement (1927-1930). Elle a fait tout ce qui dépendait d’elle pour que les travaux de cette commission aboutissent à un résultat positif, qui néanmoins n’est pas intervenu. Les travaux de la Commission du désarmement se sont soldés par un échec.

Dans le rapport qu’il a présenté au Congrès des Soviets de l’U.R.S.S. en 1931, V. Molotov a caractérisé de la façon suivante la situation qui s’était créée à la suite de l’échec des travaux de la Commission du désarmement :

« Malgré toutes les tentatives faites par la délégation soviétique pour amener une réduction effective des armements, la Commission, dans ses travaux, − si l’on peut à son propos employer le mot « travaux », − a poursuivi un autre but : dissimuler sous des phrases sur le désarmement une augmentation folle des armements. »

V. Molotov a montré que durant les quatre années d’existence de la Commission préparatoire, les armements des Etats capitalistes, loin de diminuer, s’étaient considérablement accrus.

« Le bilan des travaux de la dernière session de la Commission préparatoire du désarmement, tel qu’il apparait dans le projet et le rapport explicatif dressés par elle, c’est un refus de toute limitation pour certaines armes et une justification du maintien et de l’augmentation des autres armes. Ne se moque-t-elle pas complètement de l’idée même du désarmement, la décision adoptée sur la proposition de la délégation américaine, qui donne le droit à chaque État, lorsqu’il juge, sa « sécurité » menacée, de dépasser les normes d’armement établies par la convention, à la seule condition d’en informer les autres signataires de la convention qui, naturellement, ne manqueront pas de profiter à leur tour de cette circonstance pour accroître leurs propres armements ? »

A ce moment déjà on se rendait parfaitement compte de la stérilité de toutes les commissions et conférences relatives au désarmement ou à la réduction des armements qui s’étaient tenues jusqu’alors, et de la croissance rapide des nouveaux armements dans tous les États capitalistes, croissance qui témoignait que ces États n’étaient point intéressés à un renforcement effectif de la cause de la paix, et qu’au contraire ils faisaient tout pour préparer et déclencher de nouvelles guerres impérialistes.

Lorsqu’on se rapporte à ces faits historiques qu’il me semble très opportun de rappeler aujourd’hui, pour en tirer les enseignements qui s’imposent, on ne saurait manquer de rappeler aussi cette juste remarque de V. Molotov :

« La pointe, ici encore, est, chacun le voit, dirigée contre l’Union Soviétique. »

Ce fut également par un échec que se termina la conférence internationale du désarmement tenue à Genève en 1932. De nouveau, la France insista sur des garanties de sécurité. De nouveau, les représentants de la France proposèrent de créer une armée internationale auprès de la Société des Nations. La position de la délégation anglaise ne se distinguait pas par sa netteté, mais une chose était claire pour tous : sous l’influence de la démagogie hitlérienne, à cette conférence du désarmement les uns voulaient armer l’Allemagne contre la France, les autres contre l’U.R.S.S.

Les exigences de la France réclamant des garanties supplémentaires de sécurité furent repoussées par la délégation anglaise, car elle craignait que l’acceptation des exigences françaises ne renforçât les positions de la France, ce qui à cette époque ne répondait pas aux intérêts de la Grande-Bretagne, En ce qui concerne les États-Unis, le représentant américain Gibson proposa de ramener les forces terrestres au niveau indispensable au maintien de l’ordre intérieur. On sait qu’à proprement parler la première session de cette conférence se termina sans résultat. Faisant le point de la discussion sur le désarmement, on ne peut s’empêcher de noter, comme le fit le délégué italien Grandi, que les puissances navales réclamaient le désarmement sur terre, et les puissances terrestres le désarmement sur mer. Ainsi le plan américain formulé dans la déclaration de Hoover proposait de réduire l’armement des troupes de terre, mais de maintenir les armements navals à un niveau garantissant les intérêts des puissances maritimes.

Point n’est besoin d’exposer en détail toutes les péripéties de cette question lorsqu’elle passa devant la Société des Nations ; signalons seulement que tous les efforts déployés par le Gouvernement soviétique pour mener à bien cette tâche − ne serait-ce que la tâche d’une réduction partielle des armements, − ne trouvèrent aucun appui à la Société des Nations, les propositions pacifiques du Gouvernement soviétique ne répondant pas aux intérêts des gouvernements des États influents qui réglaient à l’époque des destinées de l’Europe, telles la Grande-Bretagne et la France. Alors déjà on assistait sous ce rapport à un tableau qui rappelle fort celui que nous voyons aujourd’hui à l’Organisation des Nations Unies où le Gouvernement soviétique tente de nouveaux efforts pour faire adopter des mesures qui réduiraient au minimum le danger de guerre, assureraient le maintien de la paix et de la sécurité des peuples, mais où ces initiatives et ces aspirations généreuses se heurtent à la résistance acharnée d’un grand nombre de délégations, parmi lesquelles il en est qui sont loin d’être de second rang − bien mieux : parmi lesquelles il en est de dirigeantes. Alors déjà, il y a vingt ans, aux propositions soviétiques de réduction des armements s’opposait la formule donnée par le fameux Paul-Boncour, à l’époque chef de la délégation française, président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des députés et membre de la IIe Internationale ; formule que MM. Bevin, Spaak et d’autres répètent aujourd’hui en élèves appliqués :

« la sécurité d’abord, le désarmement ensuite. »

A présent, cette formule a été quelque peu modifiée. A présent, elle s’énonce ainsi :

« Des garanties de sécurité d’abord, une réduction des armements ensuite. »

Mais qu’est-ce des garanties de sécurité ? De quoi s’agit-il, à proprement parler ? Pourquoi fait-on dépendre de ces garanties de sécurité le sort même du problème de désarmement et l’interdiction de l’arme atomique ?

Qu’on nous permette ici une petite incursion dans l’Histoire. Qu’est-ce que ces garanties de sécurité ? A l’époque de la Société des Nations; le gouvernement français (Paul-Boncour, par exemple) entendait par garanties de sécurité des traités comme ceux de Locarno, qui devaient garantir les frontières non seulement de la France, mais encore de ses alliés de l’Est : la Pologne et la Tchécoslovaquie. Mais ces traités donnaient-ils des garanties réelles aux États qui les avaient signés?

On en jugera par l’accord à jamais honteux conclu à Munich, qui livra la Tchécoslovaquie. « Munich » ouvrit toutes grandes les portes à la guerre pour une marche forcée de l’Est, contre l’Union Soviétique. Voilà ce qu’il en est, au fond, des traités qui prétendent garantir la sécurité internationale. « Munich » a donné toute liberté d’action à la clique des brigands hitlériens, a poussé l’agresseur vers une aventure militaire. Ainsi furent créées les conditions politiques d’une « union de l’Europe sans la Russie ». Munich a créé ces conditions d’une union de l’Europe sans la Russie − situation qui rappelle fort la situation internationale actuelle où, comme il y a vingt ans, on est en train de créer, sous la direction des États-Unis, des blocs unissant l’Europe sans l’Union Soviétique et contre elle, ainsi que l’a prouvé dans son discours à l’Assemblée Générale Monsieur Spaak malgré toutes les phrases, les cascades de phrases dont il a usé pour noyer sous ces phrases le sens véritable de sa déclaration.

Voilà à quoi se réduisent ces prétendues garanties de sécurité qu’invoquent aujourd’hui les amateurs d’aventures militaires, qui ont beaucoup oublié et n’ont rien appris. La position anglaise (lord Cushendun-MacNeil, alors sous-secrétaire d’État au Foreign Office, qui succéda en 1927 à lord Robert Cecil comme représentant de l’Angleterre à la Société des Nations) s’exprimait par une autre formule :

« Le désarmement (avec cette réserve, sur terre) d’abord, la sécurité ensuite. »

Mais hélas ! si l’on se laisse ainsi entraîner pour un instant par la logique et par la vérité, cela ne dura guère, et l’on vit bientôt réapparaître la formule française :

« Des garanties de sécurité d’abord, le désarmement ou une réduction des armements ensuite. »

Ce qui, selon la délégation anglaise, ne devait pas concerner les forces navales, du désarmement desquelles l’Angleterre ne voulait pas entendre parler. Un désarmement des forces de terre, par contre, répondait à son désir de satisfaire les dominions qui considéraient une réduction des armements, et surtout le désarmement des forces de terre, comme un moyen de se débarrasser des obligations qu’ils assumaient à l’égard des pays d’Europe en vertu du traité de Locarno et qui leur étaient à charge.

Mais dès 1934, à la Conférence du désarmement, le gouvernement anglais (Henderson) se ralliait au point de vue français, Henderson déclara que le problème de la sécurité nationale était « à la base de toute la question du désarmement ».

Quant aux États-Unis, ils refusèrent d’accepter tout projet de contrôle devant s’exercer sous la direction de la S.D.N. Ils insistaient surtout, alors aussi, sur la question des garanties de sécurité.

C’était il y a plus de vingt ans. Mais ces vingt ans, se sont écoulés, la troisième session de l’Assemblée Générale s’est réunie, et le 27 septembre 1948 est arrivé. A cette séance de l’Assemblée Générale, le ministre anglais des Affaires, étrangères, M. Bevin, a pris la parole et a mis en avant, une fois de plus, cette même formule déjà vieille de vingt ans :

« La sécurité d’abord, la réduction des armements ensuite. »

En ce qui concerne les principaux orateurs qui ont encore parlé à l’Assemblée générale, on ne peut passer sous silence le discours de Spaak. C’est par là que je dois commencer.

Les propositions soviétiques d’interdire l’arme atomique et de créer un organisme international de contrôle ont été pour M. Spaak l’occasion d’un grand discours. Il a déclaré que le discours du délégué soviétique montre qu’il ignore les buts véritables que poursuit le Benelux, la Belgique notamment. Est-ce exact ? Dans mon discours du 25 septembre, j’ai dit que des accords comme le traité d’alliance militaire des pays occidentaux − Angleterre, France, Belgique, Hollande, Luxembourg − peuvent être également dirigés contre des Etats qui furent des alliés pendant la deuxième guerre mondiale. J’ai signalé que toute la presse anglaise, française et américaine dit ouvertement que l’alliance militaire des cinq pays occidentaux est dirigée contre l’U.R.S.S. et les pays de la démocratie nouvelle. Et je suis prêt à le répéter.

Qu’a répondu Spaak ? A-t-il réfuté cette affirmation ? A-t-il cité des faits prouvant que cet accord des cinq puissances poursuit des buts de défense? Non. Pas un fait ! Rien que de la rhétorique, rien qu’une scène d’hystérie à propos de je ne sais quelle peur qui s’est emparée de M. Spaak et, sans doute, de ceux qui pensent comme lui…

Spaak a déclaré qu’il ne connaît pas un pays, par un parti politique responsable, pas une personnalité ayant quelque influence sur l’opinion publique, etc., qui puisse dire que la Belgique participe de son plein gré à une campagne d’excitation et qu’elle se prépare à une guerre d’agression. Bien entendu, cela est loin de correspondre à la réalité, car il existe de ces partis, et c’est en premier lieu celui auquel appartient M. Spaak lui-même, car il existe de ces hommes politiques − et ce sont avant tout les apologistes et les propagandistes d’une alliance politique et militaire des cinq Etats occidentaux.

Dans son discours du 28 septembre, M. Spaak a nettement donné à entendre que cette alliance a été créée contre l’U.R.S.S.

Par contre, je vous le demande : montrez-moi ne fût-ce qu’une seule ligne de la presse soviétique, la déclaration d’un seul homme politique, d’un seul représentant de la culture, de la science ou de l’art soviétique, qui ait jamais dit quelque part un seul mot laissant entendre que l’U.R.S.S. se prépare à attaquer un autre pays. L’Europe occidentale, − votre pays y compris, M. Spaak, − que l’héroïsme et l’abnégation du peuple soviétique ont sauvée, est, paraît-il, saisie de crainte devant l’U.R.S.S. qui a fait le grand sacrifice de millions de ses fils et de ses filles pour débarrasser les peuples d’Europe de la peste hitlérienne. On ne saurait aller plus loin dans Je sacrilège.

M. Spaak nous a déclaré : « Nous (j’ignore qui est ce « nous » − pas le peuple belge, en tout cas) craignons la puissance soviétique. »

Mais alors, si vous craignez la puissance militaire soviétique, pourquoi n’appuyez-vous pas notre proposition de réduire cette puissance militaire ? Mais cela ne fait pas votre affaire, car il faudrait diminuer non seulement notre puissance militaire, mais aussi celle de vos amis, et cela vous ne voulez l’admettre.

M. Spaak a dit :

« Je ne me fais pas d’illusions. Je sais que demain matin une partie de la presse internationale me traitera de valet de Wall street… ».

On ne peut dénier à M. Spaak la clairvoyance et la perspicacité.

M. Spaak a ajouté :

« Ce qui m’épouvante, c’est que je me rends compte qu’en ce moment l’humanité sait ce qu’elle devrait faire pour son salut et qu’elle voudrait le faire. Mais ce qu’il y a de tragique, c’est qu’elle ne semble pas capable de le faire. »

Qu’est-ce à dire ? N’est-ce pas là une menace mal déguisée ? Mais si, comme le déclare M. Spaak, la pauvre humanité n’est pas capable de le faire, que doit-elle faire alors ? Oui, que doit-elle faire ? A cela, pas de réponse. Car on ne saurait considérer comme une réponse les lamentations et les soupirs d’emprunt à propos de la complexité, des difficultés et des dangers du moment.

La tâche qui se posait devant M. Spaak était pourtant claire : c’était de définir son attitude vis-à-vis des trois propositions soviétiques. Mais aucune des trois propositions n’a satisfait M. Spaak qui, nous l’avons vu, a mis son éloquence au service de buts absolument étrangers et futiles. Il s’est dérobé à toute décision concernant cet important problème posé par l’Union Soviétique, et il a préféré s’en tirer par des phrases générales et qui ne signifient pas grand-chose.

En somme, si l’on fait abstraction des assertions hostiles à l’Union Soviétique, absolument ineptes et gratuites, dont s’orne le discours de M. Spaak, on peut dire qu’il ne reste rien de ce discours. Il ne renferme en somme rien qui soit digne d’attention en rapport avec la question discutée. Pas la moindre tentative de contribuer à délivrer l’humanité de la menace de la guerre, des horreurs qu’entraînerait l’utilisation de l’arme atomique ; aucune tentative d’apporter sa brique au fondement de la paix et de la sécurité des peuples. Du discours de M. Spaak, on ne peut même pas dire qu’il suive la formule : « La sécurité d’abord, la réduction des armements ensuite », tant il est étranger au problème du renforcement de la paix et de la sécurité des peuples. Il sert des buts diamétralement opposés. En tout cas, il est clair que le représentant du gouvernement belge est contre une réduction des armements par les cinq puissances, contre l’interdiction de la bombe atomique avec tout ce qui s’ensuit et, par conséquent, contre le contrôle international. A cet égard, le discours de M. Spaak a été d’une franchise parfaite, et il ne laisse place à aucun doute quant au point de vue des milieux dont M. Spaak est le porte-parole.

En somme, le discours de M. Spaak devait aider Bevin à s’acquitter d’une tache qui était au-dessus de leurs forces à tous deux et qui consistait à démontrer une énormité − à savoir que la conception marxiste-léniniste exclut toute possibilité de coopération entre l’U.R.S.S. et les Etats capitalistes. Bevin a déclaré que tout ce que le Gouvernement soviétique fait dans ce sens est une tactique, une manœuvre ; et pour le confirmer, il s’en est référé à une citation tirée des œuvres de Lénine. Mais il a passé sous silence que cette citation remonte à l’époque où les rapports entre la jeune République soviétique et certains pays du monde capitaliste, dont la Grande-Bretagne et la France, étaient caractérisés par des faits historiques comme l’intervention étrangère, comme la campagne militaire entreprise contre l’U.R.S.S. par 14 États d’Europe, comme l’intervention armée de puissances parmi lesquelles figurait la Grande-Bretagne, ce qu’encore une fois Bevin a prudemment jugé bon de taire.

Ces déclarations de Bevin avaient leur raison d’être, bien entendu.

Il lui fallait affirmer et démontrer que l’Union Soviétique ne tend pas à la coopération internationale et que, par conséquent, il n’existe point de base pour une coopération fondée sur la confiance des pays coopérants. Le but de Bevin, on le voit très bien. Évidemment, si une telle coopération est exclue a priori, les propositions qui envisagent des mesures − comme l’interdiction de l’arme atomique ou la réduction des armements perdent tout sens et apparaissent comme une simple manœuvre. Bevin voulait prouver que la politique extérieure de l’U.R.S.S. et la conception même du marxisme-léninisme tendent non pas à une coopération entre le pays socialiste et les pays capitalistes, mais au rejet d’une telle coopération. C’est la tâche qu’il s’était fixée. Et M. Spaak a essayé de lui venir en aide par ses propos sur la crainte.

Mais il est facile de montrer que cette entreprise ne pouvait qu’aboutir à un échec, même sans qu’il fût besoin d’opposer à l’affirmation de M. Bevin des faits multiples ainsi que les paroles mêmes du grand fondateur de l’État soviétique et du penseur génial que fut Lénine.

Si M. Bevin, qui a pris sur lui de juger la conception marxiste-léniniste dans la question de la coopération internationale, avait fait preuve de plus d’objectivité et d’honnêteté qu’il n’en a montré en l’occurrence, il n’aurait peut-être pas entrepris une excursion historique aussi risquée dans le domaine de la théorie marxiste.

En effet, en 1921, le Gouvernement soviétique qui avait Lénine à sa tête n’a-t-il pas pris des mesures pour passer des rapports de guerre à des rapports pacifiques et commerciaux avec les pays impérialistes ? Lénine n’a-t-il pas dit alors que cette question, et notamment la question des rapports commerciaux avec l’Angleterre, était devenue le point central de la politique soviétique ?

Où donc le ministre anglais des Affaires étrangères a-t-il pris la hardiesse; en caractérisant la position du Gouvernement soviétique par rapport aux pays non communistes, d’affirmer ce qu’il a affirmé ici ?

M. Bevin ignorerait-il ce que Lénine a dit en 1922, en parlant de la Conférence de Gênes ?

« Nous allons à Gênes, disait alors Lénine, avec un but pratique : développer le commerce et créer des conditions qui lui permettent de se développer le plus largement et le plus efficacement. »

Et plus loin, il ajoutait :

« Car les intérêts les plus pressants, les plus essentiels, les plus pratiques de tous les pays capitalistes, intérêts qui se sont nettement manifestés en ces dernières années, exigent que le commerce avec la Russie soit développé, réglé et étendu. Et du moment que ces intérêts sont en jeu, on peut discuter, on peut disputer, on peut se séparer sur telle ou telle combinaison − il est même fort probable que nous aurons à nous séparer − mais finalement cette nécessité économique essentielle se fraiera elle-même un chemin… On peut dire avec assez de certitude que les relations commerciales régulières entre la République des Soviets et le reste du monde, le monde capitaliste, continueront nécessairement à se développer. »

Toujours en 1922, Lénine ne disait-il pas :

« Nous sommes sur une route très clairement, très nettement tracée, et nous nous sommes assuré le succès devant les États du monde entier, bien qu’aujourd’hui encore, certains d’entre eux soient prêts à déclarer qu’ils ne veulent pas s’asseoir à la même table que nous. Néanmoins, les rapports économiques et, après eux, les rapports diplomatiques s’établissent, doivent s’établir, s’établiront très certainement. Tout État qui s’y oppose risque d’arriver en retard, risque peut-être, dans certaines choses assez appréciables, de se trouver dans une situation désavantageuse. »

Si vous consultez les œuvres de Lénine, vous y trouverez une foule de considérations de ce genre où sont formulés les principes fondamentaux de la politique extérieure soviétique.

Telle est la ligne qu’en politique étrangère l’État soviétique a suivie sous la direction de Lénine et de Staline aux années dont Bevin a parlé dans son discours. C’est grâce à elle que le IIe Congrès des Soviets de l’U.R.S.S. qui était alors l’organisme législatif suprême de l’Union Soviétique, a pu constater en 1924, lors de l’établissement des relations diplomatiques entre l’U.R.S.S. et l’Angleterre, que cet acte était

« le résultat des efforts conjugués de la politique de paix suivie par le Gouvernement soviétique sous la direction de Lénine, et de la volonté tenace et hautement exprimée du peuple anglais ; qu’il établissait enfin des rapports normaux entre les deux pays sous une formé digne de leurs grands peuples et jetait les fondements de leur coopération amicale.»

Le IIe Congrès des Soviets de l’U.R.S.S. proclama que

« la coopération des peuples de la Grande-Bretagne et de l’Union des Républiques socialistes soviétiques resterait invariablement l’une des premières préoccupations du gouvernement de l’Union Soviétique ».

M. Bevin ignorait-il la déclaration faite par le généralissime Staline en 1947, au cours de son entretien avec Stassen, lorsque parlant de la coopération de deux systèmes différents, il a dit :

« L’idée d’une coopération des deux systèmes a été énoncée pour la première fois par Lénine. Lénine est notre maître et nous, hommes soviétiques, nous sommes ses disciples. Jamais nous ne nous sommes écartés, ni ne nous écarterons de ses directives.»

Il est possible que Staline ait dit qu’un de ces systèmes, le système capitaliste par exemple, ne veut pas coopérer, mais il s’agissait du désir et non des possibilités de coopérer. Pour ce qui est de ces possibilités, le point de vue de Staline est celui de Lénine : une coopération entre les deux systèmes économiques est possible et désirable. De même en ce qui concerne le désir du peuple et du Parti Communiste de l’U.R.S.S. de coopérer : ce désir existe. Il est certain qu’une telle coopération ne pourrait qu’être profitable aux deux pays.

Voilà ce qu’il en est de la tentative faite par Bevin pour saper la confiance dans l’Union Soviétique et pour étayer « théoriquement » sa thèse mensongère suivant laquelle les dirigeants de l’Etat soviétique nieraient la possibilité d’une coopération des systèmes soviétique et capitaliste. Bevin a tout simplement mêlé deux questions : celle de la possibilité d’une coopération des deux systèmes et celle du désir de coopérer. En ce qui concerne l’U. R. S. S., les déclarations nombreuses et les plus autorisées faites à ce sujet par les dirigeants de l’Etat soviétique montrent que là-dessus sa position est claire. Mais ceux qui aiment à troubler l’atmosphère ne se calment pas, ont recours à toutes sortes de subterfuges, altèrent les faits. Ils font tous leurs efforts pour torpiller la coopération avec l’Union Soviétique, pour couvrir leurs refus de coopérer à l’aide d’allégations mensongères et en dénaturant les faits historiques.

Dans ces conditions, il est tout naturel que les travaux de la Commission pour la réglementation et la réduction générales des armements, qui s’est mise au travail il y a un an conformément à la résolution prise par l’Assemblée Générale du 14 décembre 1946, n’aient pas été couronnés de succès.

Prenant la parole à la première session de l’Assemblée Générale pour défendre sa proposition de réduction et de réglementation générales des armements, le ministre des Affaires étrangères V. Molotov a bien souligné que la Charte de l’Organisation des Nations Unies autorise l’Assemblée Générale à examiner les principes généraux de la coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et cite l’article 11 de la Charte, entre autres les principes définissant le désarmement et la réglementation des armements, et en ce qui concerne ces principes, recommande aux membres de l’Organisation ou au Conseil de Sécurité· ou à la fois aux membres de l’Organisation et au Conseil de Sécurité, de s’y conformer.

La Charte de l’Organisation des Nations Unies prévoit également la création d’un Comité de l’état-major militaire chargé, entre autres, premièrement, de donner des conseils et d’aider le Conseil de Sécurité dans les questions relatives aux besoins militaires de ce dernier, et deuxièmement, de dégager parmi ces questions celles qui ont rapport à la réglementation des armements et à un· désarmement éventuel.

Ainsi donc, il est clair que la question d’une réduction des armements et même, comme il est dit dans la Charte de l’Organisation des Nations Unies, de la possibilité d’un désarmement, ressort du domaine des principes les plus importants de l’Organisation des Nations Unies, à la réalisation desquels I’O.N.U., conformément à sa Charte, est tenue de travailler.

Il faut reconnaître, a déclaré V. Molotov à la première session de l’Assemblée Générale, qu’il est temps d’adopter des décisions précises pour mener cette tâche à bien.

« Il ne faut pas oublier − a, dit V. Molotov dans cette même déclaration − que si, tout en protestant de leur politique pacifique, tels ou tels États, loin de réduire leurs armements, les accroissent sous le rapport tant quantitatif que qualitatif, les peuples sont fondés à mettre en doute la sincérité de ces déclarations pacifiques. »

En soumettant à la première session de l’Assemblée Générale sa proposition de procéder à une réduction générale des armements, le Gouvernement soviétique estimait que si l’Assemblée Générale adoptait des décisions relatives à ces propositions, elle ferait effectivement un pas en avant d’une importance extraordinaire en vue de renforcer la paix et la sécurité des peuples. Répondant à ceux qui exigeaient que l’on commençât par assurer la sécurité collective et promettaient qu’ensuite seulement ils procéderaient au désarmement, V. Molotov a signalé le caractère erroné des raisonnements de ce genre, car une réduction générale des armements sous la direction de l’Organisation des Nations Unies, a-t-il dit, renforcerait incontestablement la sécurité internationale.

« Par conséquent − a ajouté V. Molotov − ce sont ceux qui ont à cœur la paix et la sécurité internationales qui doivent s’efforcer d’assurer une réduction générale des armements. Sans quoi, invoquer la nécessité de renforcer la sécurité générale, ce serait seulement fournir un paravent à ceux qui en réalité ne reconnaissent pas la nécessité d’une réduction générale des armements. »

Malgré tous les efforts des représentants de l’Union Soviétique pour faire progresser les travaux en vue d’une réduction des armements, ces travaux n’ont pas donné de résultats positifs, et après 18 mois d’activité de cette Commission, force nous est de constater l’échec de ses travaux, en même temps que l’échec des travaux de la Commission pour l’interdiction de l’arme atomique.

La délégation soviétique a déjà exposé son point de vue en ce qui concerne l’interdiction de l’arme atomique également. Je ne vois pas la nécessité de revenir à cette question en la développant dans toute son ampleur, car ce serait nous répéter. Sans doute, les décisions de l’Assemblée Générale en date du 24 janvier et du 14 décembre 1946 ont, quant au fond, tranché par avance la question de l’interdiction de l’arme atomique. Néanmoins, la réalisation de ces décisions se heurte à une résistance acharnée. L’examen, au premier comité, des rapports de la Commission atomique a fourni maint exemple du refus obstiné de plusieurs délégations non seulement d’élaborer des mesures et de préparer des propositions en vue d’exclure l’arme atomique des armements nationaux, mais même d’établir un contrôle international efficace afin d’empêcher que l’énergie atomique soit utilisée dans des buts de guerre.

Ce n’est certes pas par hasard que la majorité de la Commission atomique, influencée par le gouvernement américain, a refusé de poursuivre les travaux en vue d’élaborer des mesures prévoyant l’élimination de l’arme atomique. Et le vote d’aujourd’hui contre la partie de la résolution de l’Équateur où il est question de la nécessité de poursuivre ces travaux afin de réaliser un accord général sur ces questions, témoigne que ce sont ces buts dignes d’être réalisés : coopération, accord général, conciliation des différents points de vue que repoussent en principe les représentants des États-Unis et de la Grande-Bretagne qui ont voté contre la proposition de l’Équateur.

Or, résoudre cette tâche dans l’esprit des décisions de l’Assemblée Générale déjà mentionnées, est une nécessité pressante, car l’arme atomique est un instrument d’agression, un instrument d’attaque, et seuls peuvent être intéressés à continuer de la produire ceux qui nourrissent des plans d’agression et d’expansion en vue d’attaquer des territoires étrangers et d’étendre leur domination à des terres étrangères. Car ceux qui n’ont pas l’intention d’attaquer des territoires étrangers n’ont pas besoin de l’instrument d’agression qu’est la bombe atomique. Ceux qui n’ont pas l’intention d’étendre leur domination sur des territoires étrangers n’ont que faire de cet instrument d’agression.

D’autre part, si on n’interdit pas l’arme atomique, si on ne l’exclut pas des armements nationaux, il ne saurait être sérieusement question de réduire les armements dans une proportion quelconque. Ces deux tâches : interdiction de l’arme atomique et réduction de l’armement ordinaire − sont étroitement liées entre elles et demandent à être réglées en même temps. Si elles ne sont pas réglées en même temps, on ne pourra alléger le lourd fardeau des dépenses de guerre qu’accable de plus en plus des millions de contribuables lesquels, dans leur grande masse, vivent de leur travail.

Dans sa déclaration du 25 septembre à l’Assemblée Générale, la délégation soviétique a déjà cité des chiffres qui illustrent la course aux armements dans différents pays capitalistes et avant tout aux Etats-Unis. Pour compléter ces données qui montrent l’augmentation des budgets de guerre en 1948, par rapport non seulement à l’avant-guerre, mais encore à 1947, ainsi que l’énorme accroissement des budgets de la guerre pour les cinq années suivantes, citons encore les chiffrer que voici : d’après l’Army Information Digest (organe du Ministère de la Guerre des États-Unis) d’août 1947, le Congrès a, par la loi 776., adopté pour l’exercice 1948-1949 un budget de la guerre s’élevant à 15 milliards 200 millions de dollars soit 36.1 p. c. de l’ensemble du budget pour 1949. Plus d’un tiers va à l’entretien, à l’accroissement et à l’équipement des forces armées et à l’armée en général. Des 15 milliards de dollars assignés à ce but 7 milliards environ sont consacrés aux forcer aériennes, 4 milliards environ aux forces navales, plus de 3 milliards à la construction d’avions en vertu de la loi 547, et le reste aux frais d’occupation en Allemagne. Mais ces chiffres, ne donnent pas encore un tableau complet des sommes assignées aux besoins militaires des Etats-Unis en 1948-1949, car on n’y a pas fait entrer 500 millions de dollars prévus pour les besoins de la Commission de l’énergie atomique, 600 millions de dollars destinés à l’achat et à la création de stocks de matières premières militaires et stratégiques qui font défaut aux Etats-Unis et qui doivent être importés, 400 millions de dollars pour Ier dépenses militaires et l’aide à la Grèce, à la Turquie et à la Chine. Mais ce ne sont pas encore les chiffres définitifs, car on se propose d’augmenter encore ces articles de dépenses pour la guerre.

Nous sommes donc fondés à dire qu’il s’agit là d’une augmentation folle et systématique des budgets de la guerre dont tout le poids retombe naturellement sur les masses, les millions de simples gens, la population laborieuse. Aux Etats-Unis les budgets de la guerre croissent d’année en année, et d’année en année augmente dans ces budgets le chiffre des dépenses nécessitées par la production de l’arme atomique A lui seul, disons-le en passant, ce fait témoigne avec assez d’éloquence de l’attitude réelle du gouvernement des États-Unis vis-à-vis de la proposition d’interdire l’arme atomique.

Je ne puis m’empêcher de rappeler que l’agence United Press annonçait l’autre jour que les États-Unis dressent un plan de production de l’arme atomique pour 50 ans. Selon cette même communication de l’agence United Press, les chefs d’état-major des forces de terre, de mer et de l’air, estiment que les exigences de la défense, au siècle atomique comme ils disent, connaîtront durant les 50 ans qui viennent trois phases de développement. D’après les sources militaires américaines, les Etats-Unis se fixent pour tâche de s’assurer, au cours de ces phases, une supériorité écrasante dans l’air et sur mer, grâce surtout à l’arme atomique. Le gouvernement américain part de cette hypothèse que les États-Unis possèdent à l’heure actuelle et conserveront longtemps encore le monopole de la bombe atomique.

Et, bien entendu, ce ne sont pas rien que des paroles. Que voyons-nous? D’un côté, à l’O.N.U. des propos démagogiques sur les différentes formes d’un contrôle international qui doit prévoir l’interdiction de l’arme atomique ; de l’autre, dans les chancelleries et les états-majors, non plus des beaux parieurs, mais ceux qui agissent, dressent des plans d’armement atomique pour 50 ans. Se préparant à une nouvelle guerre, ils se bercent de l’espoir que l’Union Soviétique ne réussira pas à faire disparaître à bref délai, grâce à ses succès dans le domaine de la technique industrielle et militaire, ces avantages et ces privilèges. Et ce n’est pas par hasard que circule en Amérique une brochure de John Hogerton et Ellsworth Raymond sous ce titre intrigant : Quand la Russie aura-t-elle la bombe atomique ? Cette brochure qui, d’autre part, se livre à la propagande de la guerre atomique, prophétise d’autre part que pendant des années encore l’Union Soviétique sera incapable d’organiser la production des bombes atomiques.

Les propos de ce genre ne résistent pas à la critique. Si même l’interdiction de l’arme atomique privait les États-Unis de certains avantages ou privilèges, n’oublions pas qu’il s’agit de l’avantage de pouvoir anéantir les hommes en masse. Contre de tels avantages, la conscience humaine se révolte ; contre de tels avantages, tout homme honnête proteste sur n’importe quel point du globe ; la conscience des peuples ne peut admettre ces privilèges ou avantages que les États-Unis d’Amérique craignent de perdre au cas où l’arme atomique serait interdite ; et la liquidation de ces privilèges et de ces avantages sera toujours justifiée aux yeux de toute l’humanité qui a soif de paix et qui maudit la guerre. C’est ainsi que les propositions soviétiques posent la question.

Ce sont là les motifs dont s’inspire le Gouvernement soviétique en soumettant à l’examen de l’Assemblée Générale ses propositions d’une réduction d’un tiers, par les cinq grandes puissances de leurs forces armées et de leurs armements en l’espace d’une année, et de l’interdiction de l’arme atomique.

Le Gouvernement soviétique pose le problème de la réduction des armements sous une forme plus limitée en proposant que cette mesure ne s’applique qu’aux cinq grandes puissances membres permanents du Conseil de Sécurité, entre les mains desquelles est concentré le gros des forces armées et des armements, et qui assument la principale responsabilité ,pour le maintien de la paix et de la sécurité générale.

Nous sommes profondément convaincus que l’application des mesures proposées par le Gouvernement soviétique doit être le premier pas vers une garantie réelle de la paix, vers une garantie réelle de la sécurité des peuples.

Pravda, 8 octobre 1948


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