La pensée de Descartes peut se résumer très simplement ; souvent, on la résume en parlant du « cogito », terme issu de « cogito ergo sum », soit « je pense donc je suis ».

L’idée de base est qu’il faut rejeter la prise en compte des sensations :

Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens ou par les sens: or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs ; et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés.

Quant aux autres choses, comme la lumière, les couleurs, les sons, les odeurs, les saveurs, la chaleur, le froid, et les autres qualités qui tombent sous l’attouchement, elles se rencontrent dans ma pensée avec tant d’obscurité et de confusion, que j’ignore même si elles sont vraies ou fausses, c’est-à-dire si les idées que je conçois de ces qualités sont en effet les idées de quelques choses réelles, ou bien si elles ne me représentent que des êtres chimériques qui ne peuvent exister.

A cette idée s’en ajoute une autre, celle comme quoi le monde est fondé sur les mathématiques. C’est une conception qui remonte à Platon (et qu’on retrouve dans la Kabbale juive, dans le film « Matrix », etc.) : Dieu est une sorte d’artisan utilisant les chiffres pour donner naissance au monde.

Voici comment René Descartes théorise sa conception :

C’est pourquoi peut-être que de là nous ne conclurons pas mal, si nous disons que la physique, l’astronomie, la médecine, et toutes les autres sciences qui dépendent de la considération des choses composées, sont fort douteuses et incertaines, mais que l’arithmétique, la géométrie, et les autres sciences de cette nature, qui ne traitent que de choses fort simples et fort générales, sans se mettre beaucoup en peine si elles sont dans la nature ou si elles n’y sont pas, contiennent quelque chose, de certain et d’indubitable : car, soit que je veille ou que je dorme, deux et trois joints ensemble formeront toujours le nombre de cinq, et le carré n’aura jamais plus de quatre côtés ; et il ne semble pas possible que des vérités si claires et si apparentes puissent être soupçonnées d’aucune fausseté ou d’incertitude.

Seulement, une fois qu’il a fait cela, René Descartes n’a rien fait. Il est logique que l’on résume sa pensée au cogito, en France, puisque c’est conforme à la vision du monde de la bourgeoisie, dans les conditions françaises concrètes.

Cependant, il n’y a là rien de nouveau ; c’est une séparation entre le corps et l’esprit qui n’a rien d’original, à part la lecture « mathématique » du monde, qui se veut « scientifique », mais qui n’est rien d’autre que la reprise de la conception de Platon comme quoi les idées utilisent les formes mathématiques pour « façonner » le monde.

Ce néo-platonisme de René Descartes n’aurait pas pu avoir l’impact qu’il a eu s’il n’y avait pas quelque chose de plus. De quoi s’agit-il ici ?

Eh bien, pour que René Descartes puisse aller au bout de sa démarche, il est obligé d’affronter la question du reflet. Sa pensée n’oppose pas un esprit pur à un « en-dehors » sensuel ; il ne peut plus le faire, l’averroïsme, le matérialisme, a déjà frappé trop fort.

Alors, ce qu’il fait, c’est ajouter un élément. Il ne le fait nullement par hasard, mais pour se positionner contre le matérialisme averroïste.

Pour Averroès, l’intellect de l’être humain n’était pas qu’un intellect uniquement lié à l’intellect superordinateur, comme chez Avicenne. Selon Averroès, l’intellect était double : il était intellect mais aussi intellect matériel, tourné vers la matière.

Cet intellect matériel est, ici, bien entendu à l’origine de l’illusion comme quoi on peut penser. On fait un fétiche de l’intellect matériel, sans voir que sa pensée correspond à la pensée globale, reflet du mouvement général de la matière.

C’est là où intervient Descartes, formulant sa conception précisément en jouant sur cette question de l’intellect matériel.


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