Documents sur la fondation du Parti Communiste de Belgique
En Belgique, dès la naissance des premiers groupes communistes et, ensuite, à la fondation proprement dite du Parti, l’apport extérieur joua un rôle important. En fait, le P.C.B. naquit de la fusion de deux petits groupes qui avaient des opinions divergentes à propos d’une série de questions politiques.
Le premier groupe, mené par War Van Overstraeten, rassemblait quelques cercles de J.G.S. (Jeunes Gardes Socialistes) qui avaient quitté le Parti Ouvrier Belge pendant ou immédiatement après la Première guerre mondiale. Ce groupe fut intitulé « l’ancien Parti ». Quant à ses conceptions politiques, il convient de mettre l’accent sur deux facteurs : d’une part, il s’employait à propager l’idée des Conseils ouvriers, calqué sur le modèle des Soviets et, d’autre part, il rejetait absolument l’institution parlementaire.
On trouve à côté de cet « ancien Parti » le groupe dirigé par Joseph Jacquemotte (« Les Amis de l’Exploité »). Ce groupe demeura au sein du P.O.B. jusqu’en 1921. Son but initial était de ramener le Parti Ouvrier Belge sur les positions de classe qui avaient cours avant 1914. Selon la terminologie de l’époque, ce « nouveau Parti » occupait une position centriste.
Sous la pression de l’Internationale communiste et à la suite d’une intervention directe menée par elle, la fusion des deux groupes fut réalisée en septembre 1921. Le document que nous présentons a trait à cette fusion et a comme auteur War Van Overstraeten.
PROGRAMME ET STATUTS PRÉSENTÉS PAR LE COMITÉ DE FUSION
AU CONGRÈS D’UNIFICATION TENU A BRUXELLES
LES 3 ET 4 SEPTEMBRE 1921
I. LA GUERRE, LA CRISE ET LA RÉVOLUTION MONDIALE
La guerre mondiale a été le premier grand signe de l’état de chaos permanent dans lequel est entré le système de production et d’échange capitalistes.
Depuis la guerre, les grandes puissances impérialistes ont vu augmenter leur désemparement économique.
Après Versailles, les conférences du Conseil Suprême n’ont cessé de marquer l’impuissance des impérialistes à arrêter leur effondrement. Il ne s’agit pas simplement d’une crise périodique du mécanisme de la production capitaliste. L’universalité du désarroi, la généralité et la violence de la décomposition sociale, tout indique que nous vivons LA CRISE MÊME DU CAPITALISME, prévue par Marx et Engels, il y a des dizaines d’années et annonçant son déclin définitif.
Il n’est pas un Etat qui puisse se soustraire à l’augmentation inéluctable de ses dettes. Notre petit pays a vu sa dette s’élever, de juillet 1914 au 1er juillet 1921, de 4 milliards 887.254.000 francs à plus de 30 milliards de francs, non compris les dettes de guerre portées au compte de l’Allemagne.
Les divers Etats s’efforcent d’équilibrer leurs budgets par une vertigineuse augmentation des charges fiscales. Celles-ci ont comme conséquence directe une diminution considérable, quoique variable, du « standard of life » du prolétariat. Les capacités d’achat de la grande masse des travailleurs baissent de jour en jour.
Quelles que soient les mesures prises, le capitalisme n’a d’autre moyen de dissimuler son impuissance que de faire peser les effroyables conséquences du cataclysme économique sur le prolétariat. La première moitié de l’année 1921 fut caractérisée par une attaque universelle, d’une brutalité inouïe, contre les salaires ouvriers. D’autre part, la mise en esclavage du prolétariat de l’Europe centrale, l’attaque directe contre les travailleurs, de bandes soudoyées par les capitalismes nationaux en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Amérique, ne sont que les aspects les plus barbares du déchaînement de toutes les forces capitalistes contre le prolétariat.
Les signes de la continuation et du renforcement de ces attaques s’annoncent. Le chômage total et partiel ne cesse de s’étendre et les salaires diminuent. La période d’auto-destruction du capitalisme pèse plus fortement chaque jour sur les épaules des travailleurs. Le capitalisme, pour prolonger sa vie, n’a plus qu’une seule voie : imposer au prolétariat l’esclavage le plus pesant, une exploitation tellement lourde qu’elle ne serait pour lui que destruction et anéantissement.
L’écroulement du régime capitaliste détermine la nécessité de la prise du pouvoir par le prolétariat. Le capitalisme termine son rôle historique et meurt de ses antagonismes. Mais au moment même où les bases de son pouvoir se détruisent, il conserve encore une puissante domination spirituelle sur le prolétariat.
II. LA CRISE, LA SOCIAL-DÉMOCRATIE ET LE RÉFORMISME
La grande crise, bien plus encore que la grande guerre, souligne, actuellement, la dérision de la conquête pacifique du pouvoir. Et l’existence de l’Etat prolétarien russe n’a cessé de faire ressortir avec plus de clarté l’aide que porte le réformisme aux pays impérialistes qui poursuivent la destruction de cet Etat. Partout, la social-démocratie soutient, et souvent, prend l’initiative de l’attaque armée contre l’Etat prolétarien.
Dans tous les Etats démocratiques, la multiplication des lois ouvrières, des réformes sociales, coïncident avec l’augmentation de la paupérisation universelle, à la dégradation sociale des travailleurs qui, chaque jour, s’accentue, n’a jamais, avec autant de violence, fait ressortir les dangers mortels du réformisme.
Mais l’augmentation des misères matérielles du prolétariat ne fut pas le plus grand crime de la social-démocratie. Toutes les trahisons, toutes les défaites, les effondrements et les divisions des organisations ouvrières nationales et internationales, tout ce que le réformisme a coûté au prolétariat est infiniment moins dangereux que le long et vigilant SABOTAGE DE SA VOLONTÉ D’ACTION, ET LA SUBSTITUTION CONSTANTE, A CETTE VOLONTÉ, DES MÉTHODES PARLEMENTAIRES PASSIVES. CELLES-CI ÉTAIENT DEVENUES, PRESQUE SANS EXCEPTION, LES TRADITIONS DE LA IIe INTERNATIONALE. ET APRES LA GUERRE, ELLES CONTINUENT A PESER COMME UN CAUCHEMAR SUR LE CERVEAU DES GÉNÉRATIONS OUVRIÈRES ACTUELLES.
La tâche essentielle des communistes, pendant la période de préparation révolutionnaire, est de détruire ces traditions et d’éveiller et de soutenir dans les masses, la volonté d’attaque directe contre les forces capitalistes.
III. LE P.O.B. ET LE PROLÉTARIAT BELGE
En Belgique, comme partout d’ailleurs en Europe occidentale, les conditions ECONOMIQUES de la révolution prolétarienne existent. La concentration industrielle, la centralisation industrielle, la centralisation bancaire ne cessent de s’y poursuivre. La première période de la reconstruction nationale (les années 1919-1920) fut marquée par les formidables augmentations de bénéfices pour la bourgeoisie, d’une part, pour la grande industrie, et, d’autre part, par les plus déplorables conditions de vie pour le prolétariat. Jamais, le paradis du capitalisme, dont parlait Marx, il y septante ans, en désignant notre pays, n’a aussi bien porté son nom.
Les finances de l’Etat belge participent à la crise financière générale. Ici, dans ce pays, par la participation au pouvoir de la social-démocratie et sa conquête législative de réformes sociales, toutes obtenues pendant une période où, indéniablement, la situation économique, sociale de la classe ouvrière subit un recul constant, le démocratisme réformiste a, avec une extrême brutalité, traduit ses caractères contre-révolutionnaires.
AUSSI LE P.0.B. EST-IL DANS CE PAYS LE PLUS PUISSANT INSTRUMENT DE DOMINATION MATÉRIELLE ET SPIRITUELLE QUE LE DÉMOCRATISME BOURGEOIS CONSERVE SUR LA CLASSE OUVRIÈRE.
Dès lors, les communistes n’ont pas seulement à briser les liens organiques qui relient les syndicats, coopératives, mutualités, etc., à la partie politique du P.O.B., mais ils ont surtout, en premier lieu, à combattre la psychologie et l’idéologie petite-bourgeoises pacifistes dont il est devenu l’incarnation.
ILS DOIVENT ETRE PROFONDÉMENT PÉNÉTRÉS DE LA VÉRITÉ QU’IL NE SUFFIT PAS DE ROMPRE ORGANIQUEMENT AVEC LE SOCIAL-DÉMOCRATISME, MAIS QUE CELUI-CI NE SERA VAINCU DANS TOUTE ORGANISATION, DANS TOUTE ACTIVITÉ ET DANS TOUTE TACTIQUE, QUE LORSQUE TOUS LES EFFORTS SERONT CONCENTRES SUR L’EVEIL DE LA CONSCIENCE ACTIVE DU PROLÉTARIAT.
Pendant la période de passage d’anciennes organisations de la IIe Internationale ou de fractions d’anciennes organisations de la IIe Internationale à l’I.C., le combat contre les renaissances masquées du pacifisme parlementaire démocratique demande souvent plus de vigilance que la lutte contre la social-démocratie, défendant ouvertement ses méthodes.
En Belgique, comme ailleurs, le parlementarisme pacifiste fut le prototype des méthodes passives de la social-démocratie. Les raffinements hypocrites du faux démocratisme du P.O.B. se sont multipliés à mesure même que le parlementarisme y a affermi sa dictature. Le démocratisme bourgeois, avec ses méthodes de domination brutale sur les masses, est resté, en dernier lieu, l’unique modèle du P.O.B. comme celui de tous les partis de la ne Internationale. La dictature personnelle des meneurs, érigée en système, n’a pas de meilleur exemple que l’activité d’Edouard Anseele dans la fédération gantoise du P.O.B. Il illustre lumineusement la DIVISION entre les meneurs et les masses.
Les premiers ne considèrent pas qu’ils avaient pour mission d’élever les dernières à la hauteur d’une action autonome, s’opposant de plus en plus à la législation démocratique bourgeoise. Ils apportaient, au contraire, d’en haut, des ordres de collaboration à cette législation.
Le discours parlementaire, formulé et prononcé selon la fantaisie des meneurs, trouvait, quelquefois, son complément dans les démonstrations passives organisées par voie bureaucratique pour appuyer les négociations parlementaires. La grève générale de 1913, en Belgique, restera un des exemples les plus frappants du sabotage de l’action des masses ouvrières au profit du parlementarisme.
D’ailleurs, la social-démocratie de la IIe Internationale n’a cessé d’accentuer la nature d’oligarchie démocratique. Le parti était un domaine d’exploitation merveilleux pour les meneurs. Presque tous pourris jusqu’aux moelles par les conceptions bourgeoises de Justice et de Droit, incapables d’incorporer la morale et la pensée prolétarienne, ils faisaient de leur faconde, de leurs sophismes et de leur incurable démagogie les instruments de leur domination.
« Aller aux masses » ne supposait pour eux qu’un recrutement intensif, hétéroclite, sous n’importe quelle condition, d’une part, et, d’autre part, un dédain masqué pour le vaste troupeau inconscient, crédule et naïf. Seule l’agitation électorale fébrile, adaptée à l’inconscience des masses mêmes, révolutionnariste et provocatrice, établissait un contact furtif avec les masses.
On ne connut jamais, dans le P.O.B., l’effort quotidien de propagande consciente, stimulatrice d’action et de sacrifice, mettant sans relâche sous les yeux des ouvriers les exemples vivants de la féroce domination démocratique et cultivant une haine irréductible du régime ennemi.
Et, d’autre part, quel sombre exemple n’avons-nous pas, en Belgique, de la domination de l’idéologie petite-bourgeoise sur les masses, de l’influence de l’immense série de ses illusions démocratiques ? Le démocratisme, au cours du dernier siècle, son moralisme et son pacifisme, son révolutionnarisme libertaire, son activité politique et culturelle a pénétré dans les moindres villages. Ici, dans ce pays, la libre-pensée libérale-démocratique est toujours un facteur contre-révolutionnaire aussi redoutable que le démocratisme chrétien et le cléricalisme.
L’énorme prospérité matérielle, dont la bourgeoisie belge n’a cessé de bénéficier depuis 1830, lui a donné une arrogance et une quiétude sans borne avec une bassesse intellectuelle répugnante, étrangère aux événements prépondérants de la vie économique, politique et sociale de l’Europe et du monde. Le règne de la bourgeoisie libérale et catholique, qu’une identique domination de classe unit dans ce pays, a donné au monde un des plus horribles exemples de l’exploitation capitaliste. Le niveau des salaires, le nombre extraordinaire des illettrés, les longues journées de travail, le travail infantile n’ont cessé d’illustrer, avant la guerre, aux différentes époques du développement industriel et commercial du pays, cette exploitation sans pareille.
C’est de cette exploitation qu’est fait le démocratisme d’avant et d’après-guerre.
Le démocratisme, aujourd’hui tant exalté au cours des campagnes électorales et au cours de toutes les manifestations de la social-démocratie, n’a cessé de diminuer dans les masses le besoin et le sens de l’effort direct.
Le communisme moderne est né d’une action violente contre ce démocratisme. Cette action était une condition de vie ou de mort pour le mouvement révolutionnaire. Elle est la nécessité qui imposa, en Belgique, la création d’un parti communiste.
Le P.O.B., par son réformisme petit-bourgeois, par sa politique de démagogie parlementaire, par la psychologie bourgeoise de ses grands et petits meneurs, représente la domination spirituelle de la bourgeoisie sur le prolétariat.
Les communistes doivent détruire, par le plus vigilant combat, cette domination, en portant dans leurs propres rangs, partout où subsiste et renaît l’esprit du P.O.B., la critique la plus sévère et la plus clairvoyante.
Au moment où, dans ce pays, également, le capitalisme tremble sur ses bases et se débat au bord de sa tombe, il trouve encore un grand appui dans les masses mêmes ; elles conservent leur attachement aux organisations qu’il s’est assujetties, à ses traditions, à sa morale.
Elles ne s’en arracheront que par de douloureux efforts, en traversant l’épreuve de l’action violente, faite de sacrifices, dont les communistes ont à assumer la part la plus lourde.
C’est seulement par un combat acharné, qui suppose bien des fautes et des méprises, bien des reculs nécessaires, bien des contradictions de tactique, par l’affermissement de l’action, de leur morale et de leur pensée, révolutionnaire, qu’ils s’arracheront à leur esclavage, tant moral et intellectuel qu’économique et politique.
PROGRAMME D’ACTION
La période de conquête du pouvoir politique par le prolétariat demande l’attaque violente des masses contre le gouvernement capitaliste-bourgeois. Le parti communiste doit prendre la direction de cette lutte et combattre en même temps toutes les tendances petites-bourgeoises qui affaiblissent et obscurcissent la lutte du prolétariat, le réformisme, l’opportunisme, l’anarchisme, l’anti-militarisme pacifiste, etc. A toutes ces tendances, qui conservent l’influence la plus étendue sur le prolétariat industriel de Flandre et de Wallonie, il faut constamment opposer l’idée du système des Conseils 1. Il faut montrer, à toutes les occasions, au cours de la propagande, aux ouvriers des usines et des champs, que l’Etat prolétarien ne peut pas avoir d’autre forme que les Conseils pendant la période de transition entre le capitalisme et le communisme.
L’incapacité des organismes bourgeois à assurer à l’humanité un système de production et d’échange qui lui permette de subsister, doit être soulignée avec clarté, et sans relâche. Les travailleurs doivent avoir une conscience de ce que la prise violente de tous les moyens économiques et politiques qui permet d’instaurer l’économie et la politique prolétariennes de transition, s’impose à eux comme une nécessité inéluctable.
Le P.C.U. [Parti communiste unifié, ndlr] afin de réaliser cette forme transitoire, lutte pour les exigences suivantes :
I. TERRAIN ECONOMIQUE.
1. Annulation de toutes les dettes de l’Etat et de toutes les dettes publiques, sauf modalités à prévoir en faveur des petits porteurs.
2. Socialisation par les Conseils de toutes les banques, des mines, de la grande industrie, des moyens de transport, chemins de fer, tramways, navires et bateaux.
3. Socialisation immédiate de la grande propriété terrienne sous la direction des Conseils régionaux.
4. Confiscation immédiate de toute fortune d’une certaine importance, à déterminer par les Conseils.
5. Réglementation et direction centrales de la production totale sous la conduite d’un comité économique suprême soumis aux Conseils.
6. Obligation de travail pour tous, sans distinction de sexe. Défense de travail infantile avant 18 ans.
7. L’assurance, par les Conseils, d’un minimum de moyen d’existence pour tous. L’entretien gratuit de tous les malades, de tous les invalides, des chômeurs involontaires, des enfants et des vieillards.
II. TERRAIN POLITIQUE.
1. Union politique et économique avec tous les Etats prolétariens victorieux (Russie des Soviets) et leur défense contre toute agression du capitalisme mondial.
2. Désarmement de la bourgeoisie, suppression de ses appareils militaires et policiers, l’armement des travailleurs.
3. Suppression de la royauté, de la Chambre législative et du Sénat, Suppression des Conseils provinciaux et communaux.
4. Création des Conseils ouvriers comme organes législatifs et gouvernementaux. Election d’un Conseil central pour l’ensemble des délégués des Conseils du pays.
5. Mise à la disposition du Conseil de tous les moyens de presse et de publication.
6. Suppression des appareils de la justice et de l’administration bourgeoises. Leur remplacement par des tribunaux populaires et révolutionnaires, composés de juges élus par les Conseils.
III. TERRAIN CULTUREL.
La culture prolétarienne ne naîtra qu’au cours de la destruction de la puissance économique et politique de la bourgeoisie. Mais de même que nous combattons cette économie et cette politique pendant la durée de l’hégémonie bourgeoise, nous ne devons cesser de porter nos coups à l’idéologie et à la morale bourgeoise. La lutte menée sur ce terrain est une des contributions les plus puissantes à la préparation révolutionnaire des travailleurs. A cette fin, le P.C. défend :
a) Toutes les tendances scientifiques et artistiques qui portent le caractère d’un esprit prolétarien ;
b) L’enseignement laïque et gratuit dans tous les domaines de l’enseignement inférieur, moyen et supérieur, selon la méthode de l’école unique. L’enseignement est obligatoire jusqu’à 18 ans ;
c) Internationalisation de l’enseignement. Enseignement professionnel pour tous ; liberté de fréquentation, pour tous, des institutions de l’enseignement artistique ; sélection des éléments selon leur disposition et protection de leur libre développement ;
d) Séparation complète des Eglises et de l’Etat.
IV. TACHES PARTICULIÈRES.
Action syndicale.
La révolution sociale ne saurait être l’œuvre d’une minorité de la classe ouvrière, si audacieuse et énergique fût-elle.
C’est la majorité du prolétariat industriel, guidé par le parti communiste, constituant son avant-garde, qui réalisera cette œuvre.
L’organisation syndicale qui, dans tous les pays industrialisés, ne groupait, avant la guerre impérialiste, qu’une minorité de travailleurs, les englobe, aujourd’hui dans leur très grande majorité.
Les partis communistes ont donc l’essentiel devoir de conquérir au communisme les larges masses prolétariennes, ainsi concentrées, d’en devenir les guides, grâce à un persévérant travail intérieur et extérieur d’éducation et d’action.
Il est de plus en plus visible que les partis communistes, que les avant-gardes révolutionnaires de l’Europe occidentale ne peuvent espérer conquérir une puissance réelle aussi longtemps qu’ils n’auront pas su devenir les guides politiques des organisations syndicales.
Au stade actuel du développement de l’organisation syndicale, l’influence de l’Internationale des Syndicats d’Amsterdam constitue l’entrave la plus puissante à l’adhésion des syndicats au communisme.
Elle est, pratiquement, l’alliée fidèle de la ne Internationale et constitue, entre les mains de celle-ci, une arme formidable de lutte contre le communisme, au bénéfice de la bourgeoisie internationale.
Cette organisation ne cesse de révéler ses véritables fonctions de soutien du capitalisme depuis la Conférence de Washington jusqu’à l’Institution du Conseil Economique du Travail, en passant par le Bureau International du Travail, elle développe, sur le plan international, la collaboration de classe entre exploiteurs et exploités.
Partout où les Etats bourgeois sont incapables de pourvoir à leur reconstruction économique, Amsterdam et les sections nationales qui la composent, interviennent pour mettre méthodiquement la puissance de production et l’exploitation des masses au service de la reconstruction impérialiste.
Les oppositions qui ont surgi, pendant les dernières années, dans les groupements d’Amsterdam, furent souvent frappées d’impuissance par les mesures automatiques de répression dont pouvait user la bureaucratie réformiste.
Le plus souvent, ces oppositions n’ont eu pour résultat que des changements de personnes, mais le système syndical ne fut jamais profondément ébranlé.
Le caractère monstrueux de ces organisations ouvrières est qu’elles apparaissent, à leur tour, presque dans la même mesure que l’Etat bourgeois, comme de puissants instruments de réaction contre la volonté révolutionnaire des travailleurs. Ceux-ci, bien qu’ils soient mus souvent par une haine instinctive de la bureaucratie, ne parviennent pas à la rejeter parce que c’est tout l’appareil qui immobilise leur volonté et écrase leur révolte.
En Belgique, l’introduction de plus en plus étendue des commissions mixtes, la réglementation des salaires selon l’index-number, la présence des dirigeants syndicaux dans les Conseils du gouvernement bourgeois, les relations toujours plus étroites avec les différents ministères bourgeois, ne sont que les aspects d’une vaste politique tendant à neutraliser l’action révolutionnaire des syndicats, à les transformer de plus en plus en organismes de l’Etat bourgeois.
Les dirigeants syndicaux appuyant la collaboration des classes, n’ont cessé d’arrêter l’élan des masses par un tissu de négociations hypocrites, souvent opérées dans le dos des combattants, trahissant ainsi l’intérêt de classe du prolétariat au profit de la « reconstruction nationale » et facilitant à la bourgeoisie le passage critique de l’immédiate période d’après-guerre.
Ils forment une caste hiérarchique dominant en maîtresse absolue les organisations, régissant les finances et la presse syndicales, selon son bon vouloir. Les règlements et les prescriptions forment des codes épais et compliqués, qui permettent d’invoquer contre les organisés une multitude de mesures fantaisistes et arbitraires selon le modèle de la jurisprudence bourgeoise.
Toute cette cristallisation des anciennes formes syndicales empêche les masses d’en faire des instruments de leur volonté, et des modifications, se bornant simplement à des changements de personnes aux comités centraux, sont impuissants à modifier profondément cet état de choses.
Les fonctions des syndicats ne se modifieront que lorsque leur contenu aura réellement changé, lorsque de tous les réservoirs d’énergie et de force prolétariennes (usines, chantiers, mines, tous les lieux de travail) jaillira une plus grande volonté des masses, soutenue et dirigée par l’avant-garde. Les syndicats pourront alors être considérés comme les confluents de ces forces. Amsterdam ne sera battue que par une lutte constante contre son influence dans des organismes d’où la masse pourra propulser sa volonté dans les syndicats (Conseils d’usines, Conseils d’industries).
Les partis communistes se doivent d’appuyer énergiquement les efforts faits en vue du développement de l’Internationale des syndicats rouges de Moscou, qui groupe déjà à l’heure présente plus de 15 millions de travailleurs syndiqués et qui doit devenir le centre unique du mouvement syndical de lutte de classe 2.
L’action immédiate dans les syndicats exige donc :
1. Que dans leur action de chaque jour, par le dévouement et l’esprit clairvoyant qu’ils apporteront à la défense des intérêts de classe et des droits de leurs camarades de travail, les communistes démontrent qu’ils sont véritablement et profondément attachés à leurs organisations prolétariennes économiques de lutte contre le patronat et qu’ils poursuivent l’unité du front révolutionnaire des travailleurs contre le Capitalisme.
2. La liaison constante de tous les éléments communistes dans chaque syndicat, dans chaque section. Ils ne négligent jamais de s’y prêter un mutuel appui, d’y défendre les principes de lutte de classe du prolétariat, qui sont les principes communistes contre les méthodes des dirigeants réformistes.
3. Que les communistes profitent de toutes les occasions pour favoriser la création de Conseils d’usines, de Conseils d’industries ; qu’ils prêtent une attention extrême à la possibilité de cette création au cours de mouvements de grèves, de toute lutte où les méthodes des dirigeants réformistes s’opposent à la volonté des travailleurs. C’est alors que les ouvriers sentent et comprennent le mieux la nécessité de ces organismes qu’ils peuvent maintenir SOUS LEUR CONTRÔLE IMMÉDIAT.
4. Là où les Conseils d’industries, les Conseils d’usines ou de mines existent, ont été institués, soit par le gouvernement, soit par les syndicats réformistes, les communistes doivent exiger que les travailleurs en aient la direction unique.
5. Que les communistes, les organes centraux du P.C., le parti communiste dans son ensemble, doivent suivre au jour le jour les modifications intervenant dans l’état des organisations syndicales. Ils doivent tenir compte le plus minutieusement possible, de l’extrême complexité de la situation syndicale en Belgique, s’adapter à cette complexité. Le travail de liaison des communistes doit être réglé d’après les conditions locales des formations syndicales, leurs caractères spéciaux. La direction du parti doit prêter la plus vigilante attention à ce que toutes ces conditions de la lutte syndicale ne soient jamais négligées.
Les communistes doivent participer à toutes les luttes des travailleurs. Ils doivent tout faire pour assumer le maximum de sacrifices, pour gagner la confiance des travailleurs par un dévouement constant. Quel que soit l’objet de la lutte des travailleurs, celle-ci, lorsqu’elle pose une exigence quelconque au capitalisme, ne doit jamais rencontrer l’hostilité· des communistes. Mais au cours de toute lutte, les communistes doivent tout faire pour faire prévaloir leurs directives propres, en essayant de donner au mouvement une conduite révolutionnaire.
Entre deux mouvements, leurs attaques doivent être dirigées constamment contre les organes de collaboration et d’entente permanentes avec le patronat, les commissions d’arbitrage, les commissions paritaires ou mixtes. Dans le même sens, les communistes ne donnent jamais leur adhésion au contrat collectif fixant une période d’entente plus ou moins prolongée.
Il n’est pas possible, d’autre part, de fournir un schéma des exigences que les communistes peuvent être amenés à poser au cours de la lutte. Les bouleversements rapides et constants de la vie économique, en ce moment, demandent une tactique très souple. Pour toute action marquante, les communistes seront appelés à formuler un programme concret qui, toujours, devra être formulé de telle manière qu’il permette de démasquer l’incapacité du réformisme et l’incapacité de la bourgeoisie à assurer aux travailleurs un niveau devenu suffisant à leurs besoins matériels et moraux.
Action parlementaire.
L’électoralisme du P.0.B. laisse dans le prolétariat de ce pays à la fois les illusions les plus dangereuses et les répugnances les plus invincibles. Ou bien le parlementaire est considéré comme une idole protectrice par laquelle on croit pouvoir remplacer la volonté propre du prolétariat, ou bien comme un homme sans conscience, en quête de bénéfices personnels.
Etant donné cette psychologie, créée par trente ans de pratiques parlementaires répugnantes, le P.C., s’il ne veut perdre toute influence morale par son activité électorale et parlementaire, devra donner à celle-ci le caractère révolutionnaire le plus sévère.
La défense du programme communiste, les moyens de propagande devront rigoureusement rompre avec tous les moyens démagogiques du passé.
La campagne électorale doit être conçue comme une vaste campagne d’agitation communiste, au cours de laquelle l’attaque la plus rigoureuse est menée contre l’ensemble du régime capitaliste. Une critique destructive doit être menée contre les organes parlementaires du régime bourgeois et le programme communiste leur être opposé avec une extrême clarté.
Il faut que les travailleurs aient le sentiment très net que l’agitation électorale et parlementaire n’est pas une action propre, mais un appel à l’action. A cette fin, il faut que tout parlementarisme législatif fasse constamment l’objet de la plus âpre critique.
A cette fin, il sera nécessaire de démasquer tous les systèmes électoralistes, non pas seulement celui de la bourgeoisie, mais celui de la social-démocratie. Toutes les illusions démocratiques que le parlementarisme a éveillées dans le prolétariat, toutes les tendances à la passivité, toutes les croyances en l’efficacité parlementaire doivent être combattues sans la moindre faiblesse.
Tous les éléments qui tenteraient de faire du parlementarisme un point prépondérant de l’activité communiste, doivent être rejetés impitoyablement.
V. QUESTION DES LANGUES.
Question flamande.
1. L’idéologie nationaliste est devenue, au cours du développement des Etats capitalistes, l’opium qui rendit possible l’assassinat des peuples.
2. Chez les peuples arriérés, économiquement et politiquement dominés par les pays de haut développement capitaliste, l’idéologie nationaliste conduit cependant à une première opposition aux exploiteurs occidentaux, et devient ainsi un stimulant révolutionnaire.
3. La sujétion du peuple flamand, le rejet de sa langue, sont, en premier lieu, les conséquences de l’accaparement par des mains étrangères de son industrie et de son commerce, et la volonté de la bourgeoisie de se séparer du peuple flamand. La domination de la langue française n’est qu’une suite de l’immixtion des puissances étrangères dans la situation économique des Flandres.
4. La misère du prolétariat flamand et son analphabétisme sont déterminés par les facteurs politico-sociaux généraux. Il n’y peut être mis fin radicalement et définitivement, que par la révolution prolétarienne et la fondation de l’Etat prolétarien. Tout le programme de flamandisation de l’instruction, du développement de l’instruction, ne peut constituer un avantage qu’à la condition que tous les enfants soient gratuitement entretenus, matériellement et moralement.
5. L’égalité des langues est une exigence légitime ; cependant, dans les conditions présentes, le prolétariat flamand comme classe, ne saurait attacher que peu d’importance à la langue dans laquelle on s’adresse à lui pour l’exploiter.
Toutes les unions et tous les groupements politiques flamands, qui représentent publiquement la question flamande, sur le terrain économique et politique, ont un programme petit-bourgeois, et luttent uniquement pour l’égalité économique et politique sur la base de la justice bourgeoise. Ils tendent à une législation de droits des capitalismes flamand et wallon. Le prolétariat flamand ne peut tirer de cette lutte aucune utilité matérielle, politique, sociale et morale durable. Pour cette raison, l’union de classe avec les travailleurs wallons des travailleurs flamands est infiniment plus précieuse que leur union avec les idéologues de la politique flamingante bourgeoise.
Le P.C. combattra énergiquement tous ces partis, et proposera au prolétariat flamand comme moyens de libération son programme de lutte prolétarienne communiste.
VI. ACTION PARMI LES PAYSANS.
L’importance numérique de la population agraire en Belgique, la puissance réactionnaire de la grosse et de la moyenne paysannerie, d’une part, et d’autre part, l’appauvrissement du prolétariat agraire, sollicite l’étude la plus approfondie.
Pour que l’action puisse être précisée, une enquête sérieuse, menée par une commission élue au sein du P.C., devrait pourvoir à une documentation précise et suffisamment détaillée.
La propagande et l’action révolutionnaires parmi la paysannerie, doit encore rechercher toutes ses voies. Nous ne pourrions, consciencieusement, tracer un programme d’action agraire, sans nous livrer à un examen approfondi de l’économie agraire, de l’état politique et social de la paysannerie en ce moment.
Il nous faudra donc, dans les plus brefs délais possibles, adapter à notre milieu national, les thèses élaborées par la IIIe Internationale sur la question agraire. En attendant, ces thèses nous serviront de guide général.
VII. QUESTION COLONIALE.
L’économie de la Belgique est de plus en plus liée au développement économique de sa grande colonie, le Congo. Les ressources de matières brutes, les capacités de production et de consommation variées sans cesse se développant dans cette dernière, elle deviendra, sans nul doute, le facteur prépondérant dans le développement de l’industrie et du commerce belge. Cette situation économique aura immédiatement sa répercussion dans le domaine politique-social. Et il n’est pas de problème qui sollicite plus l’attention du parti communiste en ce moment.
Seulement, là également, une étude préparatoire sérieuse est nécessaire, et il faudra se livrer à un examen approfondi de la situation.
Les thèses sur les questions coloniales, adoptées par l’Internationale communiste, resteront, momentanément, nos directives générales. Mais, comme elles ont surtout été déterminées sous l’influence de la situation économique et politique du prolétariat dans les colonies des puissances occidentales en Asie, il sera nécessaire de les réviser pour leur application à la colonie belge de l’Afrique.