Texte des prisonniers italiens du Parti Communistes Politico-militaire écrit à l’occasion du 30eme anniversaire de l’assassinat des prisonniers de la RAF à Stammheim

S’il y a un mérite largement reconnu à la RAF, c’est la considérable contribution à la requalification et à la relance d’un internationalisme prolétarien effectif. C’est un mérite reconnu dans toute l’Europe et le Moyen-Orient, c’est-à-dire les deux « régions » entre lesquelles leur courageuse expérience a bâti un pont. La coopération constructive avec certains mouvements de libération nationale, le palestinien en premier lieu, a énormément contribué à retisser un rapport de confiance et d’estime de la part de ces mouvements avec les mouvements révolutionnaires métropolitains, flottant trop souvent entre opportunisme politique et vie « confortable ». Cette coopération s’est nourrie d’activités et de moments de lutte, parmi lesquels les actions d’octobre ’77 resteront à jamais symbole d’héroïsme militant.

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Ce fut ainsi que, à la nouvelle de l’assassinat des camarades emprisonnés, la réponse solidaire fut très forte dans tout l’Europe. En Italie, où le mouvement révolutionnaire était en plein développement, il y a eu une véritable vague d’attaques armées contre les intérêts du capital et de l’Etat allemands, dans de nombreuses villes.

Un camarade, Rocco Sardone, jeune ouvrier à Turin, fut tué dans l’explosion accidentelle de la bombe qu’il était en train de transporter pour une de ces actions à Turin [un jeune révolutionnaire grec, Christos Tsoutsouvis, fut tué par la police dans une action similaire à Athènes, NDE]. En Italie aussi, on percevait l’importance et le courage des camaradEs allemandEs, et plus encore par rapport à une réalité comme celle du mouvement révolutionnaire italien, très forte, mais plutôt autocentrée sur la lutte dans le pays. Bien sûr, cet aspect positif était porté par une vision générale pas seulement positive. On sait que la juste attention prêtée à la connexion internationale (qui s’approfondit toujours, suivant les phases de l’impérialisme) peut porter à des excès, et finalement à négliger le processus révolutionnaire dans son propre pays. Ce qui se produisit un peu dans le cas de la RAF.

La juste considération des limites et contradictions qui pesaient sur le prolétariat et la classe ouvrière d’Allemagne (lourdes au point d’en avoir compromis gravement les capacités de lutte et la conscience de classe pendant une longue période) amena à des raccourcis et conclusions marquées par un scepticisme de fond sur les possibilités révolutionnaires dans la métropole, et à une construction révolutionnaire comprise comme « cinquième colonne » des mouvements révolutionnaires des peuples opprimés. Cela amena à se détacher, à ne plus rechercher un rapport organique aux instances de l’autonomie de classe, amena à se refermer dans une dynamique auto-centrée et, dans un certain sens, « élitiste ».

Pareillement, la définition idéologique devenait plus imprécise, en brouillant les thèmes marxistes-léninistes d’origine, en allant toujours plus vers une dérive extrémiste-totalisante.

Avec la fin des années ’80, les rapports de force internationaux se sont fortement détériorés, avec la montée de la vague réactionnaire internationale et la disparition de l’ex-camp socialiste – dégénéré par l’œuvre méthodiquement poursuivie par les révisionnistes à l’intérieur et par la pression impérialiste à l’extérieur. Ce qui s’écroulait à l’Est, c’était la mystification, la tromperie révisionniste, sous couvert d’un régime qui avait tout fait pour vider et dégénérer le contenu socialiste, permettre la formation d’une nouvelle bourgeoisie et des conditions de la pleine restauration du capitalisme.

Leur transformation définitive en régimes capitalistes, avec les drames sociaux qui en résultent pour les populations jetées dans la fournaise du marché mondial, leur a aussi permis de faire retomber leur faillite non pas sur le révisionnisme lui-même, mais sur le communisme. Certes, cela fait partie de la lutte de classe, idéologique spécifiquement, mais il est un fait que ce tremblement de la fin des années ’80 a déterminé un basculement dans les rapports de force internationaux et par conséquent une vague réactionnaire plus forte que d’habitude sur le plan idéologique.

Enfin, la tâche a été difficile pour le mouvement communiste international, pour les mouvements révolutionnaires, durant les années ’90. Nombre se sont perdus. Cela a malheureusement été le cas de la RAF. Et nous disons malheureusement, parce que sa capitulation a laissé un vide derrière elle.

Parfois la discontinuité s’impose. La volonté et la détermination ne sont pas suffisantes si les conditions objectives de la situation et les conditions subjectives de classe sont particulièrement défavorables. Dans certains cas, il faut savoir reculer.

C’est ce qui s’est passé en Italie, avec la « retraite stratégique » [décrétées par les Brigades Rouges en 1982, NDE] dans les années ’80. « Retraite stratégique », cela signifie reculer, se maintenir sur des positions plus défendables, et aussi se mettre en « longue marche », éviter l’affrontement frontal avec l’ennemi … mais en sauvant armes et drapeau ! C’est ce qui a permis, en Italie, de préserver la continuité politique.

Comme notre histoire récente [le séisme politique qui a accompagné la vague d’arrestations de militants du PCPM, NDE] l’a clairement mis en évidence. Pour cela, il faut sauvegarder à tout prix le patrimoine de lutte et d’expériences, et cela on peut et on doit le faire avec le travail de mémoire et de défense politico-idéologique. « La mémoire est un combat », c’est ainsi que les camarades d’Action Directe ont intitulé un texte de reconstruction historique. Formulation exacte ! Il suffit de voir les campagnes périodiques que la bourgeoisie déclenche sur l’histoire, la mémoire, les catégories étymologiques même … il suffit de voir l’acharnement, le terrorisme culturel, la machine goebbelsienne qu’elle met en marche, pour se rendre compte, dialectiquement, que c’est un terrain très important.

Ces années-ci, en Europe, nous avons avec peine essayé de maintenir le fil rouge de la continuité, même à travers les ruptures nécessaires ou imposées. Cela a été indispensable pour surmonter les étroitesses de son propre contexte, de sa propre histoire. Il a été indispensable de se rappeler que « la révolution est mondiale dans son contenu et sa dynamique, et nationale dans sa forme spécifique ». Il a donc été indispensable de se rattacher à la révolution là où elle avance : Pérou, Colombie, Népal, Inde, Moyen-Orient … Il a été indispensable de se rattacher à la dynamique internationale, qui est décisive et qui prépare irrésistiblement la vague future de la révolution mondiale.

Parce que nos difficultés se révèlent peu de chose vis-à-vis de l’explosion des contradictions de classe, attisées par l’impérialisme, par sa crise générale de caractère historique : l’écart qui se creuse de manière exponentielle entre richesse et misère (entre les classes, entre les pays), la formation de nouvelles classes ouvrières dans le Tricontinent, soumises à des conditions infernales, la spirale concurrentielle internationale (avec son complément : l’induction d’un consumérisme dévastateur) et le pillage des ressources qui amènent une dégradation de l’environnement compromettant sérieusement les conditions de vie, la vague réactionnaire qui soutien tout cela et jusqu’à la guerre − guerre qui est redevenue à plein titre l’arme suprême économique, la forme concrète d’existence de l’impérialisme.

La profondeur, la gravité et l’absurdité asociale de cette spirale imposent la voie révolutionnaire. Une nouvelle vague de révolution mondiale grandira inévitablement, aussi parce que, comme l’a dit Mao : « soit la révolution empêche la guerre, soit la guerre déclenche la révolution ». C’est à nous de choisir de quel côté se situer : se perdre dans un rebellisme folklorique dans ses formes et para-institutionnel dans sa substance, dans des pratiques syndicalistes-économistes, ou pire encore : faire de l’extrême-gauche à l’intérieur du système. Ou alors : reprendre le chemin des expériences révolutionnaire authentiques, à partir de là où les dernières nous ont laissé un patrimoine, mais aussi des contradictions, des problèmes irrésolus à reprendre et à résoudre. Ainsi avec l’héritage de la RAF.

Dans les pays impérialiste, cela signifie surtout se poser le problème d’une stratégie qui rende concrète, possible, la voie révolutionnaire, en étroite dialectique avec les mouvements révolutionnaires avancés des périphéries. Ce qui requiert, justement, le contenu − idéologie (Marx-Lénine-Mao), ligne politique, programme − et les moyens, c’est-à-dire l’unité du politico-militaire, comme synthèse indispensable dès les premiers pas si l’on veut élever la lutte sur le plan politique, stratégique, programmatique. Contenu et moyens ne peuvent être tenus ensemble et portés en avant qu’avec un niveau organisationnel adéquat: le Parti Communiste Politico-Militaire de la classe ouvrière.

Honneur aux camarades allemands et palestiniens tombés pour la révolution et l’internationalisme ! Constituer le Parti Communiste Politico-Militaire de la classe ouvrière !

Alfredo Davanzo, Davide Bortolato, Claudio Latino, Vincenzo Sisi, militanti per le costituzione PC P-M

19 octobre 2007


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