Document du comité Central du Parti Communiste Révolutionnaire du Chili, juillet 1975

1. – La crise s’accentue

Le peuple chilien connaît chaque jour une situation plus dramatique. Tous les chiliens s’interrogent sur l’issue possible d’une crise aussi profonde. Et la junte militaire fasciste (JMF) resserre toujours plus le nœud coulant avec lequel elle entend étouffer notre peuple et elle persiste dans l’application d’une politique économique réactionnaire au bénéfice d’une infime minorité.

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D’autre part, notre situation de pays dépendant nous a rendus plus vulnérables aux effets de la crise du système capitaliste mondial.

Et enfin, il est nécessaire aussi de rappeler que notre pays, en raison de cette même dépendance et super-exploitation imposées par l’impérialisme (situation rendue plus grave encore par les tentatives des gouvernements réformistes), supporte depuis de nombreuses années le poids toujours plus considérable de la dette externe et d’une inflation élevée et constante.

La junte a prétendu faire croire à notre peuple que toutes ses souffrances actuelles sont à attribuer uniquement à ces deux derniers facteurs et non aussi, et en grande partie, à sa politique ultra-réactionnaire dans tous les domaines.

Et la crise s’aggrave chaque jour davantage, conduisant à une plus grande fascisation du régime et à une plus grande répression des masses populaires, une paupérisation extrême, un chômage permanent, le chaos et la paralysie de l’activité économique, condamnant de ce fait notre peuple à la mendicité et à la misère.

Une telle politique, qui mène à la crise et à la confusion, qui porte préjudice à plus de 95% de la population et qui se maintient grâce à la terreur et à la répression fascistes, ne peut que susciter l’exacerbation de· toutes les contradictions et la désintégration du système en place. Elle entraîne la décomposition des vieux partis, la faillite des institutions bourgeoises, l’isolement et l’instabilité croissante de la JMF.

Cette situation rend la junte toujours plus odieuse aux yeux de notre peuple. Nous pouvons convertir cette haine en un grand courant de lutte contre la dictature. C’est là, actuellement, la tâche politique la plus urgente, et qui nous permette de progresser en direction des tâches futures.

Car il est certain que, quand bien même l’instabilité et l’isolement du régime aillent toujours en grandissant, la dictature ne tombera pas d’elle-même… Il faut la renverser. Et c’est en élargissant toujours davantage les vastes secteurs patriotiques qui veulent s’unir et s’engager dans les formes les plus diverses de lutte et de résistance que nous nous rapprocherons toujours plus de la réalisation de cet objectif important et impérieux.

2. – Une grande tâche historique pour aujourd’hui

Nous avons réaffirmé dans des documents antérieurs que, puisque les contradictions fondamentales de notre société ne se sont pas modifiées, nos conceptions programmatiques et la politique générale de notre Parti restent d’application dans leur ensemble. Et elles nous indiquent dans quelle perspective orienter les efforts de notre travail présent et futur.

La tâche principale des peuples du monde dans leur ensemble est de lutter contre l’hégémonie des super-puissances impérialistes. La lutte du peuple chilien pour la défaite et l’expulsion définitives de l’impérialisme nord-américain et de ses alliés nationaux est l’une des formes particulières et concrètes que prend, dans notre pays, cette grande tâche des peuples.

La JMF représente la politique et les intérêts de l’impérialisme yankee et des secteurs ultra-réactionnaires nationaux. Le fait de lutter pour le renversement de la JMF est, par conséquent, l’expression actuelle de la grande tâche historique du peuple chilien et prend place également dans la lutte commune de tous les peuples du monde contre l’hégémonie des super-puissances impérialistes.

Promouvoir l’unité et lutter pour isoler, frapper et renverser la dictature, représente, aujourd’hui, la forme immédiate, concrète et efficace de combattre l’impérialisme et les réactionnaires et d’accumuler des forces révolutionnaires pour provoquer leur défaite et leur expulsion définitives.

C’est pourquoi, et nous insistons une fois de plus sur ce point, tant que la dictature subsistera, la tâche politique principale la plus urgente et la plus nécessaire sera celle de promouvoir et de diriger la lutte de notre peuple pour la renverser. Cela ne fait aucun doute. Telle est l’immense tâche historique à laquelle doivent s’atteler TOUS les secteurs patriotiques, tâche qui compte en outre avec l’appui total des secteurs démocratiques et révolutionnaires du monde entier.

3. – Tracer correctement la ligne de démarcation

La grande ligne de démarcation qui sépare nettement les patriotes de ceux qui ne le sont point, passe aujourd’hui entre ceux qui appuient l’action de la JMF et ceux qui s’y opposent. C’est-à-dire entre l’impérialisme nord-américain, l’oligarchie financière, monopoliste et latifundiste (représentées par la JMF) et les vastes couches laborieuses et démocratiques qui, dans leur ensemble, regroupent plus de 95% de la population.

A cette étape de la lutte, où la dictature est la cible politique servant à distinguer les amis et alliés des ennemis, et tant que cette cible subsistera, la ligne de démarcation pourra subir des variations. Ceci dans la mesure où les différents secteurs sociaux modifient leur attitude envers la JMF. Selon qu’ils adoptent une attitude plus ou moins favorable à la dictature, le camp des amis et alliés et celui des ennemis s’élargira et se rétrécira respectivement. Ce phénomène apparaît d’autant plus que les contradictions au sein de la société vont en s’accentuant.

Donnons un exemple. Nul n’ignore que le groupe de Frei a participé à la préparation du coup militaire et a, dans un premier temps, appuyé la politique de la JMF. Et cependant ces secteurs, qui se trouvent aujourd’hui affectés par la politique de la JMF, désormais ne l’appuient plus. Ce qui signifie qu’avant le golpe, et durant la première étape de gouvernement de la JMF, ils faisaient partie du camp des ennemis du peuple et qu’actuellement, et bien que nous ne puissions les considérer comme de véritables amis, ils sont susceptibles d’être gagnés comme alliés à la lutte contre la dictature. Car il est clair qu’ils ne se trouvent pas, aujourd’hui, dans le camp ennemi.

Le fait qu’à cette étape de la lutte dirigée contre la dictature, nous paraissions soutenir un objectif politique commun avec des secteurs qui, traditionnellement, ont servi d’agents des puissances impérialistes, ne signifie nullement que nous ayons abandonné nos propres intérêts politiques au profit de ceux de ces secteurs. Tous savent, au Chili, que le groupe fréiste de la DC représente les intérêts d’un secteur de l’impérialisme nord-américain, et la direction du PC ceux de l’impérialisme russe.

Ce qui n’empêche pas, qu’en des circonstances déterminées, on puisse utiliser les contradictions de ces secteurs avec les groupes oligarchiques et, y compris, certaines formes déterminées de la politique impérialiste au Chili.

Par exemple, l’anti-impérialisme de la direction du PC révisionniste ne représente pas la contradiction entre notre peuple et l’impérialisme nord-américain, mais reflète bien plutôt les contradictions entre les deux super-puissances (EU et URSS). Il peut néanmoins être utilisé dans la lutte que notre peuple livre contre la domination nord-américaine. On peut, de la même façon, utiliser (comme en ce moment) d’éventuelles contradictions entre républicains et démocrates aux USA en ce qui concerne la forme à donner à la politique impérialiste nord-américaine. Tout ceci explique la possibilité de travailler avec le fréisme dans la lutte anti-junte. Celui-ci en effet, associé traditionnel de l’aile « libérale » du parti démocrate yankee, s’est aligné peu à peu sur la position de ses mentors qui mènent aujourd’hui une politique active contre la junte.

S’il est donc vrai, qu’aujourd’hui, nous semblions rechercher l’unité avec ces -secteurs pour affronter un ennemi commun, la dictature, c’est en fait sur base d’intérêts différents.

Nous, révolutionnaires, devons à tout moment travailler en accord avec la situation concrète, profiter des contradictions existantes et gagner le maximum d’alliés, même momentanés. Nous travaillons aujourd’hui en accord avec la situation que nous vivons. Ce n’est qu’en dépassant cette circonstance que nous pourrons conduire la lutte de notre peuple à une autre étape et réaliser d’autres objectifs.

4. – Le Front du Peuple : une politique pour l’heure présente

Nous avons dit qu’isoler, combattre et renverser la JMF, constituait la tâche politique principale du moment. Tel est l’objectif à atteindre aujourd’hui.

Nous avons dit aussi que c’était la tâche de TOUT le peuple. Qu’il était très important de réaliser l’unité du peuple pour atteindre cet objectif. Nous avons précisé en outre qu’il était inutile de prétendre avancer vers les buts fixés pour le futur si nous ne menions par d’abord à bien la tâche que nous impose la situation actuelle.

Le Front du Peuple, dans ses diverses expressions, est la réponse concrète a la nécessité de trouver une solution populaire et révolutionnaire à la situation actuelle. Et le Programme Minimum du Front du Peuple en est le contenu immédiat.

Le F P n’est pas seulement une organisation de plus dans la vie politique de notre peuple. Le F P est, avant tout, une expression de la politique d’unité et de lutte des secteurs les plus divers de notre peuple contre l’impérialisme nord-américain et la JMF.

Il faut considérer, c’est important, qu’une politique ne doit pas toujours nécessairement acquérir une expression organique préétablie. Ou une expression organique déterminée et unique. Chacune de ses ‘expressions dépendra d’une série de facteurs. Et dans la pratique, nous devons être toujours prêts et attentifs pour développer, avec la plus grande flexibilité, cette politique du F P qui peut acquérir de nombreuses formes d’expression.

Ainsi, en ce qui concerne le groupe de Frei par exemple, il est possible que nous ne réussissions jamais à avoir aucun type d’organisme commun ou même à établir aucun contact avec lui pour lutter contre la dictature. Et cependant, dans la mesure où aujourd’hui nous ne prenions pas Frei pour cible, et partant des contradictions qui opposent ce secteur à la JMF, nous pouvons espérer le convaincre de défendre les libertés démocratiques et de s’opposer aux secteurs monopolistes, etc… C’est là une manière concrète d’appliquer à ce secteur notre politique du F P. Et il se peut, dans la pratique, que nous ne réussissions par à mettre sur pied un organisme de Front avec lui.

Si, demain, nous réussissions à former un Comité pour défendre une personnalité politique déterminée persécutée par la JMF, il faudrait considérer ce comité − quand bien même il n’ait qu’une vie transitoire et peu stable − comme l’une des nombreuses expressions que peut acquérir la politique du F P.

De la même façon, le comité clandestin que nous créons dans chaque industrie pour lutter pour la liberté syndicale, le travail que nous réalisons parmi les pobladores pour tenter de résoudre des problèmes vitaux comme la famine, le logement, l’insuffisance de vêtements, ou encore « las ollas comunes » qui apparaissent sous des formes diverses dans de nombreuses poblaciones, etc… sont autant de formes d’expression de la politique d’unité et de lutte, de la politique du F P, et méritent donc toute notre attention et notre soutien le plus décidé.

Toutes ces actions et organismes ont une chose en commun, et c’est leur contenu. Elles partent toutes de quelque point du Programme Minimum du F P et visent toutes, essentiellement, à isoler, affaiblir, frapper et renverser la dictature. Elles sont donc utiles pour unir le peuple et aiguiser sa capacité et son esprit combatif envers ses ennemis.

5. – Surmonter l’étroitesse et le sectarisme

La politique du F P, dont le contenu essentiel se trouve repris dans le Programme Minimum, doit se matérialiser dans tous les domaines de l’activité corporative, de la culture, du sport, etc.

Elle doit acquérir de multiples formes d’expression et des dimensions diverses. A chaque secteur social, industriel, culturel, poblacionel, etc., correspondra nécessairement une forme et un type particulier d’organisme du Front pouvant les unifier et les incorporer à la résistance et à la lutte contre la dictature, en accord avec les caractéristiques et le niveau de conscience qui leur sont propres.

Ce qui vient d’être dit, n’exclut pas la possibilité, lorsque les conditions s’en présentent, de promouvoir également un certain type d’organisme du F P s’étendant à toute une région ou au pays et qui, en plus du contenu du Programme Minimum, puisse présenter d’autres caractéristiques communes l’identifiant davantage avec nos perspectives futures. En d’autres termes, organiser et travailler avec les secteurs les plus avancés.

Mais ceci ne peut, en aucune façon, justifier la tentative de réaliser une politique sectaire et restrictive, laissant de côté de nombreux secteurs susceptibles d’être unifiés et mobilisés pour la lutte contre la dictature en raison de leurs contradictions, à des degrés divers, avec celle-ci.

Dans le moment présent, nous devons mettre l’accent sur ce qui nous unit avec tous les secteurs qui, d’une manière ou d’une autre, ne se trouvent pas dans le camp ennemi et aspirent au renversement de la dictature. C’est là la chose essentielle. Nous devons également, dans la mesure où nous concertons des alliances avec certains secteurs, veiller à ce que ces alliés ne commettent aucun acte qui puisse nuire au peuple et à la réussite de l’objectif pour la réalisation duquel nous nous sommes unis.

Et nous appelons, aujourd’hui, politique d’unité et de lutte avec les secteurs alliés, la politique que nous établissons autour de l’objectif de renverser la JMF et qui, demain, visera à d’autres objectifs.

Pour réaliser ce qui vient d’être dit, nous devons, entre autres choses, dominer tout d’abord les aspects de base de notre politiqué et de ses perspectives futures, deuxièmement, connaître les intérêts de nos alliés possibles et réels et, troisièmement, être capables de raisonner et d’agir avec la plus grande flexibilité et sans le moindre sectarisme.

En résumé, il s’agit de ne pas contenir, avec des schémas mécaniques et une vision partielle et sectaire des choses, le processus d’unification et de lutte de tout le peuple. Ce qui ne veut pas dire que nous l’abandonnions à sa seule fantaisie. Nous devons avancer avec fermeté pour réaliser l’objectif immédiat de renverser la dictature et préparer, par l’accumulation des forces révolutionnaires, la réalisation des tâches que notre peuple devra affronter au cours des étapes successives.

6. – Un étendard de lutte contre la dictature

L’essentiel, pour avancer dans le processus d’unification et de lutte, sera déterminé par le contenu et l’envergure des actions que les masses peuvent mener à bien, actions et combats que notre Parti doit promouvoir, organiser et diriger avec abnégation.

En ce qui concerne ces actions, nous devons mettre avant tout l’accent sur leur contenu, pour nous occuper ensuite de leur expression ou forme organique.

C’est ce contenu, ayant pour base les différents points du Programme Minimum, qui servira comme noyau d’unité politique pour la lutte concrète que notre peuple livre à la dictature. Et ce sont ces 7 points contenus dans le Programme Minimum du F P qui constituent notre étendard immédiat d’unité et de lutte pour renverser la JMF.

7. – Le Programme Minimum du Front du Peuple

1. – Lutte pour le renversement de la dictature.

Fin de l’« Etat de Guerre Interne », de la répression, persécution et dénonciations. Fin des tribunaux de guerre et liberté inconditionnelle pour les prisonniers politiques. Amnistie générale.

2. – Lutte pour la récupération des libertés démocratiques. Pour la liberté de pensée, d’expression, de presse, de mouvement, de réunion, d’association et pour la liberté syndicale.

3. – Lutte contre la super-exploitation. Pour l’augmentation des salaires, appointements et pensions. Pour la congélation des prix des produits de base. Pour la suppression des impôts exagérés auxquels les masses populaires sont soumises et la réincorporation de tous les travailleurs licenciés.

4. – Lutte pour le respect de l’autonomie universitaire et la fin de l’ingérence fasciste dans les affaires universitaires et l’éducation en général.

5. – Lutte pour aider les petites et moyennes entreprises de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. Pour des crédits adéquats à ces secteurs et la baisse des prix de consommation.

6. – Lutte pour la non-restitution des entreprises expropriées à l’impérialisme, grands monopoles et latifundia nationaux. Pour le non-paiement de l’indemnisation à ces secteurs.

7. – Lutte pour la continuation et l’approfondissement de la réforme agraire. Défense et aide, aux entreprises et coopératives agricoles.

8. – S’attacher à la situation présente et ne pas oublier les perspectives de la lutte future

Quelques mots sur la relation entre les tâches du moment présent et celles de demain.

Il ne faut pas oublier que les grandes contradictions d’une société ne peuvent être résolues qu’au travers d’un processus prolongé, composé de plusieurs étapes. Ainsi, la contradiction fondamentale qui oppose le peuple chilien à l’impérialisme yankee et aux réactionnaires nationaux acquiert, à chaque étape du processus, une expression particulière. Elle ne disparaît pas.

Dans le cadre de notre stratégie politique, nous nous sommes assignés pour tâche d’amener la lutte de notre peuple à résoudre cette contradiction fondamentale, mais en adaptant les mots d’ordre et les politiques concrètes à la forme prise par cette contradiction à chaque étape.
Par exemple, nous avons dit que lutter, aujourd’hui, pour le renversement de la dictature représente la forme immédiate, concrète et efficace de combattre l’impérialisme et les réactionnaires et d’accumuler des forces pour sa défaite et son expulsion définitives.

Mais nous ne devons pas, à cette étape du processus, comme à toutes les étapes, oublier ou laisser de côté l’avenir de la lutte, les objectifs établis pour, le futur, et ce, sous peine de voir notre action du moment perdre son sens révolutionnaire.

Les deux tendances, celle qui prétend travailler seulement dans la perspective du futur en méconnaissant la particularité de chaque étape, comme celle qui ignore le futur et se limite à mettre en œuvre une politique immédiatiste, ne permettent pas de résoudre la contradiction fondamentale de notre société. Il faut se rappeler que le général réside dans le particulier et que ce n’est qu’en résolvant le particulier, que l’on peut avancer vers la solution du général.

9. – Comment combattre l’influence de la bourgeoisie au sein des masses

A l’étape actuelle de la lutte pour résoudre la situation de dépendance et d’exploitation de notre peuple − qui s’exprime par la lutte contre la dictature − nous devons nécessairement nous unir avec les divers secteurs de la bourgeoisie qui se trouvent affectés par elle. Nous devons dès lors nous efforcer de résoudre correctement la lutte contre les manifestations de son idéologie au sein des masses.

La lutte idéologique entre le prolétariat et la bourgeoisie est une lutte prolongée, qui s’exprime sur tous les plans de l’existence, qui va bien au-delà de la lutte pour le pouvoir et qui, en définitive, ne se résoudra pas au cours de l’étape historique que nous vivons.

La politique du révisionnisme (et ses variantes) ainsi que celle de la Démocrate-Chrétienne, entre autres, constituent les expressions les plus généralisées de l’influence bourgeoise au sein des masses.

Nous savons d’avance que, sur le plan idéologique, nous ne coïnciderons jamais avec la bourgeoisie. Dans la situation actuelle cependant, pour résoudre correctement la lutte contre l’influence de leurs idées au sein des masses, nous ne devons pas oublier, en premier lieu, que c’est la dictature qui représente l’ennemi principal et, en deuxième lieu, que les contradictions avec les secteurs de la bourgeoisie se trouvant affectés par la dictature et s’opposant à elle doivent être traitées en fonction de la situation concrète que nous vivons, C’est une chose que nous ne devons pas oublier dans notre action au sein des masses.

Lorsque nous agissons parmi les masses, nous devons, pour ne pas nous couper d’elles, faire en sorte que l’affrontement idéologique inévitable en son sein parte de son propre niveau de conscience. Nous devons présenter cet affrontement de la façon la moins abstraite possible, en tenant compte des problèmes vécus par les masses et de ceux qui dérivent de ses propres actions. Nous parviendrons, de cette manière, à faire participer les masses à la lutte contre les idées bourgeoises et à élever son niveau de conscience politique.

Ainsi, par exemple, lorsque dans un comité on discute de la rédaction d’un tract, article ou plateforme, il faut tirer parti de la situation ainsi créée pour écouter les diverses opinions des masses et des différentes tendances qui apparaissent alors. Et les masses, de leur côté, prêteront également l’oreille aux autres opinions exprimées.

Nous devons profiter de ce moment pour, à partir des problèmes discutés et qui intéressent les masses, exposer notre point de vue. C’est là pour nous l’occasion de critiquer, en partant d’une attitude positive et unitaire, les idées qui reflètent l’influence de la bourgeoisie.

Ce que nous venons de dire montre bien qu’un tel problème doit être résolu dans la pratique, conformément à la situation suscitée par chaque action concrète que nous proposons aux masses. Nous agissons à partir des intérêts et des problèmes des masses, les plus immédiats parmi ceux-ci se trouvant exposés dans le Programme Minimum du Front du Peuple. Tel est notre point de départ et notre étendard immédiats, aussi bien pour ‘pousser les divers secteurs à s’unifier que pour nous opposer et critiquer les points de vue portant préjudice au peuple et à la lutte contre la dictature.

Nous avons observé, à plusieurs reprises, que certains camarades prétendaient résoudre à priori le problème de la lutte contre l’influence des idées bourgeoises au sein du peuple, anticipant de cette manière l’expérience pratique que les masses − nécessairement − doivent vivre. Nous avons également rioté que leur préoccupation n’était que partielle. Sur le plan politique, par exemple, ils ne font des efforts que pour s’unir et travailler avec les secteurs influencés par le révisionnisme (ex-UP) et ignorent les secteurs qui croient encore en la Démocratie Chrétienne. De même, sur le plan idéologique, ils ne prêtent d’attention qu’à la lutte contre le révisionnisme et laissent de côté la Démocratie Chrétienne.

Jusqu’ici, nous avons surtout parlé de la lutte contre l’influence des idées bourgeoises au sein des masses. Comme complément à la lutte idéologique qui se déroule à ce niveau nous devons, conformément aux nécessités et conditions existantes, déployer toute la propagande nécessaire pour aider les masses à synthétiser l’expérience de cette lutte et pour aider également les secteurs les plus avancés à jouer un rôle d’organisateur et de dirigeant. Il faut pour cela adapter la propagande aux nécessités de chaque secteur des masses, compte tenu, premièrement, des différences existant entre les niveaux avancé, intermédiaire et moins développé − sans exclure aucun de ces trois secteurs −, compte tenu, deuxièmement, des différents domaines sociaux, politiques et culturels et, troisièmement, des secteurs alliés et susceptibles de devenir alliés.

Ne pas résoudre correctement le problème de la lutte contre l’influence des idées bourgeoises nous conduit à de graves erreurs et à des déviations politiques. Le fait, d’une part, de prétendre s’unir uniquement avec les secteurs de la bourgeoisie sans lutter dans le même temps contre leurs idées, nous mène à l’opportunisme de droite et met le prolétariat et le mouvement des masses à la traîne de la bourgeoisie. Le fait, d’autre part, de mettre uniquement l’accent sur la lutte en ignorant la nécessité de nous unir avec ces secteurs, nous conduit à l’aventurisme de « gauche » et condamne le prolétariat et le mouvement des masses à l’isolement et à la défaite.

10. – Quelques considérations se trouvant à la base de notre travail au sein des masses

Nous avons, jusqu’ici, mis l’accent sur la nécessité d’une part, d’interpréter correctement la situation actuelle et, d’autre part, de travailler pour résoudre la tâche immédiate que nous suggère cette situation pour, de cette façon, progresser vers la solution définitive du problème de la dépendance et de l’exploitation auquel notre peuple se trouve confronté.

Précisons à présent, en quelques mots, quelques-unes des considérations qui se trouvent à la base de notre travail parmi les masses.

En 1er lieu, nous devons considérer que le processus d’unité et de lutte de notre peuple se développe à travers la réalisation d’actions concrètes et à partir des problèmes vécus par les masses.

En 2ème lieu, nous devons considérer que pour chacune de ces actions, l’accent doit être mis sur leur contenu politique, lequel doit être exposé dans la plateforme que nous élaborons pour chaque action. Et ce contenu politique doit partir du Programme Minimum du Front du Peuple ou de l’un de ses points.

En 3ème lieu, nous devons considérer que certaines de ces actions peuvent, alors même qu’elles partent, du Programme Minimum, ne pas faire explicitement allusion au renversement de la JMF. Il ne faut pas pour autant les ignorer, car elles servent également à isoler, débiliter et frapper la JMF et permettent aux masses de renforcer leur capacité de combat.

En 4ème lieu, nous devons considérer que, dans le travail avec les Comités du F P, l’accent doit être mis sur les comités qui se forment à l’intérieur des fronts naturels des masses elles-mêmes. Là où les problèmes du moment s’expriment avec le plus de netteté. Là où nous pouvons réaliser un travail à plus long terme et à perspective plus large. Et enfin, là où nous pouvons développer une organisation de parti plus solide et plus efficace.

En 5ème lieu, nous devons considérer qu’en stimulant la création de nouvelles organisations de masses à l’intérieur de leurs fronts naturels, nous devons leur octroyer un caractère nouveau, de façon à ce qu’elles permettent une mobilisation agile dans le cadre des conditions du régime répressif, tant dans les industries que les universités, les écoles, les poblaciones et à la campagne, etc. Nous devons en profiter pour inciter les masses à analyser l’expérience des organisations légalistes et économicistes mises en place par les différents courants bourgeois dans le passé, les pousser à analyser les limites de ces organismes et leur incapacité et inefficacité totales dans les conditions actuelles du régime répressif. Faire comprendre aux masses que leur faiblesse actuelle face à la dictature est due surtout, entre autres choses, à l’absence d’organisations à même d’éviter l’action répressive de la dictature.

En 6ème lieu, nous devons considérer que, dans le travail avec les différents secteurs de classe − sans en négliger aucun qui soit susceptible d’être gagné à nos objectifs − nous devons concentrer toute notre attention sur la classe ouvrière et, en particulier, les grandes concentrations prolétaires. C’est en effet la classe ouvrière des grandes concentrations qui a la plus grande capacité d’assimilation politique et qui doit jouer le rôle dirigeant et catalyseur de tout le processus révolutionnaire de notre époque. Et dans les régions où prédomine le secteur rural, l’accent doit être mis sur le travail avec le prolétariat agricole et avec les paysans pauvres.

En 7ème lieu, nous devons considérer que le fait d’appliquer les 5 principes de base dans le travail parmi les masses doit être adopté par tous les organismes du Parti. Chaque organisme doit, de la même manière, adopter comme principes permanents de travail la systématisation et synthèse de ses expériences politiques au sein des masses, compte tenu des politiques, plans et méthodes qui ont été tracés.

Et, en 8ème lieu, nous devons considérer que seul un grand Parti discipliné, clandestin, fermement implanté parmi les masses, pratiquant la critique et l’auto-critique et qui soit guidé par les principes du marxisme-léninisme, puisse nous permettre de conduire avec succès la lutte de notre peuple dans le présent, et plus encore de progresser vers les buts fixés pour la libération définitive.

11. – Développer un Parti M-L discipliné

Dans les pages qui précèdent, nous avons signalé quelques-uns des grands problèmes qui surgissent dans l’application de notre politique de F P. Mais le F P n’est qu’une expression, d’importance décisive, de notre politique dans la situation actuelle. Il n’en est pas la seule. Nous ne pouvons développer tout notre travail politique exclusivement à travers le F P, car cela signifierait nier l’indépendance politique du prolétariat, limiter le processus d’accumulation des forces révolutionnaires et voir se diluer ses perspectives futures.

L’expérience révolutionnaire des autres peuples a démontré à plusieurs reprises la nécessité de compter, entre autres, sur trois instruments essentiels pour progresser et obtenir des résultats dans la lutte de libération : le parti révolutionnaire du prolétariat, le F P et l’Armée du Peuple. Le parti devant constituer l’avant-garde dirigeante.

L’essor ferme et constant du Parti est une condition indispensable pour assurer la réussite du processus révolutionnaire à chacune de ses étapes, ainsi que pour avancer de façon ininterrompue en direction de ses perspectives futures.

C’est ainsi que notre propre expérience nous apprend que le succès relatif (et partiel) que nous avons obtenu en stimulant la réalisation de certaines actions importantes des masses, nous permettant d’acquérir plus de force et d’influence dans leurs organisations, s’il ne va pas de pair avec la construction solide de cellules du parti n’est que de courte durée et voit finalement réduits à presque rien cette influence trop précaire et notre travail.

Et ceci n’apparaît pas seulement dans le cadre d’une expérience à l’intérieur d’un front déterminé des masses, mais se vérifie également lorsque nous devons acquérir une influence large et multiple dans un grand secteur des masses ou de l’opinion publique. Si cette action n’est pas accompagnée du processus parallèle de construction du Parti, notre influence sera faible, momentanée et courera le très grand risque de disparaître rapidement. De plus, elle ne présentera aucune possibilité certaine de nous faire progresser, d’une manière ou d’une autre, en direction des perspectives futures.

Le développement du Parti (élargissement et renforcement) par l’intermédiaire des différentes formes de la lutte des masses (politique, militaire, etc.) confère à cette lutte, en plus d’une direction correcte, la continuité indispensable pour lui permettre de croître constamment (en quantité et qualité) et de s’intégrer au processus multiple d’accumulation des forces révolutionnaires dans la perspective de la lutte armée pour le Pouvoir.

La pratique nous confirme chaque jour avec plus de force la nécessité d’un développement constant du Parti à travers la lutte et en relation étroite avec les masses. Les rigueurs du régime répressif, la complexité de la situation politique et l’influence continuelle de la bourgeoisie soulignent, quant à elles, la nécessité de maintenir une ferme discipline, une morale stricte et l’esprit de sacrifice, ainsi que la nécessité de persévérer dans le marxisme-léninisme et d’approfondir la lutte pour adopter une conception marxiste-léniniste du monde, cela sans séparer la théorie de la pratique et en persistant dans la cri tique-autocritique.

Tous les militants que nous avons acceptés dans les rangs du Parti doivent se soumettre volontairement à une base organique solide fermement disciplinée. C’est là une condition essentielle pour renforcer notre conscience politique, la morale et la trempe révolutionnaires. Il n’y a pas de liberté sans discipline et pas de démocratie sans centralisme.

12. – Quelques réflexions touchant aux perspectives de la lutte future

La lutte populaire armée pour la conquête du Pouvoir est l’expression la plus haute que puisse revêtir notre politique. C’est en cela que consistent nos perspectives futures. Tel est l’objectif vers lequel nous dirigeons le processus d’accumulation des forces révolutionnaires. Et pour réaliser ce développement, il est absolument indispensable que le peuple compte sur ses propres forces. Sans une armée qui lui est propre, le peuple n’obtiendra rien. C’est là une chose tout à fait certaine et une leçon que les vastes masses de notre peuple sont en train d’assimiler profondément après avoir expérimenté, premièrement, le rêve d’une « voie pacifique » illusoire et « sans coût social » (?!), et ensuite, et comme l’une de ses conséquences, le cauchemar très réel de la barbarie fasciste. Barbarie qui ne peut être comparée qu’à celle que les anciens conquistadores ont démontré vis-à-vis des premiers habitants du Chili.

Le seul fait de se trouver aujourd’hui sans défense devant les armes des fascistes doit faire réfléchir chaque patriote de notre pays et, tout particulièrement, ceux qui n’ont pas encore tirer toutes les conclusions de cette dure leçon.

Dans toute société divisée en classes, il arrive un moment-où les exploités n’ont plus aucune possibilité de s’exprimer politiquement s’ils ne comptent pas avec la force de leurs propres armes pour affronter celles de leurs oppresseurs. Si notre peuple ne veut pas finir dans l’esclavage le plus complet il doit, à plus forte raison encore, emprunter le chemin de la lutte populaire armée. Et bien que ce chemin apparaisse aujourd’hui très épineux et non à court terme, notre peuple, convaincu que telle est la seule alternative réelle et sûre pour se libérer de ses oppresseurs, saura vaincre toutes les difficultés, accepter tous les sacrifices et parcourir tout le trajet jusqu’à la victoire méritée.

Nous avons voulu, à l’aide de ce document, analyser l’importance de la lutte pour renverser la dictature, signalant dans le même temps que cette lutte constitue une part inséparable et la forme immédiate du combat contre l’impérialisme et les réactionnaires. C’est-à-dire, constitue une étape nécessaire et inévitable sur le chemin de nos perspectives futures.

Bien que le déroulement immédiat de cette lutte contre la dictature puisse intervenir dans les limites de la domination impérialiste et du régime bourgeois et ne pas signifier pour autant la libération définitive de notre peuple, nous n’adoptons en aucune façon une attitude indifférente et passive dans ce combat, et ce dans la mesure où, réellement, il constitue un pas vers cet objectif. Attendre que la dictature tombe d’elle-même pour organiser et stimuler le développement des forces révolutionnaires pour la conquête du Pouvoir signifierait tomber dans la passivité et le pire des opportunismes. Cela signifierait également ne pas comprendre que, dans ce cheminement vers nos perspectives futures, nous devions envisager la lutte conformément à la particularité présentée par chaque étape et résoudre les contradictions qui la caractérisent de la manière la plus favorable pour les intérêts du peuple.

13. – Après la dictature… n’importe quel gouvernement ?

Il existe une relation entre la solution qui résulte du renversement de la JMF et le développement des conditions qui rendront possibles la lutte pour la conquête du Pouvoir. Entre le régime qui fera sui te à l’actuelle JMF et la progression en direction du régime Démocratique Populaire.

Bien que plus de 95% des chiliens aspirent avec véhémence au renversement de la dictature, de quelle que manière que ce soit et « quel que soit le gouvernement qui lui succède », cela ne signifie nullement que ce nouveau gouvernement sera meilleur que celle-ci. Tout au moins en ce qui concerne le prolétariat et les vastes masses populaires.

La bourgeoisie non-monopoliste recherche l’appui (se sert) du peuple pour gagner le maximum de poids et résoudre les contradictions qui l’opposent à l’impérialisme et aux secteurs monopolistes représentés par la JMF. Mais une fois que ce secteur bourgeois se sera libéré de ces derniers (ou sera arrivé à un accord avec eux) il se retournera inévitablement contre le peuple.

Et le prolétariat et le peuple ne pourront, que s’ils ont les armes nécessaires (et les conditions pour les utiliser), tirer parti des contradictions qui surgissent entre les divers secteurs à l’intérieur même de la bourgeoisie et celles qui existent entre celle-ci et l’impérialisme et les monopoles nationaux. Ce n’est qu’à cette condition qu’ils pourront s’allier avec les secteurs susceptibles d’être unis − y compris certains secteurs de la bourgeoisie et petite bourgeoisie − à l’intérieur d’un grand Front Unique. Qu’à cette condition enfin, qu’ils pourront maintenir leur indépendance et avancer sur le chemin de la guerre populaire et de la conquête du Pouvoir (les perspectives futures).

En dehors du fait, comme nous l’avons déjà signalé, que la JMF puisse être renversée soit à travers la lutte populaire armée, soit à travers la pression populaire non armée, ou encore en conséquence de l’exacerbation des contradictions mêmes qui surgissent au sein de la bourgeoisie (ces différents facteurs pouvant aussi agir conjointement), la forme du gouvernement et le régime qui lui succédera sera plus ou moins démocratique, sera meilleur ou pire pour le peuple, suivant que la capacité du prolétariat et du peuple d’intervenir et de faire pression au moyen de ses propres forces, et même les armes, sera plus ou moins grande. Plus cette capacité sera grande, pouvant aller jusqu’à la direction du processus par le prolétariat, et plus loin celui-ci pourra conduire le processus de démocratisation. Plus grandes aussi seront les garanties qu’il pourra obtenir pour le peuple.

Mais, et comme il découle de ce que nous avons dit, nous ne subordonnons pas notre participation à la lutte active pour le renversement de la dictature au fait que le peuple auparavant s’arme et soit ou non capable d’imposer et d’assurer de telles garanties démocratiques. Si le prolétariat et le peuple ne participent pas activement à la lutte pour le renversement de la JMF et ne développent pas non plus leurs propres forces armées, laissant ce combat aux seules mains de la bourgeoisie, ils ne peuvent espérer que celle-ci leur accorde gratuitement de telles garanties démocratiques. Plus importantes seront les forces que le prolétariat et le peuple pourront développer et plus grandes seront les garanties démocratiques qu’ils réussiront à arracher à la bourgeoisie et à l’impérialisme, assurant de cette façon la marche vers la lutte définitive pour la conquête de toutes les garanties, pour la conquête du Pouvoir.

Mais si nous ne subordonnons pas notre participation à la lutte active pour le renversement de la dictature au fait que le peuple soit armé, en revanche nous déployons les plus grands efforts pour, d’une part, que cette lutte signifie avancer dans le développement des forces armées du peuple, avancer dans le processus d’accumulation des forces révolutionnaires et obtenir des garanties démocratiques les plus larges de la part du gouvernement qui succédera à l’actuel régime, et pour, d’autre part, que tout ce qui vient d’être dit constitue un pas décisif dans la lutte pour la conquête du pouvoir pour le peuple.

Et dès lors, le mot d’ordre « n’importe quel gouvernement vaut mieux », n’est en aucune façon correct. Il ne reflète pas les intérêts du prolétariat et du peuple dans l’immédiat ni dans le futur ; il condamne leurs luttes et leurs forces à la passivité, les condamne à attendre que la bourgeoisie leur concède quelques miettes. Plus les garanties démocratiques obtenues par le peuple au moyen de sa propre lutte et de ses propres forces seront grandes, plus celui-ci pourra avancer dans la perspective de sa véritable libération.

14. – Le gouvernement démocratique d’unité antifasciste

Lutter pour avoir un gouvernement qui garantisse la réalisation de mesures démocratiques importantes et effectives pour le peuple, qui garantisse l’écrasement des secteurs fascistes et ultra-réactionnaires, c’est-à-dire pour un gouvernement d’unité anti-fasciste, constitue la grande tâche à accomplir pour tous les chiliens patriotes. Ce gouvernement doit naître de la lutte des larges masses contre la dictature et de la mobilisation combative du peuple.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que des forces obscures au service des deux grandes puissances se meuvent dans l’ombre afin de préparer, dans le dos du peuple et contre lui, le moment venu, un gouvernement de remplacement à la JMF actuelle. Il faut faire échouer ces tentatives et empêcher à tout prix un dénouement qui ne tienne pas compte des intérêts populaires.

Dans la mesure où la JMF se décompose et est isolée, la lutte des classes acquiert une plus grande complexité. C’est pourquoi, en plus de regrouper le maximum de forces pour frapper et renverser la dictature, il faut ne jamais oublier que la seule garantie d’une solution véritablement démocratique à la situation actuelle, réside dans la capacité de direction que la classe ouvrière peut exercer sur le mouvement démocratique anti-fasciste.

L’expérience historique de notre pays (et du monde entier) démontre que le prolétariat exerce la direction irrévocable du mouvement des masses avec la force des armes. C’est pourquoi le caractère du gouvernement qui succédera à la JMF sera donné par la capacité de la classe ouvrière de s’armer et d’armer le peuple pour combattre et défendre efficacement par la force ses intérêts légitimes. Néanmoins, nous le répétons, nous ne faisons pas de ceci une condition pour lutter contre la dictature et même la renverser.

L’issue de la situation présente se trouve liée, d’une part, à la capacité des larges masses, dirigées par la classe ouvrière, de combattre sous toutes les formes pour renverser la JMF et, d’autre part et dans le même temps, au processus d’accumulation, à travers ces combats, de la force qui leur est nécessaire pour imposer leur propre solution. Tout dépend donc de la force que le prolétariat réussit à accumuler.

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, des expériences passées et de la situation actuelle, la classe ouvrière et les larges masses ne doivent pas se laisser entraîner par l’aventurisme du « tout ou rien » ou par l’opportunisme du « moindre mal ». C’est là une considération fondamentale qui doit guider les actions concrètes du moment présent. Le futur immédiat du mouvement démocratique chilien dépend en grande partie de la façon dont cette contradiction sera résolue.

Brandir comme étendard de lutte le Programme Minimum du F P représente le chemin le plus sûr pour regrouper les forces contre la dictature. La lutte pour ce Programme dans son ensemble ou pour l’un de ses points en particulier permettra de frapper, affaiblir, isoler et finalement renverser la JMF.

Les patriotes authentiques doivent réaliser tous les sacrifices pour que les masses voient en ce Programme Minimum ce qu’il est en fait, la matérialisation de leurs aspirations les plus profondes. En brandissant ce programme et en en faisant le programme du peuple, nous mobiliserons celui-ci pour la lutte. Nous pourrons, de cette façon, exiger de la part du gouvernement qui remplacera la JMF la réalisation du Programme Démocratique d’Unité anti-fasciste suivant.

15. – Le programme démocratique d’unité anti-fasciste

1. – Ecrasement complet et définitif de la dictature. Fin du régime et des instruments répressifs. Amnistie politique générale et liberté, pour tous ceux qui ont du abandonner le Chili à cause de la persécution de la dictature, de retourner au pays. Confiscation de tous les biens des membres de la JMF et de leurs collaborateurs les plus proches, les privant de leurs droits politiques et les punissant de façon exemplaire, ensemble avec tous les tortionnaires et criminels fascistes.

2. – Garantie pour le peuple de bénéficier des, plus larges libertés démocratiques (liberté de pensée, d’expression, de vote, de mouvement, de réunion, syndicale, d’association, autonomie universitaire et éducation démocratique). Répression des ultra-réactionnaires au moyen de la mobilisation populaire.

3. – Participation effective du peuple à l’exercice du Pouvoir. Elaboration d’une nouvelle Constitution Politique de l’Etat assurant largement l’exercice des libertés démocratiques. Réorganisation des Forces Armées, les mettant au service des tâches démocratiques. Terme définitif à la tutelle exercée en leur sein par l’impérialisme yankee ((sur les plans idéologique, politique, militaire et technique). Élimination de toute la clique d’officiers et commandants liés à la dictature actuelle et qui jouent le rôle d’agents de l’impérialisme. Réorganisation de la Justice. Abrogation de toute la législation répressive et sa substitution par de nouvelles lois démocratiques et populaires. Déplacement des juges en place et élection démocratique et populaire de nouveaux juges.

4. – Amélioration des conditions de vie du peuple. Augmentation des salaires, appointements et pensions, et leur réajustement automatique en accord avec la hausse réelle du coût de la vie. Fourniture des produits essentiels à des prix accessibles pour le peuple. Fin du chômage par la stimulation de l’industrie et de l’agriculture. Élimination des impôts pesant sans discrimination sur les secteurs dont les revenus sont les plus faibles et empêchant le développement des petits et moyens secteurs de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. Assurer les services de santé, d’éducation et de loisirs (sains) pour le peuple.

5. – Récupération économique réelle du pays.

Mesures effectives pour mettre fin à la domination honteuse, le contrôle et la mise à sac impérialistes. Annulation de tous les contrats et conditions imposées par l’impérialisme yankee à travers ses divers organismes financiers, militaires, politiques et culturels. Expulsion et expropriation sans indemnité de tous les secteurs compromis avec celui-ci dans le pays. Récupération pour le peuple chilien de toutes les richesses nationales aux mains de l’impérialisme yankee.

6. – Mesures anti-monopolistes effectives. Expropriation sans indemnité de tous les monopoles. Réorganisation de l’économie en délimitant clairement les secteurs étatiques, privé et mixte. Faire du secteur de base de l’économie la propriété stricte et souveraine du peuple sous son contrôle et sa direction. Répression de la délinquance spéculative des magnats financiers. Octroi de crédits pour la stimulation réelle du développement de l’industrie, du secteur minier et de l’agriculture modernes, en fournissant des garanties solides aux petits et moyens secteurs et en empêchant toutes les actions monopolistes. Réforme Tributaire plus juste pour les petits et moyens secteurs.

7. – Application effective de la Réforme Agraire.

Élimination définitive de tous les latifundia et leur expropriation sans indemnité. Correction de toutes les politiques et mesures erronées (paternalisme, aventurisme, etc.) appliquées par les gouvernements réformistes. Direction du processus de Réforme Agraire par le prolétariat agricole et les paysans pauvres, avec le juste appui financier et technique de l’Etat. Développement efficace des entreprises agricoles (sous forme de coopératives, « asentamientos », entreprises de l’état, selon les circonstances) en assurant dans tous les cas le rendement maximum.

Garantir parallèlement le travail libre des petits et moyens agriculteurs, leur assurant également tout l’appui nécessaire de la part de l’Etat. Appui et intervention dans les zones où prédomine le minifundio, improductif en raison de sa dimension et de sa forme individuelle de travail. Liberté absolue d’association corporative et syndicale.

Développement de l’industrie agricole (machines, fertilisants, traitement et emballage des produits, transport et moyens de communication, et développement de l’infrastructure pour assurer l’arrosage durant toute l’année. Développement du processus d’électrification).

Défense d’une politique extérieure d’adhésion avec les pays du Tiers Monde, en condamnant l’ingérence, le pillage, la domination et l’hégémonie des grandes puissances impérialistes. En condamnant les régimes racistes et néo-fascistes. En promouvant, à travers le développement de l’industrie et de l’agriculture, l’intégration économique latino-américaine au niveau des secteurs non-monopolistes, et ce dans le sens le plus large. Respect du principe de non-intervention dans les affaires internes des autres pays.

Notre chemin passe, pour conquérir le pouvoir, par le développement de la guerre populaire. Nous avançons de façon résolue dans cette direction. En persévérant dans le processus d’accumulation des forces révolutionnaires pour conquérir le Pouvoir, en réalisant correctement les tâches que nous imposent chaque étape de ce processus, en traçant correctement la ligne de démarcation entre les amis et les ennemis dans chaque situation concrète, et en persistant dans la volonté de construire, développer et consolider au cours de la lutte un grand Parti M-L, un large Front Unique et l’Armée du Peuple, tous les deux dirigés par le Parti, nous parviendrons sans aucun doute à avancer et à accomplir pleinement les grands objectifs fixés pour la libération définitive de notre peuple et la construction d’une société démocratique populaire, ouvrant ainsi un sentier lumineux vers le futur.

Santiago, juillet 1975.


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