Extrait de La Parole au Peuple – Journal communiste prolétarien, n°13, septembre 1974

vendredi 16 août

30 femmes-machines arrêtent le travail : les ateliers de femmes et de gamins-machine débrayent tour à tour ; la grève est lancée : contre la chaleur, les cadences, le coût de la vie …

lundi 19 août

Les manœuvres à qui les organisations syndicales ont refusé de se réunir, profitent du mouvement pour se joindre à l’assemblée du « pré-madame » où 3000 ouvrières règlent leur compte au patron et aux syndicats.

Le micro est souvent arraché des mains des délégués qui se font huer. Les syndicats proposent de reprendre le travail jusqu’au lundi suivant, le temps de réfléchir aux propositions ouvrières : 10 francs de prime de vie chère pour tous, non à la taxation, non aux conditions de travail, « à travail égal, salaire égal » …

Dans une ambiance survoltée, une nouvelle assemblée des grévistes est convoquée pour le lundi suivant.

mardi 20 août

Pour essayer de casser la colère ouvrière, le conseil d’administration de la FN annonce avec beaucoup de publicité qu’il a décidé de lancer un programme d’investissements de 380 millions de francs pour « renforcer la position concurrentielle de l’entreprise, améliorer les conditions de travail et moderniser l’outil ».

Mais la ficelle est trop grosse et lancée bien trop tard.

Pour tenter d’enlever tout contenu aux revendications ouvrières, le patron inaugure les méthodes modernes de la concertation : il accepte la mise en place de 3 commissions de travail réunissant des délégués et des militants. Elles doivent « étudier » les problèmes de taxation, les conditions de travail te l’égalisation des salaires entre hommes et femmes.

lundi 26 août

Devant 2500 ouvrières, les syndicats se font les porte-paroles du diktat patronal :

– 3 francs d’augmentation répartis différemment et reclassification des salaires.

– le système de taxation est remplacé par le travail à la journée.

– améliorations « progressives » des conditions de travail.

Les femmes rejettent ces 3 francs avec lesquels patron et syndicats voudraient acheter la dignité des ouvriers, la reclassification qui perpétue la hiérarchie et les divisions, et le travail à journée qui remplace l’arbitraire de la taxation par la production infernale du travail à la chaîne.

Elles refusent le vote proposé par la FGTB et sortent, le poing levé, en chantant l’Internationale.

La rupture avec les syndicats est définitive.

Sous les pressions et les manœuvres syndicales, les polisseuses reprennent le travail.

mercredi 28 août

Les dirigeants de la FN adressent une lettre personnelle à chaque gréviste pour expliquer les propositions patronales qui n’auraient pas été « perçues » convenablement par les ouvrières.

Les syndicats n’ont aucune réaction pour condamner cette initiative.

Jeudi 29 août

Des rumeurs de lock-out et de fermetures de toute l’usine circulent. Entretenues par « certains milieux proches des syndicats et de la direction », ces bruits de chiotte visent à rejeter la responsabilité des difficultés financières causées par la gestion patronale sur les grévistes

lundi 2 septembre

Charlotte Hauglustaine de la FGTB, activiste de la grève de 1966, se fait huer par 800 grévistes : le syndicat n’a rien de nouveau à proposer qui n’ait été dit la semaine précédente.

Aux appels des syndicats pour un vote secret le jeudi, répondent les « à main levée devant tout le monde » des grévistes.

A la sortie, elles font une ovation aux paysans de Herve venus leur apporter leur solidarité.

Manifestation dans les rues et occupation de la délégation syndicale.

Au lieu d’intervenir décisivement à la Cartoucherie pour rallier les ouvrières manipulées par les syndicats, les militants de l’organisation « marxiste-léniniste », UCMLB, dirigent la manifestation vers une mauvaise cible − les délégués de base − alors que ceux-ci refusent obstinément de rejoindre le camp de la lutte et que la force ouvrière se développe bien sans eux.

jeudi 5 septembre

Sur 1671 votants, 837 votent pour les « propositions » patronales, 720 contre et 121 sont comptés comme abstentions, blancs et nuls. Un millier de grévistes n’a pas pris la peine ou n’a pas pu voter.

La grève semble morte et enterrée, d’autant plus que journaux, radio et TV, syndicats et Patrons annoncent ostensiblement la reprise du travail pour lundi.

3000 ouvrières reprendraient-elles le chemin de l’usine au nom de ce que les syndicats appellent déjà une « décision raisonnable » ?

lundi 8 septembre

Plus de 40% des ouvrières sont restées chez elles.

Des groupes de femmes circulent à travers les ateliers, le travail ne reprend pas comme les organisations « ouvrières » l’escomptaient : la résistance continue.

La volonté de lutter est plus forte que l’esprit de soumission.

Comment l’UCMLB se retrouva derrière la gauche ouvrière

Extrait du tract distribué par l’UC « ML » B le lundi 2 septembre 1974

« Pestons fermes sur nos revendications et appelons les délégués à les soutenir…Les délégués n’ont pratiquement rien à dire… Appelons les délégués à ne pas se laisser prendre dans le piège des commissions et à soutenir la grève !

…rappelons les délégués à former un comité de grève avec des travailleuses. Les délégués d’usine sont dans leur écrasante majorité sincèrement dévoués à la classe ouvrière. Eux aussi, comme tous les travailleurs, ils seront seulement libérés par la révolution socialiste.

Un mur passe entre eux et leurs dirigeants nationaux et régionaux qui ont intérêt à défendre le système capitaliste.

Appelons-les à soutenir notre lutte ; appelons-les à faire un choix entre les discours trompeurs de leurs dirigeants sur « l’amélioration progressive du capitalisme » et les intérêts réels des travailleurs. Appelons-les à former un comité de grève avec nous …

Il faut un comité de grève pour diriger la lutte, avec côte à côte les délégués d’usine et les travailleurs les plus combatifs … Par son action, le comité de grève jouera ainsi un rôle pour aider les travailleurs et les délégués à comprendre mieux la nature de traîtres des hauts dirigeants syndicaux… »

Deux semaines après la rupture violente entre les travailleurs et les syndicats, les délégués de la F.N. continuent à garder la même attitude que lors des assemblées générales où assis en rangs d’oignons, ils restaient muets sous les insultes : « mais qu’est-ce qu’ils foutent les délégués, tous des pourris et des vendus ».

Deux semaines après une rupture violente qu’exprimait la révolte mais aussi la confiance des ouvriers en eux-mêmes, au lieu de concrétiser l’aspiration des grévistes à s’organiser indépendamment de toute mainmise syndicale, et de construire l’autonomie ouvrière, l’UC « ML » B redécouvre une tactique chère au parti « communiste » révisionniste : faire pression sur les délégués pour soutenir la grève.

Quand la question principale pour le succès de la lutte est de donner aux ouvriers les plus combatifs les moyens de prendre la direction du mouvement, la question n’est plus de tergiverser avec la délégation : plus la direction des ouvrières est forte sur leur lutte, plus sûr est le ralliement des délégués fidèles à leur classe ; VOILA UN PRINCIPE DE LUTTE JUSTE QUI REFLÈTE LE DEGRÉ DE COMBATIVITÉ DES OUVRIERS !

Mais ces « ML » ont une curieuse conception des revendications ouvrières ; quand les ouvriers rejettent le syndicalisme pourri, au lieu de designer le patron comme cible principale de la lutte, ils les fourvoient en essayant de reporter leur colère sur les délégués syndicaux …

Au lieu de lier les revendications qui unissent tous les ouvriers contre la vie chère et les revendications spécifiques des femmes pour l’égalisation des salaires avec ceux des hommes, au nom de l’unité de la classe ouvrière, ils ne parlent plus que des premières en écrasant les secondes.

Au lieu de populariser le mot d’ordre anticapitaliste qu’avancent les ouvrières contre « la taxation » et les taxeuses qui viennent imposer aux ouvrières une production infernale, les « ML » avancent le mot d’ordre des « 30 minutes de travail en moins ».

Au lieu d’appuyer à fond toutes les idées qui contestent le mode d’exploitation capitaliste, I’UC « ML » B renoue avec l‘économisme chère au parti de Grippa, et avec l’opportunisme attaché au courant trotskyste… Curieux mélange pour un groupuscule condamné à répéter les erreurs d’un passé à jamais révolu.


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