De la contradiction de Mao Zedong a particulièrement marqué les esprits ; sa force a été particulièrement reconnue. Pourtant le matérialisme dialectique était déjà l’idéologie largement diffusée depuis l’URSS, alors pourquoi l’œuvre fut-elle si marquante ?
La raison en est que le document de Mao Zedong est particulièrement clair, la dialectique y est présentée de manière très vivante.
Il y a de véritables sentences, qui résume admirablement la conception communiste. Voici un exemple de comment Mao Zedong assène les vérités du matérialisme dialectique:
« Dans le processus de développement de chaque chose, de chaque phénomène, le mouvement contradictoire existe du début à la fin. »
Non seulement le mouvement dialectique est partout – puisque toute la réalité est matérielle – mais en plus le mouvement dialectique est complet. C’est cela qui a frappé, lorsque l’œuvre fut diffusée dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, au sein de tout le Mouvement Communiste International.
Le Capital de Marx avait pareillement marqué les esprits, de par sa capacité à saisir les différents aspects du mode de production capitaliste. La description que fait Karl Marx est vivante, on lit véritablement le processus. C’est cela que souligne Mao Zedong, systématisant les enseignements de Lénine. Mao Zedong explique ainsi :
« Lénine souligne que Marx, dans Le Capital, a donné un modèle d’analyse du mouvement contradictoire qui traverse tout le processus de développement d’une chose, d’un phénomène, du début à la fin. C’est la méthode à employer lorsqu’on étudie le processus de développement de toute chose, de tout phénomène. »
Le matérialisme dialectique était déjà mis en avant par l’URSS, mais la position était plus celle de l’observation scientifique, dans le sens où Mao Zedong, à l’inverse, porte son attention sur les questions spécifiques du mouvement dialectique, sur l’étude des cas concrets.
Gonzalo, dirigeant du Parti Communiste du Pérou, a admirablement compris cela ; il donne de nombreux exemples, comme lorsqu’il affirme que la peur est une contradiction. La perspective ouverte par Mao est réellement celle d’une étude très concrète des contradictions ; c’est une école de la dialectique.
Cette école a, par définition, une nature ininterrompue, car à partir du moment où il y a un cerveau comme matière grise, comme caisse de résonance de la réalité, le processus est lancé. Dans De la contradiction, Mao Zedong cite ici Friedrich Engels :
« Nous avons vu que dans le domaine de la pensée également, nous ne pouvons pas échapper aux contradictions et que, par exemple, la contradiction entre l’humaine faculté de connaître, intérieurement infinie, et son existence réelle dans des hommes qui sont tous limités extérieurement et dont la connaissance est limitée, se résout dans la série des générations, série qui, pour nous, n’a pratiquement pas de fin, – tout au moins dans le progrès sans fin. »
On pourrait, peut-être, penser qu’il y a identité entre la connaissance et l’humanité en tant que telle, puisque, après tout, la série des générations consiste en l’humanité.
Cela serait ici une erreur, car il existe bien entendu une différence entre le concept d’humanité en général et les individus apparaissant au fur et à mesure ; tous les individus appartiennent à l’humanité et sont des produits historiques, mais ils sont relativement différents de par leur place dans l’espace et le temps.
C’est cette différence qu’il faut saisir, car elle est en fait une contradiction. Elle est ici entre les dirigeants révolutionnaires et les masses – Mao Zedong développera le principe de la pensée-guide – mais dans tous les cas, discerner c’est déjà établir des interrelations qui, par définition, obéissent à la loi de la contradiction puisqu’elles existent.
Mao Zedong souligne bien :
« Dans toute différence il y a déjà une contradiction et que la différence elle-même constitue une contradiction. »
Et, de fait, comme tout ce qui est est par la contradiction, alors on peut dire comme le fait Mao Zedong :
« Il n’est rien qui ne contienne des contradictions. Sans contradictions, pas d’univers. »
Bien entendu, ici l’évolutionnisme vulgaire pourrait prétendre admettre les contradictions, mais en niant le caractère unitaire du processus, ne reconnaissant qu’un Univers décousu, avec des contradictions locales n’ayant pas de signification en tant que totalité.
Cela apparaît d’autant plus impossible pour l’évolutionnisme vulgaire que le matérialisme dialectique affirme à la fois le caractère unitaire de l’Univers et son caractère infini. Cela dépasse littéralement l’idéologie bourgeoise, aussi « progressiste » qu’elle puisse prétendre être.
On touche ici la question de la détermination : pour le matérialisme dialectique, tout est déterminé, il n’y a pas de hasard. Tout obéit aux lois du mouvement dialectique, par essence même, et il n’y a rien d’autre, absolument rien d’autre.
Mao Zedong résume cela de manière nette :
« Dans le monde, il n’y a rien d’autre que la matière en mouvement, le mouvement de la matière revêtant d’ailleurs toujours des formes déterminées. »
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Qu’en fait, même, ce qui distingue la matière d’une autre matière c’est justement le mouvement, parce que chaque mouvement a comme base la matière et que donc deux phénomènes matériels se distinguent matériellement, mais également voire en fait réellement par le mouvement.