Mao Zedong
Le régime constitutionnel de Démocratie Nouvelle1
20 février 1940

Il est très significatif que des représentants de tous les milieux de la population de Yenan assistent aujourd’hui à l’assemblée constitutive de l’Association pour la Promotion du Régime constitutionnel, et que tout le monde s’intéresse à la question constitutionnelle. Pourquoi fonder cette Association ? Pour favoriser l’expression de la volonté du peuple, contribuer à la victoire sur le Japon et à l’édification d’une Chine nouvelle.

La résistance au Japon, qui a l’approbation générale, est déjà une réalité, et il ne s’agit plus que de la poursuivre résolument. Mais il est une chose — la démocratie — qui n’a pas encore été réalisée. L’une et l’autre sont aujourd’hui d’une importance primordiale pour la Chine. Certes, il manque bien des choses à notre pays, mais ce qui lui manque surtout, c’est l’indépendance et la démocratie. A défaut de l’une comme de l’autre, il n’est pas possible de mener à bien les affaires de la Chine. S’il nous manque deux choses, il y en a par contre deux de trop. Lesquelles ? L’oppression impérialiste et l’oppression féodale. C’est à cause d’elles que la Chine est devenue un pays colonial, semi-colonial et semi-féodal. A présent, les besoins les plus urgents pour notre peuple sont l’indépendance et la démocratie ; nous devons donc détruire l’impérialisme et le féodalisme. Il faut les détruire résolument, radicalement et sans pitié. Certains affirment qu’il faut seulement construire, et non détruire. Eh bien, qu’on nous permette une Question : Faut-il, oui ou non, détruire Wang Tsing-wei ? Et l’impérialisme japonais ? Et le système féodal ? Tant qu’ils n’auront pas été détruits, inutile de songer à construire. Seule leur destruction sauvera la Chine et lui permettra d’entreprendre sa construction, sinon tout ne serait qu’un vain rêve. Ce n’est qu’après avoir démoli ce qui est vieux et pourri que l’on peut construire quelque chose de nouveau et de sain. En associant l’indépendance à la démocratie, on a la Résistance sur la base de la démocratie, ou la démocratie au bénéfice de la Résistance. Sans démocratie, la Résistance échouera. Sans démocratie, la Résistance ne pourra tenir. Avec la démocratie, nous vaincrons sûrement, même s’il nous faut résister pendant huit ans, dix ans.

Qu’est-ce qu’un régime constitutionnel ? C’est un régime démocratique. Je suis d’accord avec ce que vient de dire ici notre vieux camarade Wou2 . Mais de quelle sorte de régime démocratique avons-nous besoin actuellement ? D’un régime de démocratie nouvelle, d’un régime constitutionnel de démocratie nouvelle. Et non de la prétendue démocratie, vieille et périmée, du type européen et américain, qui est la dictature bourgeoise, ni non plus, pour le moment, de la démocratie du type soviétique, qui est la dictature du prolétariat.

La démocratie de type ancien, pratiquée dans d’autres pays, est à son déclin ; elle est devenue réactionnaire. En aucun cas, nous ne pouvons l’adopter. Le régime constitutionnel dont parlent les irréductibles chinois est la démocratie bourgeoise de type ancien qui existe à l’étranger. Ils clament leur désir d’un régime constitutionnel de ce type, mais, en réalité, ce n’est même pas cela qu’ils veulent, et ils ne font qu’abuser le peuple. Ce qu’ils veulent, c’est la dictature fasciste d’un seul parti. La bourgeoisie nationale chinoise, quant à elle, désire réellement instaurer un régime constitutionnel de type ancien et établir la dictature bourgeoise, mais elle n’y parviendra pas. Car le peuple chinois ne veut pas de cela, il n’acceptera pas une dictature exclusive de la classe bourgeoise. C’est l’écrasante majorité de la population de la Chine qui doit décider des affaires chinoises ; il est absolument inadmissible que la bourgeoisie monopolise à elle seule l’administration du pays. Et qu’en est-il de la démocratie socialiste ? C’est, évidemment, une excellente chose et, dans l’avenir, elle sera appliquée dans le monde entier. Mais elle est irréalisable dans la Chine actuelle, et c’est pourquoi nous devons y renoncer provisoirement. La démocratie socialiste ne pourra être réalisée que dans l’avenir, lorsque les conditions en seront réunies. La démocratie qu’il nous faut aujourd’hui en Chine, ce n’est ni la démocratie de type ancien, ni non plus la démocratie socialiste, mais la démocratie nouvelle, qui correspond aux conditions actuelles du pays. Le régime constitutionnel que nous nous préparons à instaurer doit être un régime constitutionnel de démocratie nouvelle.

Qu’est-ce donc qu’un régime constitutionnel de démocratie nouvelle ? C’est la dictature conjointe qu’exercent plusieurs classes révolutionnaires sur les traîtres à la nation et les réactionnaires. On a dit autrefois : “S’il y a de la nourriture, que chacun ait sa part”. Je pense qu’il y a quelque analogie entre cela et la démocratie nouvelle. Du moment que tout le monde se partage la nourriture quand il y en a, il n’est pas permis à un seul parti, à un seul groupe ou à une seule classe de monopoliser le pouvoir. Cette idée a été exprimée de façon fort pertinente par le Dr Sun Yat-sen dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang :

« Dans les États modernes, le système dit démocratique est le plus souvent monopolisé par la bourgeoisie et est devenu un simple instrument pour opprimer le peuple. Par contre, selon le principe de la démocratie du Kuomintang, le système démocratique est le bien commun de tout le peuple, et non quelque chose qu’une minorité peut s’approprier. »

Camarades ! Pour une étude du régime constitutionnel, nous devons consulter toutes sortes d’ouvrages, mais avant tout ce Manifeste, et graver dans notre esprit le passage cité. “… le bien commun de tout le peuple, et non quelque chose qu’une minorité peut s’approprier”— c’est cela le contenu concret du régime constitutionnel de démocratie nouvelle dont nous parlons, c’est-à-dire la dictature démocratique conjointe de plusieurs classes révolutionnaires sur les traîtres à la nation et les réactionnaires ; tel est le régime constitutionnel qu’il nous faut aujourd’hui. Et tel doit être le régime constitutionnel du front uni antijaponais.

L’assemblée que nous tenons aujourd’hui a pour but de promouvoir, de hâter l’établissement d’un régime constitutionnel. Pourquoi “hâter” son établissement ? Si tout le monde avançait, point ne serait besoin de “hâter”. Pourquoi nous donnons-nous la peine de tenir cette réunion ? Parce qu’il y a des gens qui n’avancent pas, qui restent là sans bouger et ne veulent pas progresser. Non seulement ils refusent d’aller de l’avant, ils veulent même faire marche arrière. Vous leur demandez d’avancer, mais ils préféreraient mourir plutôt que de faire un pas en avant : ceux-là sont des éléments irréductibles. Ils le sont si obstinément qu’il nous faut tenir cette assemblée pour “hâter” leur progrès. Pourquoi ce mot : “hâter”? Qui l’a employé le premier en relation avec cette question ? Ce n’est pas nous. C’est le grand homme que nous respectons, celui qui a dit : “Pendant quarante années, je me suis dévoué à la cause de la révolution nationale”, le Dr Sun Yat-sen. En effet, n’est-il pas écrit dans son testament :

« Tout récemment, j’ai préconisé la convocation de l’assemblée nationale… et il est particulièrement nécessaire de la “hâter”, de la réaliser dans le plus bref délai. C’est là ma sincère recommandation. »

Camarades, il ne s’agit pas d’une “recommandation” banale, mais d’une “sincère recommandation”. Une “sincère recommandation” n’est pas une simple recommandation habituelle, comment peut-on l’ignorer, la prendre à la légère ! Et puis il est dit : “dans le plus bref délai” — non dans le délai le plus long, ni dans un délai relativement long ou même simplement bref, mais “dans le plus bref délai”. Et pour que l’assemblée nationale se réunisse dans le plus bref délai, il faut “hâter” sa convocation. Or, quinze années se sont écoulées depuis la mort du Dr Sun Yat-sen, et l’assemblée nationale qu’il recommandait n’a toujours pas été convoquée. On s’agite jour après jour à propos de la tutelle politique, et l’on y a stupidement perdu son temps ; “le plus bref délai” est devenu le délai le plus long, et, pour comble, on se réclame à tout instant du Dr Sun Yat-sen. Comme l’âme du Dr Sun Yat-sen doit condamner du haut des cieux ses indignes héritiers ! Il est parfaitement clair aujourd’hui que si l’on ne “hâte” pas les gens, aucun progrès ne se fera. Il faut les “hâter”, car beaucoup sont en train de faire marche arrière et beaucoup d’autres n’ont pas encore pris conscience.

Puisque certains n’avancent pas, il faut les “hâter”. Et de même pour d’autres qui avancent lentement. C’est pourquoi nous avons tenu tant de rassemblements pour hâter l’établissement du régime constitutionnel. La jeunesse en a tenu, ainsi que les femmes, les ouvriers, les écoles, les administrations et les unités de l’armée, et ces meetings se distinguent tous par leur dynamisme et leur excellente organisation. Aujourd’hui, nous tenons dans le même but un meeting général pour hâter, d’un commun effort, l’instauration d’un régime constitutionnel et la mise en application des préceptes du Dr Sun Yat-sen.

Certains disent : Vous êtes à Yenan, alors que ces gens-là se trouvent dans diverses autres régions ; à quoi servent vos efforts pour les hâter s’ils ne vous écoutent pas ? Ces efforts ne sont pas inutiles, car la situation évolue, et ils seront obligés de nous écouter. Organisons un grand nombre de meetings, écrivons beaucoup d’articles, faisons de nombreuses conférences, envoyons télégramme sur télégramme, et ils ne pourront faire autrement que de tenir compte de tout cela. J’estime que nos nombreux meetings à Yenan ont un double but : premièrement, étudier la question, et deuxièmement, pousser les gens à aller de l’avant. Pourquoi étudier ? Ces gens-là n’avancent pas, vous devez les “hâter”, et s’ils demandent pourquoi, vous devez pouvoir leur répondre. Or, pour répondre, il faut étudier sérieusement l’argumentation sur la question du régime constitutionnel. Il y a quelques instants, notre vieux camarade Wou a longuement parlé à ce sujet, en faisant valoir de nombreux arguments. Tous les établissements d’enseignement, toutes les administrations, toutes les unités de l’armée, tous les milieux de la population doivent étudier la question du régime constitutionnel qui se pose à nous.

Quand nous l’aurons bien étudiée, nous pourrons pousser les gens à aller de l’avant. Les pousser revient à les “hâter”, et si l’on pousse de partout, les choses se mettront progressivement en mouvement. Puis, de la multitude des petits ruisseaux naîtra un fleuve puissant, qui emportera tout ce qui est corrompu et ténébreux, et alors apparaîtra le régime constitutionnel de démocratie nouvelle. L’effet d’une telle impulsion sera considérable. Ce qui se fait à Yenan ne peut manquer d’influer sur toute la Chine.

Camarades, pensez-vous qu’il nous suffira de tenir des réunions et d’expédier des télégrammes pour que les irréductibles prennent peur, se mettent à avancer et se conforment à nos ordres? Non, ils ne seront pas si dociles. Beaucoup d’entre eux sortent d’une école spéciale pour la formation des irréductibles. Tels ils sont aujourd’hui, tels ils resteront demain et après-demain. Et qu’est-ce qu’un irréductible ? C’est un entêté, un endurci fermé à tout progrès, que ce soit aujourd’hui, demain ou après-demain. Voilà ce qu’on appelle un irréductible. Nous faire écouter de ces gens-là n’est pas une petite affaire.

En ce qui concerne les régimes constitutionnels instaurés jusqu’ici dans le monde, que ce soit en Grande-Bretagne, en France, aux États-Unis ou en U.R.S.S., c’est toujours après le triomphe de la révolution qu’était proclamée la loi fondamentale, c’est-à-dire la Constitution, reconnaissant l’existence de fait de la démocratie. En Chine, il en est autrement : la révolution n’est pas achevée, et nulle part dans le pays, à l’exception des territoires tels que notre Région frontière, le régime démocratique n’est encore devenu une réalité. La réalité, c’est que la Chine est sous un régime semi-colonial et semi-féodal et que, même si une bonne Constitution était promulguée, elle serait forcément paralysée par l’obstruction des forces féodales, elle se heurterait inévitablement aux obstacles dressés par les irréductibles. Il est impossible d’en escompter une application aisée. Par conséquent, le mouvement actuel pour un régime constitutionnel, c’est la lutte pour une démocratie non encore réalisée, et non pas pour la reconnaissance d’une démocratie déjà existante. Ce n’est nullement une entreprise facile, c’est une grande lutte.

Des adversaires de toujours du régime constitutionnel3 se sont mis aujourd’hui à en dire du bien, eux aussi. Pourquoi ? Parce que sous la pression du peuple, qui veut résister au Japon, ils sont bien obligés de se plier un peu aux circonstances. Ils crient même à tue-tête : “Nous avons toujours préconisé un régime constitutionnel !” et ils font un vacarme assourdissant. Nous avons entendu il y a des années les mots : “régime constitutionnel”, mais jusqu’à présent nous n’avons pas encore vu l’ombre d’un tel régime. Ils disent une chose, mais en font une autre ; c’est ce qu’on appelle la duplicité dans la question du régime constitutionnel. Leur expression : “toujours préconisé” en est un bel exemple. Les irréductibles d’aujourd’hui sont précisément de ces gens à double face. Le régime constitutionnel dont ils parlent est pure duperie. Dans un avenir prochain, on vous gratifiera peut-être d’une Constitution, et d’un président de la République par-dessus le marché. Mais la démocratie et la liberté ? Qui sait quand elles vous seront accordées ! La Chine a déjà eu une Constitution. Tsao Kouen ne l’a-t-il pas promulguée4 ? Mais où sont la démocratie et la liberté ? Quant aux présidents de la République, il y en a eu un certain nombre. Le premier, Sun Yat-sen, fut un bon président, mais il fut déposé par Yuan Che-kai. Celui-ci devint le deuxième président, le troisième fut Li Yuan-hong5, le quatrième, Feng Kouo-tchang6 et le cinquième, Siu Che-tchang7 ; cela fait un nombre respectable ; mais, en quoi se différenciaient-ils des empereurs autocrates ? Constitution et présidents n’étaient qu’une imposture. Dans des pays comme la Grande-Bretagne, la France, les États-Unis, ce qu’on appelle régime constitutionnel, régime démocratique n’est en réalité qu’un régime de cannibales. Nous voyons la même situation en Amérique centrale et en Amérique du Sud : de nombreux États arborent l’enseigne républicaine, derrière laquelle il n’y a en fait pas la moindre trace de démocratie. On peut en dire autant des irréductibles actuels en Chine. Leurs bavardages au sujet du régime constitutionnel, c’est tout simplement “mettre une tête de mouton comme enseigne pour vendre de la viande de chien”. Ils exposent la tête de mouton du régime constitutionnel mais vendent la viande de chien de la dictature d’un seul parti. Je ne me laisse pas aller à des accusations gratuites. J’ai, pour les traiter ainsi, des preuves à l’appui, à savoir que, tout en pérorant sur le régime constitutionnel, ils n’accordent pas au peuple la moindre parcelle de liberté.

Camarades, un véritable régime constitutionnel ne s’obtient pas sans peine, mais au prix d’une lutte ardue. Ne vous imaginez donc pas qu’il nous suffise de tenir des réunions, d’expédier des télégrammes, d’écrire des articles pour que surgisse le régime constitutionnel. Et ne croyez pas davantage qu’il suffise au Conseil politique national8 d’adopter une résolution, au Gouvernement national de publier un décret, à l’Assemblée nationale9, qui sera convoquée le 12 novembre, de promulguer une Constitution et même d’élire un président de la République pour que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes, pour que la paix règne sous le soleil. Non, c’est impossible, et il ne faut pas donner dans la confusion. Vous devrez expliquer clairement la situation aux simples gens, afin qu’ils ne soient pas désorientés. Les choses sont loin d’être si simples.

Est-ce à dire que “tout est perdu”, que les difficultés sont telles qu’il n’y a plus d’espoir ? Non, ce n’est pas cela non plus. L’espoir, et même un grand espoir, d’instaurer un régime constitutionnel existe toujours ; la Chine deviendra sûrement un État de démocratie nouvelle. Pourquoi ? Les difficultés présentes sont dues aux menées des irréductibles, mais ceux-ci ne peuvent rester éternellement tels qu’ils sont, de là vient que nous avons de sérieuses raisons d’espérer. Les irréductibles du monde peuvent bien s’obstiner aujourd’hui, demain et après-demain, ils ne peuvent s’obstiner éternellement ; en fin de compte, ils devront changer. Wang Tsing-wei, par exemple, est resté longtemps un irréductible, mais quand il lui fut impossible de se maintenir tel qu’il était dans le camp de la Résistance, force lui fut de se jeter carrément dans les bras des Japonais. Un autre exemple : celui de Tchang Kouo-tao ; lui aussi est resté longtemps un irréductible, nous avons alors organisé plusieurs réunions pour lutter contre lui, et il a filé. Au fond, les irréductibles sont obstinés, mais non immuables ; ils finissent par changer : ils deviennent aussi répugnants que de la crotte de chien. Certains changent en mieux, et cela aussi résulte de la lutte, des luttes réitérées menées contre eux : ils reconnaissent leurs torts et s’amendent. En un mot, les irréductibles sont sujets à des changements. Ils ont toujours en main quantité de combinaisons, notamment pour nuire aux autres à leur propre profit et faire jouer leur duplicité. Mais ils aboutissent toujours au contraire du résultat escompté. Ils commencent par vouloir nuire aux autres et finissent par se nuire à eux-mêmes. Nous avons dit autrefois que Chamberlain avait “soulevé une pierre pour se la laisser retomber sur les pieds” ; et c’est bien ce qui est arrivé. Chamberlain comptait fermement se servir de Hitler comme d’une pierre qu’il pourrait lancer dans les jambes du peuple soviétique ; mais depuis ce jour de septembre de l’an dernier où la guerre a éclaté entre l’Allemagne d’une part, la Grande-Bretagne et la France de l’autre, cette pierre qu’il tenait entre les mains est retombée sur ses propres pieds ; et elle continue à le faire souffrir. De tels exemples abondent en Chine. Yuan Che-kai voulait écraser les pieds au peuple, mais il finit par se frapper lui-même : il mourut quelques mois après s’être proclamé empereur10. Touan Ki-jouei, Siu Che-tchang, Tsao Kouen, Wou Pei-fou et d’autres voulaient subjuguer le peuple, mais finalement ils furent tous renversés par lui. Quiconque cherche à nuire aux autres pour son propre profit est voué à une triste fin !

Je pense que les irréductibles anticommunistes de nos jours ne feront pas exception à la règle à moins qu’ils ne s’engagent dans la voie du progrès. Ils veulent, en s’abritant derrière le beau mot d’“unification”, supprimer la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia, la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, le Parti communiste et les organisations populaires, qui tous sont progressistes. Ils ont tout un plan là-dessus. Mais je crois qu’en fin de compte ce ne sera jamais les irréductibles qui supprimeront le progrès, mais bien le progrès qui supprimera les irréductibles. Ils n’échapperont à ce sort qu’en s’engageant eux-mêmes dans la voie du progrès. Nous leur avons donc souvent conseillé de ne pas attaquer la VIIIe Armée de Route, le Parti communiste et la Région frontière. S’ils y tiennent à tout prix, qu’ils élaborent une résolution commençant par ces mots : “Déterminés à nous supprimer nous-mêmes et à offrir au Parti communiste de larges possibilités de développement, nous, les irréductibles, nous nous fixons pour tâche d’attaquer le Parti communiste et la Région frontière.” Les irréductibles possèdent déjà une fort riche expérience dans l’“extermination des communistes”, et s’ils désirent s’y lancer de nouveau, ils sont libres de le faire. Ils ont le ventre plein et, après un bon somme, ils ont envie de faire un peu d’“extermination” — à leur aise ! Mais alors, qu’ils s’attendent à voir la résolution ci-dessus se réaliser, car cela est inéluctable. L’“extermination des communistes”, poursuivie pendant dix ans, s’était déroulée conformément à cette résolution. Il en ira de même de toute nouvelle tentative. C’est pourquoi je leur conseillerais plutôt d’y renoncer. Le peuple réclame non pas l’“extermination des communistes”, mais la Résistance, l’union et le progrès. Aussi, quiconque voudra l’“extermination des communistes” est voué à l’échec.

En un mot, toute action rétrograde entraîne en définitive un résultat contraire à celui qu’escomptent ses instigateurs. Il n’y a pas d’exception à cela ni dans le passé ni dans le présent, ni chez nous ni à l’étranger.

Il en est de même actuellement du régime constitutionnel. Si les irréductibles continuent à s’opposer à son instauration, il en résultera certainement le contraire de ce qu’ils escomptent. Le mouvement pour un régime constitutionnel ne suivra en aucun cas la voie définie par les irréductibles ; il ira à l’encontre de leur désir et suivra inévitablement la voie tracée par le peuple. Il en sera certainement ainsi, car le peuple entier le veut, tout comme l’exigent le développement historique de la Chine et le cours général des événements mondiaux. Qui donc est en mesure d’y résister ? On ne peut faire tourner à rebours la roue de l’histoire. Cependant, le travail que nous entreprenons demande du temps et ne peut se faire du jour au lendemain ; il réclame des efforts et ne peut s’accomplir n’importe comment ; il requiert une mobilisation des masses populaires et ne saurait être accompli par la force d’un seul bras. C’est fort bien que nous soyons rassemblés ici aujourd’hui ; après cette réunion, il faudra encore écrire des articles et envoyer des télégrammes, il faudra organiser des assemblées analogues dans le Woutaichan, dans le Taihangchan, en Chine du Nord, en Chine centrale, dans tout le pays. Si nous travaillons dans ce sens, nous ne serons pas loin du but après quelques années d’efforts. Nous devons absolument mener à bien cette tâche, conquérir la démocratie et la liberté, instaurer un régime constitutionnel de démocratie nouvelle. Si cela ne se faisait pas, si les irréductibles avaient la voie libre, la Chine serait asservie. Pour éviter l’asservissement, il est indispensable d’agir comme il vient d’être dit. Pour cela, il faut que tous déploient leurs efforts. Ainsi, il y aura de fortes chances que notre cause triomphe. Il faut comprendre, de plus, que les irréductibles sont, en définitive, une minorité et que la majorité des gens ne sont pas irréductibles, mais sont capables de suivre la voie du progrès. Avec la majorité opposée à la minorité et les efforts de notre part, nos chances de succès seront encore plus grandes. C’est pourquoi je dis que, malgré les difficultés, il y a beaucoup d’espoir.

  1. Discours prononcé par le camarade Mao Zedong, à Yenan, devant l’Association pour la Promotion du Régime constitutionnel. A l’époque, déroutés par la propagande mensongère de Tchiang Kaï-chek sur l’“établissement d’un régime constitutionnel”, beaucoup de camarades du Parti pensaient que peut-être le Kuomintang voulait réellement établir un tel régime. Dans son discours, le camarade Mao Zedong dévoila la supercherie de Tchiang Kaï-chek, lui arracha des mains la propagande pour l’établissement d’un régime constitutionnel et en fit une arme pour éveiller le peuple et l’engager à exiger de Tchiang Kaï-chek la démocratie et la liberté. Il en résulta que Tchiang Kaï-chek dut renoncer bientôt à sa supercherie, et pendant toute la durée de la Guerre de Résistance contre le Japon, il n’osa plus reprendre sa propagande pour un “régime constitutionnel”.
  2. Il s’agit du camarade Wou Yu-tchang qui était à l’époque président de l’Association des Milieux de Yenan pour la Promotion du Régime constitutionnel.
  3. Allusion à la clique réactionnaire du Kuomintang, ayant à sa tête Tchiang Kaï-chek.
  4. En 1923, Tsao Kouen, seigneur de guerre du Peiyang, se fit élire président de la République en achetant 590 députés pour 5.000 yuans-argent chacun. Il promulgua ensuite une Constitution qu’on appela à l’époque “Constitution de Tsao Kouen” ou “Constitution de la corruption”.
  5. Commandant de la 21e brigade mixte de la Nouvelle Armée des Tsing, Li Yuan-hong fut contraint par ses officiers et ses soldats de se ranger du côté de la révolution lors de l’Insurrection de Woutchang en 1911 et devint gouverneur militaire du Houpei. Sous le règne des seigneurs de guerre du Peiyang, il fut vice-président, puis président de la République.
  6. Feng Kouo-tchang, un des sous-ordres de Yuan Che-kai, devint, après la mort de ce dernier, chef de la clique du Tcheli (Hopei) des seigneurs de guerre du Peiyang. En 1917, il chassa Li Yuan-hong et devint président.
  7. Siu Che-tchang était un politicien de la clique des seigneurs de guerre du Peiyang, élu président de la République en 1918 par le Parlement que contrôlait Touan Ki-jouei.
  8. Organe purement consultatif que le gouvernement du Kuomintang fut contraint de créer après le début de la Guerre de Résistance contre le Japon. Ses membres étaient tous “invités” par le gouvernement du Kuomintang. Le Conseil comprenait nominalement les représentants de tous les partis et groupements politiques antijaponais, mais en fait les membres du Kuomintang y étaient en majorité. Il ne jouissait d’aucun pouvoir lui permettant d’influer sur la politique et les mesures adoptées par le gouvernement du Kuomintang. Comme le Kuomintang de Tchiang Kaï-chek devenait de plus en plus réactionnaire, le nombre des représentants de la clique réactionnaire du Kuomintang et des autres éléments réactionnaires grandissait au sein du Conseil, alors que celui des démocrates diminuait, et que leur liberté de parole se trouvait de plus en plus limitée ; le Conseil devint de ce fait un simple instrument aux mains de la clique réactionnaire du Kuomintang. Après l’Incident de l’Anhouei du Sud, en 1941, les membres communistes du Conseil refusèrent à plusieurs reprises de siéger, en signe de protestation contre les mesures réactionnaires du Kuomintang.
  9. En septembre 1939, sur la proposition du Parti communiste et des démocrates d’autres partis et groupements politiques, la quatrième session du Conseil politique national adopta une résolution exigeant du gouvernement du Kuomintang la convocation d’une assemblée nationale en vue d’instaurer un régime constitutionnel à une date déterminée. Au mois de novembre de la même année, la sixième session plénière du Comité exécutif central du Kuomintang annonça sa décision de convoquer une assemblée nationale le 12 novembre 1940. Le Kuomintang en profita pour développer sa propagande mensongère. Cependant, cette décision ne fut jamais appliquée.
  10. Yuan Che-kai se proclama empereur le 12 décembre 1915 mais fut contraint de renoncer à ce titre le 22 mars 1916.

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