Mao Zedong
Discours prononcé à une conférence de cadres de la région libérée du Chansi-Soueiyuan
1er avril 1948

Camarades ! Aujourd’hui, je voudrais vous parler principalement de quelques problèmes relatifs à notre travail dans la région libérée du Chansi-Soueiyuan, et puis de quelques problèmes concernant notre travail dans l’ensemble du pays.

I

A mon avis, le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti effectué depuis une année dans la région dirigée par le Sous-bureau du Chansi-Soueiyuan du Comité central du Parti communiste chinois a été couronné de succès.

Ceci peut être considéré sous deux aspects. D’une part, l’organisation du Parti du Chansi-Soueiyuan a combattu des déviations de droite, elle a entraîné les masses dans la lutte, elle a achevé ou est en train d’achever le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti parmi une population de deux millions et plusieurs centaines de milliers d’habitants sur un total d’un peu plus de trois millions d’habitants que compte la région. D’autre part, elle a corrigé quelques déviations “de gauche” survenues au cours de ces mouvements et, de ce fait, elle a engagé l’ensemble de son travail dans la voie d’un sain développement. Sous ces deux aspects, je considère le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti dans la région libérée du Chansi-Soueiyuan comme un succès.

“Désormais”, dit le peuple de la région libérée du Chansi-Soueiyuan, “personne n’osera plus se conduire en féodal, personne n’osera plus malmener les gens, personne n’osera plus se livrer à la corruption.” Telle est la conclusion qu’il tire de notre travail de réforme agraire et de consolidation du Parti. Quand il dit : “personne n’osera plus se conduire en féodal”, il entend que, grâce à la lutte engagée sous notre direction, il a détruit ou est en train de détruire le système d’exploitation féodale dans les nouvelles régions libérées et ses derniers vestiges dans les régions libérées anciennes et semi-anciennes. Quand il dit : “personne n’osera plus malmener les gens, personne n’osera plus se livrer à la corruption”, il fait allusion au phénomène grave que constituait l’existence d’un certain degré d’impureté dans la composition de classe ou dans le style de travail de nos organisations du Parti et de nos organismes gouvernementaux; nombre de mauvais éléments s’y étaient insinués; nombre d’individus avaient développé un style de travail bureaucratique, avaient abusé de leur pouvoir et malmené les gens, et avaient employé des méthodes coercitives et autoritaires dans l’exécution des tâches, suscitant par là le mécontentement des masses; ou encore ils s’étaient rendus coupables de corruption ou avaient porté atteinte aux intérêts des masses; cette situation a radicalement changé après une année de travail pour la réforme agraire et la consolidation du Parti.

Un des camarades ici présents m’a dit : “Ce qui était funeste pour nous est maintenant écarté, ce qui nous manquait jusqu’ici, nous l’avons maintenant.” Par ce qui était funeste, il entendait le phénomène grave d’une certaine impureté dans la composition de classe ou dans le style de travail des organisations du Parti et des organismes gouvernementaux, et le mécontentement que cela provoquait parmi les masses. Ce phénomène a été complètement éliminé. Par ce qui nous manquait jusqu’ici, et que nous avons maintenant, il faisait allusion aux ligues de paysans pauvres, aux nouvelles unions paysannes, aux assemblées des représentants du peuple à l’échelon de l’arrondissement ou du village et à la nouvelle atmosphère qui prévaut à la campagne par suite de la réforme agraire et de la consolidation du Parti.

Je trouve que ces échos correspondent à la réalité.

Tel est le grand succès du travail de réforme agraire et de consolidation du Parti dans la région libérée du Chansi-Soueiyuan. C’est le premier aspect de notre succès. C’est seulement sur cette base que l’organisation du Parti du Chansi-Soueiyuan a pu accomplir en une année un immense travail au service de l’armée, pour soutenir la grande Guerre de Libération populaire. Sans les succès obtenus dans le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti, il aurait été difficile de mener à bien, sur le plan militaire, une tâche d’une telle ampleur.

D’autre part, l’organisation du Parti du Chansi-Soueiyuan a corrigé quelques déviations “de gauche” survenues au cours de son travail. Il y eut principalement trois déviations de cet ordre. Premièrement, dans de nombreux endroits, en déterminant l’appartenance de classe, on a mis à tort dans la catégorie des propriétaires fonciers ou des paysans riches de nombreux travailleurs qui n’ont pas pratiqué du tout l’exploitation féodale ou qui ne l’ont pratiquée que dans une faible mesure; de ce fait, on a eu tort de porter l’attaque sur un secteur trop large, oubliant ce principe stratégique des plus importants: nous pouvons et devons rallier à nous dans la réforme agraire environ 92 pour cent des familles ou environ 90 pour cent de la population des régions rurales, c’est-à-dire tout le peuple travailleur de la campagne, afin de constituer un front uni contre le système féodal. A présent, cette déviation est corrigée. En conséquence, la population est grandement rassurée et le front uni révolutionnaire est plus solide. Deuxièmement, au cours de la réforme agraire, on a empiété sur les intérêts des entreprises industrielles et commerciales appartenant aux propriétaires fonciers et aux paysans riches ; au cours de la lutte pour déceler les agissements contre-révolutionnaires dans le domaine économique, on a dépassé les limites prescrites ; en politique fiscale, on a porté préjudice à l’industrie et au commerce. Telles étaient les déviations “de gauche” à l’égard de l’industrie et du commerce. Maintenant, elles sont également corrigées, ce qui permet à l’industrie et au commerce de se relever et de se développer. Troisièmement, au cours de l’âpre lutte menée depuis une année pour réaliser la réforme agraire, l’organisation du Parti du Chansi-Soueiyuan n’a pas su s’en tenir fermement, sans équivoque, à la politique du Parti qui défend strictement de frapper et de tuer sans discrimination, de sorte qu’en certains endroits des propriétaires fonciers et des paysans riches ont été mis à mort pendant la réforme agraire sans que cela fût nécessaire, et les mauvais éléments de la campagne furent à même de profiter de la situation pour se venger en assassinant un certain nombre de travailleurs. Certes, nous considérons qu’il est absolument nécessaire et juste que soient condamnés à mort, par les tribunaux populaires et les autorités démocratiques, les grands criminels qui ont combattu de façon active et grave la révolution démocratique populaire et ont saboté la réforme agraire, c’est-à-dire les contre-révolutionnaires et les tyrans locaux coupables des plus grands forfaits. Sans cela, l’ordre démocratique ne pourrait être institué. Mais il est défendu de mettre à mort de simples sous-ordres du Kuomintang, le commun des propriétaires fonciers et des paysans riches ou les individus dont la culpabilité est de moindre importance. En outre, il est interdit aux tribunaux populaires et aux autorités démocratiques d’user de violence physique dans l’interrogatoire des criminels. Les déviations de cet ordre qui se sont produites depuis un an dans la région du Chansi-Soueiyuan sont également corrigées.

Toutes ces déviations ayant été dûment corrigées, nous sommes fondés à dire que l’ensemble du travail dirigé par le Sous-bureau du Chànsi-Soueiyuan du Comité central est engagé dans la voie d’un sain développement.

La méthode de travail fondamentale, qui doit être ancrée dans l’esprit de tout communiste, c’est de déterminer notre ligne de conduite d’après les conditions réelles. L’examen des erreurs commises montre qu’elles sont toutes dues au fait que nous n’avons pas tenu compte de la situation réelle telle qu’elle existait à un moment et en un lieu donné, et que nous nous sommes montrés subjectifs en déterminant notre ligne de conduite pour le travail. Que tous nos camarades en tirent la leçon.

Pour ce qui est de la consolidation des organisations de base du Parti, vous avez, en vous conformant à la directive du Comité central sur le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti dans les régions libérées anciennes et semi-anciennes1, utilisé l’expérience acquise dans le district de Pingchan, de la région libérée du Chansi-Tchahar-Hopei, c’est-à-dire que vous avez invité, parmi les masses, des éléments actifs hors Parti à participer aux réunions de cellules du Parti au cours desquelles vous avez développé la critique et l’autocritique pour en finir avec l’état d’impureté dans la composition de classe ou dans le style de travail des organisations du Parti, permettant à celui-ci de resserrer ses liens avec les masses populaires. Cela vous mettra à même de mener à bonne fin tout le travail de consolidation des organisations du Parti.

En ce qui concerne les membres du Parti et les cadres qui ont commis des fautes, mais peuvent encore être éduqués et qui ne doivent pas être confondus avec les incorrigibles, il ne faut pas les abandonner mais les éduquer tous, quelle que soit leur origine de classe. Il est heureux aussi que vous ayez appliqué ou appliquiez maintenant ce principe.

Dans la lutte contre le système féodal, une expérience des plus précieuses est d’avoir institué, sur la base des ligues de paysans pauvres et des unions paysannes, les assemblées des représentants du peuple à l’échelon de l’arrondissement et du village (ou du canton). Seule une assemblée qui repose sur la volonté de masses vraiment larges est une véritable assemblée des représentants du peuple. Il est maintenant possible de voir se constituer des assemblées de ce genre dans toutes les régions libérées. Une fois établie, une telle assemblée doit devenir l’organe local du pouvoir populaire ; elle doit être investie de toute l’autorité qui lui revient, de même que le conseil gouvernemental qu’elle a élu. La ligue des paysans pauvres et l’union paysanne deviendront alors ses auxiliaires. Notre idée était de ne mettre sur pied des assemblées des représentants du peuple dans les régions rurales qu’après avoir, en gros, achevé la réforme agraire. Maintenant que votre expérience et l’expérience acquise dans d’autres régions libérées ont prouvé qu’il est possible et nécessaire d’instituer, en pleine lutte de la réforme agraire, ces assemblées à l’échelon de l’arrondissement et du village, avec les conseils gouvernementaux élus par elles, vous devez continuer de procéder ainsi. Il doit en être de même pour toutes les régions libérées. Lorsqu’on aura généralisé l’institution des assemblées des représentants du peuple à l’échelon de l’arrondissement et du village, on pourra mettre sur pied celles de l’échelon du district. Quand les assemblées des représentants du peuple à l’échelon du district et au-dessous auront été instituées, il sera facile de mettre sur pied celles des échelons au-dessus du district. Les assemblées des représentants du peuple aux différents échelons doivent, autant que possible, englober des représentants de toutes les couches démocratiques de la population — ouvriers, paysans, artisans et autres travailleurs individuels, membres des professions libérales, intellectuels, industriels et commerçants de la bourgeoisie nationale, hobereaux éclairés. Bien entendu, il ne faut pas chercher à composer tant bien que mal une représentation au complet ; il faut faire la distinction entre régions rurales avec bourgs et régions rurales sans bourgs, entre bourgs de grandeur différente, entre villes et régions rurales, et accomplir d’une façon naturelle et non mécanique la tâche d’unir toutes les couches démocratiques.

Au cours de la grande lutte de masse pour la réforme agraire et la consolidation du Parti, des dizaines de milliers d’éléments actifs et de cadres ont été éduqués et formés. Ils sont liés aux masses et ils constituent un capital extrêmement précieux pour la République populaire de Chine. Dorénavant, nous devons intensifier nos efforts pour les éduquer, de sorte qu’ils fassent constamment des progrès dans leur travail. En même temps, il faut les mettre en garde contre l’orgueil et la suffisance que pourraient leur donner les succès et les éloges.

En raison de tout cela, en raison des succès obtenus dans ces différents domaines, nous pouvons dire que la région libérée du Chansi-Soueiyuan est aujourd’hui mieux consolidée que jamais. Les autres régions libérées qui ont travaillé dans le même sens se sont également consolidées.

II

Les causes des succès remportés dans la région libérée du Chansi-Soueiyuan, pour autant qu’il s’agit de la direction, sont principalement les suivantes :

1. Conformément aux instruction données de vive voix par le camarade Liou Chao-chi au printemps 1947, et en s’aidant du travail accompli par le camarade Kang Cheng dans le village administratif de Haokiapo, du district de Linhsien, au printemps et en été de 1947, le Sous-bureau du Chansi-Soueiyuan a tenu en juin dernier une conférence des secrétaires des comités préfectoraux du Parti. La conférence critiqua les déviations de droite qui avaient existé auparavant dans le travail, mit en pleine lumière le fait grave qu’on s’était écarté de diverses manières de la ligne du Parti et décida d’adopter la politique d’entreprendre consciencieusement le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti. Dans l’ensemble, la conférence fut un succès. Sans elle, un aussi vaste mouvement de réforme agraire et de consolidation du Parti n’aurait pu réussir. La conférence présente néanmoins les insuffisances que voici : elle n’a pas différencié les lignes de conduite selon les conditions particulières aux différentes régions libérées, anciennes, semi-anciennes et nouvelles; elle a adopté une politique gauchiste dans la détermination de l’appartenance de classe; dans la question des moyens à utiliser pour détruire le système féodal, elle a trop insisté sur la détection des biens enfouis par les propriétaires fonciers; au sujet de la conduite à tenir vis-à-vis des revendications des masses, elle a, sans procéder à une analyse lucide du problème, mis en avant, de façon vague, le mot d’ordre “Faire tout ce que veulent les masses”. Ce dernier point, qui est le problème des relations entre le Parti et les masses, il faut le comprendre ainsi : le Parti doit guider les masses dans la réalisation de toutes leurs idées justes en fonction des circonstances, il doit éduquer les masses pour qu’elles corrigent les idées fausses qui se sont manifestées dans leurs rangs. La conférence a insisté seulement sur le fait que le Parti doit réaliser les idées des masses, mais elle a négligé le fait que le Parti doit aussi éduquer et diriger les masses, négligence qui eut par la suite une influence néfaste sur les camarades de certains districts et aggrava leurs erreurs de suivisme.

2. En janvier dernier, le Sous-bureau du Chansi-Soueiyuan a pris des mesures appropriées pour corriger les déviations “de gauche”. Ces mesures furent appliquées après le retour des camarades du Sous-bureau qui avaient participé à la réunion de décembre du Comité central2. Le Sous-bureau émit à cet effet une directive en cinq points3. Ces mesures correctives répondaient si bien aux vœux des masses et furent exécutées si rapidement et si radicalement qu’en un court laps de temps presque toutes les déviations “de gauche” furent corrigées.

III

Pendant la Guerre de Résistance contre le Japon, la ligne directrice de l’organisation du Parti dans le Chansi-Soueiyuan était fondamentalement juste. Cela s’est manifesté dans la réduction des fermages et du taux d’intérêt, dans le relèvement et le développement substantiel de la production agricole, du filage et du tissage à domicile, des industries de guerre et de certaines branches de l’industrie légère, et dans le fait que les bases des organisations du Parti ont été jetées, qu’un gouvernement démocratique a été établi, et une armée populaire de près de cent mille hommes mise sur pied. C’est en nous appuyant sur tout ce travail que nous avons pu remporter la victoire dans la Guerre de Résistance contre le Japon et repousser les attaques de Yen Si-chan et d’autres réactionnaires. Evidemment, durant cette période, le Parti et le gouvernement ont eu aussi des insuffisances : c’était, comme nous avons pu le voir clairement maintenant, un certain degré d’impureté dans la composition de classe de nos rangs et dans le style de travail, ainsi que les fâcheux effets qui en résultaient pour notre travail. Mais, dans son ensemble, le travail effectué pendant la Guerre de Résistance a été fructueux, ce qui nous a placés dans des conditions favorables pour briser, après la capitulation du Japon, les attaques contre-révolutionnaires de Tchiang Kaï-chek. Les insuffisances ou erreurs dans la direction de l’organisation du Parti au Chansi-Soueiyuan pendant la Guerre de Résistance étaient principalement de n’avoir su s’appuyer sur les masses les plus larges pour faire disparaître les impuretés existant à un certain degré dans la composition de classe et dans le style de travail des organisations du Parti et des organismes gouvernementaux, ainsi que les effets fâcheux qui en résultaient pour notre travail. Cette tâche, vous l’avez maintenant accomplie. L’une des raisons d’un tel état de choses, c’est que bien des aspects de la situation réelle du Parti et des masses n’avaient pas été compris par certains camarades qui dirigeaient alors le Chansi-Soueiyuan. Que cela serve également de leçon à nos camarades.

IV

L’organisation du Parti dans le Chansi-Soueiyuan a maintenant la tâche de faire les plus grands efforts pour achever le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti, pour continuer à mener et à soutenir la Guerre de Libération populaire, pour éviter d’accroître les charges du peuple et les alléger dans la mesure du possible, enfin pour relever et développer la production. Vous tenez actuellement une conférence consacrée à la production. Pendant les prochaines années, le but du relèvement et du développement de la production sera d’une part d’améliorer la vie du peuple et d’autre part de soutenir la Guerre de Libération populaire. Vous avez une agriculture et une industrie artisanale largement répandues, ainsi que quelques industries légères et lourdes utilisant des machines. J’espère que vous ferez du bon travail en dirigeant ces entreprises de production, sinon vous ne seriez pas de bons marxistes. Dans l’agriculture, les équipes d’échange de travail et les coopératives4 qui ont été entre les mains d’éléments imbus de bureaucratie et qui n’ont fait que du tort au peuple se sont toutes effondrées. C’est parfaitement compréhensible et il n’y a là rien à regretter. Votre tâche est de vous appliquer à protéger et à développer les équipes d’échange de travail, les coopératives et les autres formes d’entreprises économiques nécessaires qui ont obtenu l’appui des masses, et à les établir partout.

V

La situation dans l’ensemble du pays préoccupe nos camarades. Depuis que la Conférence nationale agraire du Parti, réunie l’an dernier, a adopté une politique nouvelle pour développer le travail de réforme agraire et de consolidation du Parti, de larges conférences de cadres consacrées à ces deux objets ont été tenues dans presque toutes les régions libérées. On y a critiqué les idées déviationnistes de droite existant dans le Parti et mis au grand jour le fait grave que la composition de classe de nos rangs et notre style de travail présentent un certain degré d’impureté. Par la suite, des mesures appropriées ont été prises dans de nombreuses régions et les déviations “de gauche” ont été corrigées ou sont en train de l’être. Ainsi, face à une situation politique nouvelle et à de nouvelles tâches politiques, notre Parti a pu dans l’ensemble du pays engager son travail dans la voie d’un sain développement. Ces derniers mois, on a utilisé dans presque toutes les unités de l’Armée populaire de Libération les intervalles entre les batailles pour entreprendre un vaste travail d’instruction et de consolidation. Ce travail a été mené selon la méthode démocratique, mais en même temps sous une bonne direction et dans un ordre parfait. Par là, on a stimulé l’ardeur révolutionnaire des masses de commandants et de combattants en leur faisant comprendre clairement le but de la guerre, on a mis fin à certaines tendances idéologiques erronées et à certains phénomènes fâcheux apparus dans l’armée, on a éduqué les cadres et les soldats et fortement accru la puissance de combat de l’armée. Nous devons continuer à développer ce mouvement d’éducation idéologique dans l’armée, mouvement démocratique de masse d’un type nouveau. Vous vous rendez bien compte que notre ennemi, le Kuomintang, est incapable d’entreprendre aucune de ces tâches de grande importance historique — consolidation du parti, éducation idéologique de l’armée, réforme agraire — que nous avons toutes accomplies. De notre côté, nous nous sommes attachés sérieusement à surmonter nos insuffisances et nous avons fait en sorte que tout le Parti et toute l’armée soient unis pour ainsi dire comme un seul homme; aussi tout le Parti et toute l’armée ont-ils établi des liens étroits avec les masses populaires, toutes les mesures politiques et toutes les tactiques fixées par le Comité central de notre Parti sont-elles appliquées avec efficacité, et la Guerre de Libération populaire se poursuit-elle victorieusement. Du côté de nos ennemis, c’est tout le contraire. Ils sont tellement corrompus, tellement déchirés par des querelles intestines inapaisables et toujours accrues, tellement désavoués par le peuple, relégués dans un isolement si complet et tant de fois défaits sur le champ de bataille qu’ils vont inévitablement à leur perte. Voilà comment se présente dans l’ensemble le contraste de la révolution et de la contre-révolution en Chine.

Face à cette situation, tous les camarades du Parti doivent s’en tenir fermement à la ligne générale du Parti, qui est la ligne de la révolution de démocratie nouvelle. Cette révolution n’est pas n’importe quelle révolution ; elle ne peut et ne doit être qu’une révolution des larges masses populaires, sous la direction du prolétariat, contre l’impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique. Cela veut dire que la direction dans cette révolution ne peut et ne doit être assumée par aucune autre classe et aucun autre parti que le prolétariat et le Parti communiste chinois. Cela veut dire que le front uni de ceux qui prennent part à cette révolution est très large, qu’il comprend les ouvriers, les paysans, les artisans et autres travailleurs individuels, les membres des professions libérales, les intellectuels, la bourgeoisie nationale et un petit nombre de hobereaux éclairés détachés de la classe des propriétaires fonciers. Ils forment ensemble ce que nous appelons les larges masses populaires. L’Etat et le gouvernement à fonder par ces larges masses populaires seront la République populaire de Chine et le gouvernement démocratique de coalition dirigé par le prolétariat et reposant sur l’alliance de toutes les classes démocratiques. Les ennemis que cette révolution a pour but de renverser ne peuvent et ne doivent être que l’impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique. L’expression condensée de tous ces ennemis est le régime réactionnaire du Kuomintang de Tchiang Kaï-chek.

Le féodalisme est l’allié de l’impérialisme et du capitalisme bureaucratique et sert de base à leur domination. C’est pourquoi la réforme du système agraire est le contenu essentiel de la révolution de démocratie nouvelle en Chine. La ligne générale de la réforme agraire consiste à s’appuyer sur les paysans pauvres et à s’unir avec les paysans moyens pour liquider le système d’exploitation féodale avec méthode et discernement et pour développer la production agricole. La force fondamentale sur laquelle nous nous appuyons au cours de la réforme agraire ne peut et ne doit être que les paysans pauvres. Cette couche de paysans constitue, avec les salariés agricoles, environ 70 pour cent de la population rurale de la Chine. La tâche principale et immédiate de la réforme agraire est de satisfaire les revendications des masses de paysans pauvres et de salariés agricoles. Dans la réforme agraire, il est indispensable de nous unir aux paysans moyens ; les paysans pauvres et les salariés agricoles doivent s’allier aux paysans moyens, qui représentent environ 20 pour cent de la population rurale, pour constituer un solide front uni. Autrement, les paysans pauvres et les salariés agricoles se trouveraient isolés et la réforme agraire échouerait. L’une des tâches de la réforme agraire est de satisfaire les revendications d’un certain nombre de paysans moyens. Une partie d’entre eux doit être autorisée à disposer individuellement de plus de terre que n’en reçoivent en moyenne les paysans pauvres. Si nous soutenons la revendication paysanne d’une répartition égale des terres, c’est pour faciliter la mise en mouvement des larges masses paysannes en vue de liquider rapidement le système de propriété foncière pratiqué par la classe féodale, mais non pour préconiser un égalitarisme absolu. Qui préconise l’égalitarisme absolu a tort. Il y a une façon de penser, actuellement courante à la campagne, qui porte préjudice à l’industrie et au commerce et qui préconise l’égalitarisme absolu dans la répartition des terres. Elle est de caractère réactionnaire, arriéré et rétrograde, et nous devons la critiquer. Au cours de la réforme agraire, on ne prend et ne doit prendre pour cible que le système d’exploitation féodale pratiqué par la classe des propriétaires fonciers et les paysans riches de type ancien, et il ne faut porter atteinte ni aux intérêts de la bourgeoisie nationale ni à ceux des entreprises industrielles et commerciales gérées par les propriétaires fonciers et les paysans riches. Il faut particulièrement prendre garde à ne pas léser les intérêts de ces paysans moyens, artisans et autres travailleurs individuels, membres des professions libérales et paysans riches de type nouveau qui ne pratiquent pas l’exploitation du travail d’autrui ou ne la pratiquent que dans une faible mesure. Le but de la réforme agraire est de liquider le système d’exploitation féodale, c’est-à-dire de supprimer les propriétaires fonciers féodaux en tant que classe et non en tant qu’individus. C’est pourquoi il faut distribuer à chaque propriétaire foncier la même part de terre et de biens qu’à un paysan, lui apprendre le travail productif et le faire participer à la vie économique du pays. A l’exception des contre-révolutionnaires et des tyrans locaux coupables des plus grands forfaits, qui se sont attiré la haine implacable des larges masses populaires, et qui, si leur culpabilité est établie, peuvent et doivent être châtiés, il faut appliquer une politique d’indulgence vis-à-vis de tous, et il est interdit de frapper et de tuer sans discrimination. Le système d’exploitation féodale doit être supprimé méthodiquement, c’est-à-dire conformément à une tactique. En déclenchant la lutte, nous devons déterminer notre tactique d’après les circonstances et d’après le degré de conscience politique et le degré d’organisation des masses paysannes ; il ne faut pas tenter de liquider en une matinée tout le système d’exploitation féodale. Etant donné les conditions concrètes du système d’exploitation féodale telles qu’elles existent dans les campagnes chinoises, l’ensemble du secteur sur lequel porte l’attaque au cours de la réforme agraire ne doit pas dépasser, en règle générale, environ 8 pour cent des foyers ruraux ou environ 10 pour cent de la population rurale. Dans les régions libérées anciennes et semi-anciennes, le pourcentage devra même être inférieur. Il est dangereux d’élargir par erreur le secteur de l’attaque et de ne pas tenir compte de la réalité. Dans les nouvelles régions libérées, il est en outre nécessaire de distinguer les différents lieux et les différentes étapes. Par distinguer les différents lieux, nous entendons que, dans les endroits que nous pouvons tenir solidement, nous devons concentrer nos efforts sur un travail de réforme agraire approprié qui réponde aux vœux des masses populaires, mais que, dans les endroits qu’il nous est difficile de tenir solidement pour le moment, nous devons, en attendant que la situation change, nous borner aux tâches réalisables et avantageuses pour les masses dans les circonstances actuelles sans nous hâter d’entreprendre la réforme agraire. Par distinguer les différentes étapes, nous entendons que, dans les lieux que l’Armée populaire de Libération vient d’occuper, nous devons mettre en avant et appliquer la tactique consistant à neutraliser les paysans riches ainsi que les moyens et petits propriétaires fonciers, en bornant nos attaques à détruire les forces armées réactionnaires du Kuomintang et à porter des coups seulement aux mauvais hobereaux et aux tyrans locaux. Nous devons concentrer tous nos efforts sur l’accomplissement de cette tâche comme première étape du travail dans les nouvelles régions libérées. Après quoi, au fur et à mesure de l’élévation du niveau de conscience politique et d’organisation des masses, nous avancerons vers l’étape de la suppression totale du système féodal. Dans les nouvelles régions libérées, nous ne devons distribuer les biens mobiliers et les terres que lorsque la situation sera devenue relativement stable et que l’immense majorité des masses aura été entièrement soulevée ; autrement, ce serait risqué, incertain, préjudiciable. Dans les nouvelles régions libérées, l’expérience acquise durant la Guerre de Résistance doit être pleinement mise à profit. Ce que nous entendons par liquidation du féodalisme avec discernement, c’est la nécessité de faire la distinction entre propriétaires fonciers et paysans riches; entre gros, moyens et petits propriétaires fonciers; entre tyrans et non-tyrans parmi les propriétaires fonciers et paysans riches. Tout en observant le principe majeur de la répartition égale des terres et de la liquidation du système féodal, nous ne devons pas, à leur égard, prendre des décisions uniformes, mais différencier selon leurs conditions notre manière de les traiter. Si nous procédons ainsi, on verra bien que notre action est tout à fait conforme au bon sens. Le développement de la production agricole est le but immédiat de la réforme agraire. Seule la suppression du système féodal peut créer les conditions nécessaires à ce développement. Dans chaque région, dès que le système féodal est éliminé et la réforme agraire achevée, le Parti et le gouvernement démocratique doivent mettre à l’ordre du jour le relèvement et le développement de la production agricole, concentrer sur cette tâche toutes les forces disponibles à la campagne, organiser la coopération et l’entraide, perfectionner la technique agricole, préconiser la sélection des semences et entreprendre des travaux hydrauliques, le tout pour assurer l’accroissement de la production. Les organisations du Parti des régions rurales doivent consacrer la plus grande part de leur énergie à relever et à développer la production agricole et aussi la production industrielle dans les bourgs. En vue d’accélérer ce relèvement et ce développement, nous devons, au cours de notre lutte pour la liquidation du système féodal, faire tous nos efforts pour préserver autant que possible tous les moyens de production et moyens d’existence utilisables, en prenant des mesures énergiques contre quiconque les détruit ou les gaspille, en nous opposant aux excès de table et en veillant à une stricte économie. Pour développer la production agricole, nous devons recommander aux paysans de s’organiser, progressivement et selon le principe du libre consentement, en divers types de coopératives de production et de consommation basées sur la propriété privée et dans le cadre des conditions économiques actuelles. La liquidation du système féodal et le développement de la production agricole poseront les bases pour le développement de la production industrielle et la transformation de notre pays agricole en pays industriel. C’est là le but final de la révolution de démocratie nouvelle.

Vous savez, camarades, que notre Parti a défini la ligne générale et la politique générale de la révolution chinoise et arrêté diverses lignes de travail et mesures politiques particulières. Toutefois, il arrive souvent que les camarades retiennent les lignes de travail et mesures politiques particulières et oublient la ligne générale et la politique générale du Parti. Si vraiment nous oublions la ligne générale et la politique générale du Parti, nous serons des révolutionnaires aveugles, des demi-révolutionnaires à l’esprit confus et, en appliquant une ligne de travail ou des mesures politiques particulières, nous perdrons le nord, nous pencherons tantôt à gauche, tantôt à droite, et notre travail en souffrira.

Permettez-moi de répéter encore une fois :

La révolution des larges masses populaires, sous la direction du prolétariat, contre l’impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique, voilà la révolution de démocratie nouvelle en Chine, voilà la ligne générale et la politique générale du Parti communiste chinois à l’étape actuelle de l’histoire.

S’appuyer sur les paysans pauvres et s’unir avec les paysans moyens pour liquider le système d’exploitation féodale avec méthode et discernement et pour développer la production agricole, voilà la ligne générale et la politique générale du Parti communiste chinois dans le travail de réforme agraire durant la période de la révolution de démocratie nouvelle.

  1. Cette directive du Comité central du Parti communiste chinois fut émise le 22 février 1948. Elle fit le bilan de l’expérience acquise au cours du travail de réforme agraire et de consolidation du Parti dans les différentes régions libérées, elle fixa une série de mesures politiques et de méthodes pour la réforme agraire et la consolidation du Parti et rectifia surtout les déviations “de gauche” survenues au cours de l’exécution de ces deux tâches dans certaines régions.
  2. Voir la note introductive à “La Situation actuelle et nos tâches”, pp. 162-163 du présent tome.
  3. Il s’agit de la “Directive sur la correction des erreurs commises dans la détermination de l’appartenance de classe et sur l’union à réaliser avec les paysans moyens”, émise le 13 janvier 1948 par le Sous-bureau du Chansi-Soueiyuan du Comité central du Parti communiste chinois. Elle est divisée en cinq parties dont les points essentiels sont :
    1. Les critères pour déterminer l’appartenance de classe n’ayant pas été clairement définis, un certain nombre de personnes ont été, à la demande spontanée des paysans, classées à tort comme propriétaires fonciers ruinés ou comme paysans riches ; en particulier, des paysans moyens aisés ont été classés à tort comme paysans riches. Cela entravait l’union avec les paysans moyens et constituait une erreur.
    2. Des mesures appropriées doivent être prises pour persuader énergiquement les paysans de corriger ces erreurs. Les biens enlevés à leurs propriétaires doivent leur être restitués dans la mesure qui convient.
    3. Il faut expliquer aux paysans et aux cadres que le seul critère pour déterminer l’appartenance de classe doit être celui fondé sur les rapports d’exploitation. Les erreurs commises dans le travail de détermination doivent être corrigées.
    4. Le principe qui consiste à s’appuyer sur les paysans pauvres et les salariés agricoles et à s’unir avec les paysans moyens doit être observé. Les paysans moyens doivent pouvoir participer, dans la proportion d’un tiers environ, aux assemblées de représentants des paysans et aux organes dirigeants des unions paysannes. Dans la perception des impôts et dans la réforme agraire, leurs intérêts doivent être dûment pris en considération.
    5. Les cadres responsables doivent étudier sérieusement la politique de classe du Parti pour les régions rurales. Conformément à la politique du Parti à l’égard des paysans moyens, toute erreur commise dans cette question doit être corrigée ; et elle doit l’être par l’action des masses.
    En même temps que cette directive en cinq points, le Sous-bureau du Chansi-Souei-yuan émit la “Directive sur la protection de l’industrie et du commerce” dans le but de corriger les déviations consistant à porter atteinte à l’industrie et au commerce au cours de la réforme agraire.
  4. Il s’agit des coopératives d’approvisionnement et de vente.

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