Mao Zedong
Contre les activités de capitulation
30 juin 1939

Face à l’agresseur japonais, la première grande question pour la nation chinoise a été jusqu’ici de savoir si elle devait ou non se battre. De l’Incident du 18 Septembre 1931 à l’Incident de Loukeoukiao, le 7 juillet 1937, il y eut à ce sujet une très vive controverse. “Faire la guerre, c’est survivre ; ne pas la faire, c’est périr” était la conclusion de tous les partis et groupements patriotiques, de tous nos concitoyens patriotes. “Faire la guerre, c’est périr ; ne pas la faire, c’est survivre” était la conclusion de tous les capitulards. Les canons de la résistance à Loukeoukiao tranchèrent pour un temps cette controverse, proclamant la justesse de la première conclusion et l’erreur de la seconde. Mais pourquoi ne l’ont-ils tranchée que pour un temps et non définitivement ? Cela s’explique par la politique de l’impérialisme japonais qui cherche à amener la Chine à capituler, par les tentatives de compromis des partisans étrangers de la capitulation1 et par l’instabilité de certains qui font partie de notre front de résistance au Japon.

Maintenant, la question se pose à nouveau, mais en termes quelque peu différents ; elle est devenue une “question de paix ou de guerre”. Ainsi, une controverse a commencé en Chine entre ceux qui sont pour la continuation de la guerre et ceux qui sont pour la conclusion de la paix. Leur position respective n’a pas changé. Selon les premiers : “Faire la guerre, c’est survivre ; conclure la paix, c’est périr”. Selon les seconds : “Conclure la paix, c’est survivre ; faire la guerre, c’est périr”. Le camp des partisans de la guerre, qui comprend tous les partis et groupements patriotiques et tous nos concitoyens patriotes, représente la grande majorité de la nation, alors que le camp des partisans de la paix, c’est-à-dire de la capitulation, ne comprend qu’une minorité hésitante au sein du front antijaponais.

C’est pourquoi le second est amené à recourir à une propagande mensongère, avant tout anticommuniste. Il fabrique à flots continus informations, rapports, documents et résolutions de caractère fallacieux, qui prétendent notamment que “le Parti communiste fomente des troubles”, que “la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée ne font que se déplacer sans combattre et n’obéissent pas au commandement”, que “la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia s’est constituée en fief indépendant et poursuit son expansion”, que “le Parti communiste complote le renversement du gouvernement” et même que “l’Union soviétique machine une agression contre la Chine” ; il cherche par là à masquer la vérité et à préparer l’opinion publique, afin d’atteindre son but qui est la paix, c’est-à-dire la capitulation.

Si les partisans de la paix, c’est-à-dire les capitulards, agissent de la sorte, c’est que le Parti communiste est le promoteur et le champion du front uni national antijaponais, et que, sans le combattre, il leur est impossible de saper la coopération entre ce Parti et le Kuomintang, impossible de rompre le front uni, impossible de capituler. Et puis, ils espèrent que l’impérialisme japonais fera des concessions. Ils estiment que le Japon est à bout de force, qu’il changera sa politique fondamentale, qu’il évacuera de lui-même la Chine centrale, méridionale et même septentrionale, et que la Chine pourra alors vaincre sans avoir à livrer de nouveaux combats. Enfin, ils placent leurs espoirs dans une pression internationale.

Beaucoup d’entre eux espèrent que les grandes puissances feront pression non seulement sur le Japon, pour l’obliger à des concessions et faciliter ainsi la conclusion de la paix, mais encore sur le gouvernement chinois, pour qu’ils puissent dire aux partisans de la continuation de la guerre : “Dans ce climat international, voyez-vous, il ne nous reste plus qu’à conclure la paix !” et “Une conférence internationale du Pacifique2sera avantageuse pour la Chine, ce ne sera pas un autre Munich3, mais un pas vers la renaissance de la Chine !” Tel est l’ensemble des vues, des procédés et des desseins secrets des partisans de la paix, c’est-à-dire des capitulards, en Chine. La scène n’est pas seulement jouée par Wang Tsing-wei, mais, ce qui est bien plus grave, par beaucoup d’autres Wang Tsing-wei, dissimulés au sein du front antijaponais; ils collaborent avec lui pour exécuter un duo4 ou ils se partagent les rôles de héros et de félons.

Nous communistes, nous déclarons publiquement que nous avons toujours été et serons toujours du côté de ceux qui sont pour la continuation de la guerre et que nous sommes résolument opposés à ceux qui sont pour la conclusion de la paix. Ce que nous voulons, c’est, avec tous les partis et groupements patriotiques et tous nos concitoyens patriotes, affermir l’unité, consolider le front uni national antijaponais, renforcer notre coopération avec le Kuomintang, appliquer les trois principes du peuple, mener jusqu’au bout la Guerre de Résistance, combattre jusqu’au Yalou, recouvrer tous les territoires perdus5, et rien de plus.

Nous condamnons résolument tous les Wang Tsing-wei, déclarés ou cachés, qui s’emploient à créer un climat anticommuniste, provoquent des “frictions”6 entre le Kuomintang et le Parti communiste et cherchent même à susciter une nouvelle guerre civile entre les deux partis.

Nous disons à ces gens : Votre complot en vue de la rupture n’est, au fond, que la préparation à la capitulation, et votre politique de capitulation et de rupture ne fait que révéler votre plan général qui est de trahir les intérêts de la nation pour satisfaire la cupidité d’une poignée d’individus ; notre peuple a des yeux, il saura percer à jour votre complot.

Nous rejetons catégoriquement les propos absurdes selon lesquels une conférence du Pacifique ne serait pas un Munich d’Orient. La conférence dite du Pacifique sera bel et bien un Munich d’Orient, elle compte transformer la Chine en une autre Tchécoslovaquie.

Nous condamnons résolument les bavardages prétendant que l’impérialisme japonais reviendrait à la raison et qu’il consentirait à faire des concessions. Il n’abandonnera jamais sa politique fondamentale, qui est l’asservissement de la Chine. Les discours mielleux prononcés par les Japonais après la chute de Wouhan — par exemple, la proposition selon laquelle ces derniers renonceraient à leur politique de “ne plus reconnaître… le Gouvernement national comme interlocuteur dans les pourparlers”7 et consentiraient maintenant à le reconnaître comme tel, ou encore la proposition de retirer leurs troupes de la Chine centrale et méridionale sous certaines conditions — font partie précisément de leur politique perfide visant à faire mordre le poisson à l’hameçon et puis le frire.

Ceux qui le goberont doivent s’attendre à finir dans la poêle. Les partisans étrangers de la capitulation poursuivent également une politique perfide visant à inciter la Chine à capituler. Ils laissent le Japon poursuivre son agression en Chine, pendant qu’eux-mêmes “observent le combat des tigres du haut de la montagne”, attendant le moment propice pour organiser une conférence dite du Pacifique, où ils pensent pouvoir intervenir en médiateurs afin d’en tirer profit à la manière du troisième larron. Placer ses espoirs en ces comploteurs, c’est encore donner droit dans le piège.

La question de savoir s’il faut ou non se battre est devenue aujourd’hui une question de guerre ou de paix, mais c’est au fond la même question, la première et la plus importante de toutes, la question fondamentale. En raison des efforts accrus de la politique japonaise pour inciter la Chine à capituler, du redoublement d’activité des partisans étrangers de la capitulation et surtout des hésitations plus marquées de certaines gens au sein du front antijaponais, il s’est fait, au cours des six derniers mois, un grand battage autour de la question de la guerre ou de la paix ; aussi une capitulation éventuelle est-elle devenue dans la situation politique actuelle le danger principal. Et les capitulards voient dans la lutte contre le communisme, qui signifie la rupture de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste, la rupture de l’unité dans la Résistance, un premier pas, et un pas très important, vers la capitulation.

Dans ces conditions, tous les partis et groupements patriotiques et tous nos concitoyens patriotes doivent suivre d’un œil vigilant l’activité des capitulards ; ils doivent comprendre la particularité essentielle de la situation actuelle, à savoir que la capitulation constitue le danger principal et que la lutte contre le communisme n’est autre chose qu’une préparation à la capitulation, et ils doivent s’opposer de toutes leurs forces à la capitulation et à la rupture. Il est absolument inadmissible qu’un groupe d’individus sapent et trahissent la cause de la guerre contre l’impérialisme japonais, guerre pour laquelle depuis deux ans notre nation verse son sang. Il est absolument inadmissible qu’un groupe d’individus sabotent et rompent le front uni national antijaponais constitué grâce aux efforts de toute la nation.

Si nous continuons la guerre et maintenons l’unité, la Chine survivra.

Si nous acceptons la paix et tolérons la rupture, la Chine périra.

Que faut-il rejeter et que faut-il accepter ? Compatriotes, hâtez vous de choisir !

Nous, communistes, nous sommes décidés à continuer la guerre et à maintenir l’unité.

Tous les partis et groupements patriotiques, tous nos concitoyens patriotes sont décidés à continuer la guerre et à maintenir l’unité.

Même si les capitulards qui complotent la reddition et la rupture réussissent à prendre temporairement le dessus, ils finiront par être démasqués et châtiés par le peuple. La tâche historique qui incombe à la nation chinoise est de s’unir dans la Résistance pour sa libération. Les capitulards veulent suivre une voie opposée, mais quels que soient leurs succès, quelle que soit leur jubilation à s’imaginer qu’ils n’ont personne à craindre, ils n’échapperont pas au châtiment du peuple.

S’opposer à la capitulation et à la rupture, voilà la tâche urgente qui s’impose à tous les partis et groupements patriotiques et à tous nos concitoyens patriotes.

Que le peuple tout entier s’unisse ! Qu’il persévère dans la Résistance, maintienne l’unité et déjoue tous les complots qui mènent à la capitulation et à la rupture !

  1. Il s’agit des impérialistes britanniques et américains qui projetaient de s’entendre avec le Japon en sacrifiant la Chine.
  2. Les impérialistes britanniques, américains et français, de connivence avec les partisans chinois de la conclusion de la paix, projetaient d’aboutir, par la voie d’une « conférence internationale du Pacifique », à un compromis avec les agresseurs japonais en acceptant de vendre la Chine. L’opinion publique qualifia ce complot de Munich d’Extrême-Orient. En condamnant dans ce texte l’argument absurde selon lequel une telle conférence ne constituerait pas un Munich d’Orient, le camarade Mao Zedong faisait allusion à certains propos tenus à l’époque par Tchiang Kaï-chek.
  3. En septembre 1938, les chefs des gouvernements de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie tinrent à Munich une conférence qui aboutit à l’Accord de Munich, par lequel la Grande-Bretagne et la France livrèrent la Tchécoslovaquie à l’Allemagne, celle-ci devant, en échange, attaquer l’Union soviétique. En 1938-1939, les impérialistes britanniques et américains essayèrent à plusieurs reprises d’arriver à un compromis avec l’impérialisme japonais en sacrifiant la Chine. En juin 1939, au moment même où le camarade Mao Zedong rédigeait ce texte, des négociations étaient en cours entre la Grande-Bretagne et le Japon pour reprendre ce complot. Comme celui-ci faisait penser aux machinations ourdies à Munich par la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Italie, on parla d’un Munich d’Orient.
  4. Le duo était exécuté par Wang Tsing-wei et Tchiang Kaï-chek, le premier étant le chef de file des capitulards déclarés, et le second le chef principal des capitulards dissimulés au sein du front antijaponais.
  5. En janvier 1939, à la cinquième session plénière du Comité exécutif central issu du Ve Congrès national du Kuomintang, Tchiang Kaï-chek déclara ouvertement que ce qu’il entendait par « jusqu’au bout », dans le mot d’ordre : « Mener jusqu’au bout la Guerre de Résistance », c’était « rétablir le statu quo d’avant l’Incident de Loukeoukiao », ce qui revenait à renoncer aux vastes territoires de la Chine du Nord-Est et du Nord occupés par les agresseurs japonais. Prenant le contre-pied de la politique capitularde de Tchiang Kai-chek, le camarade Mao Zedong souligna en particulier que ce mot d’ordre signifiait « combattre jusqu’au Yalou, recouvrer tous les territoires perdus ».
  6. Mot souvent employé à l’époque pour désigner les diverses actions politiques et militaires des réactionnaires du Kuomintang pour saper le front uni national antijaponais et pour combattre le Parti communiste et toutes les forces progressistes, par exemple la provocation d’incidents sanglants et les attaques de grand style lancées contre la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée.
  7. Le 13 décembre 1937, l’armée japonaise occupa Nankin. Le 16 janvier 1938, le gouvernement japonais publia une déclaration, annonçant sa décision « de ne plus reconnaître désormais le Gouvernement national comme interlocuteur dans les pourparlers et d’attendre la formation d’un nouveau gouvernement ». Lorsqu’en octobre de la même année l’armée japonaise eut occupé Canton et Wouhan, le gouvernement japonais profita des hésitations de Tchiang Kaï-chek dans la question de la guerre de résistance pour adopter une nouvelle politique ayant pour but de l’inciter à capituler. A cette fin, il publia le 3 novembre une autre déclaration dans laquelle il dit : « En ce qui concerne le Gouvernement national, s’il renonce à la politique erronée qu’il a poursuivie jusqu’ici et s’attache, avec le concours d’hommes nouveaux, à la rénovation du pays et au maintien de l’ordre, l’Empire ne refusera pas de négocier avec lui. »

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