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Manifeste du Bloc Marxiste-Léniniste

Eléments de programme pour un Parti communiste révolutionnaire en Belgique (1er mai 2003)

Avertissement Le Bloc Marxiste-Léniniste est une force en construction. Le processus de rassemblement des forces et militants dans le Bloc ML connaît sans cesse de nouveaux développements. La rédaction de ce manifeste se fait donc dans le cadre d’une réalité organisationnelle en mouvement. Le but de ce manifeste est d’exposer la base d’unité politique et idéologique du Bloc ML avec le plus de précision possible. Il subsiste certaines divergences entre les forces constitutives du Bloc ML, et l’on peut raisonnablement espérer que plusieurs de ces divergences disparaîtront dans le débat et la pratique commune. Ce manifeste est donc une première version, il est appelé à s’enrichir, à devenir plus précis et plus nuancé. Le Bloc ML invite tous ses militants, ses stagiaires, et même tous ceux qui simplement sympathisent avec le projet qu’il incarne, à contribuer à ce travail d’enrichissement par leurs critiques.

Sommaire :
1. Introduction
2. Notre base philosophique : le matérialisme dialectique
Matérialisme
Dialectique
3. Histoire et société
La conception matérialiste de l’Histoire
La dialectique dans l’Histoire
Forces productives et modes de production
4. Le monde capitaliste aujourd’hui
5. La période actuelle est celle de l’impérialisme et de la Révolution
6. Vers le socialisme, vers le Communiste
7. Les classes en lutte dans la Belgique d’aujourd’hui
La Belgique divisée en classes
La base sociale de la révolution
Centralité de la classe ouvrière dans le processus révolutionnaire
8. Construire une force révolutionnaire
Combattre le réformisme et le révisionnisme
Avant-garde et Parti de classe
La question de la violence
Notre héritage historique
Forces constitutives et mode de fonctionnement du Bloc Marxiste-Léniniste
9. Les fronts de lutte particuliers
Luttes ouvrières et syndicales
La lutte contre la guerre
La lutte idéologique et culturelle
La lutte contre le sexisme
La lutte contre la répression
La dérive idéologique des « nouveaux » mouvements de protestation
L’internationalisme
10. Conclusion

1. Introduction

« Ou on fait partie du problème
Ou on fait partie de la solution
Entre les deux, il n’y a rien »
Bertold Brecht

Le capitalisme règne pratiquement sur le monde entier. Jamais le fossé entre riches et pauvres, entre possédants et exploités, n’a été si profond. L’humanité est maintenue dans un État permanent d’obscurantisme, de guerre et de misère. Le Capital ne peut assurer paix et progrès à l’Humanité.

Nous sommes communistes, non simplement parce que nous nous opposons à ce système d’exploitation et d’oppression, mais parce que nous voulons le Communisme. Notre engagement n’est pas une démarche existentielle, mais pratique : il faut faire la Révolution. L’humanité est aujourd’hui maintenue dans un État primitif de son développement, enchaînée par la domination, l’aliénation et l’exploitation de l’homme par l’homme. Le Communisme est un projet concret, précis, matériel, le projet d’une société sans classes et donc sans État, qui enfin réalisera l’humanité, — l’humanité réconciliée avec elle-même.

Ce projet est le moteur de notre lutte : le combat révolutionnaire est la pratique qui doit réaliser cet objectif. Il s’agit de comprendre puis de réunir les moyens (théoriques, organisationnels et pratiques) qui permettront d’instaurer le Communisme comme nouveau rapport social.

Le mouvement de l’Histoire tend à la réalisation du Communisme, à l’abolition de l’exploitation et de l’oppression, non pas spontanément, mais à travers le mouvement des masses, à travers la lutte à mort du prolétariat contre la bourgeoisie, à travers le combat des révolutionnaires. C’est en comprenant les lois de l’Histoire que nous pourrons nous en saisir et assurer notre victoire.

C’est pourquoi nous devons lutter contre les tendances passéistes, voire réactionnaires, de certaines initiatives politiques qui proposent ouvertement ou implicitement le retour à des formes de production et d’organisation sociales dépassées, pré-scientifiques et préindustrielles. Cette myopie empêche de saisir l’Histoire dans ses contradictions et sa cohérence, empêche également de comprendre le présent dans sa globalité. L’action politique résultant de cette myopie se limite à une série d’oppositions : on est «contre» divers éléments épars qui marquent le développement capitaliste. Ainsi, trop souvent, les luttes contre la globalisation, la guerre, le racisme, le fascisme, le sexisme, l’impérialisme, le chômage, la répression, la crise du logement, la destruction de l’environnement, etc., détournent le sens global de la lutte, pour la focaliser sur l’un ou l’autre « excès », l’une ou l’autre facette du système.

Si l’impérialisme américain, les tendances bellicistes du système, la destruction massive et anarchique de l’environnement, l’oppression des peuples des pays dominés, la monstrueuse extension du pouvoir des monopoles, sont partie intégrante du mode de production capitaliste, et si sur ce mode de production malfaisant se greffent d’autres tares (racisme, sexisme), on ne peut les combattre efficacement qu’en combattant la totalité des mécanismes — matériels et idéologiques — de la domination bourgeoise.

Il faut bien sûr lutter pied à pied contre la brutalité de l’oppression. Il faut répondre coup pour coup quand quotidiennement le Capital licencie, lèse, exploite ou tue. Mais nous ne pouvons espérer vaincre un jour que si nous mettons en place les conditions d’une lutte globale, politique, contre le Capital et son État, une lutte menée par un authentique Parti communiste révolutionnaire, exploitant au mieux l’expérience de 150 ans de lutte révolutionnaire du prolétariat et tout le travail de recherches théoriques, politiques, idéologiques d’un marxisme-léninisme débarrassé de toutes les scories réformistes et révisionnistes.

Comme espace de réflexion, d’organisation et de combat, le Bloc Marxiste-Léniniste se veut une première étape dans ce processus, qui nous mènera à la construction du Parti communiste révolutionnaire, à l’engagement de larges masses dans la lutte contre le système, à la Révolution prolétarienne, au Communisme.

2. Notre base philosophique : le matérialisme dialectique

Matérialisme

Le matérialisme philosophique marxiste est l’exact opposé de l’idéalisme philosophique.

Contrairement à l’idéalisme, qui considère le monde comme l’incarnation d’une « idée absolue », d’un « esprit universel », de la « conscience », le matérialisme philosophique de Marx part du principe que le monde, de par sa nature, est matériel, que les multiples phénomènes de l’univers sont les différents aspects de la matière en mouvement, que les relations et le conditionnement réciproques des phénomènes, mis en lumière par la méthode dialectique, constituent les lois nécessaires du développement de la matière en mouvement ; que le monde se développe suivant les lois du mouvement de la matière et n’a besoin d’aucun « esprit universel ». La conception matérialiste du monde signifie simplement la conception de la nature telle qu’elle est, sans aucune addition étrangère. Comme l’indiquait le philosophe antique Héraclite, «le monde est un, n’a été créé par aucun dieu ni par aucun homme ; il a été, est et sera une flamme éternellement vivante, qui s’embrase et s’éteint suivant des lois déterminées».

Contrairement à l’idéalisme affirmant que seule notre conscience existe réellement, que le monde matériel, l’être et la nature n’existent que dans notre conscience, dans nos sensations, représentations, concepts, le matérialisme philosophique marxiste part de ce principe que la matière, la nature, l’être est une réalité objective existant en dehors et indépendamment de la conscience. Il considère que la matière est la donnée première, car elle est la source des sensations, des représentations, de la conscience, tandis que la conscience est une donnée seconde, dérivée, car elle est le reflet de la matière, le reflet de l’être, que la pensée est un produit de la matière, quand celle-ci a atteint dans son développement un haut degré de complexité. Plus précisément, la pensée est le produit du cerveau, et le cerveau, l’organe de la pensée. On ne saurait, par conséquent, séparer la pensée de la matière sous peine de tomber dans une grossière erreur. Le matérialisme admet d’une façon générale que l’être réel, objectif, (la matière) est indépendant de la conscience, des sensations, de l’expérience. La conscience n’est que le reflet de l’être, dans le meilleur des cas un reflet approximativement exact (adéquat, d’une précision optimale). La matière est ce qui, en agissant sur nos organes des sens, produit les sensations, la matière est une réalité objective qui nous est donnée dans les sensations. La matière, la nature, l’être, le physique est la donnée première, tandis que l’esprit, la conscience, les sensations, le psychique est la donnée seconde.

Contrairement à l’idéalisme qui conteste la possibilité de connaître le monde et ses lois, qui ne croit pas à la valeur de nos connaissances, qui ne reconnaît pas la vérité objective et qui considère que le monde est rempli de « choses en soi » qui ne pourront jamais être connues de la science, le matérialisme philosophique marxiste part du principe que le monde et ses lois sont parfaitement connaissables, que notre connaissance des lois de la nature, vérifiée par l’expérience, par la pratique, est une connaissance valable et qu’elle a la signification d’une vérité objective. Il affirme qu’il n’est point dans le monde de choses inconnaissables, mais uniquement des choses encore inconnues, lesquelles seront découvertes et connues par les moyens de la science et de la pratique. Engels critique la thèse de Kant et des autres idéalistes, selon laquelle le monde et les « choses en soi » sont inconnaissables, et il défend la thèse matérialiste suivant laquelle nos connaissances sont valables. Il écrit à ce sujet :

«La réfutation la plus décisive de cette lubie philosophique, comme d’ailleurs de toutes les autres, est la pratique, notamment l’expérience et l’industrie. Si nous pouvons prouver la justesse de notre conception d’un phénomène naturel en le créant nous-mêmes, en le faisant surgir de son propre milieu, et qui plus est, en le faisant servir à nos buts, c’en est fini de l’insaisissable « chose en soi » de Kant. Les substances chimiques produites dans les organismes végétaux et animaux restèrent ces « choses en soi » jusqu’à ce que la chimie organique se fût mise à les préparer l’une après l’autre ; par là, la « chose en soi » devint une chose pour nous. Le système solaire de Copernic fut, pendant trois cents ans, une hypothèse sur laquelle on pouvait parier à cent, à mille, à dix mille contre un, — c’était malgré tout une hypothèse ; mais lorsque Leverrier, à l’aide des chiffres obtenus grâce à ce système, calcula non seulement la nécessité de l’existence d’une planète inconnue, mais aussi l’endroit où cette planète devait se trouver dans l’espace céleste, et lorsque Galle la découvrit ensuite effectivement, le système de Copernic était prouvé.»

La thèse du caractère inconnaissable du réel fut remise au goût du jour par les philosophes et physiciens idéalistes durant la première moitié du 20e siècle. La physique quantique, en affirmant l’imprévisibilité des phénomènes particulaires subatomiques (principe d’incertitude de Heisenberg) remettrait en cause le caractère déterministe des phénomènes naturels (la désintégration de tel atome radioactif serait ainsi fondamentalement «imprévisible»). Cependant la seconde moitié du 20e siècle a infirmé pratiquement ces thèses par l’exploitation de l’énergie nucléaire, par laquelle l’Humanité contrôle scientifiquement ces phénomènes prétendument imprévisibles (mais déjà statistiquement calculables — en attendant d’être totalement compris).

Chaque fois que la science a été confrontée à une limite, les disciples de l’idéalisme philosophique décrètent cette frontière indépassable, inhérente aux limites de la connaissance positive de l’Humanité, connaissance fondée sur le matérialisme, le déterminisme, et adoptant la pratique comme critère de vérité. Chaque fois, passé un certain seuil d’accumulation de moyens techniques et intellectuels, la science a dépassé sa prétendue limite inhérente. Repoussant la frontière du savoir, elle se confronte alors à de nouvelles questions, et doit encore une fois subir le discours des disciples de l’idéalisme affirmant que «cette fois ci» la science a «atteint sa limite». Cette comédie de l’esprit se joue depuis des siècles — les disciples de l’idéalisme (idéalisme laïc, agnostique ou religieux, puisque toutes les religions sont idéalistes) s’obstinent à ignorer les cinglants démentis que l’activité scientifique inflige à leur obscurantisme commun.

Dialectique

La dialectique est l’exact opposé de la métaphysique.

Contrairement à la métaphysique, la dialectique regarde la nature non comme une accumulation accidentelle d’objets, de phénomènes détachés, isolés et indépendants les uns des autres, mais comme un tout uni, cohérent, où les objets et les phénomènes sont liés organiquement entre eux, dépendent les uns des autres et se conditionnent réciproquement. Aucun phénomène de la nature ne peut être compris si on l’envisage isolément.

Contrairement à la métaphysique, la dialectique regarde la nature non comme un état de repos et d’immobilité, de stagnation et d’immuabilité, mais comme un état de mouvement et de changement perpétuels, de renouvellement et de développement incessants, où toujours quelque chose naît et se développe, tandis que quelque chose se désagrège et disparaît.

C’est pourquoi la méthode dialectique veut que les phénomènes soient considérés non seulement du point de vue de leurs relations et de leurs conditionnements réciproques, mais aussi du point de vue de leur mouvement, de leur changement, de leur développement, du point de vue général de leur apparition et de leur disparition.

Pour la méthode dialectique, ce qui importe avant tout, ce n’est pas ce qui à un moment donné paraît stable — mais commence déjà à dépérir. Ce qui importe avant tout, c’est ce qui naît et se développe si même, à un moment donné, la chose semble instable, car selon la dialectique, il n’y a d’invincible que ce qui naît et se développe.

Contrairement à la métaphysique, la dialectique ne considère pas le processus du développement comme un simple processus de croissance où les changements quantitatifs n’aboutissent pas à des changements qualitatifs. La dialectique montre que le développement passe des changements quantitatifs insignifiants et latents à des changements apparents et radicaux, qui aboutissent à des changements qualitatifs. Les changements qualitatifs sont, non pas graduels, mais rapides, soudains, et s’opèrent par bonds d’un état à un autre. Ces changements ne sont pas contingents, mais nécessaires ; ils sont le résultat de l’accumulation de changements quantitatifs insensibles et graduels.

C’est pourquoi la méthode dialectique considère que le processus du développement doit être compris non comme un mouvement circulaire, non comme une simple répétition du chemin parcouru, mais comme un mouvement progressif, ascendant, comme le passage de l’état qualitatif ancien à un nouvel état qualitatif, comme un développement qui va du simple au complexe, de l’inférieur au supérieur.

Contrairement à la métaphysique, la dialectique part du point de vue que les objets et les phénomènes de la nature recèlent des contradictions internes, car ils ont tous un côté négatif et un côté positif, un passé et un avenir, ils ont tous des éléments qui disparaissent ou qui se développent. La lutte de ces contraires, la lutte entre l’ancien et le nouveau, entre ce qui meurt et ce qui naît, entre ce qui dépérit et ce qui se développe, est le contenu interne du processus de développement, de la conversion des changements quantitatifs en changements qualitatifs.

C’est pourquoi la méthode dialectique considère que le processus de développement de l’inférieur au supérieur ne s’effectue pas sur le plan d’une évolution harmonieuse des phénomènes, mais sur le plan d’une lutte des tendances contraires qui agissent sur la base de ces contradictions, lutte résultant des contradictions inhérentes aux objets et aux phénomènes. Le développement est la lutte des contraires.

3. Histoire et société

Notre conception de l’histoire est le matérialisme historique, qui applique les principes du matérialisme dialectique à l’étude de la vie sociale et à l’histoire des sociétés.

La conception matérialiste de l’Histoire
S’il est vrai que la liaison des phénomènes de la nature et leur conditionnement réciproque sont des lois objectives du développement de la nature, il s’ensuit que la liaison et le conditionnement réciproque des phénomènes de la vie sociale, eux aussi, sont non pas des contingences, mais des lois objectives du développement social.

Par conséquent, la vie sociale, l’histoire de la société ne peuvent être une accumulation de « contingences ». L’histoire de la société est un développement nécessaire de la société — et l’étude de l’histoire sociale devient une science. L’histoire de la société ne peut donc être le résultat des choix arbitraires, du «libre-arbitre» des hommes, mais se fonde sur un certain nombre de lois objectives et nécessaires.

Par conséquent, l’activité pratique des révolutionnaires doit être fondée, non pas sur les désirs louables des « individualités d’élite », sur les exigences de la « raison », de la « morale universelle », etc., mais sur les lois du développement social, sur l’étude de ces lois.

S’il est vrai que la nature, (l’être, le monde matériel) est la donnée première, tandis que la conscience, (la pensée, l’esprit) est la donnée seconde, dérivée, et s’il est vrai que le monde matériel est une réalité objective existant indépendamment de la conscience des hommes, tandis que la conscience est un reflet de cette réalité objective, il en découle que la vie matérielle de la société, son être, est également la donnée première, tandis que sa vie spirituelle est une donnée seconde, dérivée. Il en découle aussi que la vie matérielle de la société est une réalité objective, existant indépendamment de la volonté de l’homme, tandis que la vie spirituelle de la société est un reflet de cette réalité objective, un reflet de l’être. Par conséquent, il faut chercher la source de la vie spirituelle de la société, l’origine des idées sociales, des théories sociales, des opinions politiques, des institutions politiques, non pas dans les idées, théories, opinions et institutions politiques elles-mêmes, mais dans les conditions de la vie matérielle de la société, dans l’être social dont ces idées, théories, opinions, etc., sont le reflet. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience.

Par conséquent, pour ne pas se tromper en politique, pour ne pas s’abandonner à des rêves creux, le parti du prolétariat doit fonder son action non pas sur d’abstraits « principes de la raison humaine », mais sur les conditions concrètes de la vie matérielle de la société, force décisive du développement social. Il doit la fonder non pas sur les désirs louables de « grands hommes », mais sur les besoins réels du développement de la vie matérielle de la société.

S’ensuit-il que les idées et les théories sociales, les opinions et les institutions politiques n’ont pas d’importance dans la vie sociale, dans l’histoire de la société ? Non, elles exercent une action en retour sur l’existence sociale, sur le développement des conditions matérielles de la vie sociale. Il est de vieilles idées et théories, qui ont fait leur temps et qui servent les intérêts des forces dépérissantes de la société. Leur importance, c’est qu’elles freinent le développement de la société, son progrès. Il est des idées et des théories nouvelles, d’avant-garde, qui servent les intérêts des forces d’avant-garde de la société. Leur importance, c’est qu’elles facilitent le développement de la société, son progrès. Elles acquièrent d’autant plus d’importance qu’elles reflètent plus fidèlement les besoins du développement de la vie matérielle de la société.

Les nouvelles idées et théories sociales ne surgissent que lorsque le développement de la vie matérielle de la société a posé devant celle-ci des tâches nouvelles. Mais une fois surgies, elles deviennent une force de la plus haute importance, qui facilite l’accomplissement des nouvelles tâches posées par le développement de la vie matérielle de la société ; elles facilitent le progrès de la société. Alors apparaît précisément toute l’importance du rôle organisateur, mobilisateur et transformateur des idées et théories nouvelles, des opinions et institutions politiques nouvelles. A vrai dire, si de nouvelles idées et théories sociales surgissent, c’est précisément parce qu’elles sont nécessaires à la société, parce que sans leur action, organisatrice, mobilisatrice et transformatrice, la solution des problèmes pressants posés par le développement de la vie matérielle de la société est impossible. Suscitées par les nouvelles tâches que comporte le développement de la vie matérielle de la société, les idées et théories sociales nouvelles se frayent un chemin, deviennent le patrimoine des masses populaires qu’elles mobilisent et qu’elles organisent contre les forces dépérissantes de la société. Ces idées et théories facilitent par là le renversement des vieilles forces qui freinent le développement de la vie matérielle de la société.

C’est ainsi que, suscitées par les tâches pressantes du développement de la vie matérielle de la société, du développement de l’existence sociale, les idées et les théories sociales, les institutions politiques agissent en retour sur l’existence sociale, sur la vie matérielle de la société, en créant les conditions nécessaires à la solution des problèmes pressants de la vie matérielle de la société, rendant possible son développement ultérieur. Comme l’écrit Marx, «la théorie devient une force matérielle dès qu’elle pénètre les masses». Ce qui fait la force et la vitalité du marxisme-léninisme, c’est qu’il se fonde sur une théorie d’avant-garde qui reflète exactement les besoins du développement de la vie matérielle de la société contemporaine, c’est qu’il place la théorie au rang élevé qui lui revient, et qu’il considère comme un devoir d’utiliser à fond sa force mobilisatrice, organisatrice et transformatrice.

S’il est vrai que le monde est connaissable et que notre connaissance des lois du développement de la nature est une connaissance valable, qui a la signification d’une vérité objective, il s’ensuit que la vie sociale, que le développement social est également connaissable et que les données de la science sur les lois du développement social sont des données valables ayant la signification de vérités objectives.

Par conséquent, la science de l’histoire de la société, malgré toute la complexité des phénomènes de la vie sociale, peut devenir une science aussi exacte que la biologie par exemple, et capable de faire servir les lois du développement social à des applications pratiques.

Voilà pourquoi, les communistes, ne doivent pas s’inspirer de quelque motif fortuit que ce soit, mais des lois du développement social et des conclusions pratiques qui découlent de ces lois. La liaison entre la science et l’activité pratique, entre la théorie et la pratique, leur unité, doit devenir l’étoile guidant l’action des communistes.

La dialectique dans l’Histoire

S’il est vrai qu’il n’y a pas dans le monde de phénomènes isolés, s’il est vrai que tous les phénomènes sont liés entre eux et se conditionnent réciproquement, il est clair que tout régime social et tout mouvement social dans l’histoire doivent être jugés, non du point de vue d’une « justice éternelle » ou de quelque autre idée préconçue, comme le font souvent les historiens, mais du point de vue des conditions qui ont engendré tel régime et tel mouvement social et avec lesquelles ils sont liés.

Le mode de production esclavagiste dans les conditions actuelles serait un non-sens, une absurdité. Mais le régime de l’esclavage dans les conditions du régime de la communauté primitive en décomposition est un phénomène parfaitement compréhensible et logique, car il signifie un pas en avant par rapport au régime de la communauté primitive.

Revendiquer l’institution de la république démocratique bourgeoise dans des conditions semi-féodales telles qu’en connaissait la Russie tsariste de 1905, ou promouvoir l’alliance de classe de la paysannerie, du prolétariat et de la bourgeoisie nationale contre l’impérialisme comme dans la Chine semi-féodale des années 1930, était compréhensible et légitime. Ces mêmes mots d’ordre seraient aujourd’hui réformistes voire contre-révolutionnaires, presque partout dans le monde, car les conditions qui les légitimaient sont aujourd’hui dépassées.

Pour la dialectique révolutionnaire, tout dépend des conditions, du lieu et du temps.

Sans cette conception historique des phénomènes sociaux, l’existence et le développement de la science historique sont impossibles. Seule une telle conception empêche la science historique de devenir un chaos de contingences et un amas d’erreurs absurdes.

S’il est vrai que le monde se meut et se développe perpétuellement, s’il est vrai que la disparition de l’ancien et la naissance du nouveau sont une loi du développement, il est clair qu’il n’est pas de régimes sociaux « immuables » ni de « principes éternels » (de propriété privée, d’exploitation, etc.). Il n’y a pas « d’idées éternelles » de soumission des paysans aux grands propriétaires fonciers, des ouvriers aux capitalistes. Le régime capitaliste peut et doit donc être remplacé par le régime socialiste, de même que le régime capitaliste a pu et du remplacer en son temps le régime féodal.

Par conséquent, il faut fonder son action non pas sur les couches sociales qui ne se développent plus, même si elles représentent pour le moment la force dominante, mais sur les couches sociales qui se développent et qui ont de l’avenir, même si elles ne représentent pas pour le moment la force dominante.

S’il est vrai que le passage de changements quantitatifs lents à des changements qualitatifs brusques et rapides est une loi du développement, les révolutions accomplies par les classes opprimées constituent un phénomène absolument naturel, inévitable.

Par conséquent, le passage du capitalisme au socialisme et l’affranchissement de la classe ouvrière du joug capitaliste peuvent être réalisés, non par des changements lents, non par des réformes, mais uniquement par un changement qualitatif, par la révolution.

S’il est vrai que le développement se fait par l’apparition de contradictions internes, par le conflit de forces contraires destiné à les surmonter, la lutte de classe du prolétariat est un phénomène parfaitement naturel, inévitable.

Par conséquent, il ne faut pas dissimuler les contradictions du régime capitaliste, mais les faire apparaître et les étaler, ne pas étouffer la lutte de classes, mais la mener jusqu’au bout. Il faut suivre une politique prolétarienne de classe, intransigeante, et non une politique réformiste de conciliation des intérêts du prolétariat et de la bourgeoisie.

Forces productives et modes de production

Le matérialisme historique permet de comprendre quelles sont les conditions de la vie matérielle de la société, conditions qui déterminent, en dernière analyse, la physionomie de la société, ses idées, ses opinions, ses institutions politiques, etc.

Les instruments de production à l’aide desquels les biens matériels sont produits, les hommes qui manient ces instruments de production et produisent les biens matériels grâce à une certaine expérience de la production et à des habitudes de travail, voilà les éléments qui, pris tous ensemble, constituent les forces productives de la société. Mais ces forces productives ne sont qu’un aspect du mode de production, celui qui exprime le comportement des hommes à l’égard des objets et des forces de la nature dont ils se servent pour produire des biens matériels.

L’autre aspect de la production, l’autre aspect du mode de production, ce sont les rapports des hommes entre eux dans le processus de la production, les rapports de production entre les hommes. Ces derniers peuvent être des rapports de collaboration et d’entraide parmi des hommes libres de toute exploitation, ils peuvent être des rapports de domination et de soumission, ils peuvent être enfin des rapports de transition d’une forme de rapports de production à une autre. Mais quel que soit le caractère que revêtent les rapports de production, ceux-ci sont toujours, sous tous les régimes, un élément indispensable de la production, à l’égal des forces productives de la société.

Au mode de production de la société correspondent, pour l’essentiel, la société elle-même, ses idées et ses théories, ses opinions et institutions politiques. Mais la production est toujours en voie de changement et de développement, de transformation dialectique. Le changement du mode de production provoque la refonte de tout le système social et politique. Cela veut dire que l’histoire du développement de la société est, avant tout, l’histoire du développement de la production, l’histoire des modes de production qui se succèdent à travers les siècles, l’histoire du développement des forces productives et des rapports de production entre les hommes.

Les changements de la production commencent toujours par le changement et le développement des forces productives. D’abord se modifient et se développent les forces productives de la société. Ensuite, conformément à modifications, les rapports de production entre les hommes, leurs rapports économiques, se modifient. Les rapports de production dont le développement dépend de celui des forces productives, agissent à leur tour sur le développement des forces productives, qu’ils accélèrent ou ralentissent.

Les rapports de production ne peuvent prendre un trop grand retard sur la croissance des forces productives, ni se trouver longtemps en contradiction avec elle, car les forces productives ne peuvent se développer pleinement que si les rapports de production correspondent au caractère, à l’état des forces productives et donnent libre cours à leur développement. Quel que soit le retard des rapports de production sur le développement des forces productives, ils doivent, tôt ou tard, finir par correspondre — et c’est ce qu’ils font effectivement — au niveau du développement atteint par les forces productives, et selon le caractère de celles-ci. Dans le cas contraire, l’unité des forces productives et des rapports de production dans le système de la production serait entièrement compromise, il y aurait une rupture dans l’ensemble de la production, une crise de la production, la destruction des forces productives.

Les crises économiques du capitalisme, — où la propriété privée capitaliste des moyens de production est en contradiction flagrante avec le caractère social du processus de production, avec le caractère des forces productives, — sont un exemple de non-coïncidence entre rapports de production et forces productives, un exemple du conflit qui les met aux prises. Les crises économiques qui mènent à la destruction des forces productives sont le résultat de cette non-coïncidence. Cette non-coïncidence est la base économique de la révolution sociale appelée à détruire les rapports de production actuels et à instaurer de nouveaux rapports conformes au caractère des forces productives.

L’histoire a connu cinq types fondamentaux de rapports de production successifs : la communauté primitive, l’esclavage, le régime féodal, le régime capitaliste et le régime socialiste.

Sous le régime capitaliste, c’est la propriété capitaliste des moyens de production qui forme la base des rapports de production. Contrairement au servage et à l’esclavage, la propriété sur les producteurs, les ouvriers salariés, n’existe plus. Le capitaliste ne peut ni les tuer ni les vendre, car ils sont affranchis de toute dépendance personnelle. Mais ils sont privés des moyens de production et, pour ne pas mourir de faim, ils sont obligés de vendre leur force de travail au capitaliste et de subir le joug de l’exploitation.

Pour avoir développé les forces productives dans des proportions gigantesques, le capitalisme s’est empêtré dans des contradictions insolubles pour lui. En produisant des quantités de plus en plus grandes de marchandises et en en diminuant les prix, le capitalisme aggrave la concurrence, ruine la masse des petits et moyens propriétaires privés, les réduit à l’État de prolétaires et diminue leur pouvoir d’achat ; le résultat est que l’écoulement des marchandises fabriquées devient impossible — surviennent alors les crises et le chômage de masse. En élargissant la production, en développant d’immenses entreprises employant des masses de prolétaires, le capitalisme confère au processus de production un caractère social et mine par là même sa propre base. En effet, le caractère social du processus de production exige la propriété sociale des moyens de production. La propriété capitaliste des moyens de production, qui est une propriété privée et non sociale, est donc incompatible avec le caractère social du processus de production.

Ce sont ces contradictions irréconciliables entre le caractère des forces productives et les rapports de production qui se manifestent dans les crises périodiques de surproduction. Le capitalisme provoque la paupérisation des masses : paupérisation parfois absolue, toujours relative dans le sens où, même si dans certaines conditions le niveau de vie des masses peut s’élever, il s’élève à un rythme bien plus faible que celui de la richesse sociale globale dont le Capital s’accapare la plus grande part. En raison de cette paupérisation, les capitalistes manquent d’acheteurs solvables pour la masse des marchandises qu’ils produisent. Ils sont obligés de brûler des denrées, d’anéantir des marchandises toutes prêtes, d’arrêter la production, de fermer des usines, de détruire les forces productives (par exemple dans des guerres) et cela alors que des millions d’hommes souffrent du chômage et de la faim, non parce qu’on manque de marchandises, mais parce qu’on en a trop produites.

Cela signifie que les rapports de production capitalistes ne correspondent plus à l’État des forces productives de la société et qu’ils sont entrés en contradiction insoluble avec elles.

Cela signifie que le capitalisme est gros d’une révolution, appelée à remplacer l’actuelle propriété capitaliste des moyens de production par la propriété socialiste.

Cela signifie qu’une lutte de classes des plus aiguës entre exploiteurs et exploités est le trait essentiel du régime capitaliste aujourd’hui.

Quand les forces productives nouvelles sont venues à maturité, les rapports de production existants et les classes dominantes qui les personnifient, se transforment en un obstacle « insurmontable », qui ne peut être écarté de la route que par l’activité consciente de classes nouvelles, par l’action violente de ces classes, par la révolution. C’est alors qu’apparaît d’une façon saisissante le rôle immense des nouvelles idées sociales, des nouvelles institutions politiques, du nouveau pouvoir politique, appelés à supprimer par la force les rapports de production anciens. Le conflit entre les forces productives nouvelles et les rapports de production anciens, les besoins économiques nouveaux de la société donnent naissance à de nouvelles idées sociales. Ces nouvelles idées organisent et mobilisent les masses, celles-ci s’unissent dans une nouvelle armée politique, créent un nouveau pouvoir révolutionnaire et s’en servent pour supprimer par la force l’ancien ordre des choses dans le domaine des rapports de production, pour y instituer un régime nouveau. Le processus spontané de développement cède la place à l’activité consciente des hommes, le développement pacifique à un bouleversement violent, l’évolution à la révolution.

Le prolétariat, dit Marx, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe … Il s’érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit violemment l’ancien régime de production. Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher tout le Capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production dans les mains de l’État socialiste, c’est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter aussi vite que possible la quantité des forces productives.

Le mode de production capitaliste n’est pas éternel, il n’a fait que permettre le développement des richesses matérielles pour une période donnée. Il produit lui-même son fossoyeur, le prolétariat, qui a comme tâche historique de le renverser. Marx : «Le monopole du Capital devient une entrave pour le mode de production qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices. La socialisation du travail et la centralisation des moyens de production arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans l’enveloppe capitaliste. Cette enveloppe se brise en éclats. L’heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés».

4. Le monde capitaliste aujourd’hui.

Le capitalisme organise la distribution des produits de l’activité humaine par l’unique biais des échanges marchands, transformant toute richesse en marchandise (à commencer par la force de travail des hommes — achetée ou vendue, acquise ou jetée, à volonté — jusqu’aux productions artistiques et culturelles), faisant de l’échange mercantile le cadre principal des rapports de production et donc des rapports humains (dont les formes calquent les rapports d’échange et de concurrence). Le jeu anarchique de la concurrence ne sert plus le progrès des forces productives, mais mène à la misère et au crime.

Quelques centaines de multinationales et une poignée de pays impérialistes riches possèdent la majorité des richesses mondiales. Le trois individus les plus riches possèdent autant que les 35 pays les plus pauvres du monde et leurs 600 millions d’habitants. La vie de centaines de milliers, voire de millions, d’hommes, dans de nombreux pays, est réglée par les mêmes multinationales et leurs actionnaires. Quelques superpuissances impérialistes — avec à leur tête les USA — dominent les peuples et les nations du monde et sont maîtres partout de la guerre et de la paix. Le fossé entre riches et pauvres, entre pays riches et pays pauvres, s’accroît sans cesse. Jamais objectivement les classes n’ont été aussi bien délimitées. Les niveaux d’exploitation en arrivent à des niveaux inouïs.

Jamais la richesse mondiale n’a été aussi grande, et il en va de même de la pauvreté et de la misère. Le chômage persiste et croît mondialement. Des centaines de millions d’hommes ne peuvent trouver de travail. La crise économique endémique réduit des masses entières d’homme à un statut de paria pour lesquelles la survie devient une question centrale.

Les avancées technologiques et scientifiques dans tous les domaines — conditions de la production capitaliste —, loin de servir l’Humanité, accroissent le chômage et l’exploitation. La faim et la sous-alimentation chroniques sont le lot de centaines de millions d’hommes, alors que l’Humanité produit suffisamment de nourriture pour tous.

Les forces productives ont depuis longtemps atteint un point où elles suffisent à assurer des conditions de vie décentes à chacun. Pourtant, une très grande partie de la population mondiale doit vivre sous le minimum vital d’existence, condamnée à vivre dans des mégapoles toujours plus grandes, dans des logements toujours moins salubres — propriétés de spéculateurs — tandis que les régions agraires se dépeuplent, tandis que des régions entières se transforment en désert du fait d’une exploitation anarchique des ressources naturelles.

Des maladies répandues, faciles à guérir, coûtent la vie chaque année à des millions d’hommes auxquels le Capital dénie l’accès aux soins de santé. Les épidémies, les dégradations écologiques, et les accidents de travail coûtent également des millions de vies, malgré le fait que la science médicale moderne peut guérir la plupart des maladies infectieuses, et que la technologie moderne est arrivée à un point où les catastrophes et les accidents peuvent être largement évités, ou drastiquement limités.

Le trafic moderne des êtres humains atteint aujourd’hui des proportions gigantesques.

Deux guerres mondiales et d’innombrables guerres plus limitées qui ne cessent d’éclater, doivent être imputées au massacre global perpétré par l’impérialisme. Et sans cesse le monde doit faire face à de nouveaux génocides, à de nouvelles purifications ethniques, et à de nouveaux flux de réfugiés. Les dépenses militaires dépassent les revenus totaux de la moitié de la population mondiale. Pour une fraction de ces dépenses, on pourrait donner à tous les peuples un accès à des soins de santé de base, y compris la vaccination de tous les enfants ; on pourrait éliminer la faim et la sous-alimentation ; on pourrait assurer à tous l’accès à l’eau potable. Pour une autre fraction de cette somme, on pourrait rejeter aux oubliettes de l’histoire l’analphabétisme des adultes, assurer à tous une éducation de base.

On pourrait mettre fin à la misère, mettre fin aux guerres et à l’exploitation : toutes les conditions scientifiques, technologiques et matérielles du développement durable et décent de la planète, et d’une répartition juste des richesses, existent dès à présent.

Mais cela ne peut advenir dans le mode de production actuel, le capitalisme, et dans la période actuelle, l’impérialisme. Les chefs d’État peuvent promettre ce qu’ils veulent, les conférences internationales peuvent mille fois faire montre de leurs bonnes intentions, les pauvres resteront pauvres, les riches s’enrichiront et l’anarchie globale, avec ses crises et ses guerres, perdurera. Le mode de production actuel est à la racine du problème.

La production marchande à grande échelle, qui renouvelle constamment ses fondements technologiques, qui développe sans cesse de nouveaux produits et de nouveaux secteurs, ne peut le faire que de façon anarchique et préjudiciable aux ressources naturelles, qu’en écrasant les sources de toute richesse : la nature et le travailleur.

Seule la mise en place d’un nouveau mode de production — le socialisme, comme transition vers le Communisme —, et donc la construction d’une société socialiste, peuvent sauver la planète du désastre, mettre fin à la barbarie, et assurer l’avenir de l’Humanité. C’est la tâche historique du prolétariat de mener la lutte pour la construction du socialisme. Les travailleurs du monde détiennent la clé du futur de l’Humanité.

5. La période actuelle est celle de l’impérialisme et de la Révolution

A la fin du 19e siècle et au début du 20e, le capitalisme a atteint son stade suprême de développement, son stade le plus abouti mais aussi son terme historique. La « libre concurrence » capitaliste, qui auparavant avait joué un rôle dynamique et progressiste dans le développement des forces productives, trouve son aboutissement et à la fois sa négation dans l’impérialisme. Avec l’impérialisme et le déclenchement de la première guerre entre les puissances impérialistes pour le partage du monde, et avec la première révolution socialiste victorieuse — la révolution russe de 1917 — le monde est entré dans une nouvelle phase historique, dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui, la période de l’impérialisme et de la Révolution.

Les caractéristiques économiques fondamentales de l’impérialisme sont: primo la concentration de la production et du Capital parvenue à un degré de développement si élevé, qu’elle a créé les monopoles dont le rôle est décisif dans la vie économique ; secundo la fusion du capital bancaire et du capital industriel et création, sur la base de ce  » capital financier », d’une oligarchie financière ; tertio l’exportation des capitaux, devenue particulièrement importante, prend l’avantage sur l’exportation des marchandises; quarto la formation d’unions internationales capitalistes monopoleuses se partageant le monde et quinto l’achèvement du partage territorial du globe par les plus grandes puissances capitalistes (il n’y a plus de zones échappant aux rapports de production capitalistes à coloniser).

De fait, la concentration et la centralisation du Capital ont amené la victoire des entreprises les plus grandes, aidées en cela par la concentration de la production. Le développement du capitalisme aboutit à la formation des monopoles. Ceux-ci occupent les postes de commande de l’économie des pays capitalistes. Néanmoins le développement des monopoles ne rationalise pas l’économie capitaliste ; au contraire il renforce le chaos propre au capitalisme. Les monopoles n’éliminent pas la libre concurrence, dont ils sont issus ; ils existent au-dessus et à côté d’elle, engendrant ainsi des contradictions particulièrement aiguës et violentes, des frictions, des conflits.

La concurrence existe ainsi au sein des monopoles (lutte d’influence, lutte pour les postes, lutte pour la répartition des profits), entre les monopoles, entre les monopoles et les entreprises non monopolisées. La domination des monopoles confère à la concurrence un caractère particulièrement destructeur et rapace. Les monopoles, pour étouffer l’adversaire, mettent en jeu tous les procédés possibles de violence directe, de corruption et de chantage ; ils recourent aux machinations financières les plus compliquées et utilisent largement l’appareil d’État.

Dans l’impérialisme, les liens entre les banques et les entreprises industrielles sont fondamentaux. Les banques ne sont plus de petits intermédiaires comme dans la période du capitalisme pré-monopoliste ; elles sont désormais de tout puissants monopoles.

Le capital financier est le Capital fusionné des monopoles bancaires et industriels. L’époque de l’impérialisme est celle du capital financier dont le but est d’assurer le profit capitaliste maximum par l’exploitation, la ruine et l’appauvrissement de la majorité de la population d’un pays donné, par l’asservissement et le pillage systématique des peuples des autres pays, surtout des pays arriérés, et enfin par les guerres et la militarisation de l’économie nationale utilisées pour assurer les profits les plus élevés. Le capital financier, en plus de renforcer l’exploitation dans les pays capitalistes développés, nécessite l’existence de pays dominés afin de se valoriser.

La domination du monde par l’impérialisme a tout d’abord pris la forme de colonies. Aujourd’hui, les anciennes colonies ont pu acquérir une indépendance politique formelle, et cette domination s’exprime sous la forme du néocolonialisme, à savoir le contrôle économique et politique — direct ou indirect — de ces pays par les puissances impérialistes et les multinationales. Le colonialisme et le néocolonialisme sont synonymes de niveaux extrêmes d’exploitation des ouvriers et des masses laborieuses de ces pays. Ces pays sont aussi pour les monopoles de juteux débouchés pour des marchandises, généralement de moindre qualité que celles qu’ils vendent dans les métropoles. Les monopoles y évacuent les produits en surplus, périmés ou interdits, ainsi que de grandes masses de déchets. Les pays opprimés fournissent des forces de travail bon marché, des terres et des ressources naturelles, tandis que le pillage impérialiste les empêche d’en tirer bénéfice pour leur développement économique et social. Aujourd’hui, les superpuissances impérialistes et les multinationales (et leur clique d’idéologues et de politiciens capitalistes) clament que « le temps de l’État national est révolu ». Les États nationaux doivent renoncer à leurs droits souverains et laisser libre champ aux cartels, sans la moindre entrave et sans aucune considération pour les intérêts des peuples. Le « Nouvel Ordre Mondial » de l’impérialisme règne. Voilà le contenu principal de la « globalisation ».

Le capitalisme monopoliste, ou impérialisme, est le stade suprême et ultime du mode de production capitaliste. Le passage d’un mode de production à un autre n’advient pas du jour au lendemain : c’est un processus qui s’étend sur plusieurs siècles, qui ne suit jamais une ligne droite, mais des avancées et des reculs, des chocs et des retours en arrière, des révolutions et des contre-révolutions.

L’histoire du capitalisme jusqu’à aujourd’hui représente plus d’un demi-millénaire. Le passage du féodalisme à un capitalisme global fut un immense progrès dans le développement social. Le capitalisme a arraché pays et nations à l’immobilisme médiéval, a permis l’émergence d’États modernes et à un marché mondial unique — forme embryonnaire et contradictoire d’un réseau de distribution mondial planifiée des richesses. Le capitalisme a permis un développement jusqu’ici inégalé des forces productives, de l’industrie moderne à grande échelle, de la science et de la technologie. Le capitalisme — jusqu’à un certain point — à développé le caractère social de la production. Mais ceci sans aucune planification. Les moyens de production et les produits du travail social restent la propriété d’une poignée de capitalistes. Plus le capitalisme se développe, plus le caractère social de la production se trouve en contradiction flagrante avec la propriété privée capitaliste. Ceci constitue la contradiction la plus fondamentale qui déchire la société capitaliste.

La composante fondamentale de la période historique actuelle est le passage du capitalisme au socialisme à l’échelle mondiale. La contradiction principale de notre période est la lutte entre deux systèmes sociaux opposés. C’est l’époque des révolutions socialistes et des luttes de libération nationale, l’époque de l’effondrement de l’impérialisme, de la fin du colonialisme et de l’abolition de son successeur, le néocolonialisme. C’est l’époque où le capitalisme connaît une crise générale, caractérisée par l’intensification de toutes les contradictions dans la société et de la lutte de classes à l’échelle internationale.

Le capitalisme a connu sa première crise générale aux temps du triomphe de la révolution d’Octobre. Un nouveau cycle de crise a débuté autour de la Deuxième Guerre Mondiale et après celle-ci. La crise générale du capitalisme est caractérisée par la violente lutte entre les deux systèmes sociaux — le socialisme et le capitalisme —, par une instabilité et un déclin croissants qui secouent le système capitaliste tout entier, et par une sous-utilisation mondiale chronique de la capacité de production et un chômage chronique et massif. Les crises capitalistes de surproduction inévitables et récurrentes deviennent de plus en plus fréquentes, profondes et intenses. Elles coïncident avec les crises financières et boursières et se transforment en crises économiques mondiales. Le rapide développement technologique et scientifique, la soi-disant révolution technico-scientifique du capitalisme est nécessaire à la survie du capitalisme. Mais ce développement est avant tout lié à la militarisation des superpuissances impérialistes. Elle contribue au chômage croissant et approfondit la crise économique. Au lieu de contribuer au bien-être de l’Humanité, les avancées technico-scientifiques telles que les manipulations génétiques, la maîtrise de l’énergie atomique, deviennent des dangers pour l’Humanité. Les résultats de ces progrès ne sont distillés qu’au compte-gouttes dans la plupart des pays et à la grande majorité de la population mondiale. Sous l’impérialisme la tendance au développement des forces productives va de pair avec la tendance à restreindre ces forces. Et la tendance principale est la seconde. La crise générale du Capital s’exprime également sous la forme de la crise du système colonial impérialiste, y compris sous la nouvelle forme — le néocolonialisme. Cette crise du (néo-)colonialisme s’exprime par des guerres permanentes, guerre entre les puissances impérialistes pour l’hégémonie mondiale, par des agressions permanentes et des guerres qui visent à piller et soumettre d’autres pays pour prendre le contrôle de leurs ressources naturelles, par des guerres contre-révolutionnaires qui servent à conserver ou à regagner l’hégémonie quand les peuples se soulèvent pour leur libération dans des guerres anti-impérialistes. La crise de l’environnement est une autre expression de la crise générale du capitalisme.

La crise totale du capitalisme atteint tous les aspects de la société, sa base et sa superstructure, son idéologie, sa politique, sa culture. Elle est globale, multiple et touche tous les pays, sans la moindre exception.

Malgré le fait que les premières vagues de révolutions socialistes au 20e siècle aient été vaincues et que le capitalisme ait été rétabli dans les premiers pays socialistes du monde, d’abord par la victoire du révisionnisme puis par des contre-révolutions ouvertement bourgeoises, la période historique actuelle reste celle où le socialisme triomphera sur le capitalisme à l’échelle mondiale.

Les contradictions principales qui marquent cette période sont les suivantes : primo la contradiction entre travail et Capital ; secundo la contradiction entre l’impérialisme et les peuples et nations opprimés ; tertio la contradiction entre les puissances impérialistes elles-mêmes.

Mais ni le capitalisme monopoliste d’État, ni la révolution technico-scientifique, ni la globalisation ou quelque autre expression de l’impérialisme contemporain ne constituent de nouveaux stades de développement du capitalisme. Ils ne changent rien à ses caractéristiques ni ne peuvent résoudre ses contradictions : au contraire, elles accentuent et approfondissent les trois contradictions fondamentales de l’impérialisme.

Les tendances monopolistes s’accroissent : à tous les niveaux, et globalement, les grands capitalistes continuent à éliminer leurs concurrents de moindre taille. Les monopoles deviennent multinationales, et s’agrandissent, pour se voir achetés par des monopoles de taille encore supérieure, qui en viennent eux-mêmes à fusionner.

Le parasitisme et le déclin de l’impérialisme apparaissent de plus en plus nettement : le caractère parasitaire de la classe dirigeante se fait de plus en plus clair, tandis que toute possibilité de progrès dans le monde est réprimée. Des missiles et autres armes de destruction massive sont fabriqués, au lieu que l’on investisse dans la santé, la nourriture, le logement et l’éducation. La politique réactionnaire est omniprésente. La démocratie parlementaire bourgeoise n’est qu’une couche de vernis, de plus en plus mince, recouvrant la dictature des monopoles.

L’impérialisme est le capitalisme moribond, l’antichambre du socialisme, car il renforce toutes les contradictions existantes dans le monde. Le développement économique et politique des pays capitalistes devient de plus en plus inégal, le développement devient de plus en plus chaotique. Le baromètre est sans cesse à la tempête. L’impérialisme ne défend qu’une seul cause : celle de sa propre hégémonie, de son pouvoir sur chaque chose et chaque homme, et non la cause de la liberté et du progrès, quoiqu’il se présente comme le défenseur des droits de l’homme et même des droits des travailleurs. Ses louanges à la « liberté » et à la « démocratie pluraliste » ne sont qu’un hymne à l’exploitation où la force se fait loi. Sa défense des droits de l’homme est parfaite hypocrisie. Même le droit à la vie, le droit de l’homme le plus fondamental, n’est pas garanti sous l’impérialisme, qui foule aux pieds ce droit quotidiennement et massivement. Des millions d’hommes meurent de faim, de maladies contagieuses, comme chair à canon, victimes des guerres de l’impérialisme, de catastrophes que seule la chasse au profit empêche d’éviter. Même dans les pays impérialistes les plus riches, le droit au travail, au logement, à l’éducation ou d’autres droits fondamentaux ne vont pas de soi. Dans le meilleur des cas, ils existent de manière formelle et insatisfaisante, à la merci des priorités de la classe dirigeante, subordonnés à un droit qui dépasse tous les autres : le droit à la propriété privée de tous les biens produits par la communauté.

Les sociétés impérialistes sont caractérisées par divers courants réactionnaires, à la botte de la dictature des monopoles. Le « pluralisme » et le flot ininterrompu de nouvelles philosophies à la mode, ne servent qu’à escamoter le fait que l’unique idéologie de ces sociétés est le pur et simple anti-Communisme. Leur vie politique n’est qu’une fraude électorale permanente, un bavardage permanent dans des parlements devenus creux et inutiles ; leurs mass-médias ne sont qu’un marché aux demi-vérités et aux complets mensonges. Le débat public est contrôlé et manipulé. La vie sociale est dominée par la publicité et la vacuité. L’art, la culture et le sport sont contrôlés et sponsorisés par les cartels et servent à promouvoir leurs produits et à maintenir les hommes dans un État de quiète hébétude. Le racisme et la xénophobie, la conception selon laquelle les pays impérialistes sont en eux-mêmes supérieurs et donc disposent de droits supérieurs, le chauvinisme impérialiste, règnent partout. Les mouvements fascistes sont voués à se développer. L’alcoolisme et l’accoutumance aux drogues sont largement répandus, les massacres et la terreur fasciste se répandent, le crime organisé et la prostitution sont présents à grande échelle.

Et lorsque la population semble récolter une partie des fruits des progrès technologiques, c’est — selon la propagande capitaliste — grâce au caractère progressiste de la libre économie de marché. Mais la population n’a accès à ces nouvelles technologies que dans la mesure où cela sert les intérêts et les profits de ceux qui produisent ces nouvelles technologies, et parce que le développement de la production capitaliste et la préservation de la société capitaliste l’exigent. Sans quoi bien peu de travailleurs posséderaient une voiture, la télévision serait restée un secret militaire bien gardé, et les ordinateurs domestiques ne seraient pas apparus. Et ce ne sont pas les partis bourgeois, réformistes ou révisionnistes, ni les débats parlementaires, ni les lobbyistes et leur marché aux chevaux, qui offrent aux travailleurs et à la population une amélioration de leurs conditions d’existence ou de nouveaux droits.

Toutes les réformes importantes ont surgi comme sous-produits de la lutte révolutionnaire. Toutes les grandes avancées politiques et sociales ont été imposées par le socialisme, par la lutte révolutionnaire du prolétariat et des peuples. Des dizaines d’années de lutte ouvrière, la crainte de la bourgeoisie devant la révolution, tout cela combiné aux besoins propres du développement capitaliste, c’est tout cela qui nous a apporté l' »État-Providence Belge » dans lequel nous vivons aujourd’hui. Et aucune réforme ne peut durer ou persister sous le capitalisme. La soi-disant prospérité, les accords sur la sécurité sociale, les droits politiques et démocratiques peuvent nous être retirés du jour au lendemain. Quand elle se sentira suffisamment forte, la classe dirigeante n’hésitera pas un instant à abolir tout cela.

C’est pourquoi les travailleurs sont contraints à mener sans cesse une lutte défensive pour conserver les droits et acquis sociaux conquis de haute lutte. C’est aussi pour cela qu’ils doivent sans cesse recommencer la lutte inégale pour la défense des salaires, et pour la réduction du temps de travail contre l’accélération des rythmes de travail et le stress croissant.

Dans des temps de crise, quand le pouvoir de la classe dirigeante se voit menacé par la révolution, le « pluralisme » et la « démocratie » sont également mis de côté. Alors la dictature terroriste du capital financier prend la forme explicite du fascisme. Les partis communistes sont interdits et les organisations de travailleurs sont dissoutes. Les travailleurs et la population sont confrontés au poing de fer qui suit la démocratie formelle comme son ombre.

6. Vers le socialisme, vers le Communisme

Le 20e siècle fut le siècle des premières tentatives de mise à bas du capitalisme, le siècle du début d’un nouveau développement social — qui nous mènera à une société sans classes qui a pour nom le Communisme.

L’étape du socialisme permet la transformation révolutionnaire de la société de classes capitaliste en la société sans classes communiste. Entre la société de classes capitaliste et la société communiste sans classe, l’étape du socialisme permet la transformation révolutionnaire de la première en la seconde. Le socialisme est une société de transition, le stade inférieur de la société communiste, qui élimine graduellement le legs et les scories de la société d’exploitation qui l’a précédé, et vainc finalement le capitalisme.

Le socialisme abolit l’exploitation de l’homme par l’homme : il commence sa construction par l’élimination de la classe inutile et parasitaire des capitalistes. Le prolétariat n’y est plus l’instrument de la classe dirigeante, mais y prend le pouvoir politique — avec à sa tête la classe ouvrière —, et en collaboration avec les nouveaux intellectuels du socialisme, pour construire une nouvelle société. Le socialisme pose les fondements de nouveaux rapports sociaux, d’une nouvelle communauté des hommes, la société communiste, où l’homme et la nature vivent en harmonie, où toute distinction entre les classes aura disparu, où l’État, expression du pouvoir d’une classe, n’est plus. Dans cette société communiste, les partis politiques, instruments des différentes classes — y compris le Parti communiste — auront disparu, car les contradictions de classes qui traversaient la vieille société auront cessé d’être. La société communiste se développera rapidement, librement. Tous les êtres humains auront le même rapport aux moyens de production : égaux dans la société, leur personnalité pourra alors se déployer totalement. La société se développera par la libre contribution de chacun. Les forces productives pourront se déployer librement pour le bien-être de la communauté des hommes toute entière. La préhistoire de l’Humanité aura pris fin : les hommes seront enfin, collectivement, maîtres de leur destinée. Toute hiérarchie, toute frontière dans la division du travail — telle que l’opposition entre travail manuel et intellectuel, entre ville et campagne, entre les sexes — aura été abolie. Le travail ne sera plus une obligation, mais le premier besoin de la vie, expression de la force créative des hommes. La fin de la société socialiste est le début du Communisme.

Deux aspects fondamentaux caractérisent la société socialiste. D’abord et avant tout, la dictature du prolétariat, c’est-à-dire le fait que la classe des travailleurs est organisée comme classe dirigeante, sans devoir partager le pouvoir d’État avec quelque autre classe ou groupe. Ensuite, le fait que toute propriété privée de moyens de production (tels que la terre, les matières premières, les bâtiments et les entreprises) y est abolie. Si une de ces deux caractéristiques fondamentales fait défaut, on ne peut parler d’une véritable société socialiste, même si un pays se déclare socialiste ou se fait taxer de socialisme.

Tous les États, toutes les formes d’organisation étatique, que l’Histoire a connus jusqu’ici étaient des États de classe, des instruments de domination de classe. Dans chaque formation sociale précédant le socialisme, l’État est un instrument utilisé par une minorité pour régner sur la majorité. L’État bourgeois est l’outil de la domination de classe de la bourgeoisie sur le prolétariat et le reste de la population. L’État socialiste est un outil de domination aux mains du prolétariat. Il appartient à la grande majorité, et pour la première fois sert les intérêts de cette grande majorité, dans la construction du socialisme, vers le Communisme. En même temps, l’État socialiste défend le socialisme comme système social contre l’agression et la subversion, contre la réintroduction du capitaliste.

La révolution socialiste et l’État socialiste arrachent la propriété des moyens de production à la bourgeoisie et aux grands propriétaires fonciers, et en font une propriété collective du socialisme. Le socialisme abolit l’exploitation de la force de travail, et donc l’esclavage capitaliste du salariat. Chacun est rétribué en fonction de son travail, sans qu’aucune plus-value n’en soit extraite au profit d’une classe de rapaces.

Sous le socialisme, les travailleurs exercent une réelle influence sur le développement de la société, sur sa relation avec la nature, et sur sa propre existence. La société et l’économie se développent selon un plan rigoureux, où participent activement tous les citoyens. Le but de la production n’est plus le profit, mais la satisfaction des besoins matériels et culturels croissants de la société et des hommes. L’économie socialiste rend possible un développement scientifique et technologique dans tous les domaines où celui-ci est bénéfique au progrès de la société tout entière. Pour mener à bien la construction du socialisme, il ne suffit pas d’assurer le progrès matériel, social et culturel de toute la population, d’abolir le chômage, d’assurer un logement décent et une éducation de qualité à tous… il faut aussi veiller à ce que s’étendent largement la démocratie politique, et une vie sociale et culturelle florissante pour tous.

La démocratie est une force décisive dans la construction du socialisme. Le socialisme donne à la démocratie un contenu réel, au lieu d’être simplement formelle. Il permet à la démocratie de se développer constamment, parallèlement aux conditions concrètes. Elle s’étend bien au-delà de la conception démocratique-bourgeoise du mot, mais étend le champ de la démocratie à la production et à tous les aspects de la société. Les droits individuels, sociaux et politiques des hommes deviennent une réalité.

D’autre part, de la même manière que la bourgeoisie avait aboli les droits de naissance de l’aristocratie, le prolétariat abolira la loi capitaliste, basée sur la propriété privée. Sous le socialisme, il sera possible — pour la première fois dans l’histoire — d’abolir la double oppression des femmes prolétaires. Le socialisme met fin au militarisme et à l’agression, à la haine raciale, aux préjugés et aux conflits nationaux, au gaspillage des ressources humaines et naturelles, intellectuelles et matérielles.

Le socialisme construit une véritable société d’abondance, qui accorde une importance centrale aux besoins des hommes. Le socialisme se construit sur la base d’un lien étroit entre le prolétariat — classe dominante et dirigeante — et le reste de la population dans les villes et les campagnes, y compris les petits paysans, les fonctionnaires et les intellectuels.

La construction du socialisme requiert l’initiative et la force créatrice de larges masses. C’est l’action consciente de la population qui construit une nouvelle société. Ceci ne peut advenir par des méthodes bureaucratiques ou administratives, mais par l’effort collectif des travailleurs et de la population dans son ensemble. Le socialisme abolit les contradictions antagoniques dans la production et dans la société, mais ne peut vaincre toutes les contradictions antagoniques. Ceci vient du fait que des reliquats de l’ordre ancien subsistent, que des classes et les contradictions de classe n’ont pas encore disparu, mais aussi du fait que l’on peut tenter de construire le socialisme dans un pays encerclé par les capitalistes et les impérialistes. Dès lors, des contradictions antagonistes et non-antagonistes perdurent sous le socialisme. L’existence de ces contradictions antagonistes signifie que la lutte de classes se poursuit pendant toute la période du socialisme.

La classe renversée des exploiteurs et la réaction internationale n’avalent pas si facilement leur défaite et entreprennent sans cesse de nouvelles tentatives pour rétablir le système d’exploitation.

Existe aussi sous le socialisme le danger du développement d’une bureaucratie révisionniste, qui accapare le pouvoir, se comportant à la manière d’une nouvelle classe bourgeoise dominante, tendant à réintroduire le capitalisme.

Ces deux sources, qui risquent de miner la construction socialiste, restent actives et resurgissent pendant une longue période. Du côté des travailleurs, la lutte de classes est menée comme un combat pour défendre leur État contre l’agression impérialiste, contre le carriérisme, contre la bureaucratie et contre la décadence révisionniste. C’est une lutte contre la vieille classe des exploiteurs dont le pouvoir économique et politique sera brisé, mais qui est toujours physiquement présente et tente de revenir au pouvoir, et contre les nouveaux éléments bourgeois et révisionnistes soutenus par la réaction internationale. C’est une lutte contre les reliquats du capitalisme, visant à bloquer toute possibilité de restauration du capitalisme, tout en travaillant au progrès du développement socialiste de la société.

Même si le capitalisme a repris le dessus dans les premiers pays qui ont commencé à construire une société socialiste, et même si qu’on peut dire qu’il n’existe plus aujourd’hui de vrai pays socialiste (dans les pays dits « socialistes » ou qui se revendiquent du socialisme — Chine, Corée du Nord, Vietnam, Laos, Cuba —, le processus de restauration capitaliste se poursuit d’une façon plus ou moins accélérée, sous la forte pression impérialiste et en fonction des « ouvertures » consenties ou même préconisées par les bureaucraties et les partis révisionnistes au pouvoir), la restauration capitaliste n’est pas inévitable.

Si en Union Soviétique et en Chine, certains éléments objectifs ont pu entraver la construction du socialisme (tels que le faible développement des forces productives sous le capitalisme à cette époque et dans ces pays), et contribuer finalement à l’échec, le développement global de l’impérialisme au 20e siècle ne présentera plus ces mêmes obstacles à la construction socialiste. Et ce sera la vigueur de la lutte de classes menée par le prolétariat contre les restes du capitalisme qui seule pourra garantir la victoire.

La restauration capitaliste peut être évitée pour autant que le Parti communiste des travailleurs reste révolutionnaire et ne s’enfonce pas dans le révisionnisme, pour autant que le pouvoir d’État ne puisse pas se placer au-dessus de la classe prolétaire, mais reste un outil aux mains des travailleurs.

La construction du socialisme se déploie étape par étape en une société socialiste pleinement développée, prête pour le passage au Communisme. Cette période peut durer des décennies : tout dépend du niveau de développement des sociétés individuelles et des circonstances internationales dans leur ensemble. La révolution socialiste n’est pas une formule magique, qui effacera en un instant toute la misère du capitalisme et tous les problèmes de l’Humanité. La construction du socialisme sera une longue période de travail et de lutte pour effacer les scories de la vieille société et construire une société humaine et juste.

7. Les classes en lutte dans la Belgique aujourd’hui

La Belgique divisée en classes

Les classes sont de grands groupes d’êtres humains, qui diffèrent par la place qu’ils occupent dans un système historiquement déterminé de production sociale, par leur relation aux moyens de production, par leur rôle dans l’organisation sociale du travail, et par conséquent par la portion de la richesse sociale qui leur reviennent et la façon dont ils l’obtiennent. dans une société divisée en classes, un de ces groupes peut tirer profit du travail de l’autre, en fonction de la place qu’ils occupent dans le système d’économie sociale. La Belgique est une société de classe où la classe capitaliste, la classe dirigeante, s’approprie le travail des travailleurs. Et de quelque façon qu’on le présente, la Belgique est une société fondée sur l’exploitation.

La Belgique capitaliste

Une seule classe s’est assuré une abondance de richesse : la classe dominante, la bourgeoisie, la classe des capitalistes. Son sommet absolu, un petit groupe de capitalistes monopolistes, constitué de quelques centaines de familles, vivant une vie dorée, fondée sur l’exploitation, entouré de serviteurs obéissants. Ce petit groupe règne sur la société et sur l’État, possède la majeure partie de toutes les richesses produites par la société. Le sommet de la bourgeoisie est donc constitué de propriétaires et d’actionnaires de grandes entreprises, rarement impliqués eux-mêmes dans la gestion de ces entreprises, et des managers qui gèrent ces grandes entreprises. Il comprend également le sommet de l’administration publique, de l’armée et de la police, mais aussi de grands propriétaires fonciers et la prétendue « élite » artistique, académique et intellectuelle. Elle comprend également des politiciens de carrière — de niveau national ou régional — et ceux qui, à la tête des syndicats, gèrent des fonds considérables.

La Belgique capitaliste comprend également des paysans riches, des intellectuels indépendants, de hauts fonctionnaires qui travaillent pour l’appareil d’État, et la couche supérieure de la petite-bourgeoisie parmi les employés des secteurs privé et public. A cela nous ajouterons l’aristocratie ouvrière, la fraction privilégiée du prolétariat – soudoyée par le capital – constituée par exemple de contremaîtres ou de syndicalistes bureaucrates.

Cette classe dirigeante, avec ses agents et ses laquais, ne constitue qu’un pourcentage très modeste de la population belge.

Le Prolétariat

Le prolétariat, en croissance constante, produit la plus-value dont se nourrit le capital et assure la reproduction de la force de travail. Il constitue environ 60% de la population active, et représente dès lors la classe majoritaire de la société. Le prolétaire d’aujourd’hui travaille dans des usines et des entreprises, dans des bureaux, dans le commerce, le transports et les services. Les prolétaires sont constamment déplacés pour permettre aux employeurs publics et privés de disposer en permanence de nouvelles forces de travail. C’est aussi le prolétariat qui prend à sa charge cette part de la population qui n’est pas nécessaire à la production actuelle ou future – le nombre croissant de pensionnés, de prépensionnés et d’invalides. Le travailleur se tue à la tâche, à moins qu’il ne soit contraint à l’inactivité, contraint à «jouir» des allocations de chômage ou du CPAS. Le temps est bien révolu où le travailleur qualifié pouvait par son seul salaire assurer la subsistance de sa famille. La baisse constante des salaires réels force tant l’homme que la femme a avoir un travail. La plupart des jeunes doivent aussi travailler, gagnant quelques miettes dans les jobs les plus ingrats. Tout ceci prouve que l’exploitation augmente sans cesse.

Tandis que la production capitaliste s’étend, le prolétariat rassemble de plus en plus de composantes de la société. Il s’y ajoute un nombre important de femmes et de travailleurs étrangers. Une série d’emplois qualifiés ont disparu, et la quantité d’emplois non-qualifiés ou peu qualifiés a augmenté, particulièrement dans le secteur florissant des services. Le noyau du prolétariat est constitué des ouvriers industriels, les ouvriers qui travaillent dans les centres de production à grande échelle. La fraction la plus large et la plus militante des travailleurs est constituée des travailleurs non- ou peu qualifiés dans toutes les branches des secteurs privé et public.

Le prolétariat est la seule classe véritablement révolutionnaire dans la société capitaliste. Son rôle historique est d’enterrer le capitalisme et d’être la force principale dans la construction du socialisme.

Les intellectuels

Dans toute société de classe, les intellectuels constituent un groupe particulier, qui sert cette société et sa classe dirigeante. Ils sont éduqués en vue de développer et préserver la société capitaliste, d’assurer l’oppression idéologique du prolétariat et des larges masses populaires. Ce sont des universitaires, des scientifiques et des spécialistes, des prêtres, des avocats, des journalistes, des écrivains, des artistes, des «conseillers» dans tous les domaines, des professeurs de toutes sortes, des étudiants avancés, des professionnels du spectacle, etc. Ce qu’ils vendent, ce n’est pas leur travail, mais leur savoir et leur savoir-faire, leur compétences et leurs produits intellectuels. Certains sont indépendants, ont leur propre entreprise avec ou sans employés. D’autres appartiennent à la sphère petite-bourgeoise dans le secteur public ou privé. Seule une petite fraction des intellectuels parviennent à rejoindre les rangs de la grande bourgeoisie.

La petite-bourgeoisie et les groupes qui l’entourent

Entre les deux classes les plus importantes de la société se trouvent les petites-bourgeoisies urbaine et rurale et les groupes qui les entourent. Ces groupes constituent au total un groupe social très large, environ un tiers de la population active. Ils sont pressurés par les monopoles et les grands et moyens capitalistes, ou par le secteur public dont la direction représente les intérêts de la classe capitaliste dans son ensemble.

A la petite-bourgeoisie urbaine et rurale appartiennent les artisans indépendants, les petits paysans et pêcheurs, les petits commerçants et prestataires de services indépendants. Le petit-bourgeois est propriétaire de ses propres moyens de production, et doit travailler énormément pour tenir tête à la concurrence capitaliste. Certaines entreprises petites-bourgeoises ne sont constituées que d’une personne, ou d’une famille. D’autres emploient quelques travailleurs dont ils exploitent le travail.

Contrairement au capitaliste, les petits-bourgeois occupent eux-mêmes une place dans le processus de production. Leur travail et leurs entreprises sont exploités par les banques auxquelles ils sont bien souvent pieds et poings liés, ou par leurs fournisseurs, ou encore par les entreprises dont ils sont sous-traitants. Ils sont souvent au bord de la banqueroute à cause des plus grandes entreprises qui leur font concurrence. Quelques-uns prospèrent et deviennent capitalistes, mais la grande majorité est privée de ce succès. Les entreprises petites-bourgeoises et leurs propriétaires se renouvellent constamment : certaines font faillite et ferment, ou sont rachetées par de plus grandes entreprises. L’ex-petit-bourgeois se retrouve avec une montagne de dettes, contraint à changer de style de vie, sans emploi.

Mais sans cesse de nouveaux «entrepreneurs» surgissent et veulent tenter leur chance. La petite-bourgeoisie traditionnelle se trouve prise dans une spirale descendante et se voit absorbée par le prolétariat.

La sphère petite-bourgeoise comprend aussi un large groupe hétéroclite de salariés qui travaillent tant dans le secteur privé que public. Ils ne possèdent pas eux-mêmes les moyens de production, ils ne créent pas de plus-value, mais occupent des fonctions de gestion du système de production et de commerce capitalistes, ou des fonctions qui assurent la survie de ce système : fonctions de contrôle et de répression, fonctions idéologiques, etc. Ce groupe comprend les administrateurs, toutes sortes de spécialistes et de fonctionnaires, des professeurs et enseignants, des infirmières en chef, des employés des CPAS, de la police, de l’administration publique et bien d’autres.

Le petit-bourgeois a à la fois un côté réactionnaire et un côté qui le rapproche du prolétariat et de la société socialiste future.

Une grande partie de la petite-bourgeoise subsiste grâce aux fruits de l’exploitation du prolétariat, en en partageant plus ou moins directement les profits. D’autre part, les petit-bourgeois travaillent eux-mêmes. Ils rêvent de devenir des capitalistes ou de faire carrière dans les sphères supérieures de leur entreprise ou de leur administration. Mais au final ils se retrouvent les mains vides, font faillite ou sont licenciés. Ils sont contraints de travailler toujours davantage, car on exige toujours plus d’eux.

Le couche supérieure de la petite-bourgeoisie et de son entourage est très proche de la bourgeoisie. La couche inférieure — par contre — est très proche des travailleurs qualifiés et du prolétariat. Nous pouvons considérer cette dernière fraction, qui ne vit pas de l’exploitation et ne participe pas à cette exploitation, qui ne se laisse pas corrompre par une série de privilèges, et qui rejoint la lutte contre le capital monopoliste et son état, comme des alliés plus ou moins solide dans la lutte quotidienne pour une société nouvelle. Cette fraction est particulièrement grande parmi les employés des services publics. La révolution socialiste améliorera leur condition. La fraction progressiste des intellectuels et des étudiants sont des alliés du prolétariat.

Mais ceux qui vivent de l’exploitation, dont le style de vie est très proche de celui de la bourgeoisie, ceux qui occupent des positions dirigeantes dans la production capitaliste, dans l’organisation sociale ou dans l’appareil de pouvoir et de répression bourgeois, ainsi que les intellectuels réactionnaires, sont des alliés fidèles du capital. Ils ont quelque chose à perdre dans le processus révolutionnaire.

Entre ces deux couches extrêmes de la petite-bourgeoisie, un groupe assez large tend à soutenir le système existant. Ce groupe doit être anéanti politiquement afin d’éviter qu’il ne devienne une force au service de la contre-révolution.

Quand nous considérons la sphère petite-bourgeoise dans sa globalité, nous voyons qu’elle oscille, hésite à prendre parti pour la bourgeoisie ou pour le prolétariat. Elle est également la base sociale des courants politiques et idéologiques les plus réactionnaires.

Les intellectuels petits-bourgeois et l’aristocratie ouvrière forment la base sociale de l’opportunisme, du réformisme et du révisionnisme dans le mouvement ouvrier.

Le lumpen-prolétariat

Dans les bas-fonds de la société, nous trouvons un petit groupe, le lumpen-prolétariat, (« prolétariat en haillons »), groupe des personnes déclassées qui subsistent par de petits trafics, par la prostitution, par la mendicité et par de des petites combines et des petits délits. Ce groupe est en partie issu du prolétariat, mais est plus généralement produit passif de la décomposition des couches inférieures de la société. Le lumpen-prolétariat peut se trouver çà et là en partie entraîné dans le mouvement révolutionnaire prolétarien, mais ses conditions de vie et l’idéologie individualiste et antisociale qu’elles produisent le prédisposent plutôt aux choix les plus réactionnaires (fascisme, intégrisme religieux, racisme, sexisme, etc.).

La base sociale de la révolution
La base sociale de la révolution est en extension continue. Dès lors le capital se voit contrait d’augmenter ses efforts pour attiser et approfondir toutes les contradictions à l’intérieur du prolétariat et du peuple. Pour cela, le Capital utilise tous ses partis politiques, son gigantesque appareil médiatique, les dirigeants réactionnaires de syndicats et de l’aristocratie ouvrière, et de temps à autre, certains éléments du lumpen-prolétariat. La classe dirigeante a donc recours à des mesures toujours plus raffinées pour contrôler et diviser le peuple, pour l’empêcher d’unir ses forces contre le capital. La polarisation sociale croît, la grande contradiction entre les classes devient toujours plus claire. Le désespoir, la haine et la colère montent — mais aussi l’indifférence, l’apathie et l’égoïsme.

Le feu du mécontentement social couve. Le temps où la Belgique semblait être une oasis de collaboration de classe au milieu d’un désert de lutte des classes est bien révolu.

Les femmes, qui bénéficient selon la Constitution de droits égaux, ne peuvent pas en réalité jouir de ces droits : elles sont encore au second rang sur le marché du travail et dans la société, et portent encore la plupart des charges familiales et éducatives. La travailleuse est toujours opprimée sur deux fronts. La situation des mères seules devient très difficile. La lutte des femmes pour des droits égaux et pour leur libération, qui historiquement sera soutenue et renforcée par toute la classe ouvrière, est loin d’être finie.

Le capital requiert continuellement de nouvelles forces de travail bon marché : cela a conduit à l’importation massive de travailleurs étrangers et de réfugiés. De plus, les travailleurs les plus qualifiés des pays pauvres, leurs médecins, ingénieurs, informaticiens sont amenés ici à leur tour. De cette façon, ces pays se voient spoliés de leurs compétences et de leurs spécialistes.

Ces travailleurs et intellectuels arrachés à leur pays d’origine, déracinés, sont à la merci des employeurs et de l’État exploiteurs, des campagnes de haine menées par les néo-nazis et par la réaction politique, de la terreur fasciste et raciste. Mais de plus en plus, les travailleurs belges et étrangers se rejoignent dans la lutte contre l’ennemi commun : le capital et la réaction.

Les travailleurs et la population belge rejettent la xénophobie, la discrimination et la création de ghettos. Le prolétariat soutient l’intégration volontaire des nouveaux citoyens sur une bases non religieuse, respectant leur identité nationale et culturelle.

La Belgique capitaliste a perdu toute perspective de développement indépendant. Notre « État-Providence » si réputé est presque entièrement liquidé. Des atouts importants — qui jusqu’ici appartenaient à la communauté, au patrimoine national — sont privatisés. La classe dirigeante a liquidé les États nationaux : la Belgique est devenue une province de l’Union Européenne. La souveraineté nationale et l’auto-détermination ont été liquidés.

Sur le plan international, le comportement de la Belgique capitaliste est devenu de plus en plus réactionnaire : elle constitue un pilier solide du « Nouvel Ordre Mondial » capitaliste, et participe voracement aux guerres d’agression et de pillage de l’impérialisme et de l’OTAN.

La classe dirigeante, ses gouvernements changeants, ses partis politiques, n’ont rien à offrir à la classe ouvrière et au peuple, sinon des conditions de vie toujours plus mauvaises, moins de prospérité et moins de démocratie. Seul le socialisme peut apporter le progrès au prolétariat et au peuple, et redonner un futur au pays.

Centralité de la classe ouvrière dans le processus révolutionnaire

Comme dans les autres centres impérialistes, l’évolution de la structure de la classe laborieuse de la Belgique est caractérisée par une double tendance : d’un côté le prolétariat — c’est-à-dire la classe des travailleurs contraints pour vivre de vendre leur force de travail dans le cadre du salariat capitaliste — est en pleine expansion ; d’un autre côté, la classe ouvrière — à savoir la fraction prolétarienne rassemblant les travailleurs productifs et industriels — est en diminution (même si, à l’échelle mondiale, la forte extension de la classe ouvrière dans les pays dominés et nouvellement industrialisés compense très largement cette réduction propre aux centres impérialistes). Dans la mesure où à l’origine le prolétariat correspondait quasi exclusivement à la classe ouvrière, nous pouvons résumer le problème en disant que le prolétariat a perdu en homogénéité ce qu’il a gagné en étendue.

Cette nouvelle situation résulte de plusieurs phénomènes. En premier lieu par ordre d’importance, il y a l’absorption par les grandes sociétés capitalistes de nombreuses activités économiques autrefois assumées par la petite-bourgeoisie indépendante, artisanale, commerçante ou intellectuelle. A vrai dire il n’est plus un seul secteur de leur activité traditionnelle d’où les petits-bourgeois indépendants ne soient impitoyablement chassés par des sociétés capitalistes. L’exemple du secteur de la distribution est des plus flagrants, mais en fait l’ensemble du domaine des services est frappé de la même manière : une constellation d’indépendants cèdent le terrain à quelques grands groupes employant exclusivement le travail salarié. Le phénomène s’étend également aux professions libérales — pourtant jusqu’il n’y a pas longtemps fief absolu de la petite-bourgeoisie. Citons par exemple des juristes salariés dans des bureaux d’avocats, des chercheurs embauchés par les laboratoires des trusts, des médecins travaillant pour des hôpitaux, etc. Partout donc le salariat étend sa loi.

Il importe aussi de souligner une manifestation particulière du phénomène. Il s’agit de toutes les sortes de dépendance qui lient de plus en plus étroitement des éléments formellement indépendants aux groupes capitalistes et qui induisent une quasi prolétarisation des premiers. C’est le cas pour ces agriculteurs ou éleveurs, toujours formellement propriétaires de leurs exploitations, mais avant tout asservis aux grands groupes financiers (auprès desquels ils sont endettés jusqu’au cou, ils ont dû hypothéquer leurs terres et leurs biens ; en Belgique, dans l’agriculture, les capitaux empruntés ont plus que triplé en dix ans alors que les fonds propres n’ont augmenté que de soixante-quatre pour cent ; le rapport entre les deux, exprimant le degré d’indépendance du secteur vis-à-vis du capital financier, est ainsi tombé de quatre-vingt-un à septante pour cent) et aux groupes de l’agro-alimentaire (qui fixent d’autorité la nature et le volume des productions, en contrôlent la commercialisation, imposent des méthodes professionnelles, etc.)… quand il n’est pas question de conglomérats uniques s’étendant de la finance à l’agro-business ! C’est également le cas pour ces détaillants qui, formellement indépendants et parfois propriétaires de leurs installations commerciales, sont entièrement asservis à des grands groupes de production ou de distribution via le système de franchise. Finalement ce sont ces groupes qui choisissent et fournissent les marchandises, en assurent la promotion, fixent les marges bénéficiaires, etc.

Autre phénomène à l’origine de la formidable expansion du prolétariat au-delà de l’usine et de la mine, le développement de la bureaucratie impérialiste. Bureaucratie de l’État bien sûr mais aussi et surtout bureaucratie envahissante du grand Capital. Certes des concentrations économiques de plus en plus vastes exigent des structures de gestion, communication, coordination et contrôle en rapport, mais l’impérialisme pour sa part multiplie avant tout des secteurs parasites. Citons les activités bancaires, de courtage, de finance, d’assurance… Remarquons combien le commerce international nécessite d’administrations pour répondre aux formalités douanières, aux opérations de change, aux spécificités des législations, etc. Rappelons l’infernale sophistication des techniques commerciales qui se traduit en un investissement toujours plus démesuré dans le factoring, le marketing, la publicité, etc. Le poids de cette bureaucratie impérialiste se fait particulièrement sentir en Belgique, dans la mesure où notre pays représente depuis longtemps une zone privilégiée pour les quartiers généraux ou les centres de coordination des sociétés multinationales, tout comme pour des institutions transnationales de la bourgeoisie impérialiste — à commencer par l’Union Européenne.

La marginalisation de la petite-bourgeoisie et la réduction constante de la paysannerie débouchent, pour ainsi dire, sur un prolétariat toujours plus vaste face à une bourgeoisie toujours plus dominante. La bipolarisation de la société capitaliste atteint en Belgique des sommets inégalés… qu’elle tend à dépasser encore. Concrètement, tout le discours dominant exaltant les vertus des petits et moyens entrepreneurs recouvre une réalité de plus en plus accablante pour la petite-bourgeoisie. Les petits indépendants sont contraints à céder toujours plus de terrain, toujours plus de parts du marché ; ils se retrouvent forcés à des conditions et des horaires de travail démentiels pour des revenus en chute libre ; ils doivent faire face à la concurrence de plus en plus sauvage des «nouveaux entrepreneurs» qui, désespérant de trouver un emploi décent, jouent leur va-tout (c’est-à-dire engagent leurs économies ou héritages, s’endettent, sacrifient leur droit à la sécurité sociale, etc.) en se jetant dans des petits métiers ingrats, peu lucratifs quand pas avilissants. Certes ces «nouveaux battants» gonflent un temps les effectifs de la petite-bourgeoisie indépendante mais, fondamentalement, ils la fragilisent et la déstabilisent. Les économistes bourgeois qui se complaisent à voir dans ce gonflement d’effectifs une issue à la crise de l’emploi confondent ce qui est un symptôme de cette crise avec l’illusoire remède à celle-ci, qu’ils attendent en vain. La bipolarisation de classe croissante et le remodelage du prolétariat qui en découle influencent bien évidemment le domaine de la lutte des classes. Et c’est à ce niveau qu’apparaît la dimension actuelle de la centralité ouvrière.

Rares ont été les pays et les époques où le Parti du prolétariat, tout en conservant ses objectifs historiques, en suivant sa ligne propre et en défendant ses intérêts spécifiques, n’ait pas dû passer alliance (ou tout au moins essayer) avec la paysannerie ou la petite-bourgeoisie — voire même avec la bourgeoisie — nationales. C’était inévitable quand il s’agissait de lutter contre un régime féodal ou semi-féodal, contre la colonisation ou l’oppression impérialiste étrangère, tant que le prolétariat restait extrêmement minoritaire par rapport à la paysannerie, etc. Aujourd’hui encore l’alliance entre le prolétariat et la paysannerie semble incontournable dans la plupart des pays dominés et, dans certains cas, il conviendrait même de l’étendre à la petite-bourgeoisie (ou du moins à des secteurs particuliers de celle-ci). Cela s’explique naturellement par le fait que le prolétariat dans ces pays dominés doit encore franchir des étapes historiques dépassées depuis longtemps dans les pays dominants de la chaîne impérialiste (indépendance nationale, démocratisation, etc.).

Chez nous aussi, au siècle passé comme au début de celui-ci, le prolétariat a dû passer alliance avec la petite-bourgeoisie (et dans une moindre mesure, la paysannerie) pour arracher à la bourgeoisie les réformes démocratiques qui lui permettaient d’élargir sa lutte. Précisons à cet égard que la perversion de cette lutte par les réformistes de la social-démocratie (qui, troquant la finalité contre les moyens, ont substitué une réforme relative de la société bourgeoise à la marche révolutionnaire vers le socialisme) ne remet pas en cause la correction intrinsèque de la lutte historique pour la démocratie.

Il importait que le Parti du prolétariat détienne la direction de ces alliances de classe, y préserve son autonomie et conserve ses objectifs propres. Cela s’est parfois réalisé, grâce au fait que le prolétariat a toujours été supérieurement organisé par rapport à la petite-bourgeoisie ou à la paysannerie (un actif auquel les communistes sont loin d’être étrangers) et qu’il dispose, à travers du marxisme-léninisme, d’une arme théorique lui permettant de comprendre les tendances historiques fondamentales et les intérêts respectifs des classes en présence — et donc d’élaborer une politique précise et adéquate. De surcroît, porté par des objectifs historiques bien plus vastes et puissants que ceux des classes avec lesquelles il pouvait passer ponctuellement alliance, le prolétariat a toujours occupé une place d’avant-garde dans les luttes pour des étapes historiques intermédiaires (démocratie, indépendance nationale, etc.).

Aujourd’hui dans les pays impérialistes européens il ne peut être question d’alliances de classe comme il y a un siècle ou comme il doit encore en être établies dans les pays dominés. Cela pour deux raisons. Premièrement, les classes avec lesquelles le prolétariat pouvait s’allier ont objectivement perdu leur ancienne importance — souvent déterminante. Deuxièmement, le stade atteint ici par le développement du mode de production capitaliste (et notamment la prolétarisation de l’immense majorité de la population active) ne fixe plus aucun objectif préalable à la révolution prolétarienne. Ces deux données sont étroitement liées du fait que le développement capitaliste lui-même élimine progressivement et inexorablement ce qui n’est ni prolétaire ni bourgeois et, en même temps, crée des conditions objectives toujours plus propices à l’édification socialiste. Le ralliement d’éléments issus de la petite-bourgeoisie ou de la paysannerie à la révolution prolétarienne reste bien entendu possible, souhaitable… et inévitable, mais de tels ralliements — aussi nombreux qu’ils pourraient être — relèvent de l’initiative individuelle et non d’une démarche de classe en tant que telle. Ces ralliements s’inscrivent au service des seuls intérêts prolétariens et dans la perspective d’une révolution prolétarienne ayant pour objectif la dictature du prolétariat.

Qu’advient-il alors dans ce contexte de l’important concept politique et stratégique de la centralité ouvrière ? La tendance révélée par l’analyse des classes, qui veut que le prolétariat ait perdu en homogénéité ce qu’il a gagné en étendue, constitue le cadre de la solution. La centralité de la classe ouvrière ne s’exerce plus vis-à-vis des classes laborieuses non prolétariennes (comme c’était le cas quand «prolétariat» et «classe ouvrière» se confondaient face aux classes intermédiaires), elle s’applique au sein même du prolétariat vis-à-vis des secteurs prolétariens non ouvriers.

Cette centralité est motivée pour diverses raisons. Le fait que la classe ouvrière a systématiquement constitué, dès son apparition et sans discontinuité jusqu’à nos jours, le noyau dur des luttes populaires et prolétariennes ne procède en rien du hasard.

La classe ouvrière bénéficie de très hautes traditions de lutte, d’organisation (le taux de syndicalisation des ouvriers belges est par exemple nettement supérieur à celui des employés), de solidarité, d’esprit de sacrifice, de politisation et de détermination qui font défaut aux autres fractions du prolétariat et spécialement à celles ayant assimilé des groupes sociaux récemment prolétarisés et/ou qui ne sont pas encore passés par le creuset de la lutte des classes (ou même pire, dont les manifestations antérieures de cet affrontement les voyaient ralliés au camp bourgeois). Dans bien des cas les couches nouvellement prolétarisées restent encore attachées au bagage idéologique de leur ancienne condition, sont plus vulnérables aux manipulations du discours dominant et adoptent en conséquence des attitudes en retrait de la combativité ouvrière (ou parfois carrément des comportements de jaunes) lors des grandes épreuves de la lutte des classes. Bien entendu cette donnée tend à évoluer et, dans des régions qui sont traditionnellement des bastions ouvriers, on peut voir des groupes prolétariens non ouvriers s’engager sur des positions prolétariennes très offensives.

Mais, plus fondamentalement, la centralité ouvrière au sein du prolétariat s’impose du fait que le degré de contradiction opposant le prolétariat ouvrier au mode de production capitaliste et à la bourgeoisie est plus élevé que celui du prolétariat non ouvrier. Le prolétariat non ouvrier est en contradiction avec le mode de production capitaliste parce qu’il se trouve lésé des richesses créées par le travail social (richesses que s’approprie la bourgeoisie) en même temps qu’il fait l’expérience à travers l’austérité, le chômage, les grandes orientations de société, etc., de la nocivité du capitalisme devenu un obstacle au libre développement des forces productives, au progrès social, culturel, etc. Le prolétariat ouvrier vit lui aussi tous ces éléments de contradiction, mais d’une façon bien plus aiguë : c’est lui qui est le créateur des richesses sociales que s’accapare la bourgeoisie pour leur donner tantôt le caractère de Capital additionnel, tantôt le caractère de revenu. Ce facteur ne doit pas être sous-estimé. Si le prolétariat dans son ensemble est frustré de la richesse qui naît du travail social (les prolétaires n’ont comme revenu que le produit de la vente de leur force de travail), la classe ouvrière pour sa part est directement volée de cette richesse. Il n’est certes pas de frontière tranchée entre prolétariat ouvrier et prolétariat non ouvrier, — les intérêts de classe sont fondamentalement indivisibles —, mais ces deux catégories n’en existent pas moins et cela doit être pris en considération dans l’analyse politique. L’expérience enseigne d’ailleurs que les travailleurs sont d’autant plus déterminés dans la lutte des classes qu’ils sont proches économiquement et/ou historiquement de la classe ouvrière.

Ce n’est pas tout de dire que la classe ouvrière détient de hautes traditions de lutte et connaît un degré d’antagonisme élevé envers le système capitaliste. Il faut ajouter que la classe ouvrière (à laquelle il convient d’associer pour l’occasion une majorité des travailleurs des services publics) est objectivement bien plus étroitement liée au projet socialiste que ne le sont les fractions non ouvrières du prolétariat. Car la classe ouvrière œuvre déjà dans le cadre d’une production collective et industrielle, son travail est donc déjà socialisé — à la différence de ses fruits. L’appropriation des moyens de production par les travailleurs et pour les travailleurs est un projet libérateur d’autant plus accessible pour la classe ouvrière que personne n’est mieux placé pour se rendre compte qu’il « suffit » pour cela de se saisir du pouvoir politique. On comprend aisément que des prolétaires effectuant un travail socialement absurde et stérile, dans le cadre d’un quelconque service financier ou marchand de la bourgeoisie impérialiste, éprouvent plus de difficultés à ce sujet.

Pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer, la thèse de la centralité ouvrière dans la lutte prolétarienne pour la révolution socialiste doit rester au premier plan dans la réflexion des communistes. En valorisant cette thèse, le mouvement révolutionnaire communiste guidera correctement le mouvement prolétarien vers les formidables potentialités offertes par le stade de développement des forces productives et par la bipolarisation toujours plus achevée de la société en deux classes antagoniques. A notre avis, ces éléments révèlent aussi combien les centres impérialistes — telle l’Europe occidentale par exemple — constituent à notre époque des espaces où l’édification socialiste pourra aller infiniment plus vite, plus loin et plus sûrement que ce ne fut jamais le cas dans le passé. A la condition expresse qu’un cap rigoureusement prolétarien soit maintenu — suivant les enseignements du marxisme-léninisme — et en sachant que la classe ouvrière, guidée par son Parti, est la mieux, la seule habilitée à maintenir ce cap historique.

8. Construire une force révolutionnaire

Combattre le réformisme et le révisionnisme

Historiquement se sont développées deux lignes à l’intérieur du mouvement ouvrier : d’une part la ligne réformiste qui prône la collaboration de classe et vise l’aménagement et donc la préservation du système capitaliste, et d’autre part la ligne révolutionnaire qui prône la rupture de classe, et vise le renversement du capitalisme et la construction d’une société socialiste.

Ainsi, de nombreux groupes — du réformisme du Parti «Communiste» Belge à l’ultra-gauchisme des mouvements bordiguistes — représentent en fait les intérêts de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie à l’intérieur du mouvement ouvrier.

Le révisionnisme, déjà dénoncé à maintes reprises par Lénine, vise à s’approprier les concepts théoriques du marxisme pour en détourner le sens de manière conforme aux intérêts de la bourgeoisie. Théorie et pratique allant de pair, les groupes révisionnistes sont naturellement amenés à adopter des formes de lutte qui estompent les distinctions de classe, ou mènent inévitablement à la stagnation et à l’échec.

Ce qui est commun à toutes les cliques révisionnistes, c’est leur incapacité à simultanément : primo concevoir la nécessité historique et morale de mettre fin à la domination politique de la bourgeoisie ; secundo concevoir la possibilité pratique d’y mettre fin ; tertio élaborer une stratégie révolutionnaire d’avant-garde qui guide chaque étape du travail des révolutionnaires ; quarto mettre en place les moyens concrets de cette stratégie.

Ainsi, le réformisme qui maintient les luttes dans le cadre du système capitaliste : en prétendant récuser les «excès» du capitalisme, les mouvements réformistes légitiment la domination de la bourgeoisie. En niant la nécessité ou la possibilité du renversement du Capital, les réformistes nuisent subjectivement à la Révolution en démoralisant les éléments potentiellement combatifs, et lui nuisent objectivement en détournant les forces au profit d’objectifs limités, que la bourgeoisie balaiera dès que l’Histoire lui en donnera la possibilité. En effet, les acquis concrets que la classe ouvrière a arrachés depuis plus d’un siècle à la bourgeoisie ne sont pas le résultat de négociations réformistes, mais le résultat d’un rapport de forces où, in fine, le prolétariat ne peut garder un poids réel qu’en poursuivant sa dure et implacable lutte vers la Révolution.

L’économisme, qui partant de la juste constatation que la domination bourgeoise trouve son assise dans les rapports de production capitalistes, en vient à nier le rôle central de la politique et la question du pouvoir. Car les rapports de production capitalistes ne pourront être abolis que par la dictature du prolétariat, où l’État prolétarien — défendant les intérêts de la classe des travailleurs — mettra fin à la propriété privée des moyens de production.

Les différentes formes d’opportunisme qui au lieu de déterminer leurs choix par l’analyse dialectique des forces actuelles à la lumière du but révolutionnaire et de la stratégie révolutionnaire qui nous mènera à ce but, se contentent de tenter de tirer parti des différents mouvements de mécontentement qui naissent spontanément dans certaines couches populaires ou petites-bourgeoises. Car s’il est juste de faire fond sur le mécontentement des masses, d’en faire un puissant levier pour accroître les forces des communistes, il faut nécessairement pour cela critiquer les tendances contre-révolutionnaires qui sont toujours majoritaires lorsque ces mouvements de mécontentement naissent et se développent spontanément, sans être informés et guidés par les principes du marxisme-léninisme. Ainsi, s’il est juste de soutenir le mécontentement de larges fractions de la population immigrée contre les formes particulières d’oppression et d’exploitation dont elles sont la cible, cela doit se faire sans concession aucune aux idéologies réactionnaires (tels que l’islamisme) qui les grèvent, et en visant toujours l’unité des différentes fractions du prolétariat présentes en Belgique en vue de l’objectif commun de l’émancipation révolutionnaire.

L’ouvriérisme est une forme particulière d’opportunisme, qui détermine la politique révolutionnaire en fonction du niveau de conscience atteint par la classe ouvrière. C’est ignorer la dynamique de la révolution, celle qui mena le parti bolchevique au pouvoir : tant la pratique d’agitation que la propagande révolutionnaire visaient à élever le niveau de conscience et de combativité de la classe, afin de l’aider à se saisir des principes théoriques (le marxisme-léninisme) et des moyens organisationnels (de manière centrale, le Parti) qui ont assuré sa victoire. Une organisation révolutionnaire doit donc — à chaque moment de la lutte — avoir une pratique d’avant-garde. Les ouvriéristes (tels de nombreux groupes trotskistes aujourd’hui) sont, pour leur part, condamnés à suivre la classe plutôt que de marcher à sa tête.

Le populisme détermine la politique révolutionnaire en fonction du niveau de conscience atteint par les masses populaires, et suit donc les masses plutôt que de marcher à leur tête. Par exemple, aujourd’hui, PTB — dans ses multiples déviations opportunistes — non seulement mène une politique d’arrière-garde sans aucune stratégie révolutionnaire, mais de plus estompe les distinctions de classe fondamentales (en mêlant revendications petites-bourgeoises et luttes prolétariennes) et nie de facto la centralité de la classe ouvrière.

Le légalisme respecte le cadre légal défini par l’État bourgeois pour assurer son pouvoir et sa préservation. Aucune réelle rupture de classe ne peut se déployer dans les limites de la loi bourgeoise. Si le Capital a aménagé ici ou là quelques «espaces de liberté» (droits de l’homme, «liberté d’expression»), c’est uniquement dans la mesure où — dans l’étape actuelle de son développement dans les métropoles — ces formes lui ont semblé les plus à même de gérer la lutte des classes, d’étouffer les revendications révolutionnaires. Occasionnellement, les révolutionnaires pourront s’en saisir tactiquement, tout en sachant que le Capital pourra à la moindre menace bafouer ou balayer ses propres lois.

Le parlementarisme prétend qu’une participation aux élections peut servir la lutte du prolétariat. Et si, tactiquement, le mouvement révolutionnaire a pu se saisir occasionnellement de ces moyens, ce ne fut que de manière accessoire, et à une étape avancé du combat pour la Révolution. Aujourd’hui, participer aux élections, c’est légitimer le système bourgeois, et laisser entendre que la démocratie parlementaire bourgeoise est autre chose que la forme la plus avancée des rapports de domination bourgeois.

Le pacifisme nie le rôle révolutionnaire central de la violence dans l’Histoire et laisse à la bourgeoisie le monopole de la force et de la violence. En effet, pour le Capital, le moyen le plus économique pour garder ce monopole consiste à faire en sorte qu’il ne soit pas remis en question, et que les exploités renoncent d’eux-mêmes à tout usage de la force. Face au pacifisme bourgeois, nous affirmons la légitimité de la violence révolutionnaire.

Le purisme dogmatisme et sectaire des organisations de l’ultra-gauche qui discutent à longueurs de pages sur le sens et la portée de telle ou telle virgule chez Marx. Ces groupes qui se disputent à longueur d’années désertent tous la pratique militante parce que chaque front de lutte n’est pas cette lutte des classe pure et nue qui n’existent que dans les modèles théoriques. C’est ainsi que les luttes ouvrières revendicatrices leurs apparaissent définitivement réformistes, que les luttes de libérations nationales sont pour eux fondamentalement bourgeoises, etc. Ce retrait de toute pratique politique ôte en fait toute valeur à leurs travaux théoriques — réduit leur activité théorique à une sorte de pilpoul talmudique.

Le subjectivisme substitue à l’analyse scientifique des classes en lutte des définitions subjectives. Pour les subjectivistes (et notamment les libertaires de tout poil), le combat ne doit pas être mené par le prolétariat — mené par la classe ouvrière et son Parti — mais par le camp des révoltés, de ceux qui — subjectivement — ne peuvent plus accepter le régime. Ce sont alors les petits-bourgeois, les exclus, les marginalisés du système qui en viennent à déterminer la ligne de la lutte, non en fonction des intérêts de la classe qui ne peut vaincre qu’en mettant fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, mais en fonction d’intérêts divergents — souvent conciliables avec le capitalisme — quelquefois anti-sociaux. Dépourvus d’armes théoriques solides, ces mouvements sont naturellement voués à l’imprécision idéologique, aux errements stratégiques, et à l’échec.

Avant-garde et Parti de classe

Une classe sociale est un groupe de personnes réunies par une situation commune dans la production, par conséquent, par une situation commune dans la répartition et partant par des intérêts communs (intérêts de classe). Toutefois, chaque classe ne constitue pas un tout parfaitement homogène, où toutes les parties seraient égales. Ainsi le prolétariat contemporain. Il ne s’agit pas seulement ici d’inégalité d’esprit ou de capacités. Même la situation, la « manière d’être », des diverses parties du prolétariat n’est pas identique. Les classes ne sont jamais parfaitement homogènes. Comme les autres classes, la classe ouvrière ne tombe pas toute prête du ciel, mais se forme, se reforme et se transforme constamment, absorbant notamment des nouveaux éléments issus de la paysannerie, de la petite bourgeoisie urbaine, etc., c’est-à-dire parmi les autres groupes de la société capitaliste.

L’ouvrier d’usine, le facteur et l’employé de banque diffèrent. Ici la cause de l’hétérogénéité est l’hétérogénéité des entreprises elles-mêmes et de tout leur régime de travail. Une autre cause est la durée de présence dans la classe prolétarienne et la perspective que l’on a (ou croit avoir) de sortir de cette classe.

La différence de « manière d’être » se reflète dans la conscience. Le prolétariat n’est pas plus homogène dans sa conscience que dans sa position sociale. Il est plus ou moins homogène si on le compare aux autres classes. Mais si on examine ses diverses parties, on obtient le tableau que nous venons d’esquisser.

Quant à sa conscience de classe, c’est-à-dire par rapport à ses intérêts durables, généraux, non pas comparatifs, non pas de groupes, non pas grossièrement matériels, non pas personnels, mais à ses intérêts généraux de classe, le prolétariat est fractionné en une série de groupes et de sous-groupes, tout comme une chaîne unique, composée d’une série de chaînons de solidité variable.

C’est cette hétérogénéité de classe qui rend un Parti indispensable.

Si la classe prolétarienne était parfaitement et absolument homogène, elle pourrait alors en toute occasion agir comme masse compacte. Pour la direction de toutes ses actions, on pourrait choisir les hommes ou les groupes par roulement : une organisation constante de direction serait superflue, le besoin ne s’en ferait pas sentir.

La réalité est bien différente. La lutte du prolétariat est inéluctable. Une direction est indispensable pour cette lutte. Elle est d’autant plus indispensable, que l’adversaire est fort, rusé, et que la lutte contre lui est une lutte cruelle. Qui doit diriger toute la classe ? Laquelle de ses parties? C’est clair : la plus avancée, la plus éduquée et la plus unie.

Cette partie-là, c’est le Parti.

Le Parti, ce n’est pas la classe, mais une partie de la classe, parfois une partie très restreinte. Mais le Parti c’est la tête de la classe. Voilà pourquoi c’est le comble de l’absurdité que d’opposer le Parti à la classe. Le Parti de la classe prolétarienne est ce qui exprime de la façon la meilleure ses intérêts de classe. On peut distinguer classe et Parti, de même qu’on peut distinguer la tête de l’ensemble du corps. Les opposer est impossible, pas plus qu’il n’est possible de décapiter un homme sous prétexte de lui donner longue vie.

De quoi dépend, dans ces conditions, le succès de la lutte ? Des rapports normaux entre les diverses parties du prolétariat, et avant tout des rapports normaux entre le Parti et les sans-parti. Il faut, d’un côté, diriger et commander ; de l’autre, éduquer et convaincre. Sans éducation et conviction, il n’est pas possible de diriger. D’un côté, il faut que le Parti soit compact et organisé à part, comme faisant partie du prolétariat. De l’autre, il doit s’unir de plus en plus étroitement aux masses sans-parti, en en attirant une partie sans cesse plus grande dans son organisation. La croissance morale et intellectuelle d’une classe trouve en somme son expression dans la croissance du Parti de cette classe. Et, inversement, le déclin d’une classe s’exprime dans le déclin de son Parti ou dans la baisse de son influence sur les sans-parti.

Nous venons de voir que l’hétérogénéité d’une classe a pour résultat la nécessité d’un Parti de cette classe. Mais les conditions de vie capitalistes et le bas niveau intellectuel non seulement de la classe ouvrière, mais aussi des autres classes, créent une situation telle que l’avant-garde du prolétariat, c’est-à-dire son Parti, manque elle-même d’homogénéité. Elle est plus ou moins homogène si on la compare aux autres parties de la classe ouvrière, mais si l’on prend les différentes parties de cette avant-garde, c’est-à-dire du Parti même, on met sans peine à nu cette hétérogénéité interne.

Nous reprenons ici point par point le même raisonnement que tout à l’heure pour la classe. Imaginons un cas contraire à la réalité, à savoir une pleine homogénéité du Parti à tous points de vue : quant à la conscience de classe, quant à l’expérience, quant à l’art de diriger, etc. Alors, il n’y aurait évidemment nul besoin de « dirigeants ». Les fonctions de direction pourraient être assumées par chacun à tour de rôle, sans aucun dommage pour la cause. Mais en fait, cette pleine homogénéité n’existe pas, même dans l’avant-garde. Et c’est là la cause fondamentale de l’absolue nécessité de groupements plus ou moins stables de cadres. Les cadres n’existent que pour exprimer de la façon la meilleure les justes tendances du Parti. Et de même que c’est un non-sens d’opposer le Parti à la classe, de même c’est un non-sens d’opposer le Parti à ses cadres.

La question de la violence

La violence est accoucheuse de l’histoire. La Révolution consiste en la prise du pouvoir d’État par le prolétariat, cet affrontement sera inévitablement violent et inclura une dimension militaire essentielle.

La violence révolutionnaire est le stade supérieur et organisé de la violence spontanée des masses soumises à la violence du Capital. Il s’agit d’une violence de classe, d’une violence de rupture radicale avec le régime, d’une violence ne visant pas à combattre tel ou tel aspect du Capital, mais visant à l’attaquer concrètement. La violence révolutionnaire est juste et fait partie intégrante du processus révolutionnaire.

Aucune lutte révolutionnaire ne peut se développer intégralement dans le cadre de la légalité bourgeoise, sinon de manière partielle et limitée dans le temps. La loi bourgeoise est le fidèle reflet du pouvoir politique de la bourgeoisie, et a pour but essentiel la perpétuation de son régime. Respecter la loi bourgeoise, c’est se priver de toute possibilité de rupture radicale avec le capitalisme.

Dans le processus qui nous mènera à la révolution, les communistes et les masses révolutionnaires devront recourir à la violence, à divers degrés, depuis la réponse immédiate à la violence du Capital (qui quotidiennement tue, mutile et opprime les travailleurs) jusqu’à la violence organisée dans ses différentes formes : la guérilla, la guerre révolutionnaires. Renoncer à la violence révolutionnaire organisée, au recours aux armes, ce serait se soumettre à la violence de l’ennemi et se condamner à l’échec, puisque dès que la bourgeoisie se sent menacée, elle augmente d’un cran son propre niveau de violence — comme le prouve, parmi tant d’autres exemples, l’expérience de la répression sauvage des communistes en Allemagne en 1933 et de l’anéantissement des structures de pouvoir populaire qu’ils avaient pu construire.

La stratégie politique que les communistes doivent définir doit donc inclure une composante illégale et militaire. La question du moment du déclenchement d’une activité politico-militaire est une question cruciale. Dans le mouvement révolutionnaire, l’éventail des positions va de l’extrême aventurisme anarchiste (où un individu isolé peut légitimement poser une action armée) à l’extrême opportunisme trotskiste (où seul l’engagement de larges masses dans l’action armée légitime le recours à la lutte armée par les révolutionnaires).

Dans leurs activités théoriques et pratiques, dans leurs modes d’action et d’organisation, les communistes révolutionnaires doivent assumer une position d’avant-garde et s’en tenir, sur cette question comme sur les autres, à deux grands principes du marxisme-léninisme : primo la révolution sera une action de masse et les révolutionnaires ne peuvent espérer la mener seul à bien ; secundo sans avant-garde révolutionnaire, il ne peut y avoir de processus révolutionnaire ;

Ce qui implique que la lutte armée devra être engagée avant que le prolétariat y ait recours et, précisément, pour ouvrir cette voie au prolétariat. Ce qui implique également que cette lutte armée n’a de sens que si, effectivement, elle ouvre cette voie. Etre en avant des masses sans se couper d’elles est un exercice particulièrement délicat, surtout lorsque l’action révolutionnaire prend une dimension illégale. Dans ce cas, un manque de liaison avec les masses est tôt ou tard sanctionné par une défaite. Entamer une action armée sans placer au cœur de ses préoccupations le lien au prolétariat relève du « militarisme ».

La violence révolutionnaire prendra, lorsque ses forces se seront accrues, la forme de la guerre révolutionnaire. Cette guerre se dirige contre la bourgeoisie et son État. Elle vise la prise du pouvoir par le prolétariat révolutionnaire, la destruction de l’appareil d’État bourgeois, l’instauration d’un État prolétarien, le renversement du système capitaliste et l’instauration du socialisme.

Le Parti révolutionnaire guide cette lutte. Il l’initie, il la développe, la popularise. Pour que les masses populaires puissent prendre le pouvoir, elles doivent être capables de l’organiser. Ce nouveau pouvoir n’a rien à voir avec l’ancien. Quelle que soit la conception de la forme de la violence révolutionnaire aux débuts du processus révolutionnaire (lutte armée ou organisation révolutionnaire de la violence des masses), la guerre populaire ne se confond pas avec cette lutte — et constitue une étape ultérieure. Le processus révolutionnaire comprend également l’organisation des masses, en comités, en conseils populaires. Ce processus d’organisation est en conflit antagonique avec la bourgeoisie et son État. En ce sens, il est une guerre, celle des masses populaires pour leur organisation et leur libération.

En Chine, la guerre révolutionnaire a profité de bases rouges, de zones libérées où les réactionnaires ne pouvaient pas aller, et où la transformation révolutionnaire des rapports sociaux commença directement. Dans les métropoles impérialistes, cela ne peut s’appliquer. Mais les masses populaires peuvent faire reculer l’État sur de très nombreux points et en de très nombreux endroits. Elles peuvent s’organiser et casser l’appareil de répression de l’État ; elles peuvent prendre en main de très nombreux aspects de leur vie.

Qu’elle se mène dans les pays dominés ou dans les métropoles impérialistes, la guerre révolutionnaire revêt les spécificités suivantes : primo elle se caractérise du début à la fin par l’emploi de la guerre de guérilla, mais elle combine la guerre de guérilla, la guerre classique, la guerre psychologique, la guerre secrète, le terrorisme et la guerre insurrectionnelle au fur et à mesure de son développement, les premières unités de guérilla constituant en fait une armée conventionnelle en voie de formation ; secundo elle n’a pas un objectif limité et spontané (ainsi la libération nationale) mais un objectif total et précis (révolution sociale et dictature du prolétariat), c’est une guerre d’anéantissement, la nature du but de la guerre impose comme but dans la guerre la victoire militaire totale sur les forces armées ennemies ; tertio il lui importe dans un premier temps moins d’user militairement l’ennemi que de l’user idéologiquement et politiquement, en affirmant la légitimité de la lutte révolutionnaire et en dissipant les artifices politiques et idéologiques par lesquels le régime prétend fonder sa propre légitimité ; quarto chaque progrès militaire est lié à un progrès politique inscrivant d’une manière ou d’une autre le développement du nouveau pouvoir dans la société (dans des zones libérées dans le tiers-monde, à l’intérieur d’organisations de masse comme les syndicats, dans des réseaux de militants dans les métropoles, etc.) ; quinto une longue phase de défensive stratégique et d’offensives tactiques, caractérisée par l’accumulation des forces et une bataille essentiellement politico-idéologique, est suivie d’une phase offensive plus brève visant à l’anéantissement des forces armées du régime.

Le pouvoir populaire ne naît ainsi pas le jour de l’insurrection finale. Il se développe au fur et à mesure, dans l’agitation, la propagande, la lutte de classes, l’organisation, qui nécessitent la violence révolutionnaire.

Notre héritage historique

L’héritage révolutionnaire de la classe ouvrière de Belgique et du mouvement communiste international tel que nous le revendiquons se compose des éléments suivants :

— Les travaux théoriques et les premières expériences pratiques de Karl Marx et de Friedrich Engels pour la construction du Parti communiste comme force organisant les éléments de la classe prolétarienne qui sont conscients de leur situation de classe et qui, de ce fait, mènent la lutte des classes. «L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes» — ce qui rend indispensable leur réunion en une force politique spécifique organisée en fonction des seuls intérêts populaires et prolétariens.

— L’Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale), fondée en 1864 par Marx et Engels pour permettre aux ouvriers du monde entier de dépasser le stade des luttes revendicatives économiques partielles (usine par usine, région par région) pour assumer ouvertement une position de lutte de classe — c’est-à-dire de lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, en posant la question du pouvoir des travailleurs et donc de la révolution prolétarienne.

— L’expérience historique de la Commune de Paris (1871) ou, pour la première fois, les travailleurs ont renversé le pouvoir bourgeois, construit leur propre pouvoir, et entrepris l’édification d’un ordre social d’où serait bannie l’exploitation capitaliste — malgré les limites de cette expérience, handicapée par l’absence d’un véritable Parti rassemblant et organisant les travailleurs révolutionnaires.

— La période révolutionnaire de la Deuxième Internationale, fondée en 1899 par Engels, qui vit le développement des partis et syndicats ouvriers, la popularisation des principes du marxisme, et donc l’affirmation que partout l’émancipation des travailleurs serait l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

— La critique de cette même Deuxième Internationale par Lénine et par la gauche des conférences de Zimmerwald (1915) et Kienthal (1916), lorsque les directions des partis ouvriers qui la composaient se révélèrent opportunistes, réformistes et chauvines. Ces directions en effet, au lieu d’appliquer les décisions du Congrès de Bâle en cas de guerre («agiter les couches populaires» et «précipiter la chute de la domination capitaliste» à la faveur de la crise économique engendrée par la guerre), choisirent toutes en 1914 de s’aligner sur leur propre bourgeoisie nationale et d’entraîner les travailleurs dans la guerre impérialiste.

— La Révolution russe, dirigée par Lénine, qui a mis en évidence l’importance d’un Parti révolutionnaire d’avant-garde, résolu, bien organisé, homogène politiquement, aussi capable de mener la lutte clandestine que la lutte ouverte, et se fixant ouvertement l’objectif du pouvoir des travailleurs (« dictature du prolétariat ») — autrement dit un parti de type léniniste ou « bolchevique ».

— Le Komintern (Troisième Internationale), fondée en 1919 par Lénine sur base de la critique de la trahison social-démocrate de 1914 et sur base de l’expérience victorieuse de la Révolution russe. Le Komintern a montré combien était nécessaire et efficace une organisation internationale rassemblant les partis révolutionnaires de tous les pays et leur servant, en quelque sorte, d’État-major.

— La critique du Komintern lorsque celui-ci, d’État-major de la révolution prolétarienne internationale, est devenu simple instrument de la politique extérieure de l’URSS, et lorsqu’il a voulu appliquer une solution stratégique unique (l’insurrection préparée légalement et « paralégalement ») à toutes les situations nationales.

— Les organisations de masses internationales impulsées par le Komintern comme l’Internationale Syndicale Rouge, le Secours Rouge International (pour le soutien aux révolutionnaires persécutés et emprisonnés), le Secours Ouvrier International (pour le soutien aux luttes ouvrières), l’Internationale paysanne, l’Internationale de la Jeunesse, etc.

— La riche expérience de la construction du socialisme en URSS sous la direction de Staline, qui a fait que, pendant plusieurs décennies, le pays des Soviets a été le centre de la révolution prolétarienne mondiale et la patrie du socialisme ; la grande guerre de résistance des peuples de l’URSS et d’Europe contre le nazisme et le fascisme ; et une décennie de lutte pour la construction du socialisme dans les pays de démocratie populaire — processus interrompu par la contre-révolution révisionniste krouchtchévienne et brejnévienne.

— La révolution chinoise qui, après les échecs de Shangaï (1926) et de Canton (1927), renonça à l’application mécanique de la stratégie insurrectionnelle du Komintern et, sous la direction de Mao Tse-toung, explora victorieusement la stratégie de la guerre prolongée — cette stratégie consistant à accumuler des forces en menant la guerre de guérilla jusqu’à ce que la guerre de guérilla se transforme en guerre classique entre les forces de la révolution et celle de la contre-révolution.

— La Révolution culturelle en Chine par laquelle les forces prolétariennes ont tenté de s’opposer au révisionnisme, à l’embourgeoisement et au processus de restauration capitaliste qui, après avoir triomphé en Union Soviétique avec Khrouchtchev, menaçait la Chine.

— Les différents mouvements révolutionnaires anti-impérialistes, anticolonialistes, antifascistes et anticapitalistes des peuples du monde. Depuis la Révolution mexicaine du début du siècle jusqu’à la Révolution portugaise de 1974-75 en passant par les insurrections révolutionnaires survenues en Europe après la Révolution russe, la Révolution et la guerre antifasciste d’Espagne, la Révolution et la guerre de résistance des peuples coréen et vietnamien, la révolution cubaine, la Résistance palestinienne et les nombreuses guerres de libération des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine tout au long des dernières décennies. Avec ses victoires et ses échecs, avec ses aspects contradictoires et les limites historiques, avec ses héros (Che Guevara, Marighela, Lumumba, etc.) et ses usurpateurs, en un mot avec son mouvement dialectique, cet ensemble d’expériences est riche d’enseignements.

— La résistance, la révolution et la construction du socialisme en Albanie, et la lutte contre le révisionnisme moderne conduite pendant des décennie par le Parti du Travail d’Albanie, sous la direction d’Enver Hoxha, lequel a recueilli et développé l’expérience de la lutte contre le révisionnisme titiste menée par le Kominform sous la direction de Staline.

— La Section belge de l’Internationale Communiste, qui allait devenir le Parti Communiste de Belgique de Jacquemotte, Lahaut et Van Exterghem, et qui allait appliquer en Belgique les leçons du Komintern, en organisant la lutte des travailleurs dans l’objectif de la révolution, dans le cadre de l’internationalisme prolétarien.

— L’expérience de la résistance anti-fasciste mené par le PCB lors de l’occupation, avec l’organisation des Partisans Armées (PA) et des Comités de Lutte Syndicale (CLS).

— La critique de ce même Parti Communiste de Belgique lorsque celui-ci s’aligna, à la fin des années 50 et au début des années 60, sur le révisionnisme khrouchtchévien, autrement dit sur la direction du Parti Communiste et de l’État soviétiques qui, sous couvert de lutter contre les « erreurs du stalinisme », entreprirent de liquider les bases socialistes de la société soviétique et de restaurer des mécanismes bourgeois.

— Les grandes luttes ouvrières qui, en Belgique, des grèves générales contre la « Loi unique » en 1960 aux vastes mobilisations autour des Forges de Clabecq, ont montré non seulement la force et la combativité de la classe ouvrière dans le pays, mais aussi sa capacité à rassembler autour d’elle les différents secteurs populaires opposés au système capitaliste — malgré les limites de ces luttes qui n’ont jamais débouché massivement ou ouvertement sur la question de la révolution socialiste.

— Les diverses expériences militantes nées des critiques au PCB révisionniste : Union Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique, Parti communiste Marxiste-Léniniste de Belgique, Lutte Communiste, AMADA, etc. — malgré les limites de ces diverses expériences rapidement marginalisées par le sectarisme, le dogmatisme, le culte du « parti-frère » (chinois, albanais), etc.

— Les nouvelles formes de lutte internationalistes et anti-impérialistes nées à la fin des années 60 et dans les années 70 autour de la solidarité avec, entre autres, les peuples vietnamien et palestinien. Ces nouvelles formes de lutte consistant fondamentalement à lier le plus étroitement possible la lutte des peuples opprimés par « notre » impérialisme avec la lutte des classes en Europe.

— L’expérience des Cellules Communistes Combattantes comme tentative de reposer de manière crédible la question du pouvoir et de la violence, par le recours à la lutte armée (sous la forme de la propagande armée) en période non-révolutionnaire, et en tirant les premières leçons des expériences italienne (Brigades Rouges) allemande (Fraction Armée Rouge) et espagnole (PCE[r] et GRAPO) — malgré les limites de cette expérience (une déviation « militariste » qui leur faisait multiplier les actions armées alors que le travail classique d’agitation et de propagande politique n’était pas en mesure d’en développer l’effet).

— Les nouveaux mouvements de masses «anti-globalisation» qui, malgré leur grande faiblesse idéologique découlant d’une ignorance de l’héritage du socialisme scientifique et de 150 ans d’expériences de luttes révolutionnaires et prolétariennes, constituent le terrain où s’expriment les dispositions anti-Capitalistes d’une partie de la jeunesse et du prolétariat précaire. C’est un mouvement dans lequel s’affrontent lignes révolutionnaires et réformistes petites bourgeoises (par exemple ATTAC)

Forces constitutives et mode de fonctionnement du Bloc Marxiste-Léniniste
Le Bloc ML rassemble des collectifs et des militants issus de différents courants marxistes-léninistes du mouvement communiste belge (grippiste, enveriste, communiste combattant, marxiste-léniniste-maoïste, Pensée Gonzalo, etc.) ou issus de l’immigration et de l’exil politique en Belgique, autour du bilan critique de leurs expériences et dans la perspective de la création d’un authentique Parti Communiste en Belgique. Les forces constitutives du Bloc ML sont : le Collectif communiste AURORA et le collectif « Classe contre Classe ! », et des camarades n’appartenant plus à aucun groupe, collectif ou parti.

La non-dissolution des collectifs fondateurs dans le Bloc ML s’explique par l’existence de divergences quant à ce que doit et peut être le Parti Communiste en Belgique. La réunion de ces mêmes collectifs dans le Bloc ML s’explique par le haut degré d’unité, sur cette question et sur bien d’autres, auquel sont parvenu les collectifs et les camarades non-organisés constituant le Bloc ML.

Les collectifs qui s’unissent dans le Bloc ML conservent leur identité et peuvent développer en tant que collectif des contacts politiques, mais il n’auront de pratique publique sur le terrain de la lutte des classes en Belgique que dans le cadre du Bloc ML et qu’en tant que Bloc ML. Les camarades membres du Bloc ML qui n’appartiennent pas à un des collectifs fondateurs ne peuvent être membre d’une organisation ou d’un collectif politique ayant le même but que le Bloc ML mais n’appartenant pas au Bloc ML. Les candidats individuels à l’adhésion au Bloc ML seront admis avec le parrainage de deux membres du Bloc ML. Les collectifs candidats à l’adhésion au Bloc ML sont admis avec l’accord de tous les collectifs membres du Bloc ML.

Le Bloc ML entend favoriser la réunion des conditions nécessaires à la constitution du Parti en s’engageant sur le front de la lutte des classes, sur le front de la culture prolétarienne, sur le front de l’internationalisme prolétarien et sur le front de la solidarité de classe. Le Bloc ML intervient sur tous ces terrains directement et indirectement, par l’engagement de ses militants dans les organisations de masse tels le Mouvement pour un Renouveau Syndical ou le Secours Rouge/APAPC. Les militants du Bloc ML défendent dans les organisations de masse les principes communistes révolutionnaires tout en respectant leur caractère et leur cadre spécifique. Le Bloc ML peut s’engager ou se retirer d’organisations de masse dès le moment qu’il juge cet engagement ou ce retrait conforme aux intérêts supérieurs de la lutte.

Le Bloc ML adopte le centralisme démocratique comme principe et méthode d’organisation. Le centralisme démocratique s’exerce sans tenir compte des collectifs existant dans le Bloc ML, sur la simple base : un militant, un voix. Le Bloc ML adopte « l’agir de Parti » (discipline de Parti, esprit de Parti, etc.) comme condition à la construction du Parti. Il veillera à ce que ses militants fassent preuve, dans leur travail, des qualités d’efficacité, d’exactitude, de ponctualité, de vigilance et de discrétion, et soient d’une rigueur exemplaire dans la lutte contre les idéologiques réactionnaires et anti-populaires telle que le sexisme, le racisme, la religion, le nationalisme, etc.

L’agitation et la propagande seront deux formes essentielles du travail des communistes.

S’adressant aux avant-gardes, la propagande communiste vise sur chaque question à démontrer scientifiquement les lois qui y entrent en jeu, à en dégager et en expliquer la contradiction principale, et son lien avec la lutte révolutionnaire, en un mot à donner un si grand nombre d’idées qu’elles ne pourront être assimilées que par un nombre relativement restreint de personnes. Au contraire, l’agitation communiste — traitant des mêmes questions — s’appuiera sur des faits connus de tous, et s’efforcera de donner à la masse une seule idée révolutionnaire, s’efforçant de susciter le mécontentement sans expliquer complètement les contradictions.

Une organisation d’avant-garde doit éclairer le débat dans le mouvement révolutionnaire, et y contribuer, par la propagande communiste, mais ne peut faire l’économie de l’agitation afin de maintenir un lien organique aux masses dans chacune de leurs luttes.

9. Les fronts de lutte particuliers

Luttes ouvrières et syndicales

La lutte syndicale est un garde-fou nécessaire contre la pression des capitalistes, mais en finir avec le capitalisme exige une lutte spécifiquement politique, c’est-à-dire une lutte pour le pouvoir politique.

La position du Bloc ML quant à la lutte syndicale en général repose sur une rigoureuse distinction entre le syndicalisme compris comme moyen de défense des intérêts immédiats des travailleurs et, d’autre part, l’option qui prétend faire du syndicalisme l’alpha et l’oméga du progrès social, en l’inscrivant dans le projet réformiste. Cette distinction est donc avant tout politique. Des prolétaires peuvent lutter de la même manière et pour un même objectif partiel (salarial, par exemple) dans des perspectives radicalement différentes : les uns considérant que la satisfaction de leur revendication constituera un petit pas de plus accompli dans le sens d’une transformation progressive et progressiste de la société, les autres jugeant qu’elle constituera seulement un acompte dans l’attente de l’essentiel, à savoir le pouvoir politique et la propriété sociale des moyens de production. Ces deux conceptions opposées reflètent dans leur domaine la divergence entre le projet réformiste et le projet révolutionnaire. L’activité syndicale constitue naturellement un espace de lutte politique et idéologique entre ces deux projets.

Les révolutionnaires doivent pleinement soutenir les luttes syndicales pour la défense des intérêts immédiats des travailleurs, en s’engageant tant que faire se peut à leur côté. Mais ensuite, indissociablement, ils doivent porter la bataille politique et idéologique dans chaque lutte syndicale, en y défendant ouvertement le projet révolutionnaire contre le projet réformiste, en y appuyant toutes les tendances favorables à l’émergence ou au renforcement de la conscience de classe, de l’unité et de la solidarité prolétariennes, de la rupture avec les normes politiques, idéologiques, juridiques, etc. du régime bourgeois. L’accomplissement correct de ce travail nécessite une approche lucide et responsable du mouvement syndical en Belgique. La difficulté à ce propos réside dans le fait que les deux grandes organisations syndicales, comme toutes les autres d’ailleurs, sont irrémédiablement réformistes, corporatistes et étrangères aux intérêts historiques du prolétariat, en même temps qu’elles constituent — malgré leur carences et compromissions — les seuls remparts capables de protéger (relativement) la classe des exactions patronales.

Les militants du Bloc ML effectuent donc un travail syndical sur leur lieu de travail, tout en mettant en garde les prolétaires sur les limites de ce travail. Sur le front de la lutte du prolétariat et de la défense d’une ligne de classe dans le mouvement syndical, les militants du Bloc ML participent en outre aux activités des forces qui, dans le monde syndical, tendent directement ou indirectement en ce sens (comme ce fut le cas du Mouvement pour un Renouveau Syndical, comme c’est le cas de certains courants du Mouvement Pour une Démocratie Syndicale, etc.)

Nous rejetons comme droitiste la déviation qui consiste à faire de l’entrisme dans la C.S.C. ou la F.G.T.B. (car cela revient à prendre place dans l’attelage de l’un ou l’autre char réformiste dont l’appareil est conditionné depuis des décennies par le projet social-démocrate). Nous rejetons comme gauchiste la déviation qui consiste à déclarer une guerre à outrance aux organisations syndicales, sur le mot d’ordre «Organisons-nous hors et contre les syndicats !» (car le mouvement révolutionnaire est actuellement incapable de remplir l’insuffisante mais néanmoins indispensable fonction de défense des intérêts immédiats les plus vitaux des travailleurs, — fonction que les syndicats trade-unionistes, par obligation et nécessité, continuent d’assumer).

C’est un problème très complexe et délicat. Même entièrement déterminées par le réformisme et la collaboration de classe, les organisations syndicales en place représentent un garde-fou contre les exactions patronales et les mesures gouvernementales les plus brutales, en même temps qu’elles sont un agent de stabilité pour l’exploitation capitaliste dans son ensemble. Cette dualité exige donc beaucoup de subtilité et de circonspection et deux soucis doivent être gardés à l’esprit. D’abord, il faut éviter de renforcer l’emprise idéologique et politique des grandes organisations syndicales sur les masses. Les révolutionnaires communistes doivent mener une lutte idéologique et politique ferme contre les orientations réformistes que la F.G.T.B. et la C.S.C. défendent et incarnent. Ensuite, il faut éviter d’exercer une influence dissolvante sur les structures syndicales de base, parce qu’elles sont indispensables à la défense des intérêts immédiats des travailleurs et que le camp révolutionnaire, dans l’État actuel des choses, est incapable de mieux protéger le monde du Travail.

Concrètement, en tenant compte de la répression qui frappe les syndicalistes de lutte de classes, tant de la part de la justice bourgeoise (à laquelle le patronat a de plus en plus systématiquement recourt) que de la part de la bureaucratie syndicale (comme en témoignent les purges de 2002-2003 dans la F.G.T.B.), nous pensons que l’expérience des Comités de Lutte Syndicale, qui connurent un certain succès dans la lutte ouvrière sous l’occupation nazie, doit recueillir une attention particulière.

Un Comité de Lutte Syndicale regroupe dans une même entreprise ou secteur : primo les syndicalistes de lutte de classes de tous les syndicats, secundo les travailleurs conscients et combatifs non-syndiqués (c’est le cas de nombreux travailleurs dégoûtés des syndicats), tertio les pensionnés, prépensionnés et chômeurs actif sur le front de la lutte de classes et ayant fait partie de l’entreprises ou du secteur dans le passé. En raison des répressions du patronat, de l’État bourgeois et des bureaucraties syndicales, les Comités de Lutte Syndicale ont une vie semi-clandestine (leurs tracts peuvent être distribués aux portes de l’entreprise par des camarades travaillant ailleurs). Ils dénoncent les accords passés entre les patrons et la bureaucratie syndicale et proposent leurs propres mots d’ordre, en liaison étroite avec la réalité de l’entreprise ou du secteur, et en évitant soigneusement de tomber dans des travers corporatistes.

Les communistes ont pour responsabilité de répandre au sein du prolétariat la claire compréhension de la nature de la lutte syndicale et de ses limites, des syndicats institutionnels et de leur rôle. Il existe indiscutablement un vif ressentiment à l’égard des organisations syndicales dans de nombreux secteurs d’avant-garde de la classe, mais ce ressentiment se cristallise encore trop souvent sur des problèmes secondaires si pas inexistants. Ainsi, par exemple, l’incapacité des organisations syndicales à garantir les intérêts authentiques et globaux du monde du Travail ou à répondre à la combativité des masses est généralement imputée à la corruption des dirigeants, à la division du mouvement — à la difficulté de former des «fronts communs syndicaux» — , au caractère de syndicat jaune de la C.S.C. (qui souvent, il faut le reconnaître, se montre digne de la créature patronale et cléricale qu’elle fut à sa naissance), etc. Or, si tout cela est bien réels, le fond du problème n’est pas là. Le fond du problème, ce sont les limites inhérentes à la lutte économique qui, seule, ne pourra jamais assurer les intérêts généraux et historiques du prolétariat. La corruption, la division, les trahisons, le corporatisme, etc. du monde syndical sont des maux bien réels, mais même épuré des traîtres et des corrompus, uni et homogène, le mouvement syndical resterait toujours structurellement incapable d’autre chose qu’une défense plus ou moins efficace (selon les périodes) des intérêts immédiats du prolétariat, dans le cadre d’un système répondant objectivement à l’intérêt général de la bourgeoisie et du capitalisme.

Les militants du Bloc ML fournissent donc un travail constant d’agitation et de propagande pour démontrer aux prolétaires combatifs légitimement déçus par l’action syndicale que la lutte économique et réformiste s’inscrit par nature dans un cadre tel qu’elle ne peut en toute hypothèse suffire à l’organisation et au triomphe du monde du Travail. La lutte économique subordonnée à la lutte politique, le syndicat subordonné au Parti de classe, telle est la clé du problème, telle est la base sur laquelle il s’impose de construire — ou plutôt : reconstruire — une opposition syndicale révolutionnaire susceptible non seulement d’assurer les intérêts immédiats des travailleurs ( tâche spécifique qui garde toute son importance et qu’il n’est permis en aucune façon de négliger ) mais aussi surtout de contribuer activement à la réalisation des intérêts généraux et historiques du prolétariat.

La lutte contre la guerre

La guerre est un produit cyclique du mode de production capitaliste arrivé à son stade impérialiste, solution provisoire aux crises de surproduction de capitaux, conséquence des contradictions entre monopoles impérialistes. Il n’y a pas de capitalisme sans guerre, pas de paix sans Révolution.

La question de la guerre est de celles où l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise s’infiltrent de mille manières pour neutraliser les luttes. Les mobilisations contre les dernières guerres en Yougoslavie, en Afghanistan ou en Irak, en offrent de nombreux exemples.

Il y a d’abord le réformisme qui prétend séparer la guerre du système économique qui l’engendre. Ainsi, la récente guerre menée contre l’Irak par les multinationales pétrolières américaines, dont Bush est le représentant, est une guerre typiquement impérialiste. Ce type de guerre est intrinsèquement lié à un système où des sources de richesses telles que les champs pétrolifères (mais aussi les usines, la terre, les services, etc.) peuvent être la propriété de quelques-uns et ne fonctionner qu’à leur profit. C’est pour cela que les fractions de la bourgeoisie ou de la petite-bourgeoisie qui n’ont pas intérêt à cette guerre (mais qui auront peut-être intérêt à la suivante) veulent maintenir la lutte contre la guerre dans les limites du système. C’est pour cela qu’ils mettent en avant, par exemple, la «réhabilitation du rôle de l’ONU» — parce que l’ONU n’est jamais que l’assemblée des représentants des bourgeoisies au pouvoir dans tous les pays …

Il y a ensuite le pacifisme qui consiste à rejeter toute forme de guerre, toute forme de violence. La pression de cette idéologie petite-bourgeoise est terriblement forte et prégnante. La bourgeoisie a, avec son armée et sa police, le monopole de la force et de la violence. Le moyen le plus économique pour garder ce monopole consiste à faire en sorte qu’il ne soit pas remis en question, et que les exploités renoncent d’eux-mêmes à tout usage de la force. Face au pacifisme bourgeois, nous affirmons la légitimité de la violence révolutionnaire.

Il y a enfin l’opportunisme dont la forme la plus simplette consiste à considérer comme amis les ennemis de nos ennemis. On en vient ainsi à soutenir les régimes de Saddam Hussein ou de Milosevic, la clique d’Arafat. Or ces régimes ne représentent pas les intérêts des peuples. Et ce n’est pas leur opposition intéressée aux multinationales américaines qui les rendent « anti-impérialistes ». Nous devons lutter avec les peuples, non avec les coteries bourgeoises qui les dirigent et les exploitent.

Comme la lutte contre l’exploitation, la misère et l’injustice, la lutte contre la guerre exige une lutte contre le réformisme, le pacifisme et l’opportunisme. Ce n’est qu’en rompant avec l’idéologie bourgeoise, et en renouant avec l’idéologie prolétarienne (dont le marxisme-léninisme est l’expression théorique la plus achevée), que nos luttes se donneront les moyens de la victoire.

La lutte idéologique et culturelle

L’idéologie est un ensemble de représentations qui se meut dans le domaine des idées ; elle est distincte des autres domaines du savoir (la philosophie et les sciences). L’idéologie ne se présente jamais « en général ». Toute idéologie est en définitive idéologie d’une classe, l’ensemble organisé des représentations par lesquelles une classe sociale accompagne sa pratique. C’est donc sur le déroulement de cette pratique et sur les problèmes qu’elle suscite que s’appuie et se développe toute idéologie.

L’idéologie dominante dans une société est l’idéologie de la classe dominant cette société. La classe dominante doit donc pouvoir présenter la défense de ses intérêts comme se confondant à ceux de toute la population. Une idéologie dominante (ou aspirant à devenir dominante) ne pourra jamais se présenter que comme une idéologie « populaire ». Dans cette mesure, une idéologie qui se prétend «au-dessus des classes sociales» ne pourra jamais que se réfugier dans les principes généraux, formels ou abstraits («nation», «peuple», «ordre», «prospérité», «démocratie», «république»).

L’idéologie dominée est celle de la classe dominée. Cela implique que moins elle est développée et organisée, moins la classe dominée a conscience d’elle-même. Cela n’empêche pas pour autant, qu’à partir de sa situation sociale et matérielle toute classe sociale distincte de la classe dominante secrète ce que Lénine appelait des «réflexes de classe», même si ceux-ci ne constituent que les premiers éléments d’une idéologie structurée.

L’idéologie bourgeoise s’articule de façon centrale autour de la catégorie d’Homme. Tous les individus concrets ne peuvent jamais être en définitive que l’image incarnée de cet Homme générique. Il existerait une «nature humaine» immuable (indépendante des conditions matérielles et historiques) à partir de laquelle il serait possible de déduire toutes les caractéristiques, les propriétés, les droits, voire la psychologie de l’»Homme». Toutes ces déductions sont autant de manifestations du développement d’une certaine idée, fruit elle-même d’un certain type de rapport social promouvant l’individualisme, et articulant le développement social lui-même autour d’une affirmation de l’individu engagé dans une lutte constante contre les autres individus, qu’illustre la concurrence sociale.

Si l’on s’interroge sur l’identité de l’Homme ou le sens de sa liberté, on constate que le fouillis des réponses qui s’offre cache mal le creux de ces notions. Si l’Homme constitue un être générique idéal, il perd tout lien avec la masse des individus concrets. Les libertés devenant l’attribut inaliénable de l’Homme tournent plus au gadget psychologique qu’elles ne prennent de consistances dans des réalisations concrètes. L’idéologie bourgeoise est formaliste : la signification concrète de libération qu’elle représentait en 1789 a tôt fait de s’épuiser pour finalement, en gardant la même forme, jouer un rôle d’oppression aujourd’hui.

Le capitalisme est la première période de l’Histoire qui proclame massivement l’»égalité des hommes», tout en la niant radicalement dans les faits. Dire l’»égalité des hommes» comme le fait le Capital, c’est dire qu’il existe entre les hommes une mesure commune : cette mesure, c’est l’heure de travail, seule valeur du prolétaire aux yeux du capitaliste, seule valeur objective du prolétaire dans un monde qui nie son existence en tant qu’homme. L’égalité signifie tout simplement pour le Capital que les prolétaires sont des marchandises interchangeables, qu’aucun lien personnel n’intervient plus dans la division du travail, qu’une armée de réserve de chômeurs peut donc se constituer. Ainsi, le Capital pourra se permettre de déplacer, de mettre au rebut, voire de sacrifier, des masses entières de travailleurs.

Le Communisme, lui, réalisera l’égalité des hommes pour finalement la vider de son sens mercantile : lorsqu’enfin, le travail de l’homme ne sera plus une marchandise, lorsque le travail sera devenu le premier besoin de la vie, les hommes vivront selon la devise de Marx : «De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins».

L’idéologie prolétarienne s’organise autour de la catégorie de « Travail ». Travail qui renvoie non pas, comme la catégorie d’Homme, au registre des relations interpersonnelles, mais qui articule directement l’homme avec la nature. C’est cet effort de maîtrise de la matière, en même temps que cette donnée qu’elle représente, s’imposant et imposant ses lois inéluctablement aux individus, qui forme ce à partir de quoi les travailleurs s’appréhendent et appréhendent la réalité lorsqu’ils s’affranchissent des œillères de l’idéologie bourgeoise. Cette catégorie centrale de travail renvoie directement à celle de travailleurs. C’est là une dimension essentielle en ce qu’elle conçoit le rapport de l’homme à la nature non pas comme un rapport individuel mais comme un rapport collectif où l’individu est pris et partie prenante d’un procès social de production.

L’organisation du travail à laquelle conduit le procès actuel de production est une organisation nécessairement socialisée. En tant que telle elle interdit au travailleur, manuel et intellectuel, de se penser comme le maître d’œuvre réalisant un produit bien déterminé sur lequel il pourrait apposer sa signature, comme le faisait jadis l’artisan des corporations médiévales.

La production socialisée amenant la division du travail de plus en plus poussée, elle fait sentir au travailleur toute l’importance, au-delà des simples rapports interpersonnels, de l’organisation à la fois matérielle et humaine pour réaliser le développement social. Elle fait s’appréhender l’individu comme individu social. L’idéologie prolétarienne amène les travailleurs à penser leur action non pas comme un ensemble d’actes isolés et personnels, mais comme une action collective, concertée et organisée. Le terme de solidarité caractérise bien l’idéologie prolétarienne.

Si seul le prolétariat engendre une idéologie radicalement différente de l’idéologie bourgeoise dominante, c’est dans la mesure où la confrontation quotidienne au travail de production amène non seulement le prolétariat à défendre les intérêts collectifs au-delà des intérêts particuliers de chacun, mais il l’amène à mesurer toute la valeur de l’organisation, de la méthode, de la précision, de la discipline, etc. Les idéologies non-prolétariennes sont incapables de comprendre la signification exacte et démocratique de ce collectivisme.

L’idéologie bourgeoise et l’idéologie prolétarienne n’apparaissent pas plus à l’État pur dans la société capitaliste que les classes sociales elles-mêmes. Les différentes couches intermédiaires de la petite-bourgeoisie en témoignent : les plus élevées de ces couches sont en voie d’intégration à la bourgeoisie tandis que les plus basses sont en voie d’intégration dans le prolétariat. L’idéologie de la petite-bourgeoisie sera, de cette façon, un mélange à la fois d’éléments propres et caractéristiques de cette classe intermédiaire, et d’éléments composites issus de l’une ou l’autre des grandes idéologies qui traversent la société capitaliste.

C’est ce qui explique combien la petite-bourgeoisie constitue le point de passage privilégié entre l’idéologie bourgeoise et l’idéologie prolétarienne. Le prolétariat reçoit le plus souvent l’idéologie bourgeoise et en arrive à l’intégrer non pas directement mais bien indirectement, à travers la petite-bourgeoisie avec laquelle il se trouve en contact (enseignants, journalistes et artistes principalement). De cette façon, la petite-bourgeoisie se fait l’agent de transmission des éléments de l’idéologie dominante tels qu’elle les a elle-même incorporés dans sa propre idéologie.

L’existence d’une classe sociale n’est évidemment pas nécessairement liée au sentiment d’appartenance des individus qui la composent. Il en va ainsi de la bourgeoisie, qui se conçoit comme une somme d’individualités douées de qualités particulières plutôt que comme une classe sociale. Mais ce sentiment d’appartenance est au centre de l’idéologie prolétarienne. Le prolétariat existe en tant que classe en soi (réalité sociologique : ensemble des travailleurs objet de l’exploitation capitaliste) avant d’exister en tant que classe pour soi (réalité politique : ensemble des prolétaires ayant conscience de leur condition de prolétaire, de leur communauté d’intérêts, de leur contradiction d’intérêts avec la bourgeoisie).

Pour qu’une société fonctionne, il faut donc que les individus adhèrent à son idéologie dominante, c’est-à-dire qu’ils acceptent la façon dont elle articule la réalité sociale et conçoit les rapports sociaux. L’idéologie participe à la reproduction du système social en assurant l’assomption par les individus de leur rôle social. Il faut que « spontanément » le bourgeois assume sa fonction de promoteur du Capital, de même que « spontanément » il doit croire à l’importance et à la valeur de son rôle ; quant au travailleur, et c’est ce à quoi s’attache l’idéologie dominante, il doit être convaincu que seul un travail consciencieusement exercé lui permettra « d’arriver » tout comme son patron, ce dernier n’ayant finalement eu que plus de chance que lui.

La question de l’idéologie est donc aussi la question de l’aliénation. Dans le processus d’aliénation, l’homme extériorise ses forces propres et ses propres produits, il les considère comme étrangères et supérieures à lui. Ce sont par exemple les dieux qui, créés par l’imagination de l’homme, lui apparaissent comme des puissances extérieures auxquelles il convient de se soumettre. C’est par exemple un rapport social, le « marché », qui n’est que le résultat de la combinaison de l’activité anarchique des hommes, mais qui leur apparaît lui aussi comme une force naturelle, extérieure à l’Humanité, auquel il convient de se plier. C’est par exemple certains caractères idéologiques (idéologie individualiste et égoïste de la concurrence et de la propriété privée, par exemple) qui, pour avoir été intégrés depuis des siècles dans la société humaine, apparaissent aux hommes non pas comme le produit de leur histoire, mais comme le produit fatal et éternel de la « Nature humaine ».

L’aliénation est donc une forme d’ignorance, d’auto-aveuglement de l’Humanité qui se passe elle-même les chaînes qu’elle a elle-même forgées. La réduction de l’aliénation n’est autre que la problématique de la redécouverte du réel — et c’est la question centrale de la lutte idéologique.

Le développement de la lutte idéologique est essentielle pour le mouvement révolutionnaire. Il faut lutter contre les manifestations de l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise dans la société et dans le mouvement révolutionnaire lui-même. C’est pourquoi le Bloc ML s’engage sur le front de l’idéologie, par le biais d’interventions spécifiques (tracts, affiches, etc.) mais aussi en mettant en valeur la culture artistique, théorique et historique du prolétariat dans le cadre des activités de l’ASBL culturelle Aurora.

Lutte contre le sexisme

La femme subit une oppression spécifique dans la société impérialiste : exploitée dans la famille conjugale en tant qu’unité économique, précarisée socialement, réifiée. Dans de nombreux pays périphériques, elle subit une oppression plus brutale et douloureuse encore.

La lutte pour l’égalité des sexes rejoint la lutte pour la libération de tous les opprimés et exploités du monde, mais elle n’en est pas le levier essentiel. Ce levier essentiel, c’est la contradiction entre le Capital et le Travail, entre les classes, c’est la contradiction universelle entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste, la contradiction dont la résolution révolutionnaire permettra seule un véritable progrès social, économique, politique et idéologique de l’Humanité : la marche vers la société communiste.

En ce qui concerne le rôle de la lutte des femmes et son rapport à la lutte politique de classe, nous pensons qu’il s’impose en premier de souligner la différence fondamentale de point de vue existant entre la grande majorité des mouvements luttant pour «la libération de la femme» d’une part, et d’autre part les communistes révolutionnaires.

Cette différence réside dans la position et repose sur l’analyse de classe. Selon nous, il ne peut exister, dans une société divisée en classes sociales antagoniques, de «droits» ou de «libertés» qui transcendent la lutte des classes.

Il est parfaitement exact que, par le passé, la bourgeoisie et le prolétariat ont parfois uni (de façon contradictoire, en tant qu’eux-mêmes produits du mode de production dominant) leurs forces pour liquider définitivement la féodalité et que, dans ce cadre très général, la lutte contre le patriarcat et pour l’égalité juridique des sexes a pu unir (jusqu’à un passé plus récent, il est vrai) les mouvements de femmes bourgeoises, petites-bourgeoises et prolétaires. Mais il s’impose maintenant de comprendre que ces temps-là sont révolus dans les démocraties bourgeoises des centres impérialistes. Il y a à présent infiniment plus d’intérêts contradictoires que d’intérêts communs entre une bourgeoise et une prolétaire, l’intensité des premiers efface totalement les seconds.

En fait, tout dépend des buts réels que l’on veut atteindre. Soit un changement radical et complet des rapports sociaux vers la société égalitaire, l’abolition de l’exploitation et de l’oppression de l’Homme par l’Homme, l’élimination du sexisme, de la phallocratie, etc. ; soit des réformes anti-sexistes, anti-phallocrates, nécessairement insatisfaisantes, dans le cadre de rapports sociaux globalement inchangés, où subsistent la division en classes et l’oppression de l’Homme par l’Homme. Le premier objectif est celui des communistes révolutionnaires. Le second celui des féministes réformistes, bourgeoises et petites-bourgeoises.

Quelle doit être l’attitude de l’avant-garde communiste vis-à-vis des mouvements de lutte des femmes prolétaires (contre la surexploitation, contre le sexisme, etc.) ? Bien entendu un soutien sans faille, mais inscrit dans un travail politique visant à rendre ces mouvements conscients de leur cadre naturel — la lutte des classes — et, donc, à les qualifier vers la lutte révolutionnaire. Et quelle doit être l’attitude de l’avant-garde communiste vis-à-vis du féminisme bourgeois et petit-bourgeois ? Une critique sans concession de son caractère réformiste et anti-prolétarien.

En conclusion, nous pensons que s’il est juste de combattre le sexisme et la phallocratie à l’endroit et de la manière dont ils se manifestent (même dans le prolétariat, et tout particulièrement parmi les communistes qui doivent être exemplaires alors qu’ils ne sont jamais que les difficiles brouillons de l’Humanité nouvelle et de son harmonie sociale), seule la Révolution permettra de résoudre tous les problèmes sociaux, économiques, politiques et aussi idéologiques inhérents au (ou maintenus par) le capitalisme, et d’en finir pleinement avec l’exploitation de l’Homme par l’Homme et l’oppression de l’Homme par l’Homme. Et pour les prolétaires féminines du monde entier, l’enjeu vaut doublement la peine.

La lutte contre la répression

Le Bloc ML s’engage résolument dans la lutte contre la répression bourgeoise. La solidarité envers les prisonniers est le lieu où les divergences et fractures politiques, idéologiques et organisationnelles, doivent être les moins influentes. Le Bloc ML prend acte du devoir d’unité autour des prisonniers et face à la répression bourgeoise, et nous sommes donc prêt dans ce cadre à entrer sans arrière-pensée dans de larges mobilisations. Nous le ferons directement et en soutenant de toutes les manières l’activité du Secours Rouge/APAPC, section belge de la Commission pour le Secours Rouge International.

Cette organisation de masse soutient tous les militants révolutionnaires détenus pour leurs activités politiques ou politico-militaires, tous les travailleurs, chômeurs, étudiants, jeunes et femmes des masses populaires, persécutés ou emprisonnés dans le cadre de la lutte anticapitaliste et anti-impérialiste. Le Secours Rouge soutient les combattants anticapitalistes détenus, et aussi les combattants des luttes de libération nationale puisqu’elles sont des étapes vers le socialisme, sur base du critère de l’affaiblissement du camp bourgeois et du renforcement du camp prolétarien en général. Le Secours Rouge exclut de son soutien les prisonniers et militants de causes réactionnaires, obscurantistes et antipopulaires comme le chauvinisme, la religion ou le racisme.

L’activité du Secours Rouge n’est pas de nature humanitaire ni caritative, elle est politique. Elle n’est pas neutre, elle fait partie du grand mouvement antiCapitaliste, anti-impérialiste, antifasciste, qui vise à renverser l’exploitation et l’oppression. Elle a pour objectif de lier la résistance des camarades dans les prisons à celle qui se développe à travers la lutte prolétarienne et de masse, de les relier dans le processus général de la révolution communiste.

Appuyer la lutte, défendre l’identité politique des prisonniers révolutionnaires, renforce les mouvements de masse dans la lutte contre le capitalisme. Développer la lutte de classe, en contribuant activement à la renaissance du mouvement communiste et révolutionnaire, est la meilleure façon de soutenir les camarades emprisonnés. Il est important de faire connaître la réalité des révolutionnaires prisonniers aux masses en lutte, de les amener à reconnaître ces hommes et ces femmes dévoués, otages de la bourgeoisie impérialiste, comme une partie avancée de leurs propres luttes. Les prisonniers politiques, malgré des conditions de détention souvent très dures, n’abandonnent jamais l’affrontement. Ils méritent solidarité et affection pour le prix qu’ils paient leur engagement contre la domination criminelle de la bourgeoisie.

Le Bloc ML œuvre donc à renforcer la Commission pour un Secours Rouge International en stimulant la construction de comités locaux du Secours Rouge, à contribuer aux campagnes en cours pour la libération des prisonniers malades, à soutenir les revendications concernant la vie quotidienne en prison, à dénoncer toutes les formes d’isolement, les longues peines, les mesures dites « de sécurité », les restrictions à la libération conditionnelle, etc. Sans oublier de lutter contre les lois d’exception, la double peine, les expulsions et les extraditions.

Comme le Secours Rouge, le Bloc ML prend acte de la constitution d’une communauté de lutte dans et contre la prison impérialiste : la Plate-forme du 19 juin 1999 qui rassemble des dizaines de prisonniers politiques dans différents pays. Cette initiative sera appuyée.

Le Bloc ML soutient les militants de classe frappés par la répression dans le cadre des luttes sociales, il aide à promouvoir et organiser l’assistance économique, juridique et médicale en leur faveur quand elle est nécessaire, et il s’emploie à accroître la solidarité des masses populaires avec les révolutionnaires emprisonnés. La clé de la libération de tous les camarades réside dans ce développement concret.

La dérive idéologique des « nouveaux » mouvements de protestation

Plusieurs mouvements en viennent, pour certaines de leurs parties, à adopter des lignes carrément réactionnaires : ainsi, les mouvements écologistes (anti-OGM, anti-nucléaires, …) contemporains en viennent à mettre en cause l’idéal de Progrès, et donc la marche de l’Histoire dans sa nature même. La science et la technologie ont pour but de comprendre les lois de la nature et de les maîtriser au profit de l’homme, de son développement matériel et moral. Depuis le néolithique, les hommes modifient génétiquement (par croisement et sélection) les plantes et animaux qui leurs sont utiles. Les rapports de production capitalistes sont aujourd’hui devenus contraires au progrès de l’Humanité, voire dangereux pour sa survie : mais c’est l’exploitation anarchique et absurde des forces de la nature qu’il nous faut condamner, non la marche de l’Histoire. Les manipulations génétiques servent une clique d’actionnaires de Monsanto au lieu de décupler la production agricole et les possibilités de nourrir les deux tiers affamés du monde. L’énergie atomique est exploitée mal et anarchiquement par les multinationales uniquement préoccupées d’en réduire les coûts d’exploitation.

De nouvelles variétés du révisionnisme apparaissent sans cesse : en effet, la politique révisionniste a pour caractéristique essentielle d’oublier les intérêts fondamentaux du prolétariat, de ne pas adopter une ligne de classe, mais de s’adapter aux plus mineures variations de l’évolution capitaliste. Mais pourquoi le révisionnisme, dont la traîtrise, l’indigence théorique et l’impuissance ont été souvent démontrées, renaît-il sans cesse ? Tout simplement, comme l’indique Lénine, à cause des racines sociales qu’il a dans la société moderne. En effet, les différentes couches de la petite-bourgeoisie (petits indépendants, petits intellectuels, …), générés inévitablement par le capitalisme, sont tout aussi inéluctablement rejetées dans les rangs du prolétariat. Dès lors, puisque les idées ne sont que les reflets des mouvements objectifs du réel, les conceptions petites-bourgeoises pénètrent les mouvements prolétariens. Et il en sera ainsi «jusqu’aux péripéties de la révolution prolétarienne».

Depuis une dizaine d’années, la déviation économiste a connu de nouveaux avatars au sein du mouvement dit «anti-globalisation», dans des initiatives telles que ATTAC. Ces initiatives proposent comme revendications principales diverses formes de « rééquilibrage » économique au sein du système capitaliste, visant à contrebalancer son iniquité intrinsèque. Et, que les mesures économiques proposées soient risibles (telles la taxe Tobin) ou plus radicales, le combat politique s’en trouve secondarisé, soit en amont (lutte pour l’instauration des mesures proposées), soit en aval (lutte pour leur application). Or, l’Histoire nous a maintes fois démontré comment le Capital gère de telles volontés réformistes. — Soit les réformes voulues sont incompatibles avec le stade de développement atteint par le Capital, ce qui condamne la lutte pour ces réformes à l’échec et au découragement si les forces sont incapables de dépasser ces formes de lutte dans une perspective révolutionnaire. — Soit ces réformes sont intégrées à moyen terme par le Capital, qui renoncera à une minime fraction de ses profits au bénéfice de la collaboration de classe. Alors les mouvements réformistes rentrent paisiblement dans le giron social-démocrate, démontrant une nouvelle fois leur trahison. Bien que les déviations économistes et anti-scientifiques fassent des ravages idéologiques énormes dans les mouvements contemporains de protestation, ces mouvements renouent pourtant avec une réelle dynamique de lutte, internationaliste et radicale, rompant notamment avec le légalisme petit-bourgeois qui paralyse les luttes depuis plusieurs dizaines d’années.

L’internationalisme

Le problème des responsabilités et tâches concrètes des forces révolutionnaires des métropoles dans le domaine de l’internationalisme prolétarien a été l’occasion de nombreuses erreurs dont certaines ont encore cours. Une première catégorie d’erreurs repose sur le rejet (plus ou moins reconnu et assumé) de la perspective d’une révolution prolétarienne en Europe ; une seconde procède de l’ignorance de l’importance historique du contexte national dans les métropoles.

La proposition «faire la révolution dans son propre pays» est aussi une réaction aux thèses qui prétendent réduire le mouvement révolutionnaire dans les centres impérialistes à une sorte de « cinquième colonne » au service des peuples dominés de la chaîne impérialiste. Agissant « derrière les lignes » de l’impérialisme, dans le cadre de la contradiction opposant les nations dominantes aux nations dominées, les forces révolutionnaires des métropoles seraient seulement appelées à miner et paralyser de l’intérieur les structures et forces politico-militaires qui permettent de perpétuer la domination et l’oppression du tiers-monde, d’y mener des expéditions répressives.

Nous ne nions ni l’existence ni l’importance de cette responsabilité : nous pensons également que, du fait de sa localisation «au cœur de la bête», le mouvement révolutionnaire dans les centres impérialistes a le devoir de tout mettre en œuvre pour entraver les plans et manœuvres criminels de  » sa  » bourgeoisie à l’encontre des peuples des pays dominés. Mais ce devoir, aussi fondamental soit-il, ne peut selon nous prendre le pas sur les orientations et l’activité générales d’un processus révolutionnaire autochtone, visant à la révolution prolétarienne dans les métropoles, c’est-à-dire une révolution ayant pour sujet le prolétariat des centres impérialistes. Il nous semble même que, si l’on a en vue les intérêts des grandes masses populaires des pays dominés, la priorité historique de l’objectif de la révolution prolétarienne dans les métropoles — naturellement menée par le prolétariat et les forces révolutionnaires de celles-ci — s’impose d’autant plus. Du point de vue historique, le soutien aux luttes des peuples dominés à travers le harcèlement des structures et forces de domination impérialistes ne peut avoir qu’une incidence tactique : il peut influer sur tel ou tel affrontement, concourir à telle ou telle victoire, mais il ne modifiera pas les données fondamentales du problème, à savoir l’existence même de puissances impérialistes et, in fine, de l’impérialisme. A moins de considérer la révolution comme impossible dans les métropoles (et donc d’ignorer les enseignements du marxisme-léninisme) et/ou d’imaginer qu’elle débouchera du tiers-monde sur les métropoles, un peu à la manière de la stratégie maoïste d’encerclement des villes par les campagnes, la lutte pour le socialisme dans les centres impérialistes s’impose indiscutablement comme seule voie révolutionnaire.

Comme on le, voit cette question a de nombreuses déterminantes et implications. En fait, il est quasi impossible de l’aborder correctement sans une analyse claire de la thèse dite «des trois contradictions» évoquée au chapitre 5 de ce Manifeste.

Beaucoup des communistes partagent la thèse des trois contradictions, mais des divergences existent quant à leur importance respective. A la différence de nombreux camarades des pays dominés (et de quelques-uns des centres impérialistes), le Bloc ML considère que celle qui a et aura le plus d’importance est la contradiction entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste. En second lieu, nous plaçons celle opposant les peuples dominés aux grandes puissances impérialistes et, en troisième lieu les contradictions inter-impérialistes (économiques, politiques, stratégiques, militaires, etc.).

Pourquoi mettre en avant la contradiction prolétariat / bourgeoisie ? Parce qu’elle a une dimension universelle (elle est présente dans les pays impérialistes mais aussi dans les pays dominés), parce qu’elle reflète la tendance et possède la plus grande portée historique. Les contradictions inter-impérialistes ne remettent nullement en cause le système capitaliste et la contradiction peuples dominés / puissances impérialistes y arrive seulement quand elle se combine à la contradiction prolétariat (auquel s’adjoint la paysannerie pauvre) / bourgeoisie.

Nous pensons en outre que la contradiction peuples dominés / puissances impérialistes a déjà son apogée derrière elle, même si elle mobilise encore de larges masses populaires à travers le monde. Cette contradiction a historiquement culminé dans le processus de décolonisation qui a suivi le triomphe de la révolution chinoise. Aujourd’hui ses limites sont évidentes : partout où elle ne s’est pas combinée à la contradiction prolétariat / bourgeoisie, c’est-à-dire où le processus révolutionnaire ne visait pas l’objectif final de la dictature du prolétariat et de la construction socialiste et n’a pas été guidé par un parti marxiste-léniniste (le cas de Cuba est particulier), où le processus s’est cantonné à la libération nationale (et même si elle impliquait la nationalisation des ressources), le peuple s’est fait confisquer le pouvoir conquis dans la lutte et l’impérialisme a pu réoccuper autrement (investissements transnationaux, «coopération», crédits, etc.) l’essentiel de ses positions brièvement perdues.

Seule la résolution de la contradiction prolétariat / bourgeoisie à travers l’édification socialiste permet de dépasser les limites inhérentes à la libération nationale. C’est pourquoi nous considérons cette contradiction comme principale à notre époque, sans toutefois méconnaître la vitalité, la nécessité et la légitimité de la lutte anti-impérialiste des pays dominés. Et voilà pourquoi encore, dans notre analyse, nous rendons aux pays capitalistes avancés la place centrale dans le mouvement mondial de la révolution que Lénine leur attribuait. Car Lénine soulignait que, s’il était plus difficile d’impulser un processus révolutionnaire dans ces pays que dans d’autres, pauvres et dominés (comme l’était la Russie à son époque), il y serait plus facile d’instaurer la dictature du prolétariat, de construire et développer le socialisme.

Nous affirmons donc que la lutte pour la révolution prolétarienne dans les centres impérialistes est un élément central et incontournable pour le mouvement révolutionnaire mondial, un élément auquel les militants révolutionnaires métropolitains doivent consacrer l’essentiel de leurs forces. Certes la misère ici est sans commune mesure avec l’effroyable réalité du tiers-monde et les contradictions y sont bien moins exacerbées, mais l’État de développement des forces productives dans les pays avancés est tel qu’il offre la possibilité, non seulement d’une révolution prolétarienne victorieuse, mais aussi d’une édification socialiste bien plus complète et d’une marche vers le Communisme bien plus assurée que dans les pays dominés. Il suffit à cet égard de penser à l’étendue de la prolétarisation et à l’élimination de la petite-bourgeoisie indépendante (et de la paysannerie), de même qu’au degré de développement de l’industrie et des techniques dont la maturité constitue la base matérielle de l’édification socialiste.

La seconde grande catégorie d’erreurs concernant la question de l’internationalisme présente au sein du mouvement révolutionnaire européen repose sur l’ignorance de l’importance historique du contexte national dans les métropoles.

La cause du prolétariat et des peuples du monde est unique, indivisible, et l’internationalisme prolétarien en est la seule perspective. La solidarité entre les masses de tous les pays et l’unité des forces communistes par-delà les frontières sont donc des tâches auxquelles il s’impose d’œuvrer sans retard ni faiblesse. Dans ce cadre, la fondation d’une nouvelle Internationale Communiste est inscrite parmi les tâches d’avenir du mouvement révolutionnaire mondial. Mais s’il est vrai que les communistes révolutionnaires doivent tendre leurs efforts dans le sens de sa création, la future Internationale ne pourra ni être dictée par un petit groupe, de façon artificielle et sectaire, ni résulter d’un melting-pot qui engloberait tout ceux qui se réclament du Communisme. La future Internationale Communiste devra résulter du débat idéologique ouvert, de la lutte pour la défense des principes du marxisme-léninisme, d’une unité forgée dans la pratique révolutionnaire commune entre des forces jouant effectivement un rôle d’avant-garde révolutionnaire dans leur pays.

Cependant (et c’est ici que s’inscrit le mot d’ordre «Faire la révolution dans son propre pays»), en tant que marxistes nous n’ignorons pas que les conditions objectives de la révolution prolétarienne, celles qui sont le cadre d’existence de la classe prolétarienne, relèvent inévitablement d’un contexte national — à de multiples et complexes niveaux — et qu’il n’est pas permis d’en faire abstraction.

Il est possible, nécessaire et juste entre révolutionnaires de développer les échanges, l’information, le débat, l’encouragement et la critique fraternelle, le partage des expériences et des acquis, l’appui réfléchi, etc., en n’oubliant jamais que l’unité politique est primordiale et que finalement chaque mouvement doit seulement compter sur ses propres forces. Mais cela n’autorise pas à méconnaître le matérialisme historique et en premier lieu les réalités inégales de l’impérialisme ou les lois de ses mécanismes contradictoires, au point de nier que l’action révolutionnaire des communistes doit être ancrée dans la réalité nationale, conçue dans la considération de ses spécificités, tant il est vrai que Francfort n’est pas Lisbonne ni Athènes Bruxelles.

10. Conclusion : Il n’y a pas de petit pas …

« Il n’y a pas de petit pas dans les grandes affaires »

Rarement dans l’histoire il n’y a eu un tel décalage entre la nécessité de dépasser une organisation sociale à bout de souffle, pourrissante et malfaisante, et la faiblesse des forces appelées à la renverser. Mais le fait que ce système social, le capitalisme, soit en pleine crise signifie qu’apparaissent chaque jour de nouvelles contradictions, de nouvelles failles, de nouvelles oppositions déclarées ou potentielles. C’est parce que la situation semble désespérée que nous pouvons être pleins d’espoir.

La constitution du Bloc Marxiste-Léniniste est un pas vers la réunion des conditions nécessaires pour contribuer au renversement révolutionnaire du système capitaliste, à commencer par la recherche et la réunion des conditions objectives et subjectives nécessaires à la construction d’un Parti communiste révolutionnaire en Belgique.

Il est impossible de renverser le système bourgeois avec les idées de la bourgeoisie. La constitution du Bloc ML est un pas contre les diverses manifestations de l’idéologie bourgeoise dans les luttes : le réformisme qui maintient les luttes dans le cadre du système capitaliste ; l’économisme qui nie le rôle central de la politique et de la question du pouvoir ; l’opportunisme qui détermine la politique révolutionnaire uniquement en fonction du niveau de conscience atteint par la classe, par le peuple ; le légalisme qui respecte le cadre légal défini par l’État bourgeois ; le parlementarisme qui prétend qu’une participation aux élections permet, à l’époque actuelle, autre chose qu’une légitimation du système bourgeois ; le pacifisme qui nie le rôle révolutionnaire de la violence dans l’histoire et laisse à la bourgeoisie le monopole de la force.

Il est impossible de renverser le système capitaliste sans une organisation puissante et homogène, sans une stratégie juste et précise. La révolution prolétarienne, la dictature du prolétariat et le socialisme sont les étapes nécessaires du processus de dépassement du système capitaliste et, dans cette perspective, le Bloc ML travailler entre autres à la relance du syndicalisme de combat, tout en mesurant les limites de ce travail. La lutte syndicale est un garde-fou nécessaire contre la pression des exploiteurs, mais en finir avec le capitalisme exige une lutte spécifiquement politique, c’est-à-dire une lutte pour le pouvoir politique.

La constitution du Bloc ML est un pas vers le rétablissement des méthodes de travail léninistes, à commencer par le « centralisme démocratique » sur la simple base : un militant, un voix. Le Bloc ML veillera à ce que ses militants fassent preuve, dans leur travail, des qualités d’efficacité, de discipline (de respect des décisions collectives), de vigilance dans la lutte contre les idéologies réactionnaires et anti-populaires telle que le sexisme, le racisme, la religion, le nationalisme, etc.

Il est impossible de renverser le système capitaliste sans communauté de lutte entre communistes et prolétaires wallons, flamands, bruxellois et immigrés (légaux et illégaux). La constitution du Bloc ML est un pas vers la construction de cette unité de lutte, — son action étant une partie de la lutte de classe internationale contre la bourgeoisie impérialiste.

Il est impossible de lutter victorieusement sans tirer profit des leçons du passé. La constitution du Bloc ML est un pas vers la revalorisation critique du patrimoine d’expériences de la lutte prolétarienne et révolutionnaire en Belgique. L’expérience du Parti communiste de Belgique (avant qu’il ne devienne réformiste et révisionniste), l’expérience des grandes luttes ouvrières (grève générale de 1960-61, lutte des Forges de Clabecq, etc.), l’expérience des courants marxistes-léninistes et des mobilisations anti-impérialistes des années 60 et 70, l’expérience communiste combattante de 1984-85, etc.

Cette revalorisation critique est permise par le rassemblement, au sein du Bloc ML, de collectifs et de militants révolutionnaires issus de différents courants marxistes-léninistes du mouvement communiste belge, ou issus de l’immigration et de l’exil politique en Belgique, autour du bilan critique de leurs expériences. La réunion de différents collectifs et militants dans le Bloc ML s’explique par un haut degré d’unité, mais pour autant de nombreuses divergences subsistent. Elles ne pourront être dépassées que par un débat lié à une pratique. Les débats académiques et les pratiques déconnectées d’activité théoriques sont également condamnées à l’échec. La constitution du Bloc ML est un pas vers la constitution de cet espace liant la discussion à l’activité pratique.

CONTRE LA LOGIQUE CAPITALISTE ! CONTRE LE SYSTÈME CAPITALISTE !
VIVE LA LUTTE REVOLUTIONNAIRE POUR LE COMMUNISME !

Bloc Marxiste-Léniniste
Premier mai 2003


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