lynn-margulis-1.jpgLynn Margulis (1938-2011) est une biologiste américaine qui a travaillé sur deux grandes théories : Gaïa et la symbiose. Dans le cadre de ces deux grandes théories, elle a étudié exclusivement des organismes microscopiques.

En 1975, elle écrivait ainsi : « Tout ce qui est petit est digne d’être étudié ». Elle réitérera cette affirmation tout au long de ses différents articles dans une optique de lutte contre une forme de social-darwinisme très courante en science.

Lynn Margulis explique en effet que beaucoup de biologistes négligent les petits organismes, qu’ils les considèrent comme insignifiants. Ils ne s’intéressent à l’évolution de la vie qu’à partir du moment où les premiers animaux ont marché sur la terre ferme, c’est-à-dire il y a environ 541 millions d’années.

Or, les bactéries, premiers êtres vivants apparus sur Terre, ont commencé à se développer il y a 3,8 milliards d’années. Ainsi le Précambrien – qui s’étend de la formation de la Terre, il y a environ 4,5 milliards d’années, à l’apparition des cellules à noyaux, il y a environ 542 millions d’années – est présenté par Lynn Margulis comme l’âge des bactéries.

Les bactéries, ces êtres unicellulaires et sans noyau, appelés aussi procaryotes, ont donc occupé la Terre seules pendant 70 % de l’histoire de la Terre et pendant 85 % de l’histoire de la vie sur Terre. En biologie, négliger les bactéries revient donc à négliger 85 % de l’histoire de la vie sur Terre. Et pendant cette longue période de temps, elles ont pu développer des capacités d’adaptation fabuleuses.

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Il faut se rappeler qu’avant l’apparition des premières bactéries, pendant l’Hadéen (la toute première grande période géologique qui va de la formation de la Terre à l’apparition de ces premières bactéries), la planète Terre n’était qu’une énorme boule de lave en fusion, à la température brûlante due à la désintégration de l’uranium, du thorium et du potassium radioactifs dans le noyau. L’atmosphère était remplie de gaz empoisonnés comme le cyanure ou le formaldéhyde et ne contenait pas d’oxygène.bacteries-microscope.jpg

Lorsque les bactéries sont apparues, au tout début de l’Archéen (la deuxième grande période géologique), la planète Terre sortait tout juste de l’Hadéen et de son atmosphère ardente. La surface de la Terre commençait à se refroidir et les premières roches ont commencé à se former. Puis, la Terre se refroidissant toujours plus, des nuages ont empli le ciel et des pluies torrentielles sont tombées, probablement pendant des milliers d’années, pour constituer les premiers océans.

À cette époque se produisit également la grande éructation : de grandes quantités de vapeur d’eau, d’azote, d’argon, de néon et de gaz carbonique sont relâchées depuis l’intérieur de la Terre. Une nouvelle atmosphère était née, mais elle ne contenait toujours pas d’oxygène.

C’est dans ce milieu que vont apparaître les premières bactéries. Dotées de molécules d’ARN et d’ADN, elles se nourrissaient, grandissaient sans cesse et se reproduisaient. Leur caractéristique était également de s’adapter rapidement pour pouvoir se nourrir de manière toujours plus efficace.

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Ainsi, une des premières grandes innovations des premières bactéries a été la fermentation. La fermentation permet, grâce aux sucres présents dans l’environnement et sans oxygène, de produire de l’ATP, une molécule qui fournit de l’énergie nécessaire au fonctionnement du métabolisme de la bactérie.

Le fermentation a entraîné une modification de l’environnement qui devint de plus en plus pauvre en aliments. Un autre processus fondamental est alors apparu chez les bactéries : la photosynthèse. Son acquisition débute par l’apprentissage de la production d’anneaux de porphyrine.

Ces molécules sont d’une grande importance pour l’évolution de la vie. Ce sont des structures cycliques capables, entre autres, de transporter de l’oxygène (de nos jours, elles font par exemple partie de l’hémoglobine qui assure le transport du dioxygène chez les vertébrés). Mais les anneaux de porphyrine n’ont pas été utilisés pour cela tout de suite.

Petit à petit, grâce aux anneaux de porphyrine, les bactéries ont donc appris à obtenir de la nourriture à partir de la lumière et de l’air grâce à la photosynthèse. Mais cette photosynthèse n’est pas celle dont nous sommes familiers aujourd’hui. Lynn Margulis dit à ce sujet :

« Le développement de la photosynthèse est sans aucun doute l’innovation métabolique la plus importante de l’histoire de la vie sur la planète. Elle n’a pas eu lieu chez les plantes, mais chez les bactéries. […] Les premiers organismes photosynthétiques étaient des bactéries qui utilisaient pour ce processus le gaz d’hydrogène ou l’hydrogène sulfuré et ne produisaient pas d’oxygène. »
Lynn Margulis & Dorion Sagan, L’univers bactériel (1986)

Enfin, pour maximiser encore leur possibilité de se nourrir, les bactéries ont développé une dernière grande aptitude : pouvoir se déplacer. Certaines bactéries se sont en effet dotées de flagelle pour maximiser leur exposition au Soleil.

Lynn Margulis va plus loin et conclut que les êtres humains gagneraient à s’inspirer des bactéries :

« Les bactéries ont inventé la fermentation, la roue – le moteur rotatif protonique –, la respiration sulfurée, la photosynthèse, la fixation de l’azote, bien avant l’apparition de l’humanité. Elles se comportent non seulement comme des êtres hautement socialisés, mais aussi comme une sorte de démocratie mondiale décentralisée. Les cellules restent fondamentalement disjointes, mais peuvent se connecter et échanger des gènes avec des organismes issus de contextes extrêmement différents. Prendre conscience que les êtres humains demeurent eux aussi par nature séparés, mais qu’ils peuvent se relier et échanger des connaissances avec d’autres très différents d’eux-mêmes, pourrait leur faire faire un pas vers l’antique sagesse du microcosme. »
Lynn Margulis & Dorion Sagan, L’univers bactériel (1986)

Les bactéries ont donc à leur actif le développement de bien d’autres facultés que les trois exposées dans cet article (fermentation, photosynthèse, mouvement) mais ces trois sont celles qui vont nous intéresser tout au long de ce dossier.

Pour bien comprendre le monde des bactéries, il faut cependant aborder une dernière caractéristique : leur extraordinaire capacité de communication génétique.


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