margulis-darwin.jpgLynn Margulis a, tout au long de sa carrière, chercher à faire progresser les connaissances en biologie. Luttant contre le néo-darwinisme, s’acharnant à généraliser la symbiose, proposant une classification originale, elle était une figure atypique, voire subversive, dans la communauté scientifique.

Dans la logique de cette démarche, Lynn Margulis a également effectué un travail continu de remise en cause du vocabulaire obsolète.

Elle déclare ainsi :

« Je fais […] la grimace quand j’entends des biologistes utiliser l’expression « algue bleu-vert ». Aucun être de cette sorte n’existe ; ces miracles bleu-vert sont toujours des bactéries photosynthétiques.

Aussi irritants sont les « animaux unicellulaires », qui n’existent pas non plus. Pas plus que les « plantes supérieures » ou les « plantes multicellulaires » n’existent.

Tous les animaux et toutes les plantes se développent à partir d’embryons, qui sont par définition multicellulaires. Comme toutes les plantes et tous les animaux sont multicellulaires, l’adjectif est redondant.

La qualification de tout organisme uni-cellulaire comme un « animal primitif » ou un « protozoaire » est un oxymore. Les expressions verbeuses de « plante multicellulaire » et d’« animal multicellulaire » sont également trompeurs.

Le langage peut embrouiller et amener les gens à se tromper. Ces termes antiques – « algue bleu-vert », « protozoaire », « animaux supérieurs », « plantes inférieures », et de nombreux autres – restent utilisés en dépit de leur tendance à propager un malaise et de l’ignorance en biologie.

Ces insultes aux êtres vivants bénéficient aux gens dont les budgets, les notes, et l’organisation sociale dépendent de leur continuité. »

Lynn Margulis, Symbiotic planet, a new look on evolution (1998)

Parallèlement à cela, elle a proposé une série de nouveaux termes pour mieux exprimer les nouvelles découvertes. Le terme d’ondulipode, dont nous avons déjà beaucoup parlé, est l’un deux.

Lynn Margulis s’est aussi attaché à proposer une alternative au mot « cellule ». Reprenant les idées de F.J.R. Taylor, un botaniste canadien (dont elle a par ailleurs totalement rejeté la théorie de l’autogénie, voir la 7e partie sur les chloroplastes), Lynn Margulis explique que :

« le mot « cellule » est inadéquat étant donné qu’il obscurcit le fait que les procaryotes sont des unités simples synthétisant de la protéine, tandis que les eucaryotes sont des unités multiples synthétisant de la protéine.

Le mot « cellule » est par conséquent remplacé par « monade », « dyade », « triade », « quadrade », et ainsi de suite (Taylor, 1974), selon le nombre d’unités synthétisant de la protéine par les gènes qui sont associées mais qui se comportent comme un individu. »

Lynn Margulis, « Genetic and Evolutionary Consequences of Symbiosis » dans Experimental Parasitology n°39 (1976)

Lynn Margulis cherche à systématiser cette terminologie pour fournir un vocabulaire général.

Les monades sont : « des unités avec une ou plusieurs copies d’un ensemble complet de gènes (génome) et sa machine synthétisant sa protéine, toutes enfermées dans une membrane ». Suivant le même processus définitionnel, les dyades sont ainsi des unités possédant une ou plusieurs copies de deux ensembles complets de gènes, les triades une ou plusieurs copies de trois ensembles complets de gènes, etc, etc.

Voici comment Lynn Margulis a schématisé cette façon de nommer les différentes « unités » de la vie :

schema-monade-triade.png

Le succès de ces nouveaux termes a toutefois été limité. Si le terme d’ondulipode peut être lu, surtout dans la littérature scientifique anglo-saxonne, l’utilisation des termes de monades, dyades, triades, etc. est restée tout à fait marginale.

Lynn Margulis elle-même ne faisait qu’émettre des suppositions quand elle qualifiait tel organisme de dyade, ou tel autre de polytriade. Cela montrait le chemin qu’il y avait encore à parcourir pour pouvoir employer ce vocabulaire de manière adéquate, car cela demanderait un travail très poussé sur la connaissance de l’histoire évolutive de chacun des organismes à qualifier.

Mais cette difficulté dans l’acquisition d’un nouveau vocabulaire n’est pas la seule raison de sa non-adoption. Ainsi, le terme d’ondulipode, dont l’emploi ne présente aucune difficulté de définition n’a finalement connu qu’un succès mitigé.

Cet état de fait est probablement lié à la grande réticence qu’a le milieu scientifique à intégrer un vocabulaire nouveau, qui plus est lié à un domaine de recherche – la symbiose – qui reste, aux yeux de beaucoup, atypique dans l’étude de l’évolution de la vie, cantonné à une partie restreinte de cette évolution.


Revenir en haut de la page.