Parti du Travail de Belgique, deuxième congrès, mars-avril 1983 : rapport et synthèse des amendements et des discussions
1. Signification et ampleur

1.1. Le mouvement marxiste-léniniste a connu après 1963 et surtout 1968 un grand essor en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Les efforts pour rompre avec le révisionnisme, pour se baser sur le marxisme-léninisme et la pensée mao-zedong, pour s’unir aux ouvriers dans la lutte de classes étaient fondamentalement corrects. Toutefois, des fautes sectaires et dogmatiques plus ou moins importantes selon les partis ont été commises. A partir de 1977, la plupart des partis marxistes-léninistes se sont fixé pour tâche de critiquer les erreurs sectaires et dogmatiques. Très vite un courant est apparu qui, sous prétexte de combattre le dogmatisme et le sectarisme, s’est appuyé sur les positions de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie. Au nom de la lutte contre le dogmatisme et le sectarisme, l’aile droite de plusieurs partis a manifesté d’abord timidement, mais bientôt avec une arrogance croissante, une véritable haine contre le parti léniniste, contre le marxisme-léninisme et contre la Chine socialiste.

Des éléments hésitants au sein de ces partis, qui à tort ou à raison émettaient des critiques ou des doutes à certains égards, se sont laissé entraîner dans un mouvement de critique lancé par l’aile droite avec l’intention de détruire le mouvement marxiste-léniniste. Ce courant liquidationniste de droite a véritablement ravagé le mouvement marxiste-léniniste en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord. De nombreux partis ont totalement disparu : le KPD en Allemagne occidentale, l’ORT-PTE en Espagne, le CPML aux Etats-Unis ; d’autres ont traversé des crises graves : le PCML et le PCR en France, le KBW en Allemagne de l’Ouest, EKKE en Grèce, le PCO au Canada, etc.

1.2. Des échanges d’expériences régulières et une collaboration suivie au niveau international, auraient permis de faire à temps une analyse de ce courant liquidationniste social-démocrate et de le combattre efficacement. Cela ne s’est pas fait. Les uns après les autres, différents partis ont été la proie des même théories anti-communistes.

1.3. Nous vivons aujourd’hui la quatrième grande vague internationale de propagande anti-communiste depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Cette vague contraint chaque militant à faire le bilan de ses conceptions idéologiques et politiques et à renforcer sa conviction communiste.

Entre 1945 et 1953, nous avons connu la grande compagne anti-communiste de « la guerre froide ». A l’époque existait un camp socialiste. L’impérialisme américain, alors à l’apogée de son pouvoir, menait une offensive mondiale à la tête de toutes les forces réactionnaires, pour repousser le mouvement communiste. Donnons la parole à Colby, ancien directeur de la CIA :

« La Russie de Staline s’avérait une nouvelle menace totalitaire contre les démocraties. Staline avait manifestement renié les accords de Yalta et menait une politique agressive et ambitieuse très similaire à celle qu’avait menée Hitler dix ans plus tôt. Chaque jour les journaux apportaient des nouvelles des manœuvres soviétiques : coup de Prague, insurrection communiste en Grèce, maintien de l’Armée Rouge en Iran, grèves politiques et subversion communiste en Italie et en France ; pour ne rien dire des menées de l’espionnage soviétique aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, que révélèrent les procès des Rosenberg, de Karl Fuchs, de Alger Hiss et de Judith Coplon ». (30 ans de CIA, p. 68)

C’est l’époque où l’impérialisme britannique attaque la Grèce et où l’impérialisme américain agresse la Corée. C’est la période du maccarthysme. La propagande américaine utilisait aussi des fautes réelles du mouvement communiste − par exemple, la condamnation de Tito en 1948 − dans le but de faire éclater les partis communistes.

1956 connaît une seconde vague d’anti-communisme hystérique (la Hongrie, Staline). La CIA réussit à mettre la main sur le discours secret de Khrouchtchev contre Staline ; Allen Dulles décide sur le champ de livrer le texte intégral au New York Times. Plus tard il jugera que la CIA n’avait jamais mené contre le mouvement communiste une campagne de propagande aussi efficace.
Colby :

« La conséquence la plus dramatique et peut-être la plus importante du rapport Khrouchtchev fut probablement le déclenchement de l’insurrection hongroise de 1956. Du point de vue de l’antenne romaine de la C.I.A., les événements constituèrent une merveilleuse occasion de propagande. En Italie, des milliers d’affiches furent apposées dans toutes les villes, des millions de tracts diffusés partout, des centaines de réunions publiques organisées et une campagne nationale eut lieu pour accueillir et reclasser les réfugiés. » (p.127)

A partir du début des années 60, l’impérialisme était fort affaibli à l’échelle mondiale. L’anti-communisme primaire, agressif ne constituait plus le principal moyen de lutte contre la révolution ; le soutien au courant réformiste qui se consolidait dans tous les PC d’Europe occidentale prenait maintenant la première place. Les thèmes de la propagande anti-communiste (contre Staline, contre la révolution socialiste, contre la dictature du prolétariat) s’introduisent dans les textes officiels des PC ; les marxistes-léninistes authentiques deviennent les victimes d’attaques calomnieuses dans leur propre parti. En 1963, les marxistes-léninistes sont exclus du PCB.

L’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 pour écraser un mouvement populaire d’inspiration démocratique et socialiste, prouve que l’Union soviétique est devenue une puissance impérialiste.

Le mouvement étudiant de mai 68, l’offensive du Têt au Vietnam, la Révolution Culturelle en Chine sont les signes d’une nouvelle montée du mouvement révolutionnaire mondial. Cette montée est, toutefois, marquée par une grande confusion idéologique. Les PC sont désormais dominés par deux grands courants : celui du réformisme et celui de la défense de l’expansion soviétique. Une partie de la jeunesse révoltée se laisse prendre par l’idéologie anti-communiste de l’anarchisme et du trotskysme. D’innombrables cercles marxistes-léninistes apparaissent et après une période de discussions et de lutte se regroupent difficilement dans un ou plusieurs partis marxistes-léninistes.

Depuis 1978, nous faisons face à la première offensive internationale qui menace l’existence des jeunes partis marxistes-léninistes. La majorité de nos militants et cadres n’ont pas eu à affronter les vagues anti-communistes de 1945-1953 et de 1956. Ils n’ont pas eu, par conséquent, l’occasion de se tremper idéologiquement et politiquement. Cette occasion, ils peuvent la saisir aujourd’hui.

1.4. Un courant réformiste et liquidateur puissant et organisé ne s’est pas constitué au sein du PTB.

Deux cadres intermédiaires ont élaboré des textes dans lesquels ils rompent radicalement avec les conceptions léninistes sur le parti et dans lesquels ils rejettent explicitement le marxisme-léninisme. Deux membres du Comité Central élus en 1979, ont quitté le Parti parce qu’ils ne croient plus à la révolution, au socialisme et au marxisme-léninisme. Aucun des deux ne manifeste une attitude hostile envers le Parti et ils reconnaissent que le Parti est l’organisation révolutionnaire la plus sérieuse en Belgique.

Un certain nombre de membres ont quitté le Parti en défendant des positions apparentées au courant liquidationniste social-démocrate.

A la fin de 1980, le Comité Central du PTB a approuvé un document contenant notre analyse de la dégénérescence du KPD. Notre expérience de 1980 à aujourd’hui démontre que toutes les thèses défendues dans ce document sont correctes.

1.5. Le courant de droite au sein du PTB constitue à l’heure actuelle un réel danger.

Dans deux régions nous avons perdu, par rapport à 1979, entre 20 et 25 % de nos militants. Il existe un courant relativement fort de conciliation qui laisse aller les choses, qui n’est pas conscient du danger, qui ne livre pas une lutte active contre les phénomènes négatifs, qui permet que l’esprit révolutionnaire se dégrade. Ce courant ne comprend pas comment certains phénomènes négatifs constatés, sont liés au courant global de liquidation. Ce courant ne voit pas quelles positions, quelles attitudes « préparent le chemin » au courant liquidationniste.

1.6. Grâce à une mobilisation et une lutte sérieuse contre le courant social-démocrate, nous pouvons au sein du PTB unir sur une ligne révolutionnaire, marxiste-léniniste, presque tous les cadres et membres. Cela veut dire qu’en menant une campagne d’éducation, nous arriverons à une nouvelle unité idéologique et politique avec presque tous les camarades qui, d’une façon ou d’une autre, sont influencés par le courant de droite et que seulement un nombre infime de membres devra être exclu.

La situation est sérieuse, mais le courant de droite ne prédomine pas dans le parti ni dans l’une de ses grandes composantes ; la situation n’est pas dramatique. Le courant de droite est une réalité dans le parti, mais le courant positif, révolutionnaire est aussi une réalité et de loin la principale. Le fait que nous ayons aujourd’hui 800 lecteurs de Solidaire de plus qu’en 1979 est d’une grande signification.

2. Les causes de son développement

2.1. La crise économique sans issue.

Nous vivons pour l’instant une crise économique profonde du système capitaliste mondial. Aucun parti bourgeois n’en voit la fin. Nous vivons dans un pays impérialiste où la bourgeoisie et certaines fractions de la petite-bourgeoisie mènent une vie facile et luxueuse grâce à l’exploitation impitoyable et l’oppression de centaines de millions de paysans et d’ouvriers du Tiers-Monde. Une partie de la couche supérieure de la classe ouvrière reçoit aussi certains avantages de « notre » bourgeoisie impérialiste, avantages récupérés sur le dos du Tiers-Monde.

Dans les pays impérialistes, cette crise économique profonde ne provoque pas immédiatement chez les ouvriers et les travailleurs une adhésion aux positions révolutionnaires. Chacun se rend compte qu’une lutte révolutionnaire contre la classe capitaliste exigera beaucoup d’efforts et de sacrifices et donnera lieu à des combats acharnés et de longue durée. Une grande partie des ouvriers se fie à la propagande de la bourgeoisie qui leur promet de pouvoir maintenir l’essentiel de leurs acquis. Comment ? En rejetant la crise sur de plus faibles encore : les femmes, les chômeurs, les travailleurs immigrés ou les pays du Tiers-Monde. La grande masse n’ose pas attaquer directement le coupable de la crise, le véritable ennemi : le capitalisme monopoliste. Elle espère « résoudre » la crise par une répartition des charges entre les masses travailleuses elles-mêmes.

Pour la nouvelle génération de gauche de 1968, la nécessité de la révolution était une conclusion de discussions idéologiques. En 1983, on sent et on voit que la révolution découle de l’appauvrissement, de l’exaspération et de la misère d’une grande partie des travailleurs et on voit que la bourgeoisie monopoliste prépare et équipe ses troupes de choc pour une répression impitoyable. On voit apparaître aussi chez une partie des marxistes-léninistes le réflexe de capituler pour garder ses privilèges. L’angoisse et l’incertitude ébranlent leur pensée révolutionnaire. Ils savent très bien que la peur et l’incertitude, qui se répandent partout, démontrent que le système bourgeois commence à craquer ; ils savent que les ouvriers et les travailleurs vont voir leurs illusions sur le maintien de leurs acquis détruites et que les coups durs de la bourgeoisie vont immanquablement les atteindre de plein fouet. Ils savent que les ouvriers et les travailleurs ont besoin plus que jamais d’un authentique parti révolutionnaire. Mais ils capitulent et se retirent dans une carrière petite-bourgeoise confortable et ils espèrent que la misère de la crise et de la répression leur sera épargnée.

2.2. Le glissement généralisé à droite.

L’agressivité du patronat et des partis de droite s’accentue continuellement. Ceci n’est pas un hasard mais une nécessité : c’est l’expression du caractère antagonique de la contradiction entre Capital et Travail.

Tous ceux qui veulent résoudre la crise, en restant à l’intérieur du cadre de la société capitaliste, sont obligés de prendre des mesures de plus en plus draconiennes contre les ouvriers et les travailleurs. Ils appellent cela « des sacrifices nécessaires ». Bon nombre de réformistes de « gauche » ont plus de haine pour la révolution socialiste que pour le capitalisme. Celui qui cherche une « solution » dans le cadre du capitalisme, est contraint de recommander des mesures de droite et d’extrême-droite sous des couleurs de « gauche ».

Ce glissement généralisé vers la droite du climat politique influence certains marxistes-léninistes. Plus les solutions de droite sont propagées, moins ils croient à la révolution. Les partis bourgeois adoptent des positions d’extrême-droite. Le parti ouvrier bourgeois adopte des positions de droite en les enrobant d’une couverture réformiste. Des révolutionnaires « fatigués » se sentent la vocation d’exercer une pression sur les dirigeants réformistes ; bien qu’ils se rendent compte du glissement vers la droite du parti réformiste, ils font comme si le PS-SP était le seul parti « grand » et « fort » capable de résister à la droite.

Certains marxistes-léninistes sont intimidés par le fléchissement général à droite. Quoique ce fléchissement mette en lumière la nécessité de la révolution, ils jugent que le travail révolutionnaire n’est pas « réaliste ». Ils cherchent des solutions réalistes et réalisables aux questions fondamentales qui ne peuvent être réglées qu’au moyen de la révolution socialiste. Ils en arrivent, inévitablement, à formuler des propositions pour le renforcement du capitalisme monopoliste d’Etat. Celles-ci consistent le plus souvent à avantager le capital industriel au détriment du capital financier ou à renforcer certains secteurs du capital industriel (technologie de pointe, les petites et moyennes entreprises) au détriment d’autres.

Une crise profonde secoue la social-démocratie. Dans les années 60, sa pratique de collaboration de classe aboutissait à des résultats tangibles pour les travailleurs. Aujourd’hui, la social-démocratie a besoin d’une nouvelle génération de théoriciens pour élaborer une « alternative réaliste ». C’est pourquoi elle se rapproche de ces révolutionnaires en rupture avec le marxisme et le militantisme.

Cette tactique était déjà utilisée dans le passé. Bert Van Hoorick était un dirigeant du PC qui passa en 1957 à la social-démocratie. « Bert Van Hoorick, ministre ! Cela va trop loin ! Il a été communiste pendant des années ! Et Léo Collard de répondre : Allons, nous avons tous été plus ou moins communistes ». (Van Hoorick, A contre-courant, p. 291)

La social-démocratie en tant que parti ouvrier bourgeois doit démontrer au monde patronal qu’elle tient bien en main sa base ouvrière. La social-démocratie renforce sa mainmise sur les syndicats, également au niveau des entreprises ; elle ne s’oppose pas au patronat quand celui-ci jette à la rue des dizaines de délégués combatifs. Dans certains cas, des dirigeants sociaux-démocrates comme John Van den Eynde dirigent en personne la chasse aux délégués communistes et combatifs. Cette situation de lutte plus aiguë et plus complexe – qui, en fait, prouve la justesse de la vision marxiste – provoque la capitulation de certains marxistes-léninistes face à l’ennemi.

2.3. Le milieu petit-bourgeois.

Le mouvement marxiste-léniniste provient essentiellement d’une radicalisation de la petite-bourgeoisie (étudiants, écoliers, intellectuels) après 1968.

Un certain nombre de partis ont réussi à se transformer de mouvements petit-bourgeois en mouvements révolutionnaires et prolétariens. Ceci entre autres en accordant la priorité au travail parmi les ouvriers et les syndicalistes. Dans d’autres partis, par contre, une grande partie des membres sont restés dans le milieu petit-bourgeois et leur activité politique se situait en grande partie dans cette couche sociale.

La petite-bourgeoisie est une classe qui, au niveau politique, hésite toujours entre la bourgeoisie et le prolétariat ; elle balance toujours entre la lutte révolutionnaire et la soumission à l’ordre bourgeois. L’approfondissement de la crise, l’agressivité de la droite a poussé une grande partie de la petite-bourgeoisie radicalisée vers la droite : le marxisme, le socialisme, la révolution, le parti sont reniés et ridiculisés. Les thèses antimarxistes et anticommunistes les plus variées sont acclamées comme de « nouvelles idéologies ». Beaucoup de marxistes-léninistes qui militent uniquement dans ces milieux, sont désarmés devant cette offensive antimarxiste.

2.4. Les mouvements de masse petit-bourgeois.

Différentes contradictions du système capitaliste ont donné naissance à de larges mouvements de masse de la petite-bourgeoisie. Dans ces mouvements des anticommunistes se trouvent à côté de forces progressistes ; leurs programmes subissent l’influence des positions de droite, de gauche et du centre. Comme tous les mouvements petit-bourgeois, ils refusent de s’intégrer dans la lutte fondamentale de notre société, celle des ouvriers contre la bourgeoisie monopoliste. Les mouvements nationaliste, écologiste et féministe sont les trois composantes les plus importantes de ce courant.

Le nationalisme est utilisé par la grande bourgeoisie comme une arme politique en Flandre et en Wallonie. Depuis la naissance du capitalisme, on trouve parmi la petite-bourgeoisie, les défenseurs les plus acharnés du nationalisme : « unité des travailleurs, des classes moyennes et des patrons pour l’intérêt général de notre Flandre ou de notre Wallonie ! ». Le nationalisme, c’est le chemin le plus court vers la collaboration de classes, vers la répression de chaque mouvement prolétarien autonome au profit de la classe dominante.

Les mouvements écologiste et féministe ont un caractère petit-bourgeois plus prononcé et on y trouve donc plus d’éléments démocratiques authentiques.

Les mouvements petit-bourgeois bénéficient d’une publicité monstre de la part des médias qui mettent surtout l’accent sur les points de vue bourgeois, innocents et acceptables. La bourgeoisie se rend bien compte du mécontentement des larges couches populaires ; elle canalise ce mécontentement vers des mouvements qui risquent le moins de mettre en cause les fondements du capitalisme.

Une partie des marxistes-léninistes se laissent impressionner par les aspects spectaculaires et la force momentanée de ces mouvements de masse ; ils se laissent influencer par la propagande positive que la bourgeoisie fait en faveur de ces mouvements. Ils surestiment le potentiel anti-capitaliste de ces mouvements petit-bourgeois et ils sous-estiment les luttes ouvrières et syndicales pour lesquelles la bourgeoisie ne fera jamais preuve d’enthousiasme.

2.5. Le front uni contre l’Union soviétique.

Nous combattons l’hégémonisme des deux superpuissances. Dans la lutte contre l’expansion de l’Union soviétique, nous nous unissons avec différentes forces politiques qui sont pour l’indépendance nationale et la démocratie.

Lénine a écrit que l’histoire fait parfois des bonds en arrière. Nous devons toujours nous baser sur une analyse matérialiste et dialectique de la situation des différentes classes et des relations entre les différents pays. Sur base des faits que nous constatons aujourd’hui, nous devons conclure qu’en Union soviétique l’histoire a fait un gigantesque bond en arrière. Sur le plan intérieur, il existe une forme de capitalisme d’Etat : le Parti communiste n’est plus un parti d’avant-garde, un détachement de combat de la classe ouvrière. Il a rompu entièrement avec le léninisme, l’énorme appareil bureaucratique et militaire protège les nouveaux rapports d’exploitation. Sur le plan extérieur, les événements en Afghanistan, au Kampuchéa ou en Pologne sont autant d’exemples d’une politique purement impérialiste.

Nombre de démocrates qui combattent l’hégémonisme de l’Union soviétique, le font sur la base de la défense de la démocratie bourgeoise. Leurs points de vue trouvent leurs racines dans les différents programmes anti-communistes qui, depuis 1917 ont servi à mener la lutte contre l’Union soviétique. Les adeptes du Tsarisme, les membres des différents partis bourgeois russes, les partisans de la social-démocratie russe ont tous combattu la révolution soviétique et la construction du socialisme, sur base de différentes plateformes anti-communistes. Tous, depuis 1917, attaquent le système socialiste en Union soviétique en lui conférant les qualificatifs calomnieux de « capitalisme d’Etat » et de « nouvel impérialisme ». La génération actuelle de dissidents russes, avec qui nous formons un front contre l’hégémonisme, se base en partie sur ces mouvements anti-communistes du passé.

La politique du front uni a eu comme conséquence que toutes les critiques anti-communistes contre l’Union soviétique depuis 1917 sont prises en considération. Ceci entraine la diffusion de l’anti-communisme dans le mouvement marxiste-léniniste. La politique du front uni a sans aucun doute aussi facilité l’infiltration directe de la police et des fascistes dans les partis marxistes-léninistes. Les tentatives d’infiltration dans notre parti du Mouvement Socialiste Populaire, une organisation nazie clandestine, à partir du Comité Afghanistan, en sont une preuve.

2.6. Les campagnes contre la Chine socialiste.

« Partout où des hommes combattent le communisme totalitaire, la C.I.A. devait intervenir et elle avait incontestablement tenté de le faire en Albanie, en Corée et en Chine ». (Colby, directeur de la C.I.A. dans « Trente Ans de C.I.A. » Livre de Poche, p. 127)

La propagande anti-communiste des années trente et quarante contre l’Union Soviétique, trouve aujourd’hui un large écho et la réalité actuelle de l’Union soviétique semble confirmer ce que les anti-communistes écrivaient à l’époque. La propagande anti-communiste contre la Chine a de ce fait, trouvé des oreilles plus attentives.

« En Union soviétique, le communisme a dégénéré, la Chine prend le même chemin et finira là où l’Union soviétique se trouve aujourd’hui ».

Voilà le leitmotiv des forces de droite et de tous les anti-communistes professionnels.

En Chine même, de grands changements ont été opérés ; une série de thèses fondamentales de la Révolution Culturelle (1966-1976) ont été critiquées. Beaucoup de marxistes-léninistes ont défendu aveuglément la Révolution Culturelle en 66-69 et ceci était normal au début du mouvement marxiste-léniniste. On aurait pu espérer qu’après 10 ans de travail révolutionnaire, tout le monde aurait acquis une meilleure compréhension de la complexité de la théorie marxiste-léniniste et de la lutte de classes. Certains marxistes-léninistes aux idées d’extrême-gauche, s’accrochent à une série de formules de la Révolution Culturelle apprises par coeur. Ils n’essaient pas de comprendre la réalité concrète de la Chine, ils ne se demandent pas si ces formules correspondent à la réalité, ils refusent de prendre connaissance sans préjugés de la ligne politique actuelle du Parti Communiste Chinois. D’autres ont rejeté leur suivisme d’antan vis-à-vis la Révolution Culturelle, mais ils ont abouti à l’autre extrême : ils se croient autorisés à lancer toute une série de critiques contre la Chine sans une étude sérieuse et une analyse préalable. A partir de ces deux points de vue opposés, on arrive souvent à la même conclusion, qui correspond à la position des anticommunistes : « La Chine a dégénéré », « capitalisme d’Etat ».

3. Une contradiction antagonique

3.1. Pas à pas, sous le prétexte de la « lutte contre le dogmatisme et le sectarisme », tous les thèmes de la propagande anticommuniste ont été introduits dans le mouvement marxiste-léniniste.

La bourgeoisie a investi, depuis plusieurs années, d’énormes forces et moyens dans la lutte anticommuniste.

Les fascistes, les partis de droite, la hiérarchie religieuse, l’aile droite de la social-démocratie, tous ont des experts spécialisés dans la propagande anticommuniste. Quoique ces forces politiques soient souvent fort différentes, elles se rejoignent, par les thèmes et les positions sur le plan de la lutte anti-communiste.

L’actuel courant liquidationniste a détruit une grande partie du mouvement marxiste-léniniste du monde occidental. Au départ, ce courant fit croire qu’il voulait développer le marxisme « de façon créatrice » et qu’il cherchait de nouvelles solutions révolutionnaires à de nouveaux problèmes.

Le courant de droite anti-parti a la même caractéristique fondamentale dans tous les pays occidentaux : il consiste à transplanter dans le mouvement marxiste-léniniste les théories anti-communistes élaborées par des idéologues bourgeois dans de nombreux livres et publications, dans des écoles supérieures et des instituts spécialisés.

3.2. Les expériences du mouvement ML occidental, depuis 1979 doivent nous rendre plus conscients du fait que des contradictions antagoniques surgissent régulièrement dans le parti, que les conceptions anti-marxistes et anticommunistes pénètrent régulièrement dans le parti.

Dans l’histoire du mouvement communiste, on a connu de nombreux cas de cadres élevés du parti, qui à partir de positions opportunistes sont passés à des positions bourgeoises et même fascistes.

Doriot, Célor, Barbé et Barthelémy, quatre dirigeants du Parti Populaire Français (nazi) avaient tous occupé des postes de cadre dans le Parti Communiste Français, les trois premiers avaient été membres du bureau politique.

Après la guerre, Auguste Lecoeur, membre du bureau politique, quitte le PCF pour devenir un anticommuniste acharné.

Cet antagonisme s’est manifesté à l’heure actuelle par l’éclatement complet de nombreux partis ML occidentaux. Dans le parti canadien, cela a mené à une véritable hystérie de droite où les femmes étaient violemment opposées aux hommes, les anglophones aux francophones, les ouvriers aux intellectuels, la base à la direction.

Dans notre parti, nous avons découvert un individu qui travaillait directement sous les instructions d’officiers de la BSR. Ceux-ci lui disaient quelles positions il devait répandre dans le parti :

« Les ouvriers n’ont rien à dire, les intellectuels décident de tout. » « Les cadres mènent la belle vie avec votre argent » (!) « Staline a assassiné des millions de personnes » etc.

3.3. Nous devons reconnaître que des contradictions antagoniques peuvent surgir et nous devons étudier comment certaines contradictions dans le parti se développent jusqu’à l’antagonisme.
Nous devons reconnaître que certains opportunistes ont dégénéré et sont allés jusqu’à défendre ouvertement les positions de la bourgeoisie et même jusqu’à adhérer aux positions fascistes.

Cette thèse est rejetée par les partisans du courant liquidationniste social-démocrate.

Confrontés à des documents de droite, anticommunistes, ils disent :

« C’est un scandale que de comparer ces camarades à des flics ou à des fascistes. » « Qui décide de ce qui est marxiste ou non-marxiste ? »

Ils n’ont plus la volonté révolutionnaire d’étudier comment la bourgeoisie combat le communisme ni de se transformer afin d’être en mesure de résister aux attaques anti-communistes.

L’importance de cette thèse est sous-estimée par des camarades qui font la remarque suivante : « Il est déplacé d’établir une relation entre les positions de membres ayant des traits opportunistes et celles des bourgeois et des fascistes. »

Nous n’avons jamais affirmé qu’il y avait une évolution en ligne droite, inévitable de l’opportunisme à l’anticommunisme, au contraire. L’expérience de notre parti montre que par la lutte idéologique et politique, des camarades qui avaient des conceptions opportunistes sont revenus au marxisme-léninisme.

Mais pour cela, il est indispensable d’être conscient du fait que de l’opportunisme, on peut évoluer vers l’anticommunisme et de savoir comment cela peut se passer. Cela augmente la vigilance et le sérieux avec lequel l’opportunisme est critiqué.

3.4. Adopter une attitude différente vis-à-vis des forces différentes.

Dans son ensemble, le courant liquidationniste représente un courant anti-parti en anti-communiste.

A un moment donné, un courant pareil peut regrouper des éléments fort différents au sein du parti. Nous devons adopter une attitude de principe vis-à-vis de ce courant en tant que tel, mais nous devons en même temps avoir une attitude différente envers les éléments différents qui composent ce courant.

1. Certains rompent avec le parti et deviennent des anti-communistes actifs qui luttent pour la destruction du parti.

2. Certains s’embourgeoisent, sont en désaccord avec presque toutes nos positions politiques, mais ne deviennent pas des anti-communistes.

3. D’autres peuvent quitter le parti sur des positions petites-bourgeoises ; ils restent d’accord avec certaines thèses du parti et ils sont prêts à collaborer avec nous pour des actions précises.

4. Certains camarades ont des problèmes sérieux, des doutes profonds et se laissent entraîner pendant un temps par le courant liquidationniste ; ils discutent d’une manière honnête, restent au parti et arrivent à rétablir leur esprit révolutionnaire.

5. Certains camarades se sont trouvés dans le courant liquidationniste par manque de formation et d’expérience ; une fois qu’ils ont compris quel est l’enjeu, ils défendent les positions du parti.

4. Le contenu de la ligne liquidationniste et social-démocrate

4.1. Au nom de la lutte contre le dogmatisme, les principes fondamentaux du marxisme sont rejetés.

4.1.1. Les liquidateurs à l’intérieur du KPD ont avancé les thèses suivantes :

« A mon avis, nous aurions adopté plus tôt une attitude critique vis-à-vis du marxisme-léninisme de la Troisième Internationale et vis-à-vis de ses « principes » canonisés, s’il n’y avait pas eu le mythe de la Chine. »

« Le pluralisme dans les conceptions divergentes du marxisme doit être reconnu. Le jugement absolument négatif du concept révisionnisme doit être remis en question. Bernstein, Lukacs, Korsch, Togliatti, Gramsci, Althusser, Bahro, ont, en révisant l’orthodoxie (en déviant de la foi stricte), essayé d’adapter la théorie marxiste à la réalité historique concrète. » (W. Jaspers, Zur Bilanz p. 68-69)

« Ce que l’on entend par marxisme est devenu controversé ». « Donner une réponse indépendante aux problèmes de la libération sociale dans notre pays signifie renoncer au léninisme ». « Certains estiment qu’il faut mettre en question l’appareil entier du matérialisme historique. » (K. Schlôgel, Zur Bilanz p. 75-79)

4.1.2. Depuis toujours, les bourgeois qui haïssent le marxisme en tant que science de la lutte du prolétariat, lancent l’insulte que le marxisme n’est qu’une « religion », qu’une série de « dogmes canonisés ». Même les cléricaux se permettaient de proclamer que le marxisme n’est qu’une religion… Dans les années 20, la hiérarchie catholique était à la pointe du combat contre le communisme. Voici ce qu’elle écrivait :

« Ainsi ce matérialisme devient-il lui-même une religion dans laquelle la foi en une irrésistible évolution vers une société prolétarienne future joue le rôle de forces libératrice. » (Seizième semaine sociale flamande, 9-11 sept. 1929 – Compte-rendu, p.84)

Les mêmes idéologues cléricaux se sont aussi emparés avec enthousiasme de théories élaborées par des ex-marxistes tels que Henri De Man :

« Il suffit pour critiquer le marxisme, le fondement du communisme bolchévique, de s’inspirer des socialistes eux-mêmes. Nombreux sont ceux parmi eux qui ont prouvé dans des livres convaincants l’absurdité d’un grand nombre de thèses marxistes. (…) Nous rappelons au passage l’œuvre de Henri De Man qui sous le slogan « Le marxisme est mort, vive le socialisme » a lancé une puissante offensive contre le matérialisme de Marx et non sans succès. Nous en voulons pour preuve l’émergence de nombreux courants qui se proposent d’approfondir les motivations spirituelles qui devraient apporter au socialisme marxiste du sang neuf et une vie nouvelle. (…) (Henri De Man écrit : « Pour donner tort à Marx, il ne faut pas être plus grand que lui. Il suffit d’être né trois quarts de siècle plus tard et d’ouvrir les yeux. Non seulement on voit alors autre chose, mais on le voit aussi différemment de lui… » (Seizième semaine sociale flamande ; p. 116)

Henri De Man écrit en 1941, lorsqu’il était passé ouvertement au fascisme :

« Dans « Au-delà du Marxisme », je faisais le bilan de tous les amendements que l’expérience et la réflexion m’avaient amené à apporter à ma foi marxiste et je le clôturais en disant : il faut que le socialisme se libère du marxisme. Non pas, certes, comme on se défait d’un adversaire que l’on reconnaît tout à coup avoir eu tort de considérer comme un ami, mais bien comme on se débarrasse d’un ensemble de formules qui, après avoir été vivantes et vivifiantes, sont depuis longtemps dépassées par l’évolution des faits et retombées à l’état de préjugés nuisibles. En somme, c’était appliquer au marxisme la méthode critique par laquelle Marx lui-même avait, il y a près d’un siècle, établi la ‘relativité’ des idéologies. (…) Dès qu’elle est dépassée par les faits-même si elle a collaboré à les créer − la vérité d’antan devient une erreur dont il faut s’émanciper. (…) Je m’attaquais non plus à telle ou telle branche morte, mais aux racines mêmes du marxisme, c’est à dire à ses bases philosophiques : le déterminisme économique et le rationalisme scientiste. » (Après Coup, p. 191)

Auguste Lecoeur, était membre du Bureau Politique du PCF entre 1945 et 1950 et membre de son secrétariat chargé de l’organisation. Exclu en 1954, il adhère en 1958 à la SFIO, l’organisation social-démocrate. En 1970, il est secrétaire général du Parti de la Démocratie Socialiste, dont les parlementaires, en 1973, rejoignent… Giscard d’Estaing.

Auguste Lecoeur en 1962 :

« Commémorant le centenaire du Manifeste Communiste, les Cahiers du Communisme écrivent sous la signature de Jacques Duclos : « Le manifeste ne peut qu’aider les militants à trouver les solutions aux problèmes posés dans les conditions actuelles de la lutte. » Et c’est bien à la lettre que le militant qui rencontre des difficultés dans sa mairie, dans sa section, dans son usine, prend le conseil : « Marx a dit que le processus de décomposition du régime capitaliste est tel que les crises cycliques… ». Car pour eux, le marxisme c’est comme le disait André Gide, « la messe en latin : là où on ne comprend pas, on s’incline ». (…) Aujourd’hui, celui qui véritablement mériterait le qualificatif de marxiste serait celui qui, à l’exemple de Marx pour le premier stade de l’évolution capitaliste et de la lutte des classes, à l’exemple de Lénine pour la période de l’impérialisme et des révolutions prolétariennes, définirait une doctrine en fonction du développement des techniques et des mots d’ordre adaptés à l’époque de l’automation, de l’atome dompté et destinés aux couches sociales nouvelles qui sont nées de cette évolution. (Le Partisan, Flammarion, p. 300,302)

André Gorz :

« L’esprit d’orthodoxie, le dogmatisme, la religiosité ne sont donc pas des phénomènes accidentels du marxisme : ils sont nécessairement inhérents à une philosophie (…) dont le prophétisme n’a d’autre fondement que la révélation dont fut traversé l’esprit du prophète. » (Adieux au prolétariat, p. 37-38)

4.1.3. Le marxisme est la doctrine scientifique du prolétariat qui lutte pour sa libération. Le marxisme a un caractère de classe, un caractère pratique et un caractère scientifique.

Pour développer le marxisme, nous devons d’abord livrer de longs et durs efforts pour maîtriser en profondeur l’ensemble de la doctrine. Quand le courant liquidationniste s’est développé, des militants révolutionnaires honnêtes se sont laissé entraîner par des théories « nouvelles » … qui existaient déjà du temps de Marx et que les travaux de Marx et Engels réfutent déjà.

Pour développer le marxisme, nous devons avoir une pratique révolutionnaire organisée dans la classe ouvrière. Ceux qui se détournent de la lutte de classes et du prolétariat trouvent facilement des dizaines de « théories » qui démontrent que le marxisme est dépassé…

« Le marxisme-léninisme est un dogme, une religion ». Ce slogan s’en prend surtout au fait que le marxisme se rallie ouvertement au point de vue du prolétariat et des classes opprimées. Aux yeux de ceux qui choisissent le camp des exploiteurs, cela semble « un acte de foi ». Le matérialisme historique prouve que le développement de l’humanité se fonde sur le développement des forces productives. La manière dont une société déterminée produit et échange ses produits, constitue la base de la composition des classes. Toute l’histoire montre la lutte entre les différentes classes sociales. Dans la période qui précédait la révolution bourgeoise, les forces productives étaient très peu développées. Ceci déterminait dans une grande mesure la division en classes : les paysans et les artisans produisaient à peine assez pour maintenir en vie leur famille et pour remettre à la classe dominante, un sur-produit qui permettait à celle-ci de mener une vie luxueuse. Les forces productives dans la société moderne, bourgeoise, sont tellement développées qu’il n’existe plus de prétextes pour maintenir la division en classes ; la classe capitaliste est devenue un frein au développement historique. Deux classes caractérisent la production modère : les capitalistes et le prolétariat. Seul le prolétariat peut réaliser la révolution socialiste et mettre les forces productives au service de la libération de l’humanité.

« Le marxisme est du déterminisme économique ». Cette thèse de De Man s’en prend à l’idée que la production matérielle, économique ainsi que l’échange constituent le fondement de toute société. Cette thèse rejette l’idée que la tâche des révolutionnaires consiste à découvrir les contradictions antagoniques dans le processus de production et d’échange capitaliste. La compréhension de ces contradictions développe la conscience de la nécessité de la révolution prolétarienne qui est le passage obligatoire pour passer à une forme de société où la production matérielle puisse se développer harmonieusement et à un rythme élevé, au service des classes laborieuses. Le marxisme n’est pas du déterminisme économique mais reconnaît pleinement l’interaction entre la politique, l’idéologie, le droit, la morale et la base économique. « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » de Marx (1852) et « La politique extérieure du tsarisme russe » d’Engels (1890) en sont deux brillant exemples.

« Contre le matérialisme, il faut au socialisme une motivation spirituelle ». Le développement des forces productives et l’organisation de la lutte de classes constituent la base matérielle sur laquelle se fonde le socialisme scientifique. Celui qui efface cette base matérielle et la remplace par « une motivation spirituelle », aboutit à un socialisme bourgeois ou féodal. Henri De Man a expliqué que son socialisme émane :

« des mobiles généralement humains tels que le sens de la justice et de la dignité » et de « revendications morales. » (Après Coup, p. 194-197)

Mais ces « mobiles spirituels » ne peuvent être que ceux de la bourgeoisie ou de la féodalité car ils sont utilisés pour renoncer à la lutte de classes du prolétariat. Aussi Henri De Man en est arrivé très logiquement à défendre la thèse suivante :

« Sous un régime où la démagogie détruisait toute hiérarchie naturelle en faveur des intérêts purement matériels, la royauté incarnait le dernier et précieux vestige d’une autorité basée sur la foi jurée, les obligations de la naissance et une hiérarchie des valeurs indépendantes de l’argent. » (Après Coup, p. 310)

« Le marxisme est dépassé dans les faits : il y a de nouvelles couches sociales ». Les anti-marxistes présentent les choses comme s’ils ne voulaient rien d’autre que prendre en considération les faits les plus récents ; mais en réalité ils attaquent l’essence même des principes du marxisme. Ils rejettent la position de classe révolutionnaire du marxisme, son esprit révolutionnaire, ses thèses fondamentales et sa méthode scientifique. Pourtant sans l’acquisition de cette base, il ne peut être question de traiter en marxiste, les faits nouveaux.

4.1.4. Non seulement nous devons étudier la position de classe, les thèses fondamentales et la méthode scientifique du marxisme, mais nous devons aussi accorder de l’attention à la position de classe, aux thèses et aux méthodes des anti-marxistes. Au nom de la lutte contre le « dogmatisme », Jasper veut remettre à l’honneur les courants anti-marxistes de Bernstein à Bahro. Pour se forger une conscience communiste, il faut analyser les théories des révisionnistes les plus hostiles et comprendre pourquoi elles mènent nécessairement à la trahison complète.

Dans son livre « Les présupposés du socialisme » 1899, (Ed. du Seuil) Bernstein promet de « développer et d’enrichir la doctrine marxiste » (p. 49). Mais voici le fond de sa démonstration.

« La voie légale, peut être considérée comme la plus longue, parce que ses partisans donnent la priorité au compromis et préfèrent l’expropriation avec dédommagement à la confiscation pure et simple.

Voie légale et voie révolutionnaire se distinguent encore autrement : l’une se fonde principalement sur la raison, l’autre davantage sur le sentiment.

Dès que la minorité possédante d’une nation cesse de représenter un obstacle décisif au progrès, que l’œuvre d’édification l’emporte sur l’œuvre de destruction, l’appel à la révolution violente perd toute signification. »

« La notion de dictature du prolétariat est aujourd’hui à ce point dépassée qu’il faille, pour continuer à en user, la dépouiller de sa signification originelle et lui donner on ne sait trop quel sens second. Toute la pratique de la social-démocratie vise à créer les conditions qui permettront un passage pacifique du système actuel à un ordre social meilleur.

La dictature de classe est une idée qui appartient à une culture périmée. Elle représente une régression. C’est un non-sens politique que de croire que le passage de la société capitaliste à la société socialiste doive nécessairement emprunter les formes d’une époque qui ignorait les méthodes modernes de propagande et ne connaissait aucune des institutions dont nous disposons actuellement pour imposer une nouvelle législation. »

« Il y a lieu d’examiner très sérieusement les perspectives offertes par la conquête coloniale. Les indigènes doivent être bien traités et indemnisés, toutes les questions administratives doivent faire l’objet d’un contrôle rigoureux. Mais il n’y a aucune raison pour condamner a priori toute acquisition nouvelle.

Nous devons également songer à l’avenir. L’Allemagne importe chaque année des quantités considérables de produits coloniaux : un jour viendra où nous souhaiterons, au moins pour une part, trouver ces produits dans nos propres colonies.

Il n’est pas fatal que l’occupation de pays tropicaux par des Européens porte préjudice aux indigènes ; et dans de nombreux cas, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Ce n’est pas la conquête qui crée des droits, mais la mise en valeur du sol. Une civilisation évoluée a donc, en définitive, des droits supérieurs. » (p. 178 ; 232 ; 202)

Dans une « post-face », Fréderic Bon, exclu en 1965 du PCF à cause de ses positions droitières, souligne les mérites du « socialisme démocratique » de Bernstein, par opposition à l’« autoritarisme » et à la dictature de Lénine et de Staline. Quand on fabrique les théories du socialisme bourgeois, on n’a pas à se soucier des 10 millions de travailleurs massacrés dans la guerre de 14-18 ni des dizaines de millions d’« indigènes » sacrifiés par le colonialisme.

4.2. Au nom de « la lutte contre le stalinisme », on entame la lutte contre le marxisme-léninisme.

4.2.1. Presque tous les courants de liquidation dans les partis marxistes-léninistes d’Europe occidentale ont ouvert le feu en critiquant le « stalinisme ». C’est au nom de la lutte contre le dogmatisme que cette manœuvre s’effectue le plus facilement. Le climat politique général rend cette opération aisée : toutes les fractions de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie, des fascistes en passant par la droite et la social-démocratie aux anarchistes, trotskystes et révisionnistes, tous nourrissent une haine commune envers le « stalinisme ».

Il est apparu très vite que cette prétendue « lutte contre le stalinisme » constituait la tactique la plus avantageuse choisie par les liquidateurs pour introduire leurs idées. Ils pensaient pouvoir anéantir différentes thèses et principes en y collant l’étiquette « stalinisme ». Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit de thèses et de principes qui appartiennent aux fondements du léninisme et du marxisme et qui ont été vérifiés par la pratique révolutionnaire.

4.2.2. Dans les années vingt, toutes les fractions de la bourgeoisie impérialiste attaquaient le communisme au nom de la lutte contre le bolchevisme et contre la dictature léniniste ; la lutte contre le « stalinisme » est le prolongement normal de ces campagnes.

Ecoutons Kerenski, le dirigeant du gouvernement bourgeois en Russie en 1917 :

« Les communistes ne peuvent pas dévoiler les racines du mal. Ils ont démasqué Staline, champion le plus zélé de la cause léninienne mais cette cause et Lénine lui-même ont été idéalisés à un point tel qu’ils se trouvent au-delà de toute critique. Dire la vérité sur Lénine, ce serait détruire les fondements de la dictature totalitaire et permettre à la Russie de revenir dans les voies de la démocratie dont les Bolchéviques la détournèrent par la force en octobre 1917. » (La Russie au tournant de l’histoire, Plon, 1965, p. 398)

Permettons-nous de rappeler que la première tâche formulée par Kerenski au nom de la « démocratie » en mars 1917 consistait à poursuivre la guerre mondiale impérialiste…

Kautsky, le père spirituel de la social-démocratie internationale, en 1930 :

« Le fascisme n’est rien d’autre que le pendant du bolchévisme ; Mussolini ne fait que singer Lénine (…) La dégénérescence bonapartiste, ou si on veut fasciste, du bolchévisme n’est donc pas un danger qui menace dans un avenir éloigné : il s’agit d’une réalité vieille de dix ans en Russie. » (Le bolchévisme dans l’impasse, Arbeiderspers, p. 106, 107)

Nous retrouvons le même thème, mais exprimé encore plus crument, dans l’hebdomadaire de TACV (CSC), du 19 avril 1939 :

« Le communisme a détruit les solides fondements de la morale naturelle et chrétienne. En fait, il livre l’homme à la domination de ses instincts. Pourtant il est contraint d’adopter une discipline politique et économique très sévère. L’homme doit obéir à des mots d’ordre sociaux. C’est à dire à la volonté despotique des dirigeants (…) En ce qui concerne la dictature politique, les méthodes communistes rassemblent beaucoup à celles des fascistes et des nazis ; mais elles sont encore bien plus brutales et cruelles. » (p. 389, 391)

4.2.3. La haine du « stalinisme » est dans son essence la haine que la bourgeoisie porte à chaque mouvement révolutionnaire du prolétariat et des peuples opprimés.

Les insultes lancées aujourd’hui à l’adresse de Staline sont les mêmes que celles utilisées jadis à l’encontre de Robespierre, St. Just et Babeuf pendant la révolution française, celles lancées à l’encontre des Communards de Paris en 1871, de Marx et de Lénine, de toutes les insurrections des « barbares » et des « sauvages » en Chine, en Perse, dans les pays arabes et en Afrique, de la lutte actuelle de l’OLP et de l’IRA.

En tant que communistes internationalistes, nous considérons l’histoire révolutionnaire de la classe ouvrière comme notre propre histoire. Dans chaque phase de son développement et dans chaque pays, la classe ouvrière connait des faiblesses, des manquements, des fautes. C’est le cas de la classe ouvrière qui a organisé la Commune de Paris. C’est le cas de la classa ouvrière qui, sous la direction de Lénine et de Staline, a construit le socialisme en Union soviétique.

Les différents partis expriment des intérêts de classe différents.

Les millions de communistes qui dans les années 20, 30 et 40 étaient organisés dans le parti bolchévik et dans le mouvement communiste international, constituaient l’avant-garde de la classe ouvrière internationale et cette avant-garde exprimait les intérêts du prolétariat. Il est normal que cette avant-garde ait connu des luttes internes et des scissions, ait commis des fautes sérieuses, mais c’est elle et elle seule qui exprimait les intérêts de classe du prolétariat du monde entier.

En Europe, les partis bourgeois et sociaux-démocrates exprimaient les intérêts de l’impérialisme et des couches petite-bourgeoises qui se conciliaient avec l’impérialisme.

4.2.4. La classe ouvrière ne peut assumer son rôle de classe dirigeante que si elle assimile les leçons de son passé révolutionnaire.

Les années 20, 30 et 40 constituent une grande période de l’histoire du mouvement communiste mondial. Le jeune mouvement marxiste-léniniste, né après 1968, compte peu de cadres ayant participé personnellement à la lutte au cours de cette époque. Des centaines d’idéologues de la bourgeoisie écrivent un nombre incalculable d’études pour falsifier, détruire, enterrer les acquis révolutionnaires fondamentaux de cette période.

Nous devons fournir des efforts sérieux pour découvrir et assimiler les expériences positives du mouvement communiste mondial. C’est seulement sur cette base que nous serons aussi en mesure de livrer une critique correcte des fautes commises à cette époque. Les conditions préalables d’une critique fructueuse, sont l’étude intense du marxisme-léninisme, la critique du réformisme, une pratique révolutionnaire pour construire le parti et pour mener la lutte de classes. Nous critiquons certaines thèses et pratiques du mouvement communiste international du temps de Staline dans le but de mieux édifier notre parti, mieux prendre en main la pratique révolutionnaire, mieux appliquer l’internationalisme prolétarien.

4.2.5. Nous sommes fondamentalement solidaires du mouvement communiste international de l’époque de Lénine et de Staline ; ce mouvement exprimait les intérêts révolutionnaires du prolétariat international.

Nous nous démarquons de toutes les critiques anti-communistes qui ont été formulées contre le léninisme et le stalinisme ; toutes ces critiques se situent sur le terrain de la société bourgeoise et impérialiste, dont elles cherchent à protéger les fondements en attaquant l’œuvre de Lénine et de Staline.

Nous sommes fidèles à l’internationalisme prolétarien mais nous ne devons pas justifier les erreurs et même les erreurs graves qui ont été commises au sein de notre mouvement communiste international ; nous ne devons pas non plus défendre toutes les actions et toutes les positions du parti bolchevik dans le passé. Souvent nous manquons de données suffisantes sur la situation concrète et sur les différentes positions, pour savoir juger d’une manière responsable.

Nous apprécions les efforts faits à l’époque de Lénine et de Staline pour mettre en pratique l’internationalisme prolétarien en développant les échanges d’expériences, en organisant la collaboration et la coordination entre les partis, en stimulant la discussion et la lutte idéologique au niveau international.

Nous pensons que l’expérience a montré qu’il est impossible de diriger le mouvement communiste international à partir d’un seul centre. Dans chaque pays, le parti communiste doit faire des enquêtes et des études pour bien connaître les particularités de la situation économique, sociale, politique, idéologique et il doit, sur cette base, formuler sa propre ligne et ses propres principes.

Ceci est impossible si le parti dépend, pour la définition de sa politique et de sa tactique, d’un centre étranger. Chaque parti doit être indépendant et pleinement responsable des positions qu’il prend. Chaque parti peut commettre des erreurs et même des erreurs graves et un parti peut dégénérer. Il ne faut donc pas justifier ou suivre aveuglément les positions prises par un autre parti. Si on reprend une position ou une expérience d’un autre parti, il faut en assumer soi-même toute la responsabilité.

Chaque parti est indépendant, mais il est en même temps une partie intégrante du mouvement communiste international et il est responsable, tout comme les autres partis, de ce mouvement. Il doit faire correctement le travail révolutionnaire dans son propre pays et il doit se mettre au service du mouvement communiste international. Il doit partager ses expériences avec les autres partis, mener la discussion, la critique et la lutte idéologique et apporter une aide concrète dans la mesure de ses possibilités.

4.3. Sous le couvert de phrases soi-disant « maoïstes », on entame la lutte contre le socialisme en Chine.

4.3.1. En France, Bettelheim était un idéologue du « maoïsme ». Après la chute du groupe de Tsiang Tsing, il a accusé Hua Kuo-Feng de suivre « une ligne révisionniste ». Le parti chinois l’a invité à venir sur place pour confronter ses idées à la réalité. Il a refusé. Pour lui, tout est clair : en Chine le « capitalisme » est rétabli. Voilà Bettelheim sous sa forme « extrême-gauche ». Voyons maintenant sa face « extrême-droite ».

Bettelheim avait déjà entamé depuis longtemps la lutte contre « le stalinisme », comme une forme de contre-révolution par rapport au léninisme. Quelques années plus tard, il écrit :

« Je ne pense plus, aujourd’hui (…) que la révolution d’Octobre soit une authentique révolution socialiste prolétarienne. (…) Je considère la révolution d’Octobre comme un type particulier de révolution capitaliste ».

« En Union soviétique, les rapports capitalistes qui se développent au cours des premiers plans donnent naissance à des rapports d’exploitation dont la reproduction est gérée par le parti. Je propose d’appeler ce capitalisme un « capitalisme de parti ». (Interview dans le Monde du 3/10/82)

L’« enthousiasme » d’éléments de la petite-bourgeoisie pour le socialisme, peut facilement se transformer en son contraire.

Bettelheim et de nombreux révolutionnaires européens se sont longtemps représenté le socialisme en Chine d’une façon idéaliste. Ils partaient de leur propre vision idéale du socialisme et du chemin à parcourir pour avancer dans l’édification socialiste. Cette vision était souvent déterminée par leur expérience d’un milieu industriel développé et de la démocratie bourgeoise.

Une vision réaliste se fonde sur la compréhension de la cohérence, de l’interaction du processus révolutionnaire au niveau mondial.

La richesse du camp impérialiste, industrialisé et développé, est bâtie pour l’essentiel sur l’exploitation impitoyable du Tiers-Monde. Toutes les contradictions économiques, sociales et politiques sont poussées à l’extrême dans le Tiers-Monde. Dans le Tiers-Monde, et seulement là-bas, la révolution est une nécessité immédiate, vitale pour les larges masses. La bourgeoisie de ces pays n’est pas capable de diriger la révolution nationale démocratique. Seul le prolétariat peut prendre la tête des paysans et des travailleurs dans cette lutte révolutionnaire extrêmement dure. Au lendemain de la victoire, le prolétariat passe, progressivement, à la transformation et à l’édification socialistes. Pour ce faire, il s’appuie sur l’expérience idéologique, politique et économique de la classe ouvrière internationale.

La dialectique de l’histoire a conduit à une situation dans laquelle le socialisme ne peut triompher que dans les pays où les conditions matérielles sont les moins développées. Le développement des forces productives, de l’industrie, des voies de communication, du commerce, de la science et de la culture, était très faible en Chine. Une telle situation engendre des problèmes fort complexes. Aussi est-il essentiel de découvrir une voie pour l’édification socialiste qui soit adaptée aux réalités concrètes, spécifiques du pays. Dans une situation aussi compliquée, il est inévitable que des erreurs opportunistes de gauche et opportunistes de droite soient commises. Mais aussi longtemps que le parti se base sur le marxisme-léninisme et s’appuie sur les masses, les erreurs et même les erreurs graves et de longue durée peuvent être corrigées.

Bettelheim condamne l’impérialisme mais il condamne aussi le socialisme révolutionnaire : selon lui, la révolution d’Octobre et la révolution chinoise ne sont que des variantes de la révolution bourgeoise. La petite-bourgeoisie condamne aussi bien la bourgeoisie que le prolétariat à profusion de grandes phrases, hautes en couleur et stériles, qui servent merveilleusement à masquer une passivité totale dans l’action et la lutte.

Bettelheim et d’autre ex-maoïstes se vantent de leur travail marxiste créatif, scientifique. En réalité, ils ne font que recopier les Menchéviks. Théodore Dan, leader des Menchéviks, en 1932 :

« Les grandes conquêtes historiques de la révolution sous la direction bolchéviste (…) y compris le capitalisme industriel d’Etat et la coopération agricole, se meuvent fondamentalement dans le cadre d’une révolution bourgeoise. » (p. 28)

« La dictature bolchéviste n’est pas une dictature de la classe ouvrière (…) elle dégénère de plus en plus en une dictature d’une nouvelle couche privilégiée, issue de la masse plébéienne ». (p. 31) (Discours à l’université de Bruxelles, décembre 32. Dans la brochure Dan et Martov : la dictature du prolétariat. Edit de la liberté, 1947)

Kautsky, l’idéologue de la social-démocratie ouest-européenne en 1930 :

« Au sommet de pays réactionnaires et en Union soviétique, il existe une haute noblesse. En Russie, celle-ci est composée par le Parti Communiste qui dirige l’Etat (…) Les communistes forment la classe des seigneurs qui disposent à leur gré du reste de la population. Ils ne constituent, pourtant, pas beaucoup plus d’un pourcent de cette population. Evidemment, cette classe veille sur ses immenses privilèges… » (Le Bolchevisme dans l’impasse, p. 69)

4.3.2. Certains « maoïstes » ont appris par cœur à lancer des cris au sujet du « révisionnisme », de la « restauration du capitalisme », du « capitalisme d’Etat ». Il suffit que certains changements ne leur plaisent pas en Chine et ils poussent ces cris terribles.

La dialectique nous apprend qu’une chose peut se transformer en son contraire. L’histoire va de l’avant. Elle peut, toutefois, dans un lieu et à un moment déterminé, faire un énorme bond en arrière. Le passage du capitalisme au socialisme s’accomplira inévitablement dans l’histoire, mais dans certains pays, le socialisme peut dégénérer en une forme de capitalisme.

La dialectique prolétarienne doit être matérialiste. La dégénérescence du socialisme en un nouveau système d’exploitation des masses laborieuses, doit être devenue un fait, une réalité. Sans quoi la thèse dialectique : « Le socialisme a dégénéré en capitalisme d’Etat » ne constitue pas du tout un reflet correct de la dialectique de l’histoire.

Certains marxistes-léninistes semblent ne pas saisir que, débarrassée de sa base matérielle, cette thèse dialectique a d’abord été utilisée par la bourgeoisie dans sa lutte contre le socialisme naissant.

Les concepts de « capitalisme d’Etat » et de « nouvelle bourgeoisie » ont été utilisés à l’origine par la droite et l’extrême-droite dans leurs attaques contre le socialisme de Lénine et de Staline.

Les cléricaux partirent en guerre contre :

« le puissant appareil de domination de la bureaucratie soviétique ». (p. 126) « Après avoir exproprié l’ancienne bourgeoisie russe et l’avoir conduite à la misère, les Soviets ont donné vie en quatre ans à une nouvelle bourgeoisie. Une masse de bureaucrates fait partie de cette bourgeoisie… » (p. 129 – Seizième semaine sociale flamande 9-11 sept. 1929)

Nous trouvons dans « Le Gids op Maatschappelijk Gebied » de sept. 1931, une méthode très intéressante dont se servent les idéologues catholiques pour combattre le communisme. II s’agit d’une étude intitulée « Le plan quinquennal russe ».

Première méthode de lutte :

Staline est en train d’abandonner le marxisme véritable (c’est un révisionniste, dirions-nous aujourd’hui). « Les soviets ont pris leurs distances à l’égard de certains de leurs propres principes. Quelques exemples : l’intérêt individuel est reconnu, la décentralisation de l’économie est recommandée, l’initiative privée est encouragée. Les Soviets modifient leur politique à l’encontre des non-membres du parti ; les « koulaks » et les autres paysans sont reconnus et peuvent travailler dans les entreprises soviétiques ; le travail à la pièce est à nouveau introduit et les techniciens vont à nouveau acquérir une place d’honneur. Au départ, tout ceci était condamné en tant que « méthodes capitalistes ».

« Plus la reconstruction positive du pays se poursuit, plus on s’éloigne du marxisme pur : a) il faut du capital ; b) on en revient à l’intérêt privé, à l’augmentation des salaires, à la division entre compétents et incompétents, etc… Et qui dit qu’à un certain moment on n’en reviendra pas à la propriété privée ? »

Deuxième méthode de lutte, à la même page :

« Le communisme russe n’est pas un phénomène passager. C’est une application logique et impitoyable d’un système économique qui ne tient compte ni de l’âme, ni des lois divines. Qu’a apporté l’application de ce système au peuple russe ? Beaucoup, énormément de misère : les dirigeants soviétiques ont sur la conscience l’assassinat de 2.500.000 personnes et l’exil de 2.000.000 d’autres. » (De Gids, n°9-1931, p. 502 à 504)

4.3.3. Le courant liquidationniste social-démocrate au sein du mouvement marxiste-léniniste prend une position antagoniste en ce qui concerne la Chine et reprend des critiques anticommunistes sur le socialisme en construction. Depuis longtemps un tel antagonisme a été préparé pas à pas au sein de beaucoup de partis.

Des membres du parti laissent tomber le point de vue de l’internationalisme prolétarien et pas à pas ils vont vers la « critique de la Chine » petite-bourgeoise et bourgeoise. Ils ne prennent plus le point de vue de classe de camaraderie et de solidarité entre les marxistes-léninistes de tous pays ; ils ne se sentent plus responsables d’un mouvement mondial commun.

Ils ne se mettent jamais à une étude sérieuse des documents de base du parti chinois ; s’ils lisent quelque chose, c’est qu’ils sont à la recherche « de passages à critiquer ».

Peut-on dans de telles circonstances avoir un jugement fondé sur le travail d’un Parti Communiste qui organise la vie d’un milliard de personnes ?

On lit toute sorte de publications bourgeoises et on pense avoir un fond solide pour avoir de sérieux doutes vis-à-vis du Parti Chinois. Dans une pareille situation, on invente autant de critiques d’extrême-gauche que de droite. Le seul but est de critiquer :

« Péking information, c’est de la propagande ; c’est ridicule de se baser sur la propagande d’un Etat ; la presse bourgeoise a prouvé être bien plus objective. Elle a su prévoir la rupture entre l’Albanie et la Chine, pendant que nous étions encore en train d’écrire sur la solidarité entre les deux pays. »

Que diraient ces éminents marxistes-léninistes, si pendant un voyage en Chine on leur disait : Nous ne lisons pas Solidaire. C’est de la propagande communiste. Il serait ridicule de vouloir connaître la réalité en Belgique à travers une telle propagande.

Imaginez-vous que quelqu’un veuille étudier l’histoire de la Belgique mais refuse de lire les documents et déclarations gouvernementales, parce que c’est de la propagande. Les décisions prises par le gouvernement ne sont pas de la propagande, mais des mesures effectives qui démontrent les intérêts de la classe dirigeante. Les décisions prises par le Parti Communiste Chinois et le gouvernement sont des mesures effectives qui démontrent comment la classe ouvrière en Chine organise le développement du pays.

La presse bourgeoise a aussi prédit qu’il y aurait une rupture entre la Chine et la Corée, que la Chine ferait une alliance stratégique avec l’Amérique, qu’on n’étudierait plus les œuvres de Mao en Chine, que le travail manuel et le lien avec les ouvriers serait supprimé pour les cadres et intellectuels, qu’on en avait terminé avec le travail politique et idéologique … Toutes ces prédictions se sont avérées fausses mais ceci n’amoindrit en rien la confiance qu’ont les liquidateurs dans la presse bourgeoise.

Nous ne sommes pas un parti « pro-chinois », nous sommes un parti révolutionnaire de Belgique et nous sommes solidaires de tous les marxistes-léninistes dans le monde.

En tant que communistes et internationalistes, nous devons nous tenir au courant de ce que nos camarades chinois − qui dirigent un milliard de personnes − entreprennent dans les domaines idéologiques, politique et économique. Bejing Information nous donne une vue réaliste et concrète de la politique et des décisions du PC et du gouvernement chinois.

Nous devons prendre connaissance sérieusement de ce que les camarades chinois entreprennent dans leur pays ; mais nous ne devons pas vouloir trop vite juger. En effet, notre connaissance de la réalité et des particularités de la Chine est, de toute façon, très limitée. C’est pourquoi il est fort difficile de prononcer un jugement fondé en ce qui concerne les mesures politiques les plus spécifiques.

« Jadis, nous nous sommes basés sur la révolution culturelle. Maintenant on rejette la révolution culturelle. Nous n’avons plus rien sur quoi nous pouvons nous baser. Nous publions des articles sur des usines chinoises. C’est ridicule. En 1970, nous avons publié des articles sur les usines en Chine et qui sont maintenant rejetés en Chine ».

Pendant la révolution culturelle, la Chine était un pays socialiste et nous l’avons propagé en tant que tel. Pendant la révolution culturelle, de bonnes choses se sont produites et nous avons publié des articles pour les propager. Nous avions notre propre avis lorsque certains responsables chinois critiquaient tout ce qui s’est passé pendant la révolution culturelle ; nous n’étions pas d’accord. Mais entretemps, le parti chinois a adopté une résolution officielle dans laquelle on reconnait les points positifs de la révolution culturelle.

Pendant la révolution culturelle, nous avons appris beaucoup de la Chine. Aujourd’hui aussi, nous avons beaucoup à apprendre des expériences de la construction socialiste en Chine. Construire le socialisme dans un pays immense du tiers-monde, c’est une tache gigantesque. Incontestablement, la Chine fait toute une série d’expériences qui sont très positives.

Par exemple lors de la détermination des rapports entre la consommation et l’accumulation, des rapports entre l’agriculture, l’industrie légère et l’industrie lourde, lors de l’élaboration d’une politique de collectivisation de l’agriculture et de la stimulation matérielle des paysans individuels ; par exemple en renforçant le rôle dirigeant du parti et en gardant en vie le front uni de toutes les forces qui veulent changer la Chine socialiste en une civilisation moderne et développée…

4.3.4. Tous les membres du parti doivent s’en tenir au principe fondamental de l’internationalisme prolétarien : nous sommes pour une solidarité totale et indéfectible avec tous les marxistes-léninistes dans le monde. Nous avons tous les mêmes ennemis, nous poursuivons tous le même but, notre lutte peut être parfois fort complexe et connaître des contrecoups, mais nous avons toujours besoin d’une solidarité réciproque. Nous avons nos problèmes et la Chine a les siens…

Les communistes en Chine peuvent avoir commis beaucoup d’erreurs ces dernières vingt dernières années. Mais nous, communistes de l’Europe de l’Ouest, avons-nous réussi de façon tellement brillante ces vingt dernières années ? Tous les partis communistes ont leurs points forts et leurs points faibles. Nous ne devons pas être désorientés lorsque leurs côtés faibles apparaissent, mais nous devons les considérer comme un avertissement à notre adresse ; nous devons le plus possible, de façon créatrice, apprendre de leurs expériences positives et nous devons être solidaires, aussi bien lorsque les choses vont bien que lorsqu’il y a des contre-coups.

Adopter une position de classe prolétarienne dans cette question signifie :

1. Etudier à fond les documents essentiels du PCC et prendre sérieusement en considération leurs thèses fondamentales ;

2. Faire surtout preuve d’intérêt et d’enthousiasme pour ce qu’il y a de positif et pour les progrès réalisés ;

3. Faire des critiques de façon responsable, c’est-à-dire entre communistes.

Cela signifie :
1. Notre enthousiasme pour le socialisme doit se voir dans la propagande que nous faisons pour les grandes orientations de la politique du PCC notamment pour celles que nous soutenons sur base de notre jugement indépendant.

2. Réfuter toutes les attaques anti-communistes.

3. Nous défendons en premier lieu ce que nous trouvons de juste et de positif dans chaque mouvement ou déclaration.

4. Nous faisons preuve d’esprit critique communiste, nous formulons nos propres conceptions. Ici il s’agit avant tout d’être prudent, d’essayer de tenir compte de la situation réelle en Chine, des intentions réelles du PCC.

4.4. Sous le couvert de « la lutte contre la droite », « de front contre l’offensive de la réaction », on se range derrière la social-démocratie.

4.4.1. Quelques personnes dans notre parti ne veulent plus poursuivre le travail difficile de préparation de la révolution socialiste. Leur point de vue est le suivant : « En dix ans, nous n’avons presque rien obtenu. Nous pouvons obtenir plus en renforçant la gauche du PS » ; « Réformes ou révolution, il s’agit là d’un débat académique, le vrai débat consiste à trancher entre la voie néo-libérale et la voie progressiste, entre Thatcher et Mitterrand ».

4.4.2. A partir de son expérience historique, la bourgeoisie européenne a conclu que sa domination était la plus stable quand elle recourait à des tactiques politiques variées : elle confie la direction du pays tantôt aux mains de politiciens bourgeois conservateurs, tantôt de politiciens bourgeois progressistes.

En général, les fractions des politiciens bourgeois progressistes défendent les fondements de la société capitaliste : la propriété privée des moyens de production, les institutions de l’Etat bourgeois.

Les partis bourgeois progressistes sont les seuls, dans certaines situations de crise, à pouvoir maintenir leur contrôle sur les larges masses et à préserver l’ordre capitaliste.

Dans les années cruciales de 1944 et 1945, ce rôle a été joué par la social-démocratie. Aussi la CIA a-t-elle, à ce moment-là, investi beaucoup dans ces partis.

4.4.3. Depuis des dizaines d’années, tous ceux qui ont trahi la révolution pour rejoindre les rangs de la démocratie bourgeoise, utilisent l’argument du « renforcement du Parti socialiste pour la lutte contre la droite ».

Auguste Lecoeur, ancien membre du Bureau Politique du PCF, adhère en 1958 à la SFIO (la social-démocratie).

« Nous étions convaincus (…) qu’il était urgent de précéder à ce regroupement pour faire un barrage efficace aux prétentions affichées de la réaction, qui profitant de la situation et de la prolongation de la guerre d’Algérie, se préparait, politiquement et militairement, à renverser la République ». (Partisans, Flammarion, p. 293)

Au lendemain de la guerre, Bert Van Hoorick est devenu le secrétaire à l’organisation du PCB. Il résume dans son autobiographie les arguments, bien pauvres, avec lesquels il a renié la cause de la révolution socialiste et rejoint la démocratie bourgeoise et le PS en 1957.

« Je constatais que le doute s’installait en ce qui concerne le rôle d’avant-garde du parti (…) C’est pourquoi nous devions trancher clairement si la thèse de Khrouchtchev sur la réalisation du socialisme au moyen de la voie parlementaire, était oui ou non applicable à la Belgique. A mon avis, toutes les conditions objectives poussaient dans cette direction. Mais nous devions aussi nous rendre compte alors que le mouvement ouvrier social-démocrate constituait l’élément central de cette stratégie ».

« La nouvelle conception affirmant l’instauration du socialisme par la voie parlementaire et les élections, supprimait pour l’essentiel les raisons du schisme entre communistes et socialistes (…) La priorité devait revenir à l’intérêt général de la classe ouvrière et donc à l’intérêt de classe. C’était particulièrement primordial dans l’arrondissement d’Alost. Il existait là-bas, d’une part, une masse d’ouvriers socialistes avec un encadrement insuffisant de dirigeants et, d’autre part, un appareil de cadres communistes de qualité sans large base. » (A contrecourant, p. 281, 285)

4.4.4. Tout parti politique qui veut maintenir sa dynamique doit tous les dix ou vingt ans renouveler une partie de ses cadres. Une telle opération se déroule depuis quelques années au sein du PS et du SP. Les slogans : « renouvellement », « rajeunissement », « radicalisation ». Bref, tout le registre de la démagogie. Dans ces trois slogans on fourretout ce qui est « à la mode ». Le « renouvellement » est cherché dans l’écologie. « La dynamique du renouvellement politique ne se trouve plus parmi les forces organisées à gauche du PS. » (De Morgen 12/10/ 82) En d’autres mots : il n’est pas du tout question d’une orientation vers la lutte de classe révolutionnaire et un programme anti-capitaliste. Spitaels à propos de l’« ouverture » du PS vers les progressistes :

« Cette ouverture est en tous cas une nécessité pour qu’un parti continue à vivre… Ce qui m’a frappé, c’est combien, souvent, nos assemblés réunissaient surtout des hommes d’âge mûr… (Le Peuple 1/3/82)

De larges possibilités de carrière au sein de la social-démocratie s’offrent donc aux liquidateurs qui ne croient plus en la révolution et en la classe ouvrière.

4.5. Au nom de la « démocratie » et de la « liberté » on entreprend une lutte pour détruire la conception léniniste du Parti.

4.5.1. Pendant la campagne contre le sectarisme, nous avons parfois de façon opportuniste, admis comme membres du parti des personnes qui ne répondaient pas du tout aux critères d’adhésion. Un d’entre eux a quitté le parti sur des positions proches de la propagande anti-communiste. C’est surtout la conception léniniste du parti qui est visée, dans des termes sortis tout droit des publications d’extrême-droite. Nous citons :

« Il serait intéressant d’examiner le style de travail et les méthodes organisationnelles des sectes religieuses et fascistes. La secte de Melchior maîtrise très bien l’art de dominer ses membres de l’intérieur. Chaque membre est encadré au maximum et peut uniquement parler avec les membres de son unité. Le dirigeant de l’unité en question est encadré à son tour à un niveau plus élevé, et parle uniquement avec les membres de son unité. De cette manière, on a un système de « centralisme démocratique » pseudo-militaire qui tue toute la vie politique, toute pensée personnelle et toute initiative. Les dirigeants dominent toute la structure par une hiérarchie parfaite. Les discussions à la base entre Les membres sont interdites. »

4.5.2. Le parti léniniste est la forme d’organisation dont on a besoin si on veut réaliser le programme de la révolution socialiste. Lorsqu’on fait réellement du travail révolutionnaire en s’appuyant sur les ouvriers et les travailleurs, on se rend compte que les règles organisationnelles du parti léniniste sont les seules méthodes d’organisation et de travail qui puissent permettre de réaliser son idéal. Cependant, ceux qui ne croient plus à la révolution ni à la classe ouvrière ressentent le parti léniniste comme une malédiction et une tyrannie. Ceux qui s’accommodent de la société bourgeoise, se sentent évidemment opprimés, manipulés, brusqués lorsque, dans un parti prolétarien, ils sont obligés de travailler pour la libération de la classe ouvrière. Les attaques des traîtres au communisme et des fascistes contre le centralisme démocratique ont par conséquent beaucoup de points communs.

Auguste Lecoeur (ex-membre du Bureau Politique du PCF) :

« Une seule référence demeurera gravée dans l’airain, c’est Le « centralisme démocratique », pilier sur Lequel repose tout l’arbitraire du système communiste (…) La continuité de ses méthodes et moyens, la pérennité des structures lénino-staliniennes qui les fondent, ne sont remises en cause par personne. (…) Unité et efficacité ! Voilà bien les deux maîtres mots de la forteresse barbelée du monde communiste. L’unité, dans La pratique communiste, et telle qu’elle résulte du centralisme démocratique, c’est en fait l’interdiction de toute pensée originale et de toute opposition créatrice. Cette unité interdit entre autres la création de tendances au sein du parti.

L’« efficacité » maintenant. Oui, c’est Le moins qu’on puisse dire qu’elle existe au sein de l’univers communiste, où La fin justifie Les moyens, fus-sent-ils Les plus abominables ! Dans La pratique communiste, c’est l’indiscutable efficacité de la dictature sur La démocratie, du Goulag sur la liberté d’exprimer son opposition…, l’efficacité du parti unique, ou dominant, sur le pluralisme des opinions politiques… ; l’efficacité de La presse rédigée par des fonctionnaires d’Etat sur La presse libre rédigée par des journalistes libres. Voilà bien quelques aperçus de l’unité et de l’efficacité engendrées par Le centralisme démocratique, un euphémisme qui sert à couvrir le plus efficace et le plus uni des systèmes totalitaires et policiers ». (Auguste Lecoeur, le PCF, p 19 et 20)

Roger Cosyns-Verhaegen, idéologue fasciste, homme de la sûreté militaire, admirateur de « José Antonio Prima de Rivera (qui) avait fondé la phalange dans un esprit de synthèse nationale et sociale » :

« Il en est de l’entreprise communiste comme de n’importe quelle construction totalitaire. Il y a :

1. Une doctrine qui reflète La conception élaborée par un ou plusieurs penseurs.

2. Une « intelligentsia » qui entreprend de constituer l’appareil susceptible de réaliser Les conditions nécessaires à l’application de La doctrine.

3. L’appareil lui-même, qui est le Parti.

4. Les militants, molécules dociles, dont l’agglomération et le conditionnement doivent faire la force d’impact du parti ». (25 ans d’impact communiste en Belgique − les OURS, 1967, p. 12)

Lecoeur plaide en faveur de la liberté d’existence de toutes les conceptions bourgeoises dans le parti. Les conceptions qui glorifient le capitalisme ne peuvent pas être éliminées : ce serait de la « dictature ».

« Pensée originale et opposition créatrice » sont des termes sympathiques inventés pour désigner tout ce qui rabote le caractère révolutionnaire du parti, tout ce qui est agréable à la bourgeoisie.
Cosyns-Verhaegen traite le militant communiste de « molécule docile », un élément qui ne réfléchit pas par lui-même mais obéit aveuglément. Un parti léniniste ne peut être construit que par des militants qui acquièrent un maximum de conscience et de formation théorique et pratique. Les dirigeants d’un parti communiste sont conscients qu’ils ne savent pas faire beaucoup plus que de systématiser et d’enrichir les idées justes qui vivent parmi les membres et les cadres de leur parti. Plus les membres sont conscients et formés, plus la vie politique du parti sera riche et plus grande sera la possibilité de formuler des points de vue révolutionnaires corrects. Cosyns-Verhaeghen décrit le parti comme si les dirigeants faisaient à leur guise, tandis que les membres devraient suivre aveuglément la discipline. Dans un parti léniniste, les mêmes règles de la discipline valent pour tout le monde, du sommet à la base. Au PTB, nous avons adopté le principe que la discipline doit être appliquée avec plus de rigueur par les cadres, qui ont aussi plus d’obligations.

De 1903 à 1917, Trotsky était parmi les adversaires les plus acharnés de la conception du parti de Lénine. En 1904, il écrivait dans « Nos Tâches Politiques » contre la « philosophie » des léninistes :
« Cette philosophie peut se résumer en trois thèses :

1. La préparation du prolétariat à la dictature est un problème d’organisation : cela consiste à préparer le prolétariat à recevoir une organisation puissante, couronnée par un dictateur.

2. Dans l’intérêt de la dictature du prolétariat, il est indispensable de préparer consciemment l’apparition de ce dictateur sur le prolétariat.

3. Toute déviation de ce programme est une manifestation d’opportunisme. » (L. Trotsky, Ed. Belfond, 1970, p. 198)

4.6. Au nom de l’indépendance des organisations de masse, le rôle dirigeant du parti communiste est rejeté.

4.6.1. Le courant liquidateur s’est manifesté d’abord dans certaines organisations de masse du PTB qui regroupaient des membres et des sympathisants du parti.

La Ligue Anti-impérialiste a vu naître en son sein une tendance pour la rendre « indépendante du parti ». Cette tendance ne voulait pas se baser sur le marxisme-léninisme pour le travail de solidarité avec le Tiers-Monde. Elle ne voulait plus propager le socialisme en Chine comme un exemple pour le Tiers-Monde.

Un cadre du parti, responsable d’une organisation de masse a démissionné du parti. Il affirmait qu’une organisation de masse doit avoir une dynamique propre et ne peut donc ni être dirigée par le parti, ni prendre la vision marxiste-léniniste de l’histoire comme fil conducteur.

Au nom de la « lutte contre le sectarisme », on voulait transférer toujours plus d’activités du parti vers des « organisations de masse non liées au parti ». Le journal « Médecine au service du Peuple » du PTB devait disparaître et faire place à un « journal sans-parti d’un large front progressiste ». Les activités de notre organisation étudiante, le MML, furent limitées au profit d’une organisation de masse : le SVB. Lors de la reconstruction de notre organisation de jeunes, on opta d’abord pour une organisation de masse indépendante du parti. Il y a eu des propositions pour remplacer l’hebdomadaire du parti par un « journal ouvert, populaire, non-lié au parti ». Ce courant aurait mené inévitablement au rejet des fondements de notre travail :

1. l’édification idéologique, politique et organisationnelle du parti comme tâche essentielle pour le progrès du mouvement révolutionnaire ;

2. l’étude et l’application créatrice du marxisme-léninisme comme condition essentielle pour l’élaboration d’une politique révolutionnaire prolétarienne.

4.6.2. C’est dans le même esprit que le rôle dirigeant du parti marxiste-léniniste lors de la construction du socialisme, a été rejeté. Au nom de la « démocratie absolue », on rejette le principe de l’analyse de classe.

Les fascistes, l’extrême-droite et les autres porte-parole de la bourgeoisie sont toujours les premiers à exiger « l’indépendance syndicale » dès qu’un pays a pris la voie du socialisme. Ils cherchent une organisation qu’ils peuvent soustraire à l’influence du Parti, où ils pourront mener un combat en règle pour reconquérir le pouvoir.

En 1939, les idéologues cléricaux écrivaient dans une note d’étude que « le communisme provient d’une invention de l’esprit du Mal contre le Christ et contre la civilisation chrétienne ».

Sur l’Union soviétique, ils écrivaient :

« Quelque six millions de travailleurs ont été forcés de devenir membres des syndicats rouges. Ceux-ci sont soumis à la domination du Parti auquel leurs dirigeants sont affiliés ». (Hebdomadaire de l’ACV, 11e année, 1939, 19 avril, p. 380, 393)

Le journal « Europe-Amérique », depuis lors rebaptisé « Nouvel Europe-Magazine », rassemble, depuis la seconde guerre mondiale, les « penseurs » fascistes de la Belgique francophone. En 1951, ce journal écrivait en ces termes au sujet de la construction socialiste en Pologne :

« La lutte entre les tendances, celle du syndicalisme libre et celle du syndicalisme inféodé à Moscou, devait durer de 1945 à 1947 (…) L’action revendicatrice des masses ; au cours de la même période, se traduisait principalement par la grève (…) En 1946, les arrêts de travail prirent le caractère d’un mouvement de masse (…) On se limitait à injurier les grévistes parce que la grève est nécessairement réactionnaire en régime progressiste ». (Europe-Amérique, 25/3/51 p. 19, 20)

En 1947, Léon Jouhaux provoque une scission dans la CGT en France et fonde Force Ouvrière. Cette scission était financée par la CIA, qui voulait, au nom des « syndicats libres », soustraire le plus d’ouvriers possible à l’influence du syndicalisme communiste. Dans la même période, la CIA œuvrait en faveur des « syndicats libres » en Pologne, espérant ainsi regrouper tous les réactionnaires pour le combat contre la jeune Pologne socialiste.

25 ans plus tard, la situation mondiale a profondément changé.

L’URSS est devenue un pays social-impérialiste. La Pologne a perdu son indépendance et la classe ouvrière s’est prononcée massivement en faveur de Solidarnosc en qui elle voit le syndicat de la classe ouvrière qui lutte contre la domination soviétique et contre la nouvelle bourgeoisie polonaise.

Nous soutenons toutes les forces à l’intérieur de Solidarnosc qui agissent en faveur de l’indépendance nationale et de la démocratie et tout particulièrement les forces qui optent pour une Pologne socialiste.
Nous sommes conscients que les vieilles forces d’extrême-droite, les partisans de Pilsudski et de l’Armée de l’Intérieur sont présentes au sein de Solidarnosc et que la CIA s’est engagée à fond dans ce syndicat.

La conception de la CIA sur les « syndicats libres » est restée inchangée : ils sont une arme pour la défense de l’impérialisme, une organisation de l’anticommunisme. Lorsque nous apportons notre soutien aux forces démocratiques à l’intérieur de Solidarnosc, nous nous démarquons en même temps de ces éléments réactionnaires.

4.7. Au nom de « la libération individuelle », on rejette le travail pour le parti, pour la classe ouvrière, pour la révolution.

4.7.1. Un partisan du courant liquidateur écrit : « L’idéologie stalinienne nie l’émancipation individuelle qu’elle considère comme petite-bourgeoise. Les objectifs de l’émancipation sont impossibles à réaliser si on ne cherche pas à développer au maximum l’autonomie individuelle et l’autonomie des unités collectivistes de la société. » « Sous le socialisme post-industriel se développeront une nouvelle morale, de nouveaux modes de vie, de nouvelles formes de famille, de vie en collectivité. Cette nouvelle idéologie est déjà en train de se frayer son chemin, de façon diffuse et spontanée. Elle s’exprime dans le féminisme, l’écologie et toutes sortes d’expériences « alternatives ». »

Tout cela est copié des idéologues anti-communistes.

4.7.2. André Gorz écrit :

« Les militants prolétariens ont généralement combattu le désir d’autonomie individuelle comme un résidu, chez l’ouvrier, de l’individualisme petit-bourgeois. (…) Le désir d’autonomie est une « nostalgie passéiste », « un piège à cons » (…).

Chaque prolétaire qui espère s’en tirer tout seul sape la capacité qu’aurait le prolétariat, si seulement tous ses membres s’unissaient, de chasser la bourgeoisie du pouvoir et mettre fin à la société de classes (…)

Les impératifs politiques de la lutte de classes ont ainsi empêché le mouvement ouvrier de s’interroger sur le bien-fondé éventuel du désir d’autonomie en tant qu’exigence fondamentale spécifiquement existentielle ( … )

Un besoin peut exister pour des raisons autres que politiques (…) c’est le cas des besoins existentiels (esthétiques, érotiques, relationnels, affectifs) et plus particulièrement du besoin d’autonomie. Ne pas reconnaitre l’autonomie relative des besoins existentiels, les subordonner à un impératif politique, c’est s’obliger à en réprimer indéfiniment les moindres manifestations comme autant de déviations ou de trahisons politiques.

Cette répression est aussi vieille que l’organisation politico-syndicale, sur une base de classe, d’un prolétariat dépossédé dans sa majorité de capacités de travail autonomes. Elle existait bien avant Staline et elle a continué d’exister après lui. Elle a sa racine dans l’impossibilité de vivre l’être-prolétaire et, à fortiori, l’union du prolétariat comme un épanouissement et une libération individuelle. (…)

Et le militant exemplaire est celui qui intériorise cette nécessité : il n’existe plus comme individualité autonome. (…) Il refoule donc sa propre subjectivité pour devenir la pensée objective de la classe se pensant en lui : raideur, dogmatisme, matérialisme, langue de bois et passion autoritaire sont les qualités inhérentes à cette pensée qui se veut sans sujet (…)

Ainsi que l’a montré Marcuse, le socialisme post-industriel, c’est-à-dire le communisme, sera féminin ou ne sera pas. Il présuppose une révolution culturelle qui (…) extirpe le principe de rendement, l’éthique de la compétition, de l’accumulation (…) pour affirmer la suprématie des valeurs de réciprocité, de tendresse, de gratuité et d’amour de la vie sous toutes ses formes. » (Adieux au prolétariat, p. 55, 56 et 129)

Ce que Marcuse décrit ici comme étant « le socialisme féminin », est le paradis des parasites : parasites issus de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie, parasites au sein de l’appareil d’Etat, grassement payés pour faire peu de choses. Pour ces travailleurs-là les principes de rendement et de compétition ne comptent pas, ils peuvent couler des jours « de tendresse et de gratuité ».
Gorz aime lancer des phrases aussi ronflantes que vagues, sur « l’autonomie ». Il espère sans doute convaincre quelques intellectuels progressistes, de ne pas trop « se lier » à la classe ouvrière.
Nous aurions aimé disposer de plus d’exemples précis pour savoir ce que signifiait cette « autonomie individuelle ». Gorz devient enfin concret aux pages 130 et 131 de son livre « Adieux au prolétariat ». Son autonomie individuelle signifie :

– premièrement, « s’occuper à plein temps d’enfants en bas âge » − cela veut dire renvoyer la femme au foyer, ou l’homme, car Gorz prône l’égalité.

– deuxièmement, « les activités bénévoles et autonomes au sein de la famille ».

– troisièmement, « grâce au chômage partiel, la vie familiale et les échanges affectifs peuvent s’épanouir » ; comme chacun le sait, les échanges affectifs sont stimulés encore davantage par le chômage complet.

– quatrièmement, « nous, les hommes, avons déjà retrouvé certains droits aux sentiments, aux rapports avec l’enfant ».

Ainsi l’érotisme, l’affectivité, la tendresse, les sentiments, l’amour sont confisqués par la petite-bourgeoisie. Gorz caresse l’espoir secret qu’en agitant le drapeau de « l’érotisme et de l’amour » il attirera les intellectuels de gauche vers ses théories « au-delà du marxisme, au-delà du prolétariat, au-delà du socialisme ».

Les concepts de lutte de classe, de lutte ouvrière, de lutte révolutionnaire font bailler d’ennui la petite-bourgeoisie, lui font hausser les épaules ou ricaner. Jadis elle y croyait comme elle croyait en St. Nicolas (ne lisez pas : comme elle croyait au St. Esprit car aujourd’hui, elle est revenue des théories matérialistes : les choses ont une origine spirituelle plus profonde, ça c’est sûr).

André Gorz part à la recherche du vrai socialisme, le socialisme post-industriel, sur le terrain de la tendresse, de l’érotisme et de l’amour. Hélas pour lui, d’autres chercheurs d’or l’ont déjà précédé dans cette quête. Aristide Corre, le dirigeant de l’organisation fasciste La Cagoule, rédigeait un journal intime. Au cours d’une perquisition, la police le confisqua. Quarante ans plus tard, un éditeur lance sur le marché les pensées de ce fasciste. Nous y trouvons les récits d’attentats à la bombe, de meurtres, de complots et d’actes de terreurs, assaisonnées par des dizaines de pages lyriques, adressées par Aristide Corre à ses trois amies, des pages prenantes de romantisme où la tendresse, l’affectivité et la « gratuité » ne connaissent pas de bornes.

L’ouvrier est abruti par un travail épuisant et par une lutte de classes sans fin. L’âme du capitaliste est pervertie par la soif d’argent et de pouvoir. Seul le petit-bourgeois possède suffisamment de savoir-vivre pour se tenir bien à l’écart de la lutte sociale, de la révolution et d’autres épreuves dogmatiques, lui seul sait consacrer sa vie à l’Amour Véritable et à la Tendresse Véritable.
Les prétentions de Gorz, au nom de la petite-bourgeoisie, au monopole de l’érotisme, de l’affectivité, de la tendresse, de la sensibilité et de l’amour, sont d’un ridicule pénible. On peut trouver toutes ces belles choses dans toutes leurs nuances possibles, aussi bien au sein du prolétariat que de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie.

La façon dont quelqu’un exprime ses sentiments personnels ou ne les exprime pas, les développe ou les refoule, n’a rien à voir avec son origine de classe ou son point de vue de classe. Tous les militants ne sont pas névrotiques et tous les André Gorz ne sont pas de grands amants.

Gorz parle de « l’individualité autonome » comme d’une donnée absolue. Et le militant révolutionnaire est par définition dépourvu de cette autonomie. Gorz ne voit pas que l’autonomie du militant réside dans le fait qu’il a choisi son camp en connaissance de cause ; pas le camp de André Gorz, pas le camp de Valéry Mitterrand d’Estaing, mais le camp du prolétariat et de la lutte révolutionnaire. Le militant communiste décide en pleine autonomie de se former et de se transformer lui-même pour mieux servir la lutte révolutionnaire.

Celui qui, comme Gorz, place « l’autonomie individuelle » avant tout, se range dans le camp de la bourgeoisie, ou de la petite-bourgeoise. Ce n’est que dans ces milieux-là que l’on peut prêcher la « réalisation de soi-même » comme le bien suprême, puisque l’exploitation et l’oppression du Tiers-Monde et du prolétariat y sont conçues comme une donnée évidente et immuable. Celui qui travaille pour la classe ouvrière, voit sa propre réalisation dans le cadre de la lutte révolutionnaire pour la libération de tous les travailleurs.

La formulation « individualité autonome » est une paraphrase à la mode du concept de « liberté » et le mot « liberté » a une signification différente pour chaque classe. Gorz prêche la liberté de s’éloigner le plus possible du prolétariat. Ce faisant, il se place dans un coin où Giscard d’Estaing l’a précédé. Giscard d’Estaing écrit :

« L’histoire de la société française est celle de l’effort millénaire de l’individu en vue d’accroitre et d’affirmer son autonomie. (…) Notre société est fondée sur l’épanouissement individuel (…) Favoriser le développement de chaque personnalité, permettre à chacun de conduire sa vie : cet objectif correspond au stade d’évolution économique libératrice que nous avons atteint. » (Giscard d’Estaing dans « Démocratie française » p. 31, 71)

Lorsque Gorz se fait le chantre de « l’individualité autonome », il ne fait que vanter le mode de vie de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoise. Etre militant et prolétaire, c’est à ses yeux être privé de « l’individualité autonome ». Il n’arrive pas à comprendre qu’il y a des prolétaires qui sont fiers de leurs capacités professionnelles et de leur travail, qui acquièrent des connaissances techniques et scientifiques après les heures de travail, qui se forment politiquement et acquièrent une connaissance profonde de l’économie et de la vie politique et syndicale. Il va sans dire que l’exploitation et l’oppression dont sont victimes les ouvriers, limitent fortement leurs possibilités de se former, de s’instruire, de s’enrichir sur le plan spirituel et culturel. C’est pourquoi, parmi d’autres raisons, la révolution socialiste est nécessaire et pour la rendre possible, il y a des militants qui décident en toute connaissance de cause de rompre avec le mode de vie et les idéaux de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie. Quoiqu’en pense Gorz, ils n’en perdent pas pour autant leur « propre subjectivité ». Tout simplement, ils se battent dans l’autre camp.

Tous les traîtres au prolétariat qui sont passés dans le camp de la bourgeoisie l’ont fait en proclamant : « Je me suis trouvé moi-même » ! Comme Henri De Man :

« Jusque-là, je n’avais fait en somme que chercher dans les doctrines socialistes préexistantes, ce qui correspondait à mon propre état d’âme. Après avoir cru un instant, lors de ma découverte du marxisme, que j’avais trouvé ce point d’équilibre, je l’avais vu m’échapper continuellement par petits à-coups, à mesure que mon expérience propre faisait mûrir mes convictions. C’est ainsi que je dus chercher en dehors des livres, et que je me trouvais moi-même ». (Après Coup, p. 192)

On imagine sans peine quelle expérience excitante pour H. De Man, de se trouver enfin soi-même après 40 ans de présence sur cette terre. Mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est ce qu’il découvrit en se trouvant soi-même. Pour H. De Man, c’était simple ; il découvrit le fascisme. Et ce n’est pas un hasard. Les idéologues fascistes nient l’existence de classes sociales et la lutte de classes ; ils prônent une conception personnaliste qui appelle chaque individu à « se réaliser » et à prendre sa place dans la hiérarchie « naturelle » de la société. Cosyns-Verhaegen :

« La révolution bolchévique avait nivelé l’édifice social par le bas. Il fallait donc lui opposer un nivellement par le haut, progressivement, sans heurt, mais sans répit. Mais cette transformation devait viser non seulement le niveau matériel, mais aussi le statut culturel et moral.

La tentative amorcée en ce sens par Mussolini se corrompit très rapidement.

Seul, José Antonio Primo de Rivera semble avoir joint assez de générosité et de réalisme dans sa conception »

« Une explication de l’effacement individuel du communiste de base réside en ceci : (…) Il ne voit pas les possibilités de s’affirmer, de se réaliser en tant que personne par ses propres moyens. Dès lors, il accepte d’abdiquer du peu d’auto-potentiel qu’il possède pour se fondre dans la masse monolithique qu’est le parti. » Mais en dehors du parti, les gens « persistent dans la recherche d’une voie autonome, à la recherche d’un destin personnel ». » (25 ans d’impact communiste, p. 16, 11 et 12)

4.8. Au nom de la « lutte contre le dogmatisme et le sectarisme », on se détourne de la classe ouvrière et on s’aligne derrière les mouvements de masse de la petite-bourgeoisie.

4.8.1. Les liquidateurs au sein du KPD :

« Le potentiel de résistance, doté de quelque peu d’efficacité sociale, aujourd’hui c’est d’abord dans le mouvement écologique qu’on le trouve. C’est là qu’on trouve l’aspiration à rompre avec la totalisation du capitalisme développé. » (Alexander von Plato)

« De larges fractions de ce mouvement (des classes moyennes) sont aujourd’hui plus en rupture avec le système capitaliste que la classe ouvrière qui est en fait, exactement comme autrefois, intégrée au système capitaliste par la social-démocratie et la direction syndicale. » (Kommunistische Briefe N°1, juin 80, p. 36)

4.8.2. Ceux qui se détournent de la révolution prolétarienne, rejettent la position suivant laquelle la classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire conséquente, qu’elle est la force dirigeante de la révolution socialiste.

Henri De Man :

« L’avenir nous dira si j’ai eu raison ou non de vouloir dissocier le socialisme, de la lutte de classes ». « Le socialisme, loin d’être un mouvement limité à une classe, était l’affaire de tout le monde ». « Au lieu de la lutte de classe entre capitalistes et ouvriers, c’était le front commun de toutes les couches sociales productrices contre les puissances d’argent parasitaires ». (Après Coup, p. 194, 197 et 210)

André Gorz :

« Pour les jeunes militants révolutionnaires de l’avant et l’après-mai 1968, comme pour Marx, on ne milite pas dans le mouvement révolutionnaire et on ne s’établit pas en usine parce que le prolétariat agit, pense et sent de manière révolutionnaire, mais parce qu’il est révolutionnaire par destination, ce qui veut dire : il doit l’être, il doit « devenir ce qu’il est. » A partir de cette position philosophique s’annonce la possibilité de toutes les déviations : avant-gardisme, substitutionnisme, élitisme. » « Le dépassement du capitalisme ne peut dès lors provenir que de couches qui représentent ou préfigurent la dissolution de toutes les classes, y compris la classe ouvrière elle-même. »

« Le mouvement des femmes participe de la rationalité capitaliste quand il se donne pour but de libérer la femme des activités sans but économique, considérées comme des activités subordonnées et serviles (…) C’est seulement dans la mesure où il radicalise cette mise en question en posant les activités autonomes et les valeurs non économiques comme l’essentiel, les activités et les valeurs économiques comme subordonnées, que le mouvement des femmes devient une composante motrice de la révolution post-industrielle et, à bien des égards, non-avant-garde. » (Adieux au prolétariat p 37 ; 29 ; 128-129)

4.8.3. Le matérialisme historique considère que la production des biens matériels forme la base de toute vie sociale. La lutte décisive dans notre société porte sur la question de savoir quelle classe possède les moyens de production, quelle classe décide de la manière de produire et de ses objectifs. Seule la classe ouvrière peut, sous la direction de son parti révolutionnaire, unir autour d’elle les autres travailleurs et développer une force suffisante pour renverser la bourgeoisie.

Gorz a découvert le péché originel du marxisme : il est impossible de tirer des faits la preuve que la classe ouvrière est la plus révolutionnaire. La bourgeoisie frappe d’aveuglement ceux qui veulent la servir trop fidèlement. Les seuls mouvements qui aient vraiment semé la panique au sein de la classe dominante belge, ce sont les actions de masse du prolétariat : le mouvement révolutionnaire populaire à la libération en 1944, lorsqu’une grande partie de la classe ouvrière était armée, les grèves générales de 1950 et 1960-61, la lutte contre les fermetures de mines à Zwartberg en 1966, la lutte contre la liquidation de la sidérurgie wallonne en 1982.

Dans toutes les périodes de crise qui secouent la bourgeoisie, seule la classe ouvrière offre une base pour la lutte révolutionnaire de masse. Ceci s’est manifesté très clairement dans la dernière période révolutionnaire que l’Europe ait connue, celle de la résistance antifasciste.

Au sujet de l’attitude des ouvriers français quant à l’occupation :

« Sur l’attitude de la classe ouvrière à l’égard du nouveau régime et de sa politique, les appréciations des préfets convergent toutes, et pour aucune autre classe les jugements de ces derniers ne sont aussi entiers, catégoriques et négatifs. Il ne fait rapidement aucun doute que les ouvriers sont « hostiles d’une manière générale au gouvernement ». « Les ouvriers demeurent réfractaires aux appels du gouvernement » ; ils « demeurent hostiles à la politique du gouvernement » ; « ils sont tous hostiles au régime actuel » ; « la classe ouvrière est la plus nettement hostile au gouvernement ». Aux yeux des autorités, les ouvriers constituent la classe dangereuse, celle qui n’inspire que la méfiance et l’inquiétude, celle dont il est à craindre qu’elle ne se laisse de plus en plus gagner par la propagande communiste ou gaulliste ». (Madjarian ; Conflits, pouvoirs et société à la libération, Ed. 10-18, p. 36, 37)

4.9 Au nom de « l’unité de la gauche », on se montre conciliant avec le trotskysme.

4.9.1. Le mouvement de liquidation au sein du KPD a mis en avant les positions suivantes :

« La construction pas-à-pas d’un mouvement socialiste de gauche, indépendant vis-à-vis du SPD et du SED-DKP, et dont les communistes seront une partie active. » (Semmler) « Cela signifie s’orienter politiquement, idéologiquement et aussi organisationnellement vers l’auto-dissolution au nom d’une nouvelle unité des courants communistes et socialistes situés à gauche du SPD et du SEO (KP). » (Steinhauer, Zur Bilanz, p 62).

Ces positions signifient un abandon de la tâche centrale de former et renforcer le parti ouvrier révolutionnaire sur une base clairement marxiste-léniniste. Elles nient l’opposition inconciliable entre le marxisme-léninisme d’une part et le réformisme et le trotskysme de l’autre.

4.9.2. Depuis 50 ans, la signification essentielle des groupes trotskystes, c’est de former une avant-garde dans la lutte pour détruire le mouvement marxiste-léniniste. Les positions anti-communistes de l’extrême-droite sont habillées de phrases d’extrême-gauche par les trotskystes et diffusées dans les milieux de gauche. Les trotskystes peuvent se présenter tour à tour sous une forme ‘d’extrême-gauche’ et sous une forme de droite, réformiste ; seul leur but reste toujours le même : causer un maximum de dommages aux pays socialistes, aux partis marxistes-léninistes et à la révolution nationale et démocratique dans le tiers-monde.

Les trotskystes à propos de notre parti en 1976 :

« La dégénérescence irrémédiable en une secte mao-stalinienne, contre-révolutionnaire est atteinte quand Amada (PTB) subordonnera les intérêts de la classe ouvrière belge à ceux de la bureaucratie chinoise dans une des questions clé de la lutte de classes. » « Sans un renversement fondamental de la stratégie politique, sa sectarisation et sa dégénérescence finale sont inévitables. Ainsi, tout un secteur de l’avant-garde risque d’être perdu. En même temps sera éliminé un premier obstacle important au sein de l’avant-garde, pour la construction du parti révolutionnaire. » (Troisième Congrès LRT)

En 1976, les trotskystes étaient convaincus qu’ils pourraient porter à notre parti le coup fatal et ils se frottaient déjà les mains à l’idée que notre parti serait bientôt un « obstacle déjà éliminé ».

Leur bluff et leurs grandes phrases ne peuvent cependant escamoter le travail de notre parti parmi les ouvriers. Il est apparu que l’influence de notre parti était trois fois plus grande que celle des trotskystes. Depuis lors, les trotskystes s’adressent à nouveau au PTB, tout brûlants du désir de réaliser l’unité de la gauche…

Trotsky écrivait déjà en 1938 dans son « Programme de transition », ce qui suit au sujet de la Chine :

« L’internationale Communiste profita de la guerre sino-japonaise pour liquider d’un trait de plume la « Chine soviétique » en subordonnant non seulement « l’Armée Rouge » paysanne mais aussi le parti dit communiste au Kuomintang lui-même, c’est-à-dire à la bourgeoisie. Après avoir trahi la révolution prolétarienne internationale au nom de l’amitié avec des esclavagistes démocratiques, le Komintern ne pouvait manquer de trahir également la lutte émancipatrice des peuples coloniaux. La politique des Fronts Populaires et de « défense nationale » a comme une de ses tâches de faire avec les centaines de millions d’hommes de la population coloniale de la chair à canon pour l’impérialisme « démocratique ». » (Programme de Transition, sept. 1938)

Il est évident que Mao Zedong tirait de cette propagande trotskyste les conclusions qui s’imposaient : il disait que ce dénigrement du Parti Communiste Chinois et ces attaques perfides contre le front uni antifasciste, profitaient directement aux agresseurs japonais.

Trotsky a combattu la construction du socialisme en URSS avec une ardeur et une haine sans égales. Les thèmes qu’il a développés dans sa propagande contre l’URSS et contre Staline, étaient repris par les idéologues de l’anti-communisme en Allemagne nazie, par la CIA, par les milieux cléricaux.

« Une nouvelle caste oppressive et parasitaire qui s’est donnée Staline pour chef, s’éleva au-dessus de la République des soviets et contre ses peuples. L’ancien parti bochevik fut transformé en appareil de la caste. »

« Nous accusons la clique dirigeante d’être devenue une nouvelle aristocratie qui opprime et dévalise les masses. »

« La couche supérieure de la bureaucratie mène à peu près la même vie que la bourgeoisie aisée aux Etats-Unis et dans les autres pays capitalistes. »

« Le seul homme politique qui pouvait dans ces conditions impressionner Staline était Hitler. Ecce Homo. Hitler et Staline ont tout en commun : mépris pour les masses, absence de principes, ambition, appareil totalitaire. Cependant, Hitler possède quelque chose que n’a pas Staline − l’imagination, la capacité d’enthousiasmer les masses et l’audace. »

« De même que dans les pays fascistes, la principale force de la bureaucratie n’est pas en elle-même, mais dans le découragement des masses dans leur manque d’une perspective nouvelle. De même que dans les pays fascistes, dont l’appareil politique de Staline ne se distingue en rien, sinon par une plus grande frénésie, seul un travail préparatoire de propagande est actuellement possible en U.R.S.S. De même que dans les pays fascistes, l’impulsion pour le mouvement révolutionnaire des ouvriers soviétiques sera donnée, vraisemblablement, par les événements extérieurs. »

« On ne peut assurer la défense du pays autrement qu’en détruisant la clique autocratique des saboteurs et des défaitistes. Le mot d’ordre du patriotisme soviétique retentit ainsi : « A bas les défaitistes totalitaires ! A bas Staline et son Opritchina ! ». »

« Seule une insurrection du prolétariat soviétique contre l’infâme tyrannie des nouveaux parasites peut sauver ce qui subsiste encore, dans les fondements de la société, des conquêtes d’0ctobre. » (Trotsky « La lutte anti-bureaucratique… » Tome II Ed 10-18, page 301 ; 281 ; 282 ; 297 ; 169 ; 205-6- Programme de Transitions, Ed. de août 1946, p. 32)

Les motivations subjectives de Trotsky ont peu d’importance. II était devenu une figure pitoyable dont l’arrogance augmentait à mesure que sa coterie déclinait. Ses appels à la résistance et à la destruction de la « nouvelle aristocratie » étaient des provocations impuissantes dont seuls les nazis pouvaient tirer profit.

Durant leur agression contre l’Union soviétique, les hitlériens diffusaient la propagande suivante :

« Vous n’êtes plus les maîtres de votre pays ni de vos existences : votre maître, c’est Staline. On vous avait promis une existence d’homme libres et on a fait de vous des esclaves. Qu’a-t-on fait de votre droit de parler et d’écrire ? Mort aux parasites du peuple russe ! Renverser les tyrans ! »

A la fin de la seconde guerre mondiale, une fraction de l’impérialisme américain souhaitait renversez les alliances et entamer une guerre contre l’Union soviétique socialiste. Le fonctionnaire soviétique, Kravtchenko, un agent secret américain, passa à l’Ouest en mars 44 et publia un livre qui devait gagner l’opinion publique occidentale à l’idée d’une guerre d’agression américaine contre l’URSS :

Kravtchenko parle du

« système soviétique avec ses classes privilégiées » comme d’une « tyrannie » ;

il dit que Staline voulait

« maintenir intacte cette bureaucratie d’où le régime soviétique tirait sa force » (p 490, 491, 485)

« Les patriotes qui haïssaient le despotisme de Staline et ses atrocités, se comptaient par millions. » (p. 477)

« Je considérais le Kremlin comme capable des pires vilenies et ces méthodes qu’il employait alors me semblaient à peine moins blâmables que celles des Nazis, notamment la façon dont il traitait notre peuple et dont il comprenait l’organisation du pouvoir. » (p. 448)

Ce langage des services secrets américains, qu’on dirait copié chez Trotsky, sert à préparer la thèse essentielle du livre : les Etats-Unis doivent renverser les alliances et faire la guerre pour « libérer » la Russie. « Aussi longtemps qu’un sixième de la surface du globe demeurera soumis à l’esclavage totalitaire et plongé dans l’obscurantisme, la paix ne pourra jamais être que chose précaire.

Actuellement, la sécurité mondiale ne dépend pas d’une sage organisation du monde, si souhaitable soit-elle, mais bien de la libération des masses russes courbées sous le joug de leurs tyrans. On me dira peut-être que c’est aux Russes eux-mêmes, et à eux seuls, qu’il appartient de briser leurs chaînes. Ceux qui parlent ainsi se trompent profondément car, à bien des égards, le salut de la civilisation tout entière et l’espoir de maintenir la paix reposent sur la libération de mon pays. » (p. 635. Citations : Kravtchenko − j’ai choisi la liberté ! Ed. Self − Paris 1947)

4.10. On idéalise « notre démocratie actuelle », on prétend qu’elle est supérieure au socialisme et on oublie qu’elle repose sur l’exploitation du Tiers Monde.

4.10.1. Un des tenants du mouvement de liquidation écrit :

« Il faut reconnaître que le système politique des pays où règne le mode de production soviétique (URSS, Chine etc.) est beaucoup moins démocratique que la démocratie même limitée des pays impérialistes. Il n’y a pas un seul droit démocratique valable dans nos pays qui ne serait pas valable en Chine. » « Il faut rejeter tout principe d’une quelconque instance qui prétend mieux savoir que les masses ce qu’elles veulent. » « La conscience du parti n’est pas une conscience scientifique mais une fausse conscience qui utilise les concepts de l’idéologie marxiste pour assurer une domination sans partage. » « La lutte pour les principes démocratiques universels des droits de l’homme doit être soutenue partout et toujours par les vrais révolutionnaires. »

4.10.2. Ceci est la conception de la démocratie glorifiée par la bourgeoisie. La démocratie est vidée de tout contenu de classe, elle devient une « valeur en soi » qui n’est plus déterminée par les intérêts de l’une ou l’autre classe. « Notre démocratie est limitée ; la démocratie socialiste est encore plus étroite ; ce qu’il faut c’est élargir notre démocratie » : cette conception fondamentale, elle est commune aux liquidateurs et à tous les idéologues de l’impérialisme.

D’après Edgard Hoover, chef du FBI, on peut tranquillement introduire le socialisme aux Etats Unis à condition que ceci se fasse

« par une révolution politique pacifique dans le cadre de la constitution. » (Le FBI, p.390)

Colby, plus tard chef de la CIA, finança la social-démocratie italienne en 1958 :

« Le progrès du parti socialiste italien démontra que les électeurs de gauche étaient attirés par une forme démocratique de socialisme. » (30 ans de CIA, p.129)

Giscard d’Estaing :

« La démocratie pluraliste est, par nature, dialectique. Seule l’existence d’une opposition, la critique qu’elle exerce, l’alternative qu’elle constitue donnent à la souveraineté du citoyen un pouvoir concret. Il devient un arbitre, celui à qui revient le choix final, et qui décide en dernière instance.

Rien n’est plus simple que de savoir si un régime politique est démocratique ou non, du moins dans les pays industrialisés. Ce régime admet-il l’existence d’une opposition effective, disposant vraiment de la possibilité de devenir à son tour la majorité ? Il est réellement démocratique et populaire. » (Démocratie française, Fayard, p 147)

Tout ce bavardage sur la démocratie a une base matérielle, économique : les monopoles capitalistes, les patrons des moyennes et petites entreprises forment un réseau étendu qui enserre tout le pays. La Belgique compte 64.000 entreprises employant plus de 5 travailleurs. L’exploitation impérialiste du Tiers Monde a contribué à créer en Europe une classe capitaliste importante en nombre et solide dont la position durant les périodes pacifiques est très stable. Cette classe dispose de suffisamment de moyens matériels pour propager son idéologie et ses idées par le biais d’institutions culturelles et religieuses, d’éditions, de journaux et d’hebdomadaires, conférences, des études et publications d’idéologues bourgeois etc…

L’ensemble est protégé par des services de police, une gendarmerie, une armée, un arsenal impressionnant de moyens techniques ultra-modernes d’espionnage et de contrôle ainsi que des lois répressives qui peuvent entrer en application à tout moment.

C’est sur cette base que la bourgeoisie se permet une démocratie pluraliste dans laquelle divers partis bourgeois sont présentés sous des couleurs différents au public. Cette tactique sert à donner l’illusion aux ouvriers que « le choix final », c’est eux qui le font et à les détourner de la construction d’un parti révolutionnaire de classe qui se dresse sans compromis contre les bases de cet ordre bourgeois.

Lorsqu’une véritable opposition populaire révolutionnaire se dresse, la démagogie démocratique est vite remplacée par les matraques, les gaz lacrymogènes et les armes. Aujourd’hui, ceci se manifeste le mieux dans l’attitude de la démocratie anglaise face à l’Irlande et dans celle de la « démocratie » israélienne face aux Palestiniens.

La « démocratie actuelle » tant vantée repose sur deux piliers. Premièrement, la propriété privée des moyens de production aux mains de la grande bourgeoisie. Deuxièmement, un gigantesque appareil d’oppression, de contrôle et de manipulation. Les opportunistes parlent de « maintenir et élargir la démocratie actuelle ». Entendent-ils protéger ces deux piliers ? Si oui, alors une véritable démocratie économique et politique pour les ouvriers et travailleurs est impossible. II y a deux classes antagonistes. C’est pourquoi il y a deux formes antagonistes de démocratie. Il n’existe pas de démocratie absolue, qui s’élargit ou se restreint selon les bonnes ou les mauvaises intentions des parlementaires.

Lorsqu’il y a démocratie pour la bourgeoisie monopoliste, alors elle sert à protéger la propriété privée des entreprises et à garder intact l’appareil de répression. Lorsque les ouvriers et travailleurs établissent leur pouvoir pour réaliser leur démocratie, alors ils doivent obligatoirement détruire les deux piliers sur lesquels s’appuie la bourgeoisie monopoliste. La Russie a connu une république démocratique bourgeoise en 1917. La révolution socialiste d’octobre accomplit deux tâches essentielles : elle expropria les propriétaires fonciers et les grands capitalistes ; elle dissout l’Assemblée Constituante, installa le pouvoir des Soviets et épura la direction de l’armée et de l’administration des éléments tsaristes et réactionnaires. Kerensky déclencha la guerre civile sous le drapeau du maintien de la démocratie et de l’Assemblée Constituante. Il rassembla autour de lui toutes les forces « démocratique » : le parti paysan des socialistes-révolutionnaires, une partie des mencheviks, le parti bourgeois des cadets, les généraux du tsar, dirigés par Alexeiev et Denikine… et les troupes d’intervention des années anglaises et françaises.

En juillet 1918, Kerensky se rend à Londres pour faire un rapport au gouvernement anglais, dirigé par Lloyd George.

« En Sibérie, il n’y avait pas de Bolcheviks au pouvoir, et un gouvernement démocratique était constitué à Omsk. Dans la région de la Volga, des membres de l’Assemblée constituante, en majorité socialistes-révolutionnaires avaient formé un centre démocratique, et avaient engagé la lutte contre les Bolcheviks, avec l’appui des légions tchèques. »

« Dans le Sud, les efforts conjoints des généraux Alexeiev et Denikine (Kornilov avait été tué en avril) avaient permis de constituer une armée volontaire, qui déjà s’était attaquée à l’avant-garde des Bolcheviks.

Je dis aussi à Lloyd George qu’au moment où j’avais quitté Moscou, il y avait dans cette ville deux centres politique, qui s’efforçaient de former un nouveau gouvernement de coalition et de recruter une armée volontaire.

Le but du gouvernement en formation, continuais-je, était de poursuivre la guerre aux côtés des Alliés, de libérer la Russie de la tyrannie bolchévique et de restaurer le système démocratique. » (Kerensky, La Russie au tournant de l’histoire. p 642)

Le socialisme ne saurait « maintenir et élargir l’actuelle démocratie » pour les capitalistes : la « démocratie » pour les propriétaires des moyens de production signifie automatiquement l’oppression et l’exploitation de ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre pour subsister.

Sous le capitalisme, ouvriers et travailleurs peuvent arracher certains droits démocratiques sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour développer leur lutte socialiste. Mais pour les travailleurs cette démocratie dans la société capitaliste est toujours limitée, conditionnelle, faussée. Ce n’est qu’en brisant la démocratie des exploiteurs qu’on rendra possible la réalisation d’une véritable démocratie pour les masses travailleuses.

4.10.3. Si notre bourgeoisie peut maintenir une certaine façade démocratique, c’est parce que son pouvoir est basé en grande partie sur l’exploitation du Tiers Monde. Que se passera-t-il lorsque le Tiers Monde deviendra vraiment indépendant, c’est à dire lorsqu’il expropriera les multinationales occidentales et imposera des relations commerciales sur pied d’égalité ?
Kautsky défendait en 1930 l’idée que la démocratie impérialiste était supérieure à la démocratie socialiste en URSS.

En 1930, Kautsky prédisait une « révolution démocratique » qui renverserait l’aristocratie bolchévique (p 91). Que se passerait-il après cette révolution ?

« En général, les pays capitalistes devancent l’Union soviétique dans le domaine de la politique sociale. Quand la démocratie aura pris le pouvoir en main (en URSS), une de ses tâches importantes sera d’apporter aux ouvriers tout ce que leurs camarades en Occident ont déjà : une protection du travail très développée, des habitations solides (…), une liberté syndicale totale etc. » (Le bolchévisme dans l’impasse, p. 139)

En tant que pays socialiste, l’Union soviétique ne pouvait exploiter des colonies. L’impérialisme européen, lui, suçait le sang de centaines de millions de gens en Afrique et en Asie ; des immenses richesses que « nos » capitalistes en tiraient, ils laissaient un certain nombre de miettes (les « habitations solides ») pour les ouvriers européens. Bien entendu, le prophète Kautsky ne pouvait pas prévoir ce qui subsisterait de la « protection des ouvriers » et autres « libertés syndicales », trois ans plus tard, lorsque la démocratie allemande allait porter Hitler au pouvoir…

5. La tendance à la conciliation avec le courant liquidateur social-démocrate

5.1. Signification de la tendance conciliatrice.

La contradiction avec le courant droitier anti-parti est antagoniste. Il a déjà détruit de nombreux partis et liquidé des centaines de militants. Au sein du PTB, très peu d’éléments sont allés jusqu’à renier ouvertement le marxisme, le léninisme et le parti.

Nous devons dans notre parti consacrer une grande attention à la tendance à la conciliation avec le courant liquidateur social-démocrate : on excuse ce courant, on le « comprend », on le protège, on ne trouve pas nécessaire de mener contre lui une lutte systématique. Dans tous les partis m-l qui ont éclaté, la dissolution du parti a été le résultat d’un certain nombre d’alliances. Au départ, il n’y avait qu’un noyau limité d’anti-marxistes avérés et acharnés qui cherchaient tous les moyens possibles et tous les arguments pour coincer le parti. Ces droitiers ont réussi à former un groupe combatif, fonctionnant comme centre organisateur et utilisant des termes marxistes, révolutionnaires et « scientifiques » pour attirer des mécontents. Un large groupe de gens, avec des positions très diverses, a conclu une alliance avec ce centre de droitiers qui a pu ainsi réaliser son plan : liquider le parti. Un certain nombre de conciliateurs honnêtes et d’hésitants vont maintenant vraisemblablement s’en mordre les doigts pendant des années : un tort irréparable a été causé, le bateau est coulé.

5.2. Le parti se renforce en s’épurant des éléments opportunistes irréductibles.

Le parti, c’est l’union volontaire de tous les révolutionnaires qui luttent pour un programme commun et suivent des principes communs d’organisation.

Celui qui ne sait plus si un parti marxiste-léniniste est nécessaire, ou s’il faut faire la révolution socialiste, ou si la classe ouvrière est la force révolutionnaire la plus importante, celui-là ne saurait plus longtemps être membre du parti. Nous ne pouvons permettre que quelqu’un reste membre du parti s’il est dans une large mesure d’accord avec les idées du courant liquidateur social-démocrate.

Nous souhaitons d’abord discuter de façon approfondie et détaillée avec de tels camarades. Nous voulons prendre des mesures spéciales de formation, d’étude et de discussion. Le parti doit faire tous les efforts possibles afin de les regagner au marxisme-léninisme et à notre programme.

Si, après de telles discussions, il n’y a aucun progrès politique, nous demandons à ces camarades de se retirer du parti.

La tendance conciliatrice s’exprime dans le point de vue : « Les exclusions sont toujours nuisibles pour le parti ». Il s’agit d’un point de vue de démocratie « absolue », au-dessus des classes : les courants bourgeois et anti-marxistes devraient aussi avoir le droit « démocratique » de se développer au sein du parti.

L’exclusion d’éléments anti-marxistes renforce le parti. De nombreux partis m-l étrangers ont toléré en leur sein des opportunistes irréductibles : ce sont ces éléments qui ont pris le dessus et détruit tout le parti.

On ne doit pas se laisser intimider par les anti-communistes qui, dès qu’ils entendent une rumeur d’exclusion, commencent leurs criailleries au sujet du « stalinisme ». L’exclusion des éléments bourgeois irréductibles est un principe formulé par Marx et Engels. Ils écrivaient ce qui suit, au sujet d’un document rédigé par Bernstein et deux autres dirigeants du Parti Socialiste allemand, qui rompait avec toutes les idées révolutionnaires :

« Ces gens sont imbus à satiété d’idées bourgeoises et petites-bourgeoises. Si ces messieurs avaient créé un parti social-démocrate petit-bourgeois, ç’aurait été leur droit absolu. Mais dans un parti ouvrier, ils constituent un élément étranger. La rupture avec ces gens n’est qu’une question de temps. Ce moment semble d’ailleurs être venu. » « Vous envisagez toujours ces gens comme des camarades du Parti. Nous ne le pouvons pas. L’article der Jahrbuch nous sépare d’eux brutalement et à jamais les points dont-il s’agit ici sont de ceux qui ne se discutent plus dans aucun parti prolétarien. Les discuter au sein du Parti, serait remettre en question tout le socialisme prolétarien. » (Marx-Engels, Lettre 17-18 sept. 1879 ; 16 dec. 1879)

5.3. La lutte sur le second front.

Dans la situation actuelle au sein du PTB, ceux qui sont d’accord avec le courant liquidateur social-démocrate n’osent pas se battre ouvertement pour leurs convictions. Ils n’expriment pas ouvertement les points de vue droitiers, ils ne se battent pas en première ligne, mais se replient sur le deuxième front, le front de la « critique à l’égard du parti ». Ils espèrent parvenir à un « large front uni » avec tous ceux qui ont des « critiques à l’égard du parti » et ils espèrent former ainsi une base sur laquelle ils pourront faire croître ensuite leurs propres points de vue liquidateurs.

Un partisan du courant liquidateur écrit qu’il n’est pas d’accord avec l’attitude non-critique vis-à-vis des soi-disant classiques du marxisme-léninisme. Il quitte le parti car il ne veut pas

« collaborer à la venue au pouvoir d’une organisation dont en fait je ne sais pas du tout ce que je mettrais au pouvoir. »

Et il reconnaît :

« J’ai pendant des mois défendu que moi et d’autres camarades devions continuer à agir au sein du PTB, car de cette manière peut-être d’autres camarades en viendraient aux mêmes points de vue ».

La situation de ce « deuxième front » est très complexe. Nous faisons toujours une distinction entre des contradictions antagonistes et des contradictions qui sont parfois sérieuses mais restent au sein du peuple. Il se peut qu’un certain nombre de gens qui ont déjà rompu idéologiquement avec le marxisme et avec le parti, se replient sur le second front. Leur nombre dans notre parti est de toute manière extrêmement limité. La plupart des camarades qui luttent sur le second front, ont des points de vue conciliants avec le courant liquidateur, mais il s’agit ici de contradictions au sein du peuple.

5.4. Les formes de la conciliation avec le courant liquidateur.

1. Dans l’ensemble, nous pouvons dire que chaque position qui dans le courant social-démocrate prend un caractère ouvertement antagoniste, se retrouve au sein du parti sous une forme moins développée, moins explicite et non antagonique.

2. On lance des phrases générales, on ne se bat pas ouvertement contre les positions marxistes-léninistes, mais on ne se bat pas non plus pour les défendre. Nous ne voulons pas de phrases vagues derrière lesquelles peuvent s’abriter les points de vue les plus divers, voire même anti-communistes.

Il n’y a de démocratie prolétarienne dans le parti, que si chacun formule aussi précisément et concrètement que possible ce qu’il a sur le coeur. Alors, la discussion fructueuse est possible.

« Oui, mais la distinction entre marxisme et révisionnisme n’est quand même plus claire. »

Dans les cas-limites, toutes les distinctions sont vagues. Pour prononcer un jugement, nous nous concentrons sur les éléments les plus importants de notre politique. Nous voulons des positions précises sur notre politique concrète, aussi bien au plan national qu’au plan international. C’est seulement sur cette base qu’une discussion significative est possible sur « la distinction entre marxisme et révisionnisme ». Nous devons déterminer pour notre propre lutte ce qui est marxiste et ce qui est révisionniste. Les conceptions des autres partis sur ce qui est marxiste et ce qui est révisionniste, nous ne pouvons les utiliser que comme éléments d’information ; nous n’avons le plus souvent qu’une connaissance insuffisante de la réalité et des diverses positions qui s’affrontent, pour pouvoir prononcer un jugement fondé.

3. On commence par douter, et à peine un problème est-il résolu (par d’autres), que le doute suivant se présente. Le doute remplace le doute.

On ne réussit pas à réaliser une critique communiste de sa position de classe et de sa méthode de pensée. Les anti-communistes tentent d’exploiter chaque mécontentement dans le parti ; ils espèrent transformer le doute en une critique politique et la critique en un antagonisme et une rupture.

Nous avons besoin du doute révolutionnaire : à chaque problème complexe, différentes solutions sont possibles, et il y a donc place pour le doute. Ce qui est essentiel, c’est qu’on ait la volonté de résoudre les problèmes et qu’on cherche des solutions qui aident au mieux le parti et la révolution. Le doute révolutionnaire mène à l’étude et à l’enquête, à l’auto-éducation communiste et à la transformation de soi-même.

4. Des positions marxistes-léninistes essentielles sont passées sous silence ou escamotées, enterrées en douce ; si le climat est favorable, elles sont mises en doute, critiquées et rejetées. Des positions fondamentales que nous avons acquises dans les années 1970-1977 par une lutte idéologique intense sont liquidées, non par une lutte ouverte mais en les plongeant dans l’oubli. De nombreux principes de base de l’activité du parti, inscrits dans les statuts, disparaissent spontanément, par le cours ‘normal’ des événements, hors de la vie quotidienne du parti.

« On parle à nouveau de lutte entre les deux lignes, conception qui se trouvait à la base des excès durant la révolution culturelle. » Les textes du Congrès de 1979 mentionnent explicitement le principe de la lutte entre les deux lignes comme un principe de base du PTB. Jamais personne n’a explicitement mis en cause ce principe. Dans certaines unités, on l’a visiblement liquidé dans les faits.

5. La lutte contre le sectarisme est conçue d’une façon absolue, abstraite ; partout, aveuglément, à temps et à contretemps, des fautes sectaires sont critiquées, même lorsqu’on est plongé jusqu’au cou dans l’opportunisme de droite.

Au Congrès de 1979, on a mis l’accent sur certains principes : nous luttons contre les fautes sectaires, sur base des acquis de la période 1970-1977 contre l’opportunisme de droite ; notre principe de base, c’est la lutte sur les deux fronts, aussi bien contre la « gauche » que contre la droite ; on doit toujours faire une analyse concrète pour établir quelles fautes dominent et on ne peut coller aveuglément l’étiquette « sectarisme » sur chaque cas.

Certains camarades parlent de « la période sectaire d’avant 1979 ». Au premier Congrès, il ne s’est trouvé personne pour prétendre que notre parti avait, les années précédentes, globalement suivi une ligne sectaire. Notre politique globale était révolutionnaire et correcte. Mais en analysant les différentes déviations et erreurs − qui se situaient aussi bien à droite qu’à l’extrême-gauche − nous sommes arrivés à la conclusion qu’il importait avant tout de critiquer et d’éliminer nos erreurs dogmatiques et sectaires.

6. Le pessimisme bourgeois. La position de classe de la bourgeoisie s’exprime dans la formule suivante : optimisme quant à la longévité de l’ordre capitaliste, pessimisme quant aux possibilités de la classe ouvrière de réaliser un autre système social. Des révolutionnaires fatigués ne « croient » plus en la classe ouvrière et en la révolution ; parce que la cause du prolétariat ne progresse pas assez rapidement, on décide de passer dans le camp de la bourgeoisie ou de la petite-bourgeoise. Le pessimisme bourgeois (peu de réussites, peu de progrès) est un tremplin direct pour le passage à la social-démocratie. Notre point de vue dans cette question comporte trois aspects.

Premièrement, on doit se placer au point de vue de la révolution prolétarienne mondiale : il s’agit d’un processus historique qui englobe le monde entier, il connaît périodiquement et localement des défaites et des reculs, mais il domine le monde actuel de façon irréversible. On doit se poser la question si la situation objective en Europe permet un développement plus rapide des forces révolutionnaires que ce n’est le cas. La question « qu’avons-nous atteint ? » est dominée par la question « que peut-on atteindre, en tant que révolutionnaire, dans la situation actuelle ? ».

Deuxièmement, on doit estimer à sa juste valeur le progrès réel que nous avons accompli depuis 1968, et les énormes efforts qu’il a coûtés. Accomplir le pas suivant n’est possible qu’en nous appuyant sur l’expérience d’avant-garde que nous avons acquise à certains endroits. Troisièmement, nous sommes des réalistes révolutionnaires, nous examinons nos défauts, nos carences, nos erreurs, nous les analysons sur base du marxisme-léninisme en ayant à l’esprit cette question : comment pouvons-nous réaliser des progrès réels, mesurables, pour notre cause révolutionnaire ?

7. Les alliances sans principes. Chacun doit prendre ses responsabilités vis-à-vis du parti et de la révolution et ne pas conclure des alliances sans principes. Chacun peut avoir des critiques précises et, dès qu’il entend des critiques « semblables » conclure directement une alliance autour de ce point. Mais l’on doit d’abord prononcer un jugement fondamental sur la position globale de celui qui fait la critique.

On doit examiner dans quel courant politique et idéologique général une critique précise s’insère. Le tout détermine la partie. Lorsqu’on voit qu’il s’agit d’un courant globalement opportuniste de droite et liquidateur, alors on doit refuser de lier sa critique à celle de ce courant. On doit faire une distinction entre la contradiction principale et les contradictions secondaires. Dans notre exemple concret, on doit apporter sa contribution à l’analyse et à la critique du courant général opportuniste de droite, ensuite on formulera ses propres critiques sur des aspects déterminés de l’activité, et de façon clairement distincte de ce courant de droite.

6. Mobiliser tout le parti

6.1. Appliquer activement l’orientation du Congrès

Au Congrès, une unanimité a été atteinte quant à l’analyse du courant liquidateur social-démocrate. Il y a eu unanimité quant au jugement fondamental sur ce courant. Lors du vote sur certains points spécifiques, 1 à 2 % des délégués au Congrès se sont prononcés contre les textes proposés et 2 à 3 % des présents se sont abstenus. Cette grande unité comporte cependant le danger que le sérieux et l’importance du courant liquidateur soient sous-estimés.

Le Congrès doit mener à une mobilisation de tous les membres du parti. Une condamnation passive du courant liquidateur ne résout rien. Une unanimité lors du vote n’est pas encore une unification idéologique. Tous les membres du parti doivent se mobiliser afin de comprendre et maîtriser les documents approuvés.

Tout le parti doit se montrer actif dans l’application des positions adoptées sur tous les terrains. Un large travail doit être réalisé afin de réfuter les différentes expressions du courant liquidateur social-démocrate.

Tout le parti doit se mobiliser afin de prendre des initiatives concrètes qui traduisent dans la pratique les orientations de notre Congrès.

6.2. Vigilance et lutte idéologique active.

L’expérience de nombreuses organisations m-l étrangères nous a maintes fois appris que des lignes politique antagonistes peuvent se camoufler au sein d’une organisation révolutionnaire.
Il est nécessaire de mener des études sur ces lignes opportunistes qui se sont camouflées dans l’histoire du mouvement communiste et qui se sont développées en positions politiques de droite, voire fascistes. Cela nous fait mieux comprendre comment les anti-communistes combattent le marxisme. Nous acquérons une meilleure compréhension du caractère de classe de l’idéologie anti-marxiste qui est développée par ces ex-communistes qui combattent à volonté tous les concepts révolutionnaires.

On ne peut devenir communiste que si on a la volonté de se transformer, de se former dans une lutte souvent difficile avec les renégats du mouvement marxiste. Une telle étude nous fait renforcer notre vigilance. Tout d’abord, nous voulons faire comprendre que des lignes opportunistes au sein du parti, non-critiquées et non-corrigées, peuvent se développer en anti-communisme. Nous voulons aussi améliorer notre compréhension de la manière dont se prépare et se réalise une telle transformation qualitative.

Certains camarades ont rejeté l’utilité de l’étude des positions anti-communistes. Parce que les camarades au sein du parti ne veulent se reconnaître dans les positions d’un De Man ou d’un Doriot.
De Man et Doriot se disaient marxistes, avant de passer au fascisme. Leur expérience nous enseigne que la quantité peut se changer en qualité, que des contradictions au sein du peuple peuvent se changer en contradictions antagonistes. Ce serait du gauchisme inadmissible d’affirmer qu’un camarade qui défend des positions opportunistes, a une idéologie pareille à celle de De Man ou de Doriot dans leur période nazie. Mais, d’autre part, l’étude de De Man et de Doriot sera pour ces camarades une aide afin de mieux comprendre de quelle manière des points de vue opportunistes, s’ils ne sont pas traités correctement, peuvent se convertir en un antagonisme.

Une telle étude doit également renforcer notre volonté de mener une lutte idéologique active. Certains camarades qui reçoivent à lire un texte de Bernstein, Kautsky, Vandervelde ou De Man, disent : « Je ne sais pas réfuter ceci. » Etudier l’oeuvre de tels renégats avérés est une condition absolue pour acquérir une compréhension profonde de la vérité générale du marxisme-léninisme.
Bernstein, De Man etc. sont des marxistes instruits, devenus les porte-parole de la bourgeoisie. On ne demande à personne de pouvoir formuler, les yeux fermés, une réponse à toutes leurs positions.

Chaque membre du parti doit être lui-même un facteur révolutionnaire. Il n’est pas bon que l’on se repose toujours sur les autres pour trouver la réponse aux problèmes politiques difficiles.
Kautsky, De Man et consorts ont accompli l’évolution complète qui va du marxisme à la défense ouverte de la bourgeoisie. Nous savons dès lors que dans leurs œuvres où ils rompent avec le marxisme révolutionnaire, une conception bourgeoise du monde s’exprime. Chaque membre du parti doit avoir la volonté d’analyser leurs positions, de découvrir soi-même des arguments, de pouvoir par l’étude du marxisme, de l’histoire, des faits actuels, réfuter les idées de base de Kautsky, de De Man.

6.3. Consolidation idéologique.

L’ensemble du parti s’est prononcé sans équivoque contre le courant liquidateur social-démocrate.

De cette lutte que nous avons menée, il y a de nombreuses leçons à tirer pour chaque cadre et chaque militant.

Nous pouvons nous former nous-mêmes en faisant un bilan critique de nos propres points de vue et de notre propre attitude. Au plus nous apprenons de cette lutte, au plus correctement saurons-nous agir à l’avenir dans des situations semblables. En 1970-1971, il existait au sein du mouvement m-l européen et dans notre parti une tendance à s’écarter de la construction du parti et à édifier toutes sortes de « comités de base » sur une ligne politique vague. En 1975-1976, nous avons assisté à la liquidation de l’Union des Communistes Marxistes-Léninistes de Belgique, qui avait lancé une attaque de grande envergure contre notre parti avant de s’effondrer elle-même. A l’avenir, de telles tendances négatives s’exprimeront encore.

Faire un bilan critique signifie examiner quelles conceptions vont plus ou moins dans la même direction que le courant social-démocrate, quels points de vue de conciliation ont été exprimés et ont permis que se développent les points de vue liquidateurs, quelles fautes ont été commises dans le travail du parti et ont facilité la diffusion des points de vue liquidateurs.

Ce bilan peut encore être approfondi à l’aide des questions suivantes. Quelle aurait été mon attitude si dans notre parti un puissant groupe de liquidateurs était apparu, capable de draper ses positions dans des phrases marxistes ? Aurais-je fait preuve de suffisamment de vigilance, aurais-je eu une volonté révolutionnaire suffisante pour le combattre ? Dans de nombreux pays, le courant anti-parti a pu spéculer sur des fautes réelles et graves de la direction du parti pour attirer toute une série de militants dans une critique apparemment honnête et révolutionnaire de ces fautes ; mais une fois que certaines digues eurent été rompues, un torrent de positions anti-marxistes s’engouffra. Chaque militant communiste doit se poser la question s’il saurait réagir correctement au cas où des fautes sérieuses se produiraient dans le travail de direction du parti.


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