DÉMOCRATIE DE GRÈCE
GOUVERNEMENT DÉMOCRATIQUE PROVISOIRE

A l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies

Messieurs les délégués,

C’est pour la troisième fois que la question grecque vient devant l’Assemblée Générale de l’ONU.

Le trait caractéristique de la situation en Grèce, depuis l’année dernière, lorsque La question grecque était de nouveau débattue à votre Assemblée Générale, consiste en ceci : Nous persistons dans notre politique de paix, alors que nos adversaires persistent dans la guerre.

armee_democratique_de_grece-5.jpg

Les gouvernants d’Athènes et leurs protecteurs étrangers, politiciens et militaires, qui s’obstinent dans la continuation du carnage, ne cessent d’affirmer depuis trois ans que la résistance armée dirigée contre eux serait écrasée dans un laps de temps très court.

Cependant, au lieu de cela, cette résistance croît en étendue et en profondeur. L’écho des déclarations des monarcho-fascistes sur le soi-disant nettoyage d’une région après l’autre ne s’est pas encore éteint que déjà l’Armée Démocratique de Grèce, par son activité, vient démentir avec éclat les hâbleries mensongères.

L’année dernière nos adversaires annonçaient sur toutes les longitudes et latitudes du globe que le seul bastion resté à l’A.D.G. était le mont historique, Grammos. Ils ont sacrifié plus de 30.000 de leurs hommes pour le capturer : ils ont fêté ensuite la prise de celui-ci.

Le président Truman, lui-même, dans son rapport régulier au Congrès sur la Grèce n’affirmait-il pas que, après la prise du Grammos, la question de la répression définitive de la « rebellions » était une chose aisée ? Pourtant, moins de deux mois après, l’A.D.G. s’installait de nouveau sur le Grammos. Et cette année la reprise du Grammos par l’Armée Démocratique fut complétée.

La campagne monarcho-fasciste a duré plus de six mois. L’adversaire disposant d’une grande supériorité en effectifs et matériel attaqua les unités de l’A.D.G. au Péloponnèse. Cela n’a pas empêché que dans cette région, pourtant située si loin des frontières, l’activité de l’A.D.G. se poursuit.

Dans les îles de Samos, Mytilène, Céphalonie, Eubée, Icaria, Crète, Chias, Thassos, Lefkas, isolées du reste de la Grèce, malgré les efforts opiniâtres de nos adversaires, l’écrasement de la résistance de l’A.D.G. n’a pas été rendue possible.

Même dans les régions se trouvant sous le contrôle de la clique d’Athènes l’agitation est générale dans toutes les couches du peuple, sauvagement exploitées, opprimées et trahies : des ouvriers, des fonctionnaires, des gagne-petit, de l’un million des paysans délogés de force de leurs foyers, ces victimes tragiques du monarcho-fascisme et de l’occupation étrangère.

La force indiscutable de résistance et la suprématie de l’A.D.G. du point de vue moral, qui, de l’aveu même du commandant-en-chef de l’armée monarcho-fasciste, Papagos, se bat « avec grand succès » contre « une armée de loin supérieure en nombre, mieux entretenue, mieux habillée, mieux organisée et mieux équipée », crée, pour qui veut rechercher et supprimer les remous dangereux en Grèce, l’obligation de suivre, sans prévention l’évolution des événements dans notre pays.

L’intervention armée des anglais, en décembre 1944, − cette intervention avait pour objet de sauver de la colère juste du peuple les collaborateurs de l’occupation allemande, et ceux souhaitant la résurrection du fascisme grec d’avant-guerre et qui avaient organisé un complot contre la souveraineté du peuple − fut suivie d’un accord de paix.

Cet accord fut salué avec beaucoup d’espoir par le peuple grec qui aspirait à l’édification d’une vie libre, démocratique et pacifique.

Au lieu de cela, une persécution exterminatrice sans précédent a été déclenchée contre le mouvement démocratique populaire, une véritable hécatombe de ses militants, qui visait à la falsification des sentiments populaires pendant les élections et le plébiscite qui déterminerait le régime.

En sa qualité de direction responsable du mouvement populaire, le C. C. de l’E.A.M. (Mouvement de Résistance) avait lancé à plus d’une reprise l’avertissement que l’orgie des meurtres des hordes monarcho-fascistes, conduirait inéluctablement à Ia guerre civile. Il n’a pas été écouté. A mesure que les élections approchaient, la terreur sanglante s’intensifiait.

Depuis la signature de l’accord, après décembre 1944, jusqu’aux élections de mars 1946, le nombre des démocrates massacrés par les seules bandes fascistes atteint les 1500.

Comme on devait s’y attendre, un grand nombre de combattants de notre première résistance nationale, après avoir supporté trop longtemps avec persévérance les tortures, les humiliations, le déchaînement des assassins monarcho-fascistes, furent contraints finalement à prendre de nouveau les armes pour protéger leur vie.

Voilà comment prit naissance notre seconde résistance nationale et la création de l’A.D.G. en tant que mouvement de défense contre la sauvagerie du nouveau régime fasciste instauré et entretenu par l’intervention étrangère.

Pourtant nous n’avons pas cessé, même après l’éclatement de la guerre civile, nos efforts pour la pacification de la Grèce.

Lors de l’arrivée en Grèce, de la commission d’enquête du Conseil de Sécurité de l’ONU, au début de 1947, nous avons proposé la cessation immédiate des opérations. Nos propositions furent encore une fois repoussées par nos adversaires. Depuis, nous avons fait à plusieurs reprises des propositions de paix.

Toutes sont demeurées sans effet. Nos adversaires les qualifiaient comme une preuve de notre faiblesse et prévoyaient tant en 1946 qu’en 1947 et en 1948 la fin rapide de la résistance armée, ne faisant pas cas du fait que les événements leur infligeaient chaque fois un démenti cinglant.

Mettant en pratique notre politique de réconciliation, nous avons accordé de nouveau, en avril de cette année, l’armistice générale. A l’occasion de l’Assemblée de l’ONU et la convocation du Congrès Mondial des Partisans de la Paix, nous avons adressé un appel pour la pacification de la Grèce, où nous soulignions que nous sommes prêts à faire les plus grandes concessions pour obtenir la cessation de la guerre fratricide dans notre pays.

Nous avons salué la reprise par le Président de la 3ème Assemblée Générale de l’ONU de ses efforts pour ramener la paix en Grèce, en déclarant que « nous étions prêts, de notre côté de faire tout ce qui était dans notre pouvoir pour aboutir à un résultat heureux ».

Lorsque l’Union Soviétique, en réponse à une question relative des Anglo-américains, formula les propositions que l’on connaît, pour la pacification de la Grèce, nous autres répondant au sentiment de toute la nation, avons accepté ce programme comme base pour une entente démocratique honnête. Nous étions convaincus − et nous continuons de l’être, − que la pacification de la Grèce n’est pas seulement une nécessité vitale pour le peuple grec et le pays ravagé par la guerre civile, mais aussi une contribution à la cause de la paix mondiale.

Par contre, nos adversaires qui ont eu accès au pouvoir et qui s’y maintiennent grâce à l’intervention étrangère, ne veulent pas la paix parce qu’ils redoutent de se mesurer avec nous dans une lutte électorale honnête. Ce sont eux qui ont allumé la guerre civile en Grèce. A nos offres de paix ils répondent en bavant de rage. A l’armistice générale que nous avons accordée, ils ont répondu par l‘intensification de la terreur, des tortures affreuses, des exécutions.

Ils se vengent de leurs revers militaires, en s’attaquant contre la population sans armes ; ils bombardent les villages, incendient et dévastent ; ils ont institué les horribles camps de concentration, de nouveaux Buchenwald et Auschwitz. Ils exécutent en masse les meilleurs combattants de la résistance anti-hitlérienne. Ils rejettent les propositions de l’Union Soviétique pour la pacification de la Grèce.

Ils voient à présent leur unique planche de salut dans une nouvelle intervention armée étrangère en Grèce. Ils s’évertuent de la justifier par l’argument mensonger que l’activité de l’A.D.G. est limitée dans la seule région des frontières du Nord et que pour qu’elle soit réprimée dans cette région aussi, il faut une force militaire étrangère pour la fermeture des frontières grecques.

Ils tendent ainsi non pas à l’extinction de l’incendie qui brûle en Grèce mais à l’extension de cet incendie sur tous Les Balkans.

Voilà la politique des deux camps qui s’affrontent en Grèce. Le seul fait que nos adversaires rejettent la proclamation d’élections, garanties par la surveillance des quatre grandes puissances, selon le plan soviétique, suffit à démontrer à tout homme de bonne foi de quel côté est la justice et quel est l’intérêt de la paix par rapport à la question grecque.

Nous autres, en dépit de notre foi profonde en l’invincibilité de notre mouvement démocratique, exprimant, la volonté du peuple qu’un terme soit mis à la présente lutte fratricide, déclarons de nouveau que nous sommes prêts à accepter un accord démocratique honnête.

Nous tendons encore une fois La main pour la pacification du pays, pour l’extinction d’un foyer de guerre. « … Unissons nos forces pour sauvegarder la paix et la sécurité internationale », dit le préambule de la Charte des Nations Unies.

Permettez-nous de souligner que notre attachement aux principes de l’ONU veut que soient acceptées sans délai les propositions, tellement praticables, de l’Union Soviétique, pour la pacification de la Grèce.

En Grèce Libre, le 15 Août 1949.

Pour le Gouvernement Démocratique
Provisoire de Grèce

Le Président
D. PARTSALIDIS


Revenir en haut de la page.