Pour nous matérialistes, l’esprit est une composante de la matière ; le cerveau, c’est de la matière grise. Cela veut dire que quand on agit, on ne fait pas qu’agir de manière individuelle, on est lié au reste de la matière dans nos choix, dans nos actes, dans notre pratique.
Dans la conception ancienne du monde, celle portée par le capitalisme, il y a une séparation entre le fait de penser et d’agir. On s’imagine que penser n’est pas agir, et inversement. En réalité, il s’agit de deux aspects du même processus, car on ne peut pas penser sans agir, et inversement.
Il va de soi que la conception ancienne du monde aimerait prétendre qu’on puisse penser séparément du monde. La religion, la spiritualité, le mysticisme, toutes ces manières de voire les choses se veulent « en-dehors du monde ».
Mais rien n’existe en-dehors du monde, car le monde est uniquement composé de matière. Chacun, sur le plan individuel, est une (très petite) partie de cet ensemble de matière qu’est l’univers (et il n’y a pas « d’ailleurs » en dehors de l’univers).
La raison ne peut être considérée comme absolue et suffisante ; la réflexion personnelle n’a pas de sens de manière « séparée ». La formule « je pense, donc je suis » est absolument fausse ; séparer le corps et l’esprit est de l’idéalisme.
Pour le matérialisme, la raison est l’aboutissement du mouvement perpétuel de la matière. Elle doit être considérée comme un outil supplémentaire très avancé vers l’appropriation des phénomènes et la résolution des contradictions par la matière elle-même.
L’être humain, qui « pense », est un outil pour la matière dans un processus, à un moment donné. Quel est ce processus ? C’est la biosphère, c’est-à-dire la vie qui s’est développée sur notre planète. La vie sur Terre est un ensemble ; l’humanité n’existe pas de manière « séparée ».
Pourtant, si on regarde, on peut penser que l’humanité n’est pas du tout en phase avec la biosphère, que même elle la détruit. L’humanité, pourtant, ne saurait être un « cancer », et il n’est guère étonnant que dans le cadre de l’ancienne conception du monde on ne parvienne pas à définir le cancer, à le guérir.
En effet, la matière ne se suicide pas : elle devient toujours plus complexe, elle ne régresse jamais. L’ensemble progresse, mais les parties avancent de manière inégale dans ce processus, dans ce que Lénine a appelé le « développement inégal ».
Ce développement passe lui-même par des passages de luttes et d’échecs, des moments de force et de faiblesse, jusqu’à la victoire finale, dans un mouvement qui a été défini par Lénine comme étant en spirale.
Il n’y a donc jamais de « défaites » pour ce qui est nouveau, simplement des détours. L’esprit qui s’approprie le matérialisme peut à un moment errer, mais forcément il va retrouver son chemin s’il reste lié au nouveau. Mao Zedong a résumé cela par la formule : « le chemin est sinueux, l’avenir est lumineux ».
Le travail sur le plan individuel est simultanément double : il s’agit d’assumer personnellement l’échec et en même temps de comprendre pourquoi on « devait échouer » au sens dialectique, car dans le processus de développement, le mouvement est en spirale, et non pas linéaire.
Chaque vie est ainsi une aventure individuelle, qui pour être réellement épanouie doit se lier au progrès, au nouveau. La vie puise sa force dans son progrès, dans sa progression dans le plus complexe.
Dialectiquement, le destin individuel n’a pas de sens, puisque notre réalité appartient à l’ensemble de la réalité et que nos esprits sont des reflets de la réalité matérielle.
Mais le destin de la matière se construit chaque jour également en nous, puisque nous sommes de la matière, et le sens de la vie se trouve précisément là.