les_amities_belgo-sovietiques_commemorent_le_xxviie_anniversaire_de_l_urss.jpg

Documents publiés en brochure à l’initiative des Amitiés Belgo-Soviétiques, le 7 novembre 1944

Discours de Joseph Staline, Maréchal de l’Union Soviétique Président du Comité National de la Défense − 1944

Prononcé à Moscou, le 6 novembre 1944

Camarades,

Aujourd’hui, les peuples soviétiques célèbrent le 27e anniversaire de la victoire de la Révolution soviétique dans notre pays. C’est pour la quatrième fois que notre pays fête l’anniversaire de la Révolution soviétique dans des conditions de guerre nationale contre les armées germano-fascistes. Cela ne veut évidemment pas dire que la quatrième année de guerre ne diffère pas, par son essence, des trois années précédentes. Au contraire, il y a entre elles une différence fondamentale.

Tandis que les deux premières années de guerre furent les années de l’offensive des troupes germano-fascistes et de leur avance profonde dans notre pays, lorsque l’Armée Rouge fut obligée de mener des combats défensifs, la troisième année de guerre fut l’année du renversement radical sur notre front, l’Armée Rouge ayant livré de puissants combats offensifs, battu les Allemands dans une série d’opérations décisives, nettoyé des troupes allemandes les deux tiers de notre territoire et les ayant obligé de passer à la défensive.

Et cependant, l’Armée Rouge continuait à mener seule la guerre contre les troupes allemandes sans une aide sérieuse de la part de nos Alliés. La quatrième année de guerre s’est avérée, par contre, l’année des victoires décisives de l’Armée Soviétique et des armées de nos Alliés sur les troupes allemandes. Les Allemands, obligés de mener la guerre sur deux fronts, furent rejetés vers les frontières de l’Allemagne.

A l’issue de l’année écoulée eut lieu l’expulsion des troupes allemandes de l’Union Soviétique, de la France, de la Belgique, de l’Italie centrale et le déplacement des opérations militaires sur le territoire allemand. Les succès décisifs de l’Armée Rouge au cours de cette année et l’expulsion de l’ennemi de la terre soviétique furent préparés par une série de coups puissants portés par nos troupes aux armées allemandes. Le premier coup a été asséné en janvier de cette année devant Leningrad et Novgorod, lorsque l’Armée Rouge a brisé la ligne défensive préparée longtemps à l’avance autour de Leningrad ; le résultat fut la libération de la région de Leningrad.

Le deuxième coup fut porté en février-mars de cette année, sur le Boug, lorsque l’Armée Rouge a écrasé les troupes allemandes et les a rejetées derrière le Boug ; la partie de l’Ukraine située sur la rive droite du Dniepr fut libérée de l’envahisseur allemand.

Le troisième coup fut asséné en avril, dans la région de la Crimée, lorsque les troupes allemandes furent rejetées dans la mer Noire ; comme résultat de ce coup, furent libérées la Crimée, Odessa.

Le quatrième coup fut porté en juillet dernier dans la région de Carélie, lorsque l‘Armée Rouge a libéré Viborg et Petrovzavodsk et a rejeté les Finlandais à l’intérieur de la Finlande. Cette offensive libéra la plus grande partie de la république soviétique de carélo-finnoise.

Le cinquième coup fut asséné 11 juillet de cette année, lorsque l‘Armée Rouge battit les Allemands devant Vitebsk, Bobruisk et Mohilev, et termina son offensive par l’encerclement de trente divisions allemandes devant Minsk : nos troupes libérèrent la république bielo-russe, atteignirent la Vistule, libérèrent une grande partie des territoires de notre alliée la Pologne, atteignirent le Niemen, libérèrent la plus grande partie de la république de Lithuanie, forcèrent le Niemen et atteignirent les frontières de l’Allemagne.

Le sixième coup fut porté en juillet-août de cette année, dans la région de L’Ukraine occidentale, lorsque l’Armée Rouge battit les troupes allemandes devant Lvov et les rejeta derrière San et la Vistule : l’Ukraine occidentale fut libérée.

Nos troupes forcèrent la Vistule et créèrent derrière le fleuve une tête de pont solide, à l’ouest de Sandomir.

Le septième coup fut porté on août de cette année dans la région de Kichinev-Jassy, lorsque nos troupes battirent à plate couture les troupes allemandes et roumaines et couronnèrent leur opération par l’encerclement de 22 divisions allemandes devant Kichinev, sans compter les divisions roumaines : la république soviétique de Moldavie fut libérée ; la Roumanie, alliée de l’Allemagne fut mise hors de combat et déclara la guerre à l’Allemagne et la Hongrie ; la Bulgarie, alliée de l’Allemagne, fut mise hors de combat et déclara la guerre à l’Allemagne. La voie vers la Hongrie, la dernière alliée de l’Allemagne en Europe, était ouverte à nos troupes. Il nous fut possible de tendre une main secourable à nos alliés yougoslaves dans leur lutte contre les envahisseurs allemands.

Le huitième coup fut porté en septembre-octobre dans les pays baltes, lorsque l’Armée Rouge battit les troupes allemandes devant Tallinn et Riga et les chassa des régions baltiques ; la république soviétique d’Esthonie et la plus grande partie de la république soviétique de Lettonie furent libérées. La Finlande, alliée de l’Allemagne, fut mise hors de combat et déclara la guerre à l’Allemagne. Plus de trente divisions allemandes furent coupées de la Prusse Orientale, entre Tukums et Libau, où nos troupes sont en train de les achever.

A la fin de cette année a débuté le neuvième coup, entre la Tisza et le Danube, dans la steppe hongroise. Ce coup vise à mettre hors de combat la Hongrie et à la dresser contre l’Allemagne ; à la suite de cette offensive, qui n’est pas encore achevée, nos troupes ont apporté une aide directe à notre alliée yougoslave dans l’œuvre d’expulsion des Allemands de la Yougoslavie et de la libération de Belgrade. Nos troupes purent franchir les cols des Carpathes et tendre la main à nos alliés tchécoslovaques, dont le territoire est en voie de libération.

A la fin d’octobre, enfin, fut porté un nouveau coup dans le nord de la Finlande; les troupes allemandes furent chassées de Petsamo et nos troupes, en les poursuivant, pénétrèrent en Norvège, notre alliée.

Je ne cite pas les données numériques concernant les pertes subies par l’ennemi en tués et prisonniers, le butin fait par nos troupes en chars, canons, avions, mitrailleuses, etc.

Toutes ces données vous sont connues d’après les communiqués du bureau d’informations soviétique.

Quel est le schéma général des succès de l’armée soviétique ayant amené l’expulsion des armées allemandes ?

A l’issue des opérations de cette année, près de 120 divisions des armées allemandes et de ses satellites furent anéanties, ou mises hors de combat. Au lieu de 257 divisions qui étaient alignées devant notre front l’année dernière, dont 207 allemandes, nous avons cette année 204 divisions, dont 180 allemandes seulement.

Il faut reconnaître qu’au cours de cette guerre, l’Allemagne et ses armées se sont avérées un ennemi plus puissant, plus perfide et plus expérimenté que l’Allemagne et ses armées au cours des guerres précédentes.

Il faut ajouter que les Allemands ont réussi à utiliser les ressources économiques de l’Europe presque tout entière et ont reçu l’aide des forces militaires, assez considérables, des pays vassaux. Et si, malgré les conditions de guerre favorables à l’Allemagne, elle se trouve actuellement au bord de l’abîme, c’est parce que son ennemie principale, l’Union Soviétique, l’a dépassée en puissance. Il faut considérer, comme un fait nouveau survenu dans le courant de l’année, que les troupes soviétiques luttent contre les armées allemandes non plus seules à seules, mais avec les troupes de ses Alliés.

La conférence de Téhéran ne fut pas vaine : les décisions qui y furent prises ont commencé à être réalisées avec précision. Simultanément avec les opérations d’été de l‘Armée Rouge, a commencé l’invasion de la France par les troupes alliées, ayant obligé l’Allemagne à mener la guerre sur deux fronts. Nos alliés ont réalisé une opération inconnue jusqu’alors dans l’Histoire, ayant comme objectif un débarquement massif sur le littoral français, et ont forcé avec maîtrise les lignes fortifiées de la côte française. De cette façon, l’Allemagne s’est trouvée prise dans un étau entre deux fronts.

Comme il fallait s’y attendre, l’ennemi n’a pas pu supporter les coups combinés de l’Armée Rouge et des armées alliées et ses troupes furent rapidement chassées de l’Italie centrale, de la France, de la Belgique, de l’Union soviétique. L’ennemi fut rejeté aux frontières de l’Allemagne.

Il ne peut y avoir de doute que sans une organisation solide d’un deuxième front en Europe occidentale, qui retenait 75 divisions ennemies, nos troupes n’auraient pu briser aussi rapidement la résistance des troupes allemandes et les chasser hors des frontières de l’Union Soviétique. Mais il est également certain que sans l’aide de nos troupes, qui retenaient plus de 200 divisions allemandes, les armées de nos Alliés n’auraient pas pu maitriser aussi rapidement les troupes allemandes et les chasser de l’Italie centrale, de la France et de la Belgique.

Le problème consiste à tenir dorénavant l’Allemagne dans l’étau des deux fronts. Là réside la clef de la victoire. Si l’Armée Rouge a pu remplir avec succès son devoir envers la patrie, c’est grâce à l’appui venant de l’arrière de tout le pays, de tous les peuples de note patrie. Le travail plein d’abnégation de tous les hommes soviétiques, ouvriers, paysans, intellectuels, de même que le travail des organisations de l’État, s’est déroulé sous la devise : « Tout pour le front ». Nos succès sont dus en grande partie à l’extension de notre économie de guerre.

La production de nos usines en chars, avions, canons, mortiers, munitions, a augmenté de plusieurs fois par rapport à celle du début de la guerre.

Après le retour au pays, des terres du Don, du Kouban, de l’Ukraine, notre agriculture se reconstitue rapidement, après de lourdes pertes.

Les moyens de transport soviétiques ont supporté la surcharge comme dans aucun autre pays on n’aurait pu le faire. Cela indique que les bases économiques de l’État soviétique sont incontestablement plus solides, plus viables, que celles de tout autre pays.

Le travail socialiste a donné à notre peuple et à notre pays une force énorme et incomparable. L’État soviétique, malgré le lourd fardeau de la guerre et malgré l’occupation provisoire par les Allemands, s’est économiquement renforcé. Au cours de la guerre, sa production n’a pas diminué, mais au contraire a augmenté. D’année en année, l’approvisionnement du front en munitions croissait ; actuellement, l’Armée Rouge possède plus de chars, plus de canons et plus d’avions que l’armée allemande.

En ce qui concerne la qualité de notre matériel de guerre, celle-ci est de loin supérieure à celle de l’ennemi.

De même que l’Armée Rouge a remporté une victoire militaire sur les armées fascistes dans une longue et dure lutte, seule à seule, de même les travailleurs, dans leur lutte, ont remporté une victoire économique sur l’ennemi. Les hommes soviétiques se sont privés de bien des choses de première nécessité et ont consenti des sacrifices pour donner davantage au front.

Aucune difficulté n’a pu briser la volonté du peuple soviétique. Au contraire, ces difficultés ont trempé encore davantage la volonté et la vaillance de nos peuples, qui ont conquis la gloire d’un peuple héroïque. Notre classe ouvrière, par son travail plein d’abnégation, a accru la puissance de notre État. Les ouvriers des fabriques et des usines ont accompli le plus grand exploit de travail au monde.

Notre classe intellectuelle a, une fois de plus, montré sa valeur dans le domaine du développement de la technique et de la culture.

Par leur travail créateur, les intellectuels soviétiques ont fait un apport inestimable dans l’œuvre de la défaite de l’ennemi.

L’armée ne peut combattre et vaincre sans matériel, mais elle ne le peut davantage sans ravitaillement.

L’Armée Rouge, à la quatrième année de guerre, grâce aux soins de la paysannerie kolkhozienne, ne souffre pas du manque de ravitaillement. Les kolkhoziens et les kolkhoziennes ravitaillent les ouvriers et les intellectuels en vivres. L’industrie est normalement ravitaillée en matières premières destinées aux usines et fabriques produisant les armes et les munitions pour le front.

Notre paysannerie kolkhozienne a conscience de remplir son devoir qui aidera la victoire sur l’ennemi.

Les actes héroïques nouveaux dans l’Histoire sont ceux des femmes soviétiques et de notre vaillante jeunesse, ayant supporté sur leurs épaules le poids du travail dans les usines, les fabriques, kolkhozes et les sovkhozes.

Au nom de l’honneur et de l’indépendance de la patrie, les femmes, les adolescents et les jeunes filles soviétiques font preuve, sur le front du travail, de courage et d’héroïsme ; ils se sont montrés dignes de leurs pères, fils, maris et frères qui défendent la patrie contre les scélérats fascistes allemands.

L’héroïsme des hommes soviétiques à l’arrière égale les exploits de nos combattants du front et prend sa source dans le patriotisme soviétique. La force du patriotisme soviétique consiste en ce qu’il ne se base pas sur les préjugés raciaux et nationaux, mais sur une profonde fidélité du peuple à l’égard de l’union fraternelle des travailleurs de toutes les nations de notre pays. Le patriotisme soviétique unit harmonieusement les caractéristiques nationales des peuples et les intérêts communs vitaux de tous les travailleurs de l’Union Soviétique.

Il ne divise pas, mais, au contraire, unit toutes les nations, tous les peuples de notre pays, dans une grande famille fraternelle, sur la base de l’amitié indestructible et toujours plus forte des peuples de l’Union soviétique. Les peuples soviétiques respectent les droits et l’indépendance des peuples des pays étrangers et sont toujours prêts à vivre dans la paix et l’amitié avec les États voisins et à consolider les liens de notre État avec tous les pays libres. Les hommes soviétiques haïssent les Allemands, non parce qu’ils sont les hommes d’une nation étrangère, mais parce qu’ils ont causé à notre peuple des dommages énormes, des malheurs et des souffrances innombrables.

Un vieux proverbe de chez nous dit : « On tue le loup non parce qu’il est gris, mais parce qu’il a mangé le mouton ».

Les fascistes allemands ont choisi comme arme idéologique la théorie de haine raciale, espérant que le développement du nationalisme créerait des prémices moraux et politiques à la mainmise des envahisseurs allemands sur les peuples asservis. Cependant, la théorie de la haine pratiquée par Hitler est devenue la source de la faiblesse intérieure et extérieure et de l’isolement politique de l’État fasciste allemand. La politique de la haine raciale est devenue un des facteurs de la désagrégation du bloc des brigands hitlériens. On ne peut pas considérer comme accidentel le fait que non seulement les peuples asservis de France, de Belgique, de Grèce, de Norvège, de Hollande, du Danemark, de Pologne et de Yougoslavie, mais même les peuples des anciens vassaux de l’Allemagne : Italie, Roumanie, Hongrie, Bulgarie, se sont soulevés.

La clique hitlérienne, par sa politique de cannibales, a fait dresser contre elle tous les peuples, tandis que la soi-disant race élue allemande est devenue l’objet de la haine générale. Au cours de la guerre, les hitlériens ont subi non seulement une défaite militaire, mais également une défaite politique et morale.

L’idéologie de l’égalité de toutes les races et nations établie dans notre pays, l’idéologie de l’amitié des peuples a remporté une victoire complète sur l’idéologie bestiale de la haine des races des hitlériens.

Maintenant que la guerre nationale touche à sa fin victorieuse, le rôle historique des peuples soviétiques apparaît dans toute sa grandeur. Le monde entier reconnaît que, par son abnégation, le peuple soviétique a sauvé la civilisation européenne des scélérats fascistes.

Là réside le grand mérite du peuple soviétique devant l’histoire de l’humanité. Je passe aux questions de politique extérieure.

L’année écoulée fut l’année du triomphe de la cause commune de la coalition anti-allemande, au nom de laquelle les peuples de l’U.R.S.S., de Grande-Bretagne et des États-Unis, se sont unis au sein d’une alliance guerrière. Cette union fut consolidée par l’unité et l’action coordonnée des trois principales puissances de Téhéran concernant l’action commune contre l’Allemagne hitlérienne et la réalisation brillante de ces décisions sont une preuve éclatante de la consolidation du front de la coalition anti-hitlérienne. On trouverait peu d’exemples, dans l’histoire des guerres, de grandes opérations militaires communes contre le même ennemi qui auraient été réalisées avec autant de maîtrise et précision que celles effectuées suivant les plans établis à la conférence de Téhéran au sujet de l’assaut commun contre l’Allemagne hitlérienne.

II est clair que sans unité de vues des trois grandes puissances, les décisions de Téhéran n’auraient pu être réalisées aussi complètement. Il est clair, d’autre part, que le succès de la réalisation des décisions de Téhéran ne peut pas ne pas contribuer à la consolidation du front commun des nations unies. La démonstration probante de la solidité du front des nations unies est donnée par le résultat de la conférence d’organisation de la sécurité après la guerre, qui s’est tenue à Dumbarten-Oaks.

On parle des divergences de vues entre les trois puissances au sujet de certaines questions de sécurité ; bien sûr, il y a des divergences ! Les divergences existent même entre les hommes d’un même parti ; d’autant plus, elles doivent se présenter entre les représentants de divers pays et de divers partis. L’étonnant n’est pas la présence de divergences, mais le fait qu’il y en a si peu et qu’en règle générale elles sont résolues chaque fois dans l’esprit de l’action commune des trois grandes puissances.

II ne s’agit pas de divergences, mais du fait que ces divergences ne sortent pas du cadre des intérêts communs des trois grandes puissances et finalement sont résolues conformément aux intérêts communs. On sait que les divergences sérieuses ont existé au sujet de l’ouverture du second front ; on sait cependant que ces divergences furent finalement résolues dans l’esprit de l’accord complet. On peut dire la même chose au sujet des divergences à la conférence de Dumbarten-Oaks.

II est caractéristique que s’il y avait certaines divergences, les 9/10 des questions au sujet de la sécurité furent résolues à cette conférence dans l’esprit de l’unité complète. Voilà pourquoi je pense que les décisions prises à Dumbarten-Oaks doivent être considérées comme une indication éclatante de la solidité du front de la coalition anti-hitlérienne. Un autre indice plus significatif encore du raffermissement du front anti-hitlérien est donné par les pourparlers avec le chef du Gouvernement de la Grande-Bretagne, M. Churchill, et le ministre des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, M. Eden, menés à Moscou dans une atmosphère amicale et dans l’esprit d’une entente complète.

Durant toute la guerre, les hitlériens entreprenaient des tentatives désespérées pour désunir et opposer l’une à l’autre les nations unies, provoquer entre elles des malentendus, affaiblir leurs efforts militaires par une méfiance mutuelle et, si possible, provoquer une lutte de l’une contre l’autre. Des tendances semblables des politiciens hitlériens sont parfaitement compréhensibles.

II n’y a pas pour eux de plus grand danger que l’unité des nations unies et il n’y aurait pas pour eux de plus grand succès militaire et politique que le désaccord des puissances dans leur défense contre l’ennemi commun, On sait cependant combien vaines se sont révélées les tentatives fascistes pour détruire l’alliance des grandes puissances. Cela signifie qu’à la base de l’alliance de notre pays, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique, se trouvent non pas des motifs passagers et occasionnels mais de grandes idées vitales et durables. On ne peut pas douter que si l’alliance militaire des puissances démocratiques a supporté l’épreuve de plus de trois années de guerre et si elle est scellée par le sang des peuples versé dans la lutte pour leur liberté et leur indépendance, leur alliance supportera d’autant mieux l’épreuve de l’étape finale de la guerre.

L’année écoulée fut non seulement l’année de la consolidation du front anti-hitlérien des nations unies, mais elle fut également l’année de l’élargissement de ce front. On ne peut pas considérer comme un hasard le fait qu’après l’Italie, la Finlande, la Roumanie et la Bulgarie sont à leur tour sorties de la guerre et ont rompu avec l’Allemagne. Il faut remarquer que tous ces pays ont non seulement abandonné la lutte et rompu avec l’Allemagne, mais lui ont déclaré la guerre, se joignant ainsi au front des nations unies. Cela signifie sans aucun doute l’élargissement du front des nations unies contre l’Allemagne hitlérienne.

II n’y a pas de doute que la dernière alliée de l’Allemagne en Europe, la Hongrie, sera également mise hors de combat. Cela signifiera le complet isolement de l’Allemagne hitlérienne en Europe et l’imminence de sa chute. Les nations unies se trouvent devant l’accomplissement victorieux de la guerre contre l’Allemagne hitlérienne. La guerre contre l’Allemagne sera gagnée par les nations unies. Il ne peut plus y avoir aucun doute à ce sujet.

Gagner la guerre contre l’Allemagne, signifie réaliser une grande œuvre historique, mais gagner la guerre, cela ne veut pas dire encore assurer aux peuples une paix durable et une sécurité solide pour l’avenir. Le problème ne consiste pas seulement à gagner la guerre contre l’Allemagne, mais également à rendre impossible une nouvelle agression et une nouvelle guerre, si pas définitivement, tout au moins pour une période assez longue. Après la défaite de l’Allemagne, elle sera bien entendu désarmée, tant économiquement que politiquement et militairement, mais certes on ne peut pas croire qu’elle ne tentera pas de relever sa puissance et de perpétrer de nouvelles agressions.

Chacun sait que les envahisseurs allemands se préparent dès maintenant à une nouvelle guerre. L’histoire démontre qu’il suffit d’une courte période − disons 20 à 30 ans − pour que l’Allemagne se remette de la défaite et reconstitue sa puissance.

Quels sont les moyens pour prévenir une nouvelle agression de la part de l’Allemagne ?

Et si malgré tout la guerre éclatât quand même, comment l’étrangler dès le début et ne pas lui permettre de devenir une grande guerre ? Cette question est d’autant plus pertinente qu’ainsi que le montre l’histoire, les pays agresseurs, donc ceux qui attaquent, sont généralement mieux préparés pour de nouvelles guerres que les nations pacifiques qui, elles, n’ayant pas d’intérêt à une nouvelle guerre, retardent généralement dans la préparation de celle-ci.

Cela signifie que les nations agressives déjà avant le déclenchement de la guerre, possèdent des armées prêtes tandis que les pays pacifiques ne possèdent pas d’armées pour la couverture de leur mobilisation. On ne peut pas considérer comme un hasard un fait aussi désagréable que l’incident de Pearl-Harbour, la perte des Philippines et d’autres îles de l’Océan Pacifique, la perte de Hong-Kong et de Singapour, lorsque le Japon, nation agresseur, était mieux préparée à la guerre que la Grande-Bretagne et les États-Unis.

On ne peut pas considérer comme un hasard un fait aussi désagréable que la perte de l’Ukraine, de la Biélorussie et des républiques baltes, dès la première année de la guerre, lorsque l’Allemagne, nation agresseur, s’est révélée mieux préparée à la guerre que la pacifique Union soviétique. Il serait naïf d’expliquer ce fait par les qualités individuelles des Japonais et des Allemands par leur supériorité sur les Américains, les Anglais, les Russes, par leur prévoyance, etc…

Il ne s’agit pas là de qualités individuelles mais du fait que les nations agresseurs ayant un intérêt à la guerre, sont des nations qui s’y sont longuement préparées et ayant rassemblé à cette fin les forces nécessaires, sont d’habitude mieux outillées que les pays qui n’y ont pas intérêt.

C’est naturel et compréhensible, c’est, si vous le voulez, conforme à la loi du développement historique dont il serait dangereux de ne pas tenir compte.

On ne peut pas nier qu’à l’avenir, les nations pacifiques pourraient de nouveau être prises au dépourvu par une agression si elles n’élaborent pas dès maintenant des mesures spéciales capables de la prévenir. Et quels sont alors les moyens pour prévenir une nouvelle agression de la part de l’Allemagne ? Et si malgré tout la guerre éclatait, comment l’étrangler dès le début et ne pas lui permettre de devenir une grande guerre ? Y a-t-il de tels moyens ?

En dehors du désarmement intégral des pays agresseurs, il n’existe pour cela qu’un seul moyen. A savoir : créer un organisme spécial pour la défense de la paix et la garantie de la sécurité, composé de représentants des nations pacifiques ; mettre à la disposition de l’organe directeur de cet organisme, des forces armées nécessaires pour prévenir l’agression et obliger cette organisation à utiliser sans retard les dites forces armées pour empêcher l’agression et punir le coupable. Ceci ne doit pas être une répétition de la Société des Nations de triste mémoire qui ne possédait ni droits ni moyens pour prévenir l’agression. Ce sera une nouvelle organisation internationale ayant pleins pouvoirs et moyens nécessaires pour sauvegarder la paix et prévenir une nouvelle guerre.

Peut-on compter que l’action de cette nouvelle organisation sera suffisamment efficace ? Elle le sera si les grandes puissances ayant porté sur leurs épaules tout le poids de la guerre contre l’Allemagne, agissent rapidement dans l’unanimité et l’union. Elle ne sera pas efficace si ces conditions indispensables ne sont pas remplies.

Camarades,

Les peuples soviétiques et l’armée Rouge remplissent avec succès la tâche qui leur a été assignée au cours des années de la guerre nationale.

L’Armée Rouge a dignement rempli son devoir patriotique et a libéré notre patrie de l’ennemi.

Dès maintenant et à jamais, notre terre est débarrassée de la vermine hitlérienne. Il reste maintenant à l’Armée Rouge une dernière mission à accomplir. A savoir achever ensemble, avec les armées de nos alliés, l’œuvre de la destruction des troupes fascistes allemandes ; achever la bête fasciste dans sa propre tanière et planter sur Berlin le drapeau de la victoire. Il y a des raisons de croire que ce but sera atteint par l’Armée Rouge dans un proche avenir.

Vive notre Victorieuse armée Rouge !

Vive notre glorieuse marine de guerre !

Vive le puissant peuple soviétique !

Vive notre grande patrie !

Mort aux envahisseurs fascistes allemands !


Ordre du jour du Maréchal Staline à l’occasion du XXVIIe anniversaire de l’U.R.S.S.

Camarades, soldats de l’Aimée Rouge et de la Flotte Rouge, sous-officiers, officiers et généraux, travailleurs de l’Union Soviétique, frères et sœurs déportés dans les bagnes fascistes de l’Allemagne.

Au nom du Gouvernement Soviétique et de notre Parti Bolchevique, je vous salue et vous félicite à l’occasion du 27e anniversaire de notre grande Révolution socialiste d’octobre.

Nous célébrons cet anniversaire dans une atmosphère de victoire décisive sur l’ennemi.

En hiver 1944 l’Armée Rouge a remporté des victoires sensationnelles en Ukraine, a franchi le Dniepr, a rejeté les Allemands à Leningrad. Au printemps elle a libéré l’Ukraine et la Crimée. Elle a percé les défenses allemandes de l’isthme de Carélie et les bastions ennemis entre les lacs Ladoga et Onega. Dans une bataille historique elle a enfoncé le centre de la défense allemande en Russie Blanche en encerclant trois armées et faisant prisonniers 540.000 ennemis.

Au sud elle encerclait deux armées et anéantissait ou faisait prisonniers plus de 250.000 hommes. Elle a écrasé les Allemands en Roumanie, les a chassés de Bulgarie, les poursuit maintenant en Hongrie. De Kichinev, elle a avancé jusqu’à Belgrade et Budapest. Elle a fait 640 kilomètres de Jlobin à Varsovie, 550 de Vitebsk à Tilsit. Elle a fait déposer les armes à la Finlande. Elle se bat maintenant sur le sol de l’Allemagne.

Des dizaines de millions de citoyens soviétiques ont été libérés.

Les frontières de l’U.R.S.S. traitreusement violées par les envahisseurs en 1941 ont été rétablies sur toute leur étendue de la mer Noire à la mer de Barents.

Nos armées aident maintenant les peuples de Pologne, de Yougoslavie, de Tchécoslovaquie à recouvrer leur liberté et leur indépendance.

L’Armée Rouge a décuplé ses qualités combatives.

En maitrise militaire, dans l’art de la manœuvre, la la technique, elle dépasse de loin l’armée de l’ennemi.

Les ouvriers, les kolkhoziens, les intellectuels de l’Union Soviétique ont puissamment contribué aux victoires de son armée en supportant avec courage toutes les difficultés du temps de guerre. L’économie Soviétique augmente ses forces tous les jours et donne au front des ressources sans cesse accrues. L’armée et le peuple soviétiques sont prêts à porter de nouveaux coups à l’ennemi.

Les jours de l’Allemagne sont comptés. Sous les coups conjugués de l’U.R.S.S. et des alliés s’accomplit l’encerclement de l’Allemagne hitlérienne. Rien ne saurait plus la sauver. L’Armée Rouge et les alliés occupent maintenant les bases de départ pour la dernière offensive. Notre but est d’achever l’ennemi au plus tôt.

Camarades, soldats de l’Armée Rouge et marins de la flotte soviétique, sous-officiers, officiers et généraux, nous avons sauvé notre patrie des envahisseurs, nous sommes à la veille de la victoire totale.

Pour célébrer les victoires de l’Armée Rouge et des travailleurs de l’Union Soviétique et la libération de notre territoire, j’ordonne que ce soir à 20 heures, 24 salves soient tirées à Moscou, Leningrad, Kiev, Minsk, Pétrozavodsk, Tallin, Riga, Vilno, Kiebinev, Tiflis, Sébastopol et Lvov.

Vive le 27e anniversaire de la Révolution. Vive notre libre Patrie soviétique.

Vive notre Armée Rouge et notre flotte. Vive le grand peuple soviétique.

Gloire éternelle aux héros tombés dans la lutte pour la liberté de la Patrie.

Mort aux envahisseurs allemands.


La Belgique célèbre le XXVIIe anniversaire de l’Union Soviétique

Allocution de Monsieur le Ministre F. Demany

Prononcée au micro de la Radiodiffusion Nationale Belge, le 7 novembre 1944.

Le 7 novembre 1917, les canons du cuirassé « Aurora » braqués sur le Palais d’Hiver, à Petrograd, annonçaient au monde la naissance, dans la douleur et le combat, de l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques. Cette journée d’épopée et de légende est devenue, pour nos Alliés soviétiques, une fête nationale à laquelle s’associent tous les pays en guerre contre l’Allemagne nazie.

Nous nous souvenons, comme si c’était hier, de cette chaude journée du 22 juin 1941 qui apporta à la Belgique souffrante et prisonnière, une bouleversante nouvelle : les hordes d’Hitler venaient de pénétrer en Union Soviétique, la marche sur Moscou commençait. Le monde assistait, dans une extraordinaire tension, à l’énorme bataille qui s’engageait sur le front de l’Est. Dominant le tumulte des combats, la voix de Staline disait au peuple soviétique :

« Aux armes ! Défendez la Patrie menacée ! Disputez à l’ennemi chaque pouce de terrain ! Ne lui laissez ni un tracteur, ni un outil, ni une goutte d’essence, ni un épi de blé ! »

La consigne fut respectée. A l’énorme marée nazie, le peuple soviétique opposa la farouche tactique de la terre brûlée.

Lentement, pesamment, la Wehrmacht s’acheminait vers son destin terrible.

C’est à cela que nous pensons en cette journée, à ce sursaut magnifique de tout un peuple, à cette lutte à outrance qui se continua, des années durant, au milieu des pires conditions matérielles et morales. Rappelons-nous ces épisodes glorieux et tragiques, ces villes incendiées, ces populations civiles martyrisées, le barrage de Dniepropetrovsk, orgueil de la Russie nouvelle, détruit, orgueilleusement, par ceux-là mêmes qui l’avaient édifie, et puis la sublime épopée de Moscou, de Leningrad encerclée et toujours vivante, et enfin et surtout Stalingrad, page d’héroïsme et d’incomparable gloire.

Cette guerre qui n’est pas finie fut toujours et demeure indivisible. Nous n’oublierons jamais en quelle étroite communion d’esprit nous avons vécu avec nos lointains alliés soviétiques. Leurs victoires étaient nos victoires. Leur exemple nous animait. C’est en nous inspirant d’eux que nous avons créé, sur notre sol, ces magnifiques cohortes de partisans qui ont si splendidement contribué à notre libération. Nous écoutions avec passion les voix de Moscou comme celles de Londres et de New-York. C’est l’immense coalition des peuples libres − coalition où la Russie soviétique joua un rôle de premier plan − qui a hâté notre libération. Nous ne l’oublierons jamais.

De la trilogie des grands hommes d’État alliés, nous voulons aujourd’hui détacher la haute et puissante figure du maréchal Staline, chef d’État, chef d’armée, magnifique conducteur de son peuple. Jamais il n’a douté de la victoire. Mais jamais non plus il n’a caché la vérité à l’Union Soviétique. Cette vérité fut souvent atrocement cruelle. Peu de peuples ont souffert autant que celui-là de l’horrible guerre imposée au monde par le nazisme. Mais, stimulé par le clairvoyant courage de Staline, le peuple de l’Union Soviétique a su transformer ses poignantes retraites du début en une victoire éclatante, le plus grand triomphe militaire de l’histoire.

La guerre n’est pas finie, mais nous avons le droit, cependant, de songer à l’heure où les peuples auront enfin déposé leurs armes. Ce jour-là encore, ils auront besoin de guides et d’exemples. Ils se tourneront tout naturellement vers les vainqueurs d’hier. Dans la bouche de Joseph Staline, ils entendront cette phrase qui mérite de passer à la postérité : « De tous les capitaux précieux existant dans le monde, le plus précieux, le plus décisif, ce sont les hommes. » Une telle profession de foi mérite d’être inscrite, au fronton des édifices que demain nous reconstruirons. C’est pour sauver l’homme, c’est pour sauver la dignité humaine que nous nous sommes battus, que nous avons souffert, que nous continuons à grouper tous nos efforts.

En m’associant aujourd’hui, avec émotion, à la fête nationale de l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques, en apportant au maréchal Staline le tribut d’hommage qui lui est dû, qu’il me soit permis d’exprimer aussi, à nos grands alliés, la reconnaissance de la Belgique, enfin libérée. Nos destins se tiennent, et, dans cette guerre énorme, tous les hommes libres se sont rapprochés, compris et aimés. Puisse la fête nationale de notre grande alliée être l’occasion d’un rapprochement plus étroit encore et d’une amitié belge-soviétique plus agissante, plus efficace, plus féconde pour nos deux peuples.

M. Gerlo, chef du Cabinet de M. le Ministre Demany, a prononcé une allocution en flamand.


La Radiodiffusion Nationale Belge et le XXVIIe Anniversaire de l’U.R.S.S.

Le 7 novembre 1944, la Radiodiffusion Nationale Belge a consacré ses émissions à notre grande alliée soviétique. Au cours de la journée les commentaires suivants furent radiodiffusés.

J. Staline

Lorsque Churchill affirmait dernièrement que Staline était l’Un des plus grands chefs d’État de notre époque, il ne faisait que traduire dans un style direct et concis qui lui est propre ce que tous les citoyens du monde pensent.

Celui qui devait devenir, plus tard pour le monde entier Staline, naquit en 1879 à Gori, petite ville géorgienne aux confins du Caucase. Il s’appelait alors joseph Vissarionovitch Djougachvili. Son père était un humble cordonnier, simple unité dans le troupeau des sujets du tsar.

Très jeune, Joseph Djougachvili fait montre de belle qualités d’intelligence et son père consent aux énormes sacrifices nécessaires pour l’envoyer au séminaire de Tiflis. L’intelligence du futur Staline est un des éléments de sa future renommée.

Au séminaire, Djougachvili n’est pas un élève standard. Et cependant il travaille dur et acquiert un solide bagage intellectuel mais la sociologie et les sciences naturelles l’attirent davantage que les arides matières du programme séminariste et le voilà bientôt exclu pour menées subversives.

Que va-t-il faire ?

S’incliner, rentrer dans le troupeau ? Que non pas.

Il va lutter. Car Staline est un lutteur et c’est là un second élément de nature à nous expliquer son entrée de plein pied dans l’histoire contemporaine. C’est alors qu’il devient vraiment Staline (homme d’acier) l’un de ses nombreux noms de guerre, le plus représentatif de sa personne selon Lénine. Pendant plusieurs lustres il va vivre dans l’illégalité, d’une vie de hors la loi à laquelle les faibles et les malades ne résistent guère.

Pendant de longues années cet homme est traqué, chassé poursuivi, emprisonné. A six reprises l’Okhrana, Gestapo tsariste, met la main sur sa personne. La révolution de 1917 le trouve en Sibérie. Il concilie d’ailleurs pendant toute cette période la dure vie du « maquis » avec un intense travail intellectuel. Il publie soit à l’étranger soit illégalement en Russie plusieurs ouvrages de sociologie et de nombreux articles de revues notamment sur la question des minorités nationales dont il fait dès 1912 une analyse particulièrement pénétrante.

Dans les premières années du Gouvernement Soviétique, Staline assume la charge de Commissaire du Peuple aux Nationalités. Spécialiste en la matière il lui revient l’honneur de résoudre cette question que les facteurs ethniques d’une part, la politique de force du régime tsariste d’autre part avaient rendue particulièrement aiguë. Il fut le créateur de la formule fédérative à la fois hardie et souple qui ‘a fait de l’U.R.S.S. une puissante union des peuples libres et égaux.

La mort de Lénine va placer Staline devant de nouvelles responsabilités, qu’il ne songe pas un seul instant à éluder. Courageusement il s’attelle à la rude tâche de gouverner selon de nouvelles normes un peuple de 170 millions d’individus, après plusieurs années de guerre et de luttes civiles, après plusieurs siècles d’oppression et d’obscurantisme. Il s’agit de construire un monde. La tâche est gigantesque mais il n’est aucune tâche qui rebute Staline. Il parvient à soulever l’enthousiasme des masses , qui en échange lui apportent une collaboration inconditionnelle. Des compétences surgies de partout s’affirment. Et l’œuvre s’ébauche méthodiquement jusqu’à l’événement de la Constitution de 1936.

L’intelligent et indiscipliné séminariste, le fougueux révolutionnaire de l’illégalité, le théoricien des questions nationales, le stratège audacieux de Tsaritsyn s’avère être un homme d’Etat de gabarit mondial et historique. Depuis le moment où il a repris le flambeau des mains de Lénine il est réellement le pilote de son peuple, l’incarnation de cette formidable expérience sociale dont le monde ne peut plus ignorer les leçons.

Et lorsqu’une guerre atroce dont l’enjeu était mondial vint brusquement mettre un frein à l’expérience soviétique, ce sera Staline qui assumera les lourdes responsabilités de la guerre nationale.

En 1942 il fut élevé au rang de Maréchal, nomination éminemment justifiée puisqu’il allait prendre personnellement une part prépondérante dans la conduite des opérations militaires.

Cet aperçu de la personnalité de Staline resterait incomplet si l’on omettait de signaler enfin un trait particulier de son caractère, une qualité qui peut-être plus que toutes les autres a contribué à en faire ce qu’il est devenu. Staline est un homme gai. Cet homme qui a tant souffert, cet homme qui a eu faim, qui a eu froid, qui a vécu plusieurs années de sa vie traqué, emprisonné, cet homme qui s’est battu, qui n’a cessé de lutter contre les hommes et les préjugés, cet homme qui a dû attendre l’âge mûr pour fonder un véritable foyer, cet homme n’a jamais cessé d’être d’un optimisme à toute épreuve. Son humour et son rire sont devenus légendaires de par le monde.

Et, si au cours de ces dernières années ses moments de détente sont devenus plus rares devant les souffrances infinies de son peuple et de son pays, si la guerre n’a pas épargné son propre foyer, Staline n’a pas perdu son optimisme foncier car son idéal reste intact et l’aube de la victoire militaire, chèrement acquise, signifie pour lui de nouveaux efforts pour la réalisation de son ambition, son unique ambition : la Paix dans la justice sociale.

A certains de ses contemporains qui croyaient lui rendre hommage en le gratifiant d’épithètes dithyrambiques, Staline répondit simplement : « Je n’aime pas les 200 %. »

Est-il étonnant que les peuples de l’U.R.S.S. qui le voient assumer les responsabilités les plus lourdes et qui savent tout ce qu’ils doivent à ses qualités d’homme et de dirigeant, lui vouent une reconnaissance affectueuse et unanime ?
Staline ne prétend pas au rôle de surhomme ; il est simple et ne se départira pas de cette simplicité. Mais l’histoire dira un jour qu’il fut un grand homme.

L’Armée Rouge

Après la chute du régime tsariste et les journées historiques d’octobre 1917, le nouveau gouvernement se consacra immédiatement aux tâches les plus urgentes parmi lesquelles la défense nationale prenait la première place. En effet, la guerre continuait.

Or la Russie était entourée des puissances d’Europe Centrale ses ennemies et l’armée de l’ancien régime n’était pas en état de la défendre.

Le 15 janvier 1918, le Conseil des Commissaires du Peuple, de l’U.R.S.S. réuni sous la présidence de Lénine ordonna la création de l’Armée Rouge.

Le décret fut promulgué le 23 février 1918 et c’est cette date qui est considérée comme celle de la création de l’Armée Rouge. L’Allemagne et les États Centraux rompant la trêve conclue, venaient d’attaquer la Russie dans le dos. Les officiers tsaristes et les gros propriétaires fonciers s’allièrent sans vergogne à leurs ennemis de la veille pour sauver leurs privilèges et pour écraser dans le sang le peuple qui s’était libéré.

Pour se défendre contre ces ennemis, il fallait une armée. Elle fut directement jetée dans le creuset des batailles de la guerre civile et de l’intervention étrangère, qui se déchaîna sur cet immense territoire pendant quatre ans. C’est dans la guerre qu’elle se forgea et qu’elle prit ses caractéristiques.

Ces marins, ces soldats mal équipés, mal nourris, mal vêtus, comme les .soldats de l’An Il puisèrent dans leur enthousiasme, dans la justesse de leur cause, dans la liberté qu’ils venaient de conquérir le souffle qui devait pallier à ces insuffisances. Ils étaient conduits par des chefs qui avaient lutté dans la vie illégale et qui puisaient dans leur génie militaire naturel les lignes directrices et les plans de batailles qui allaient faire s’écrouler les armées austro-allemandes et celles des généraux blancs Koltchak, Youdénitch, Denikine. Cette épopée prodigieuse eut ses héros : Staline, défenseur de Tsaritsine préfiguration de Stalingrad, Tchapaiev, Ghorts et combien d’autres.

Après la libération du territoire, l’Armée Rouge se réorganisa sur des bases nouvelles en considération des nouvelles techniques de la guerre moderne, et sous l’impulsion de Michel Frounzé, de Voricholov ensuite et de Timochenko.

Comprenant admirablement le rythme du progrès, l’Union Soviétique forma un matériel, des troupes, un commandement modernes. Seuls les plus capables et non certains privilégiés étaient chargés du commandement. Chaque citoyen passait par l’Armée et il tenait à y avoir une conduite exemplaire.

Voici ce que dit la Constitution Soviétique :

« Le service militaire général est une loi. Le service militaire dans l’armée Rouge ouvrière et paysanne est un devoir d’honneur pour les citoyens de l’U.R.S.S.

La défense de la patrie est le devoir sacré de tout citoyen de l’U.R.S.S. La trahison de la patrie : la violation du serment, le passage à l’ennemi, le préjudice porté à la puissance militaire de l’État, l’espionnage, sont punis selon toute la rigueur de la loi comme le pire forfait. »

Le soldat soviétique reste un citoyen dont il a tous les droits et toutes les obligations. Il est électeur en effet depuis l’âge de 18 ans et éligible, et peut en conséquence participer à toutes les activités politiques, législatives et publiques, à quelque degré que ce soit. Il doit connaître les rouages de l’activité politique, administrative de son pays.

Plusieurs raisons permettent de donner à cette instruction militaire un rythme très rapide et un niveau très élevé :

Les techniciens sont appelés à faire valoir leurs capacités techniques à l’Armée ce qui facilite l’entraînement technique des autres et il règne entre les unités, les soldats, les commandants, une émulation appelée émulation socialiste qui est l’esprit de compétition intelligemment appliqué et qui développe la fraternité d’armes.

Le développement technique du soldat a été poussé à des chiffres énormes. 80 % des soldats de l’Armée Rouge sont des techniciens rompus à toutes les techniques. Or, l’armée moderne est une armée de techniciens. De plus, lorsque ces techniciens rentrent dans leurs foyers après le service militaire, ils y apportent le progrès. Le paysan qui a conduit un tank conduira désormais un tracteur dans la campagne la plus reculée.

Les plans quinquennaux qui sous l’impulsion de Staline ont transformé la Russie Soviétique ont également contribué fortement au développement quantitatif et qualitatif de l’Armée. Ils ont permis de doter l’Armée d’un matériel lourd, canons, tanks, avions, les fameux stormoviks qui ont fait l’admiration du monde.

Une autre raison réside dans le fait que lorsque les jeunes citoyens soviétiques sont appelés sous les drapeaux, ils ont déjà reçu une instruction militaire parfois fort poussée, dans les écoles techniques ou dans des institutions telles que l’Ossoaviakim. L’Ossoaviakim, c’est-à-dire « L’Association des Amis de la Défense Nationale et du Développement des industries Aéronautiques et Chimiques » est en quelque sorte un organisme auxiliaire de l’Armée Rouge.

Cette institution a pour objet de développer les connaissances militaires parmi tout le peuple et d’organiser la coopération de la population civile à la guerre, notamment dans la défense passive. L’Ossoaviakim est surtout célèbre par la création de corps de parachutistes, car le parachutisme est un sport national en Union Soviétique.

Dans le village le plus reculé, il existe des tours de sauts où la jeunesse vient se grouper. C’est ainsi que l’Ossoaviakim avait à elle seule créé un corps de pilotes de plus de 15.000 hommes.

Grâce à ce développement, c’est la Russie qui, la première créa des corps de troupes aéroportées.

Une large place est également réservée à la culture physique et aux sports qui sont obligatoires. Tout le pays est à cette fin couvert d’un réseau serré de stades ultra-modernes.

Le soldat soviétique ne se consacre pas seulement à son instruction militaire, il participe également-à toutes les phases du développement et de l’industrialisation de son pays. Il participe avec les ouvriers à la construction des cités jardins, des usines géantes, des combinats industriels. Il va sur les champs donner un coup de main fraternel aux paysans pour rentrer leurs moissons en telle sorte qu’entre le peuple et l’armée s’établit un courant vivifiant. Rien en Russie Soviétique ne sépare l’Armée de la Nation. La Nation est l’Armée.

La vie dans les casernes et les centres d’instruction présente également des particularités bien spéciales. Il existe partout des « coins de Lénine » où les soldats se réunissent après l’exercice pour discuter des problèmes intéressant leur unité, leur pays.

Des bibliothèques sont mises à leur disposition, comportant un nombre considérable de volumes, plus de 25.000.000 rien que pour les bibliothèques militaires, livres de mathématiques, d’histoire, de géographie, romans, journaux.

Pour chaque soldat soviétique, s’instruire et perfectionner ses connaissances constitue un devoir et un honneur.

Celui qui ne le fait pas est montré du doigt.

Les Maisons de l’Armée Rouge avec leurs musées, leurs bibliothèques, leurs salles de théâtre et de cinéma, sont célèbres dans le monde entier.

C’est cette armée qui va devoir défendre l’Union Soviétique contre les troupes de Hitler. Lors de l’attaque allemande, le 22 juin 1941, les forces de l’Armée Rouge sont inférieures à celles des Allemands, car de même que les armées des autres peuples pacifiques, elles s’était préparée à la défense de la Patrie et non à l’agression. Sous le premier choc, elle dut reculer, mais elle le fit avec un esprit tactique éminent.

Toutes les ressources économiques qui auraient pu servir à l’ennemi étaient transportées plus loin ou détruites. Les combattants soviétiques luttaient avec acharnement même sur des positions qu’ils savaient devoir perdre, dans le but d’user l’armée allemande. C’est ainsi qu’en été 1942, celle-ci ne fut plus en état de prendre l’offensive sur toute la longueur du front. Hitler choisit deux directions, Moscou et la Volga. Le monde entier sait comment il essuya ses deux premières grandes défaites à Moscou en hiver 1941, et à Stalingrad l’hiver suivant. Ces victoires sont dues à une tactique des troupes et un armement supérieurs.

La preuve en est notamment apportée par la continuation et l’amplification de ces victoires. Ce furent la levée du siège de Leningrad, la libération du Caucase du Nord et de Rostov au cours du même hiver.

L’été suivant, lorsque les Allemands ayant envoyé en hâte au front de l’Est des divisions retirées du front occidental voulurent passer à l’attaque, ils furent immédiatement arrêtés. Contre-attaquant, l’Armée Rouge libéra des régions encore plus étendues dont l’Ukraine.

Craignant l’encerclement soviétique plus que tout, les troupes hitlériennes reculaient sans cesse. Cette année, elles ont été forcées de se battre non plus en Union Soviétique, mais en Roumanie, en Finlande, en Hongrie et enfin en Prusse Orientale.

Le bilan des pertes effroyables infligées aux Allemands par l’Armée Rouge avait atteint les chiffres suivants le 22 juin 1944, trois ans après l’agression allemande :
7.800.000 hommes et officiers tués ou prisonniers. 70.000 chars, 60.000 avions et plus de 90.000 pièces d’artillerie hors de combat.

Et cependant les troupes hitlériennes s’élevaient à 230 divisions à l’Est et une cinquantaine à l’Ouest.

Maintenant les vassaux de l’Allemagne l’ont abandonnée et pour la première fois depuis la guerre, l’on se bat sur le sol allemand. D’un côté, l’Armée Rouge menace Koenigsberg et la Silésie, de l’autre côté, les troupes anglo-américaines et alliées marchent sur Cologne.

Bien que l’Union Soviétique soit presque entièrement libérée, l’Armée Rouge n’arrêtera pas le combat avant la défaite totale de Hitler.

Alliée sincère et loyale des puissances anglo-saxonnes avec lesquelles elle a conclu des traités, elle se bat pour la libération des peuples opprimés et continuera à se battre jusqu’à la victoire complète pour une paix juste et durable.

Comme l’a dit le Maréchal Staline : « La guerre que mène l’Union Soviétique n’est pas une guerre ordinaire. C’est une grande guerre pour la libération de tous les peuples opprimés. »

La Constitution de l’U.R.S.S.

Il est incontestable que l’un des événements des plus importants dans l’évolution de l’Union Soviétique est l’adoption de la Constitution de 1936.

De 1917 à 1935 l’Union Soviétique a parcouru un chemin immense et a réalisé des progrès considérables dans tous les domaines.

La propriété collective des moyens de production a complètement remplacé l’ancien système de la propriété privée.

Les grandes fermes Coopératives connues sous le nom de Kolkhozes ont pris la place des innombrables petites économies paysannes.

Le niveau culturel de tous les peuples de l’U.R.S.S. a été sensiblement relevé.

Certains d’entre eux, jadis illettrés et nomades ont vu naître leur propre élite et leurs propres cadres administratifs.

L’unité de tous les concitoyens autour de leur gouvernement s’est raffermie davantage.

Ces nouvelles conditions de vie en U.R.S.S. ont complètement transformé le visage du pays de sorte que la Constitution, adoptée en 1924, devenait périmée et ne reflétait plus la situation réelle.

C’est ainsi que le VIIe Congrès des Soviets chargea en 1935 une Commission d’études sous la Présidence de Staline, d’élaborer le projet d’une nouvelle Charte Fondamentale de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

Le projet fut ensuite soumis à l’examen de la population toute entière qui au cours d’une année a pu la discuter dans tous ses détails, au sein des entreprises, dans les Kolkhozes, dans l’armée, les administrations, etc.

Le projet ainsi étudié et remanié fut soumis au VIIIe Congrès du Soviet Suprême qui après avoir apporté certains amendements suggérés par la consultation populaire l’adopta à l’unanimité.

Quelles sont les particularités de cette constitution ? Elle part tout d’abord du principe qu’une constitution ne doit pas être un programme mais une fixation légale d’un état de fait, consacrant ainsi les conquêtes politiques, sociales et matérielles des peuples qui composent l’Union Soviétique.

Elle stipule que la terre, le sous-sol, les eaux, les forêts, les usines, les fabriques, les mines de charbon et de minerai, les chemins de fer, les transports par eau et par air, les banques, les P.T.T., les grandes entreprises agricoles organisées par l’État (sovkhoz, stations de machines et de tracteurs, etc.) ainsi que les entreprises municipales et la masse fondamentale des habitations dans les villes et les agglomérations industrielles sont la propriété de l’État, c’est-à-dire le bien du peuple tout entier.

Tout en fixant cette base de l’économie, la constitution :précise que le droit des citoyens soviétiques à la propriété personnelle des revenus et épargnes provenant de leur travail, de leur maison d’habitation et de l’économie domestique auxiliaire, des objets de ménage et d’usage quotidien, des objets d’usage et de commodité personnels, de même que le droit d’héritage de la propriété personnelle des citoyens sont protégés par la loi, et termine le chapitre consacré à l’organisation sociale par ces mots : « Le travail, en U.R.S.S., est pour chaque citoyen apte au travail un devoir et une question d’honneur selon le principe : « qui ne travaille pas, ne mange pas. » En U.R.S.S., se réalise le principe du socialisme : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail. »

L’U.R.S.S. est composée de 16 républiques égales en droit et pouvant à tout moment sortir de l’Union.

Certaines fonctions de l’administration de l’État sont du ressort des organes centraux, d’autres- ressortent de la compétence des gouvernements de chaque république. L’autonomie des républiques est très large ; chacune d’elles possède sa propre constitution qui reflète ses particularités et est établie en pleine conformité avec la Constitution de l’U.R.S.S.

En février 1944, une modification apportée à la constitution a élargi encore davantage l’autonomie des républiques fédérées en leur réservant le droit de diriger elles-mêmes leurs relations extérieures et celui de créer leurs armées nationales.

Le pouvoir législatif de l’U.R.S.S. est exercé par le Conseil Suprême qui est composé de deux chambres dont une, le conseil de l’Union, est élue par l’ensemble du pays, l’autre, le conseil des nationalités, est composé de représentants élus par chaque république séparément. Ces deux chambres sont égales en droits ; en cas de désaccord, le Conseil Suprême est dissous et l’on procède à de nouvelles élections.

Les élections, à tous les échelons, se font au suffrage universel, égal et direct au scrutin secret.

Tous les citoyens, hommes et femmes ayant atteint l’âge de 18 ans sont électeurs et éligibles.

Les députés sont tenus de rendre compte aux électeurs de leur travail et peuvent être rappelés à tout moment sur décision de la majorité des électeurs.

Le Conseil Suprême, outre son travail législatif, élit le Gouvernement de l’U.R.S.S. − le Conseil des Commissaires du Peuple ainsi que la Cour Suprême de Justice.

Il est à noter, d’ailleurs, que le pouvoir judiciaire en Union Soviétique est exercé par les tribunaux élus, depuis la Cour Suprême jusqu’au Tribunal Populaire.

Ce bref aperçu ne donne qu’une vue très générale sur le système de l’État. Le point le plus intéressant est constitué par le chapitre qui traite des droits et devoirs fondamentaux des citoyens.

La constitution de l’Union Soviétique est la seule qui prévoit que tous les citoyens ont droit de recevoir un emploi garanti avec rémunération de leur travail, selon sa quantité et sa qualité. Ce droit au travail se concrétise par, le fait que grâce à la structure économique de l’État basé sur la planification de la production, grâce à l’essor prodigieux de l’industrie, le pays soviétique ne connaît pas de crises économiques ni de chômage, cette plaie génératrice de misère et de découragement.

D’autres part, la constitution assure à tous les citoyens, le droit au repos, à l’assurance de vieillesse, de maladie et de perte de capacité de travail, ainsi que le droit à l’instruction.

La garantie de ces droits est réalisée par l’octroi de sommes considérables pour la création d’un réseau immense de sanatorium, préventorium, polycliniques, maisons de repos, camps de vacances et autres organisations qui s’occupent des loisirs des citoyens soviétiques et de leur santé physique.

La femme jouit des mêmes droits que l’homme et la constitution stipule que l’égalité des droits des citoyens de l’U.R.S.S., sans restriction de nationalité et de race, dans tous les domaines est une loi immuable.

Parallèlement aux droits, la Constitution garantit aux citoyens la liberté de parole, de la presse, des réunions et des meetings, de cortèges et démonstrations. Ces droits sont assurés par la mise à la disposition des citoyens et de leurs organisations, d’imprimeries, de stocks de papier, etc…

Comme dans d’autres pays démocratiques, l’inviolabilité de la personne et du domicile est garantie aux citoyens de l’U.R.S.S.

L’Union Soviétique est appelée à jouer un rôle primordiale dans le concert des grandes nations démocratiques.

Il était intéressant de soumettre à nos auditeurs un bref résumé de la loi fondamentale du pays auquel nous devons une grande reconnaissance pour la part prépondérante qu’il a prise dans notre libération.

La culture en Union Soviétique

Les fondements d’une culture nouvelle.

La Russie est un pays d’ancienne et riche tradition.

Mais cette tradition est double ; d’une part aristocratique et d’autre part populaire ; d’une part une intelligentzia, minorité d’intellectuels, cultivés et sans liens avec le peuple, d’autre part un folklore riche d’influences byzantines asiatiques et vivant d’une vie intense.

Malgré les efforts de certains intellectuels du siècle passé, malgré la tendance entre autres des compositeurs russes à puiser leurs thèmes aux sources populaires, ces deux tendances restèrent étrangères l’une à l’autre et souvent hostiles, car cette division était la conséquence et le reflet de la division que maintenait le régime des tsars.

Le mérite principal du régime soviétique- dans le domaine artistique autant que dans le domaine scientifique, et il est d’importance, aura été de réconcilier ces deux traditions et de les souder en un grand courant de recherche et de création dont les réalisations présentes, après un quart de siècle seulement, sont déjà d’une richesse, d’une originalité et d’une vigueur telles qu’elles ouvrent pour l’avenir des perspectives presque illimitées.

Ce fait est d’autant plus remarquable que depuis 1917 la jeune Union Soviétique s’est trouvée placée devant des tâches matérielles urgentes : guerre civile, reconstruction, équipement industriel, création d’une armée moderne, tâches à côté desquelles la culture pouvait sembler un luxe. Mais précisément en U.R.S.S. la culture n’est pas considérée comme un luxe, elle est l’auxiliaire et bien souvent même le moteur des grandes réalisations collectives.

En fait d’instruction tout était à faire, car l’ancienne Russie léguait à la nouvelle les tares d’un obscurantisme systématique : 40 % d’illettrés dans les villes, 72 % dans les campagnes, en Sibérie et en Asie Centrale des peuples entiers d’analphabètes.

Il fallait des instituteurs, il fallait des ingénieurs et des médecins, car il fallait instruire et en même temps soigner et construire.

L’analphabétisme a été complètement éliminé, même dans les contrées les plus arriérées de l’Asie.

Ce fut toute une génération d’ouvriers et d’ouvrières qui après l’usine s’assirent sur les bancs de l’école pour apprendre la physique et la chimie et de paysans et de paysannes qui apprirent à lire et à écrire, puis étudièrent l’agronomie.

Grâce à ces hommes et à ces femmes, il fut possible de construire et d’exploiter les hauts fourneaux, les centrales électriques et les machines agricoles dont l’U.R.S.S. avait besoin pour vivre. Certes dans les débuts il fallut mettre l’accent sur ce qui était le plus urgent. La science pure et la spéculation ne purent être les premiers. objectifs mais avec une rapidité à laquelle il faut rendre hommage, naquirent dans cette jeune génération les équipes de savants et de chercheurs qui ont, depuis lors, porté la technique soviétique au tout premier plan de l’activité mondiale.

Le succès des armes soviétiques dans la guerre actuelle suffit à prouver le haut niveau de cette technique, mais il est en outre certaines réalisations particulières qui méritent une mention spéciale.

D’abord dans le domaine aéronautique, citons les recherches relatives au vol dans la zone polaire, recherches dont le succès fut sanctionné dès 1936 et 1937 par les raids de Tchkalov et de Gromov joignant !’U.R.S.S. aux États-Unis par-dessus le pôle Nord. La très remarquable expédition polaire du Professeur Schmidt de l’Académie des Sciences de Moscou et le séjour d’un an au Pôle même, de Papanine et de ses compagnons.

Citons surtout la découverte et la mise au point industrielle des procédés pour transformer le charbon en gaz dans le fond même de la mine sans devoir l’abattre et l’extraire, procédé dont les résultats sensationnels permettent d’escompter dans un avenir plus ou moins proche la suppression aux 9/10e du dur travail de mineur dans le fond, ainsi qu’un essor extraordinaire pour des industries nouvelles utilisant les procédés de synthèse à partir du gaz extrait.

Citons encore les recherches faites dès avant la guerre dans le domaine du caoutchouc synthétique, recherches menées simultanément dans le domaine industriel et dans le domaine agricole, attendu qu’on mena de front la synthèse proprement dite du caoutchouc et la fabrication à partir de la sève de plantes cultivées et sélectionnées spécialement dans ce but.

Enfin dans le domaine proprement agricole il faut signaler les résultats remarquables obtenus dans la recherche de nouvelles variétés de blé résistant aux climats très divers et souvent très durs de l’Union Soviétique.

Enfin dans le domaine médical rappelons que c’est en U.R.S.S. que fut mis au point le premier procédé de conservation du sang pour transfusions, technique qui a depuis lors sauvé un nombre incalculable de vies.

Tous ces résultats ont, été obtenus par une collaboration très étroite sous l’égide des diverses académies et en particulier de l’Académie des Sciences de Moscou, entre la recherche scientifique proprement dite et les divers milieux techniques, agricoles et médicaux intéressés à leur application.

Quant au développement artistique de l’Union Soviétique il est difficile d’en donner une image précise sans recourir aux œuvres qui en sont le fait. Toutefois comme certaines de ces œuvres ont pu être portées à la connaissance du public belge dès avant la guerre il nous sera possible de nous y référer.

Ce qu’il faut d’abord souligner c’est la très grande curiosité manifestée par les citoyens soviétiques envers les manifestations artistiques et les efforts .qui ont été faits pour satisfaire cette curiosité. De 1913 à 1937 le nombre de journaux est passé de 859 à 8521 et leur tirage total de 3 à 36 millions d’exemplaires.

Dès 1932, le total des livres publiés en U.R.S.S. dépassait celui de l’Angleterre, de l’Allemagne et du Japon réunis.

De 1917 à 1937, il a été publié 32 millions d ‘exemplaires des œuvres de Gorki; 19 millions de celles de Pouchkine; 14 millions de celles de Tolstoï, 11 millions pour Tchékov, 8 millions pour Tourguéniev et 6 millions pour Gogol. Au total 27 années d’existence, il y a dix milliards de livres qui sont sortis des presses soviétiques.
Il ne faut pas s’étonner que toute une génération de jeunes auteurs dont Ostrovski, Cholokov et Ehrenbourg soient nés dans ce pays avide de lire.

Dans ce grand élan d’un peuple jeune vers la culture, le goût des œuvres neuves liées au présent n’exclut pas les traditions héritées du passé et auxquelles la ferveur du passé rend une vie nouvelle. On n’a pas oublié l’éclat tout particulier avec lequel fut fêté dans toute l’Union Soviétique en 1937 le centenaire de la mort du grand poète Pouchkine.

De même en 1939 le 375e anniversaire de Shakespeare fut l’occasion de manifestations d’autant plus importantes que les citoyens de l’U.R.S.S. apprécient fort le grand poète anglais et qu’ils sont fort sensibles au théâtre.

Ils ont à leur actif dans ce domaine aussi d’importantes œuvres nouvelles dont nous avons déjà pu voir quelques-unes et nous devons espérer que les circonstances nous permettront bientôt de mieux connaître le théâtre soviétique.

Très sensible également à la musique, le public partage ses faveurs entre les classiques, particulièrement Tchaïkovsky, Borodine, Rimski Korsakov et la nouvelle génération à la tête de laquelle se placent Prokofiev et Chostakovitch.

Les éclatants succès remportés ici même au concours Ysaïe par de jeunes exécutants soviétiques, d’abord en 1937 en violon, puis en 1938 en piano, prouvent la place que tiennent le goût et l’enseignement de la musique dans la nouvelle génération.

Il nous faut enfin mentionner cet art neuf, cet ait tout de mouvement : le cinéma qui pour ces raisons-là sans doute a fait l’objet en U.R.S.S. de créations absolument remarquables. Non seulement les grands films que nous avons vus, du « Cuirassé Potemkine » à « Tchapaiev » et à « Pierre le Grand » sont d’indiscutables chefs d’œuvre mais encore ces films apportent au cinéma un style nouveau à la fois grand et vrai qui honore les acteurs et les cinéastes de ce pays.

Telles sont en un résumé très succinct les manifestations principales de la vie intellectuelle en U.R.S.S. Qu’il s’agisse de sciences ou d’arts, les créations soviétiques frappent pour leur originalité et leur hardiesse. Mais ce qui est plus frappant encore c’est la part qu’y prend la population tout entière, l’intensité avec laquelle tous les citoyens soviétiques ressentent et vivent ces créations de telle sorte que tous, dans une certaine mesure, y participent; sinon directement, du moins par l’intérêt qu’ils leur prêtent et l’appui qu’ils leur apportent. Et c’est certainement cette large participation populaire qui confère à la vie intellectuelle de l’U.R.S.S., son intensité et aussi son originalité. C’est aussi cette participation qui permet d’y voir, sans forcer aucunement le sens des mots, les fondements d’une culture nouvelle, et qui permet pour l’avenir de formuler les plus larges espoirs.

Nul ne peut douter qu’il soit du plus haut intérêt pour nous que des échanges intellectuels s’établissent entre notre pays et ce pays allié qui récolte dans tous les domaines d’activité de si abondantes et fructueuses moissons. Que nos techniciens apprennent à connaître la technique soviétique, que nos médecins sachent les progrès réalisés là-bas, que nos artistes et le public tout entier ressente le souffle qui anime les productions de la jeune union soviétique, la Belgique et la Civilisation ne pourront qu’y gagner.

Les Amitiés Belge-Soviétiques organisent une grande séance pour célébrer la fête nationale de l’U.R.S.S.

Le 7 novembre une grande foule se pressait devant les portes du Cirque Royal à Bruxelles.

Toutes les places furent retenues longtemps d’avance et plusieurs centaines de personnes ont dû se caser tant bien que mal sur la piste, dans les couloirs et sur les escaliers.

Le Gouvernement Belge a tenu à rendre un hommage public à notre grande Alliée Soviétique en se faisant représenter par Messieurs les Ministres, Rongvaux, Demets, De Vleeschauwer, Dispy et Demany.

M. le Ministre Marteaux assistait également à la Manifestation.

Parmi les personnalités militaires, on remarquait le Lieutenant Général Tschoffen, les Colonels Lepage et Marissal, le Major Ugeux.

Dans le groupe des personnalités étrangères on relevait la présence du Major Beaumont, représentant le Major Général Erskine ; M. Sawyer, Ambassadeur des États-Unis ; les Majors Claude Knight et Deacon ; le Capitaine Elliot ; des représentants de France, des Pays-Bas, de Norvège et du Canada.

Quelques bourgmestres de l’agglomération bruxelloise avaient tenu à assister également à cette manifestation. Des personnalités du monde artistique, scientifique et littéraire témoignaient, par leur présence, des sentiments de sympathie à l’égard de la grande nation soviétique.

A 19 h. 30, Madame Isabelle Blume, qui préside, ouvre la séance en invitant le public à rendre hommage à l’Union Soviétique et à ses fils tombés sur les champs d’honneur dans la latte commune pour la liberté, en écoutant debout l’hymne national de l’U.R.S.S.

Après ces instants émouvants et pleins de grandeur, Madame Blume salue les représentants du Gouvernement et donne lecture de quelques messages reçus par les Amitiés Belgo-Soviétique, et notamment celui du Premier Ministre, M. Pierlot, qui dit :

« C’est avec plaisir que j’accepte de faire partie du Comité d’Honneur des Amitiés Belge-Soviétiques. Au moment où l’Allemagne s’écroule sous les coups des Alliés et que les armées de !’U.R.S.S. se couvrent de gloire en défendant la civilisation, je suis heureux de donner ce témoignage de sympathie à nos Alliés russes. »

La présidente, avant de présenter les orateurs, dit :

« Il y a vingt-sept ans, sous la domination de l’Allemagne impériale, la révolution russe jeta une lueur d’espoir dans nos vies mornes. Pour une fois dans l’existence de notre génération, notre espoir n’a pas été déçu.

Pendant la domination nazie, c’est le peuple russe et son grand chef Staline qui nous rendirent une fois encore l’espoir et qui nous mènent à la victoire.

Pour nous sauver, ils ont jeté dans la balance leur terre immense qu’ils ont sacrifiée pour apprendre à vaincre l’ennemi, leurs villes qu’ils ont écorchées, leur admirable Armée Rouge qui enveloppe l’ennemi de Petsamo à Budapest, demain à Vienne, après-demain à Berlin.

Leurs ouvriers, leurs savants, leurs femmes, leurs enfants, tous ont sacrifié leur temps et leur vie pour la Russie et pour l’Europe; pour leur liberté et notre liberté. C’est pourquoi, quelles que soient nos opinions, nos croyances, nous devons nous grouper autour de l’U.R.S.S. et lui jurer fidélité non seulement dans la guerre, mais aussi dans la paix.

Car l’U.R.S.S. veut la paix. La paix dans une Europe débarrassée non seulement des nazis, mais de tous les fascismes; une paix dans la sécurité collective, sans blocs opposants ; une paix dans laquelle seront assurés aux peuples et aux hommes, ce après quoi l’humanité languit depuis des siècles : « le pain, la paix, la liberté ».

Cette Russie-là, il faut la comprendre pour mieux l’aimer. C’est à la faire connaître et comprendre que veulent s’employer les Amitiés Belge-Soviétiques . Que vive la Russie des Soviets et son chef Staline ! »

Puis la présidente passe la parole à M. Pierre Seigneur catholique de gauche et rédacteur en chef du journal « La Patrie » :

« Chers amis, commence M. Seigneur, tous nous connaissons l’histoire du fasciste qui ne peut être à la fois fasciste, honnête et intelligent.

S’il est fasciste et intelligent, il n’est pas honnête. S’il est fasciste et honnête, il n’est pas intelligent. Et s’il est honnête et intelligent, il n’est pas fasciste. Tous, ici, nous sommes des amis do l’Union Soviétique.

Et pour être un ami de l’Union Soviétique, je dirai qu’il faut être à la fois honnête et intelligent.

Pourquoi ?

D’abord, il faut être honnête : de cette honnêteté de l’esprit nécessaire pour proclamer la vérité, même et surtout si elle est détenue par autrui : de cette honnêteté aussi qui donne le courage de se débarrasser d’anciens préjugés, ce qui est sans doute le cas de plusieurs d’entre nous.

Pour être un ami de l’Union Soviétique, il faut aussi être intelligent.

Oh ! je ne parle pas ici de cette intelligence brillante autant que stérile et qui ne fait illusion que dans un régime décadent et ne trompe que ceux qui acceptent d’avance d’être trompés.

Non, je parle de l’intelligence qui accepte de voir les choses telles qu’elles sont. »

M. Seigneur souligne ensuite le rôle primordial que l’Union Soviétique a joué sur le terrain militaire clans l’écrasement de la puissance de guerre allemande et poursuit :

« Tous les Belges savent aujourd’hui ce que nous autres, catholiques de gauche, antifascistes de toujours, nous savions déjà quand, au moment de Munich, nous réclamions des grandes démocraties qu’elles fassent bloc avec l’U.R.S.S. pour empêcher l’ennemi de l’humanité, non seulement de gagner sa guerre, mais de la déclencher; tous les Belges savent aujourd’hui que la force qui a cassé les reins du fascisme allemand, c’est avant tout le peuple soviétique. »

M. Seigneur dit ensuite qu’il est venu « pour que des catholiques de gauche disent eux-mêmes leur position à l’égard de l’Union Soviétique » et conclut sous les applaudissements enthousiastes du public :

« Nous ne tolérerons plus que les infâmes calomnies dont toute une presse abreuva le pays pendant vingt années, reviennent à la surface de l’oubli méprisant de notre peuple.

Nous n’accepterons plus jamais que l’U.R.S.S. soit exclue du concert des nations européennes et de l’organisation de la Paix.

C’est pourquoi nous sommes résolument hostiles à toute politique extérieure de la Belgique, plaçant notre pays dans je ne sais quel bloc où nous ne trouverions pas à nos côtés notre grande alliée de l’Est.

Pas plus que nous n’accepterons sur le front intérieur que l’on divise la Résistance, pas plus nous n’accepterons que sur le front extérieur on nous sépare de ceux grâce à qui résistance signifie victoire.

L’objectivité d’autrefois ne suffit plus. Aujourd’hui, nous votons la confiance.
Et nous disons à, l’Union Soviétique, en ce jour de sa fête nationale, qu’elle a mérité par l’héroïsme de tout son peuple dans sa guerre contre le moyen-âge mécanisé, d’être saluée par les gens honnêtes et intelligents, comme la plus solide garantie du pain, de la paix et de la liberté du monde. »

Après que les ovations se sont calmées, M. Seigneur s’approche encore une fois du micro et lance sur un ton de confidence… :

« Et avant de finir, si vous le permettez, laissez-moi le dire entre nous : Heureusement qu’ils avaient un couteau entre les dents ».

La parole est à M. De Backer, professeur à l’Université de Gand, qui, s’exprimant en néerlandais, rend hommage à l’Union Soviétique en Flamand et en Européen.

« Nous pensons à la Russie, dit-il entre autres, à l’alliée puissante qui a porté le premier coup à l’ennemi autrefois formidable, obligé d’évacuer notre petite patrie tout récemment ; à la Russie qui a donné aux hésitants et aux découragés ce que l’on pourrait nommer la conviction « post-Stalingrad » de la victoire finale.

Me demandez-vous : Comment se fait-il que vous, en tant que Flamand, vous vous êtes joint à cet hommage aujourd’hui ? Je répondrai par l’adage du poète démocrate du moyen-âge van Maerlant : Parce que je suis Flamand.

C’est des particularités locales que naît le sentiment de l’humanité en général, si l’on est soi-même suffisamment humain. Je ne suis pas un provincial. Je ne me sens pas borné par l’étendue restreinte du territoire de ma région.

Cette région fait partie de la Belgique, dans laquelle je vis librement comme frère sincère des Wallons, une Belgique pour laquelle je me suis battu et pour laquelle mon fils unique combat pour le moment, une Belgique qui fait partie d’une Europe renaissante.

La compréhension de l’Europe donne la compréhension de la Terre entière et si vous me demandez· quelle est ma véritable nationalité, je répondrai comme Multatuli : « J’appartiens à la grande nation : l’humanité ». L’humanité fut magnifiquement servie par la Russie, l’humanité noble et renaissante de demain. C’est pourquoi : Vive la Russie ! »

Écoute avec grande attention, l’exposé de M. De Backer est fort apprécié du public, qui le prouve par ses applaudissements.

Et voici le tour de M. Janssens, député libéral et bourgmestre d’Ixelles « ad interim ». Brillant orateur, il soulève une tempête d’applaudissements lorsque, après avoir rappelé le développement de la campagne de l’Est, que tout Belge a suivi avec angoisse, il déclare :

« Non seulement Moscou n’est pas tombée, mais après le miracle de Stalingrad, c’est la Russie Soviétique qui a vaincu militairement l’Allemagne hitlérienne…

Et cela, nous ne l’oublierons jamais, car quels que soient ses défauts et ses faiblesses, le peuple belge n’est pas ingrat. »

Puis, l’orateur passe à la question des relations futures entre les pays vainqueurs.

« A l’heure où le peuple belge retrouve, après quatre ans de servitude, son indépendance et sa liberté, il sait confondre dans un même élan de reconnaissance toutes les nations unies qui, après avoir gagné la guerre, ont l’ambition d’instaurer dans Je monde une paix juste et durable.

Ce rêve audacieux ne pourra devenir une vivante réalité que si la fraternité d’armes et l’alliance militaire qui unissent, depuis quatre ans, l’Union Soviétiques aux grandes puissances occidentales, se transforment, après la guerre, en une collaboration loyale et permanente, sans laquelle la restauration économique et politique de l’Europe serait irrémédiablement compromise.

La solidarité qui s’est créée entre les nations démocratiques doit survivre à la victoire commune ; elle doit se maintenir et se renforcer par le respect sincère du principe de la sécurité collective et ce serait commettre une faute irréparable que de favoriser, par exemple, la formation de deux ou plusieurs coalitions, qui ne tarderaient pas à devenir antagonistes.

C’est sur le plan mondial qu’il faut se placer pour donner aux relations entre les peuples la base solide et stable qui conditionnera le maintien de la paix universelle.

C’est, sans doute, une voix bien faible que la petite Belgique peut faire entendre, dans le drame sanglant qui continue à bouleverser le monde.

C’est une voix meurtrie et épuisée, qui retrouvera difficilement son diapason et qui se ressentira longtemps encore des privations et des souffrances que nous avons endurées.

Mais c’est la voix d’un peuple digne et fier, épris de liberté, qui, malgré l’exiguïté de son territoire, prétend avoir son mot à dire dans l’élaboration de son statut international.

Le seul moyen pour la Belgique de sauvegarder son indépendance, c’est, tout d’abord, de rompre définitivement avec cette politique, dite de « neutralité », dont les tragiques événements de mai 1940 ont confirmé le lamentable échec.

Mais, s’il veut rétablir sa prospérité, notre pays doit également éviter l’écueil de se laisser intégrer dans des alliances unilatérales ou dans des blocs économiques rivaux, qui conduiraient fatalement l’Europe vers de nouvelles aventures.

Dans la paix, comme dans la guerre, toutes les nations démocratiques doivent rester unies et solidaires, et poursuivre, sans exclusive, leur effort collectif.

Nous avons, à cet égard, un beau rôle à jouer, pour autant, bien entendu, que nous sachions comprendre notre devoir et notre intérêt.

Notre devoir, c’est de rester fidèles à nos amitiés et de ne faire aucune distinction entre les grandes puissances victorieuses, auxquelles nous devons directement ou indirectement notre libération.

Notre intérêt, c’est d’entretenir, avec chacune d’elles, des relations étroites et suivies, non seulement au point de vue économique, mais aussi dans le domaine scientifique, artistique, culturel et social, de manière à créer entre tous les peuples une coopération cordiale et féconde.

Ce sera le rôle des Amitiés Belgo-Soviétiques d’encourager le rapprochement de deux pays qui, malgré l’éloignement de leurs frontières et la différence de leurs mœurs, ne peuvent rester étrangers l’un à l’autre.

Ce sera la tâche de demain de multiplier entre eux le libre échange des produits, des richesses et des idées, et de favoriser ainsi leur estime et leur compréhension réciproque.

Je formule l’espoir que la cérémonie à laquelle nous participons aujourd’hui soit le prélude de cette amitié et de cette concorde mutuelle dont un avenir prochain confirmera les effets salutaires.

Et pour donner à notre glorieuse alliée un témoignage de notre confiance et de notre gratitude, je vous convie, Mesdames et Messieurs, à célébrer, par vos applaudissement, le XXVIIe anniversaire de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. »

Les applaudissements unanimes de la salle ont ponctué les passages saillants de ce discours ont montré que le public belge approuve sans réserve l’idée de la sécurité collective et condamne d’une façon énergique l’idée des alliances unilatérales et la création de différents blocs d’États.

M. Nyhon vient ensuite rendre hommage à l’Union Soviétique au nom des socialistes belges. Il rappelle les gigantesques réalisations dans le domaine économique, social et culturel, et insiste sur le rôle militaire Joué par l’U.R.S.S. dans la victoire sur l‘Allemagne hitlérienne.

M. Jean Terfve parle au nom du Parti Communiste de Belgique.

Il insiste sur le fait que les communistes ont eu de tout temps confiance en l’Union Soviétique et qu’ils avaient raison, car ce pays a montré au monde entier qu’on pouvait et qu’on devait lui faire confiance.

M. Terfve, de son côté, préconise pour la Belgique une politique d’amitié et de fidélité à tous ses alliés, y compris la grande nation soviétique.

Après que les délégations des Cheminots belges, des Postiers, des Tramwaymen et des Services publiés eurent rendu à leur tour un vibrant hommage à l’U.R.S.S., la parole est donnée à une jeune Russe, Paul Borissenko, qui fut parmi les premiers à fuir le bagne hitlérien et a trouvé refuge chez nous.

Comme tant d’autres de ses compatriotes, il a rejoint nos héroïques partisans et a combattu dans leurs rangs pour la liberté fie notre pays, pour celle du monde.
Borissenko termine son discours en disant :

« Nombreux sont les héros de mon pays qui sont tombés sur le sol de votre patrie, à côté de leurs camarades belges. Ils sont morts pour la gloire en bous frayant le chemin vers la liberté.

Tous les citoyens russes qui ont appris à connaître le cœur chaleureux et bon des Belges, auront beaucoup de peine à se séparer d’eux.

Ils sont heureux de penser que leurs pères, frères et mères les ont récompensés par leur sacrifice en écrasant le nazisme hitlérien.

Mes chers camarades belges, permettez-moi de vous présenter mes plus chaleureux remerciements au nom de mes compatriotes qui étaient soutenus par vous, au nom de mon pays, au nom de nos chers pères et mères qui vous seront très reconnaissants parce que vous avez risqué votre vie, votre bien, en nous cachant chez vous.

Vous avez partagé votre croûte de pain avec nous, vous avez fait tout votre possible pour nous faire bon accueil en un moment qui était terrible pour vous-mêmes. Un jour, nous serons loin de vous, peut-être ne nous reverrons nous plus, niais chacun de nous gardera votre souvenir et vous sera très reconnaissant. Et quand vous viendrez chez nous, vous serez accueillis de la même façon.

Pour en finir avec les hordes hitlériennes, avec des traîtres qui ont trahi leur patrie, pour la liberté de chacun, unissez-vous et en avant. Vive la Liberté ! »

La salle, debout, fait au jeune Soviétique une ovation prolongée.

Madame Isabelle Blume, avant de clôturer la séance, donne lecture du télégramme que les Amitiés Belgo-Soviétiques se proposent d’envoyer au Gouvernement soviétique :

« A l’occasion de la Fête nationale de l’U.R.S.S. plusieurs milliers de Belges, réunis à l’initiative des Amitiés Belgo-Soviétiques autour de personnalités éminentes du monde politique et du monde des sciences et des arts du pays, saluent les vaillants peuples soviétiques, la glorieuse Armée Rouge et son grand chef le Maréchal Staline ; ils adressent le tribut de reconnaissance du peuple belge pour le rôle éminent que l’U.R.S.S. a joué dans la libération de l’Europe, rendant possible la libération de la Belgique du joug nazi. Ils expriment leur ferme espoir dans la libération prochaine de tous les peuples encore privés de liberté, et dans la collaboration efficace de la Russie et des Alliés pour Ia construction de la paix et d’un monde nouveau.

Vive notre grande alliée soviétique ! Vive la glorieuse Armée Rouge ! Vive son grand chef Staline ! Vive l’amitié, belgo-soviétique ! »

L’exécution de la « Brabançonne » et de l’hymne national de l’U.R.S.S. termine la première partie de la séance.

Après un entr’acte, au cours duquel une collecte au profit du Comité d’Aide aux Ex-Prisonniers soviétiques remporte un franc succès, les chœurs, composés de jeunes gens et jeunes filles libérés des geôles allemandes et restés sur noire territoire, exécutent quelques chants populaires et militaires russes.

La manifestation est terminée. La foule s’en va et chacun emporte avec soi le sentiment d’avoir accompli un devoir de gratitude et de reconnaissance envers un grand et noble pays.

Puisse la vibrante union, des hommes qui sont venus de tous les coins de l’horizon politique saluer notre alliée soviétique au jour de sa fête nationale, préfigurer celle qui devra s’établir entre tous les hommes de bonne volonté pour L’établissement d’une Paix juste et durable.


Revenir en haut de la page.