Les possibilistes, un courant pratiquement uniquement français, prônait une lutte se réduisant à ce qui était considéré comme rationnellement possible. C’était un réformisme se prétendant en phase avec la réalité.

Incapables de torpiller le congrès international des socialistes, ils tinrent leur propre congrès au même moment, s’ouvrant le 15 juillet, profitant même de la présence et de l’appui ouvert des délégués de Belgique, des Pays-Bas et d’Italie.

14 pays étaient représentés, mais la très grande majorité des délégués étaient ceux des possibilistes français, qui représentaient 77 clubs politiques et 136 syndicats.

Le Parti Ouvrier Belge demanda ouvertement l’unification des congrès, ce qui provoqua une intense bataille dans les rangs du congrès socialiste entre ceux refusant catégoriquement l’unification et ceux l’exigeant « à tout prix », à quoi s’ajoutent ceux qui, à l’instar des Allemands, entendaient placer les possibilistes face à leur propres incohérences.

Paul Brousse (1844-1912), chef de file du courant possibiliste, représenté par Aristide Delannoy en 1908 sur une couverture d’un journal anarchiste

Paul Brousse (1844-1912), chef de file du courant possibiliste, représenté par Aristide Delannoy en 1908 sur une couverture d’un journal anarchiste

Les possibilistes sabotèrent de fait eux-mêmes les négociations pour la mise en place d’un congrès unitaire, en exigeant que la validité des délégués soit remise en cause, ceci dans le but d’éjecter les Français favorables au marxisme. Leur approche purement destructrice était démasquée.

Le paradoxe apparent était que les possibilistes étaient à la fois soutenus, initialement, tant par les réformistes présents au congrès, que par les anarchistes qui eux prônaient une ligne ultra. Ces derniers dénoncèrent même au congrès l’idée de lois favorables aux ouvriers ou d’accès au droit de vote comme étant une trahison.

Réformistes et possibilistes cherchaient à empêcher l’affirmation d’une capacité d’intervention politique et économique de type social-démocrate. Cela échoua, la résolution suivante étant adoptée :

Action Économique et Action Politique de la classe ouvrière. Action internationale.

a) Action économique et politique.

Considérant que les rapports des délégués de tous les pays à ce Congrès ont démontré que la seule organisation économique du travail (Trade Unions et syndicats ouvriers) ne saurait suffire à l’émancipation de la classe laborieuse ;

d’autre part que l’agitation pour la réduction de la journée de travail, la limitation du travail des femmes et des enfants et des lois protectrices du travail, peut être considérée, à juste titre, comme un moyen de développer chez les travailleurs la conscience de classe, préliminaire nécessaire à l’émancipation de la classe ouvrière par elle-même ;

Considérant que l’histoire du mouvement ouvrier montre que les appels à la bourgeoisie ne sont d’aucun effet pour les travailleurs et ne servent qu’à constituer un capital politique pour la classe régnante ;

Considérant que la possession du pouvoir politique par la classe régnante lui a permis de maintenir son système exploiteur d’entreprise privée et de production capitaliste ;

Considérant qu’au moyen du pouvoir politique, elle empêche le contrôle de l’industrie par l’État et le contrôle de l’État par le peuple ;

Le Congrès international de Paris décide :

1. Que dans tous les pays où les prolétaires sont en possession de la franchise électorale; ils doivent entrer dans les rangs du parti socialiste, ne tolérant aucune compromission avec un autre parti politique, et par l’usage de leur bulletin de vote ils ont à poursuivre, sous l’empire de leur constitution respective, la conquête du pouvoir politique ;

2. Que dans tous les pays où la franchise électorale et les droits constitutionnels sont refusés aux prolétaires, ceux-ci doivent lutter par tous les moyens possibles pour obtenir le droit de suffrage ;

3. Que tout emploi de la force répressive de la part de la classe régnante pour entraver l’évolution pacifique de la société vers une organisation coopérative, à la fois industrielle et sociale, serait un crime contre l’humanité et soumettrait l’inhumanité des agresseurs aux châtiments infligés par des hommes qui luttent pour la défense de leur vie et de leur liberté.

On a ici une posture défensive – avec à l’arrière-plan la considération que le poids des masses suffit en soi à triompher – mais on a tout de même les éléments fondamentaux de l’affirmation du socialisme par la révolution.


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