Si la DSE représentait la tendance démocratique, progressiste, se renforçant par rapport à une réaction déchaînée, mais s’épuisant, un nouveau facteur vint entièrement modifier la donne.

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Les États-Unis considérèrent en effet qu’il était nécessaire qu’elles interviennent, afin d’empêcher la Grèce de devenir une démocratie populaire, étant donné que la Grande-Bretagne n’était plus en mesure de porter le régime grec.

L’hypothèse d’une victoire démocratique en Grèce apparaissait aux États-Unis comme une menace stratégique aux conséquences incalculables, surtout que la Turquie risquait d’être isolée.

Aussi, en mai 1947 le congrès américain accorda 300 millions de dollars d’aides économiques et militaires jusqu’en juin 1948. Le régime monarchiste grec changeait de tuteur, la Grande-Bretagne cédant la place aux États-Unis.

Il y eut d’ailleurs aussi bien entendu le plan Marshall, la Grèce recevant de nouveau pas moins de 649 millions de dollars, ce qui la rendait entièrement dépendante désormais des États-Unis, dans une optique de militarisme généralisé. Au total, les Etats-Unis fourniront 1,5 milliard de dollars au régime réactionnaire grec.

84,7 % de la somme totale de l’aide étrangère passait dans les dépenses militaires, la part de celles-ci dans le budget national grec étant d’ailleurs également de 42 %.

C’était en pratique désormais James Van Fleet, le responsable militaire américain envoyé spécialement pour gérer la Grèce (et qui « s’illustrera » ensuite dans la guerre de Corée), qui dirigeait le pays.

Un célèbre reporter américain, Homer Bigart, écrivit à ce moment dans le New York Herald Tribune que :

« Athènes est aujourd’hui un royaume d’intrigues, de haine, de méchanceté et de corruption défiant les mœurs du moyen-âge. »

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Cela provoqua un nouveau saut répressif. Une conséquence immédiate fut l’arrestation, le 9 juin 1947, de 9 000 personnes dans les villes ; certaines estimations font monter ce chiffre à 20 000.

L’un des éléments essentiels qui vint s’ajouter fut également l’utilisation systématique par les réactionnaires de l’évacuation des villages, afin d’assécher les bases populaires aidant la DSE.

Le nombre de réfugiés fut alors croissant : 15 000 en septembre 1946, 200 000 en août 1947, 485 000 en février 1948, puis 700 000.

La DSE organisa, afin de protéger les enfants victimes des offensives de l’armée réactionnaire avec notamment les bombardements, des évacuations, avec l’appui de certains pays de l’Est européen, qui avait lancé l’initiative eux-même lors d’une conférence internationale de la jeunesse s’étant tenue à Belgrade. Plus de 10 000 enfants furent concernés.

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Cela fut le prétexte pour une très vaste campagne, appelée « paidomazoma » (rassemblement des enfants), accusant la DSE de vouloir slaviser les enfants grecs, de les transformer en futurs soldats en les manipulant, etc., tout en organisant sous l’égide de la reine grecque Frederika de Hanovre des campagnes pour enlever des enfants des villages et les placer dans des camps avec une éducation idéologique réactionnaire forcenée.

Cette campagne de dénigrement de la DSE fut également largement soutenue par l’ONU.

L’armée fit également en sorte de contrôler les déplacements de la population, pour empêcher les communistes des bastions d’Athènes et de Thessalonique de rejoindre la guérilla.

La torture et le meurtre furent généralisés ; ce qui est également caractéristique du combat mené par le monarcho-fascisme contre la DSE, c’est la systématisation des démonstrations terroristes, avec les têtes coupées des membres tués de la DSE accrochées dans les villages.

Voici ce que raconte en juillet 1947 le journal de l’EAM Eleftheri Héllada :

« Les monarchistes ont suspendu la tête de l’andartès [du rebelle] Palos sur une hampe et l’ont arborée sur la place publique de Héraclion de l’île de Crète. Puis, ils se mirent à danser tout autour et à tirer des coups de feu.

Le préfet sortit alors sur le balcon et leur tint un discours ayant en face de lui la tête coupée. C’est au milieu de cette orgie de cannibales que le directeur de l’école commença aussi son discours. »

L’îlot de Makronissos fut l’un des principaux centres de torture, où passèrent au moins 50 000 personnes, brisés physiquement par la soif, la faim, la chaleur, le froid, les tortures.

Voici un extrait de ce que raconte en septembre 1947 une personne déportée à Youra, un îlot similaire :

« Les conditions de vie sont horribles. Dans un enclos entouré de fila barbelés sont placées les tentes-abris sous lesquelles nous vivons.

Durant la journée, le soleil brillant: durant la nuit, l’humidité, les scorpions et les serpents. Sur ce rocher anhydre, il n’y a pas une goutte d’eau. Un bateau de navette transporte chaque semaine 40 tonnes d’eau pour les milliers de détenus.

La nourriture est infecte, le pain est immangeable, tellement il est moisi. Celui qui ose protester est battu pendant dix jours. Nous n’avons aucune assistance médicale.

50 % des détenus souffrent de dysenterie. Le camp est dirigé par le commandant Papadimitriou et par Piastres, tous deux geôliers-chefs du camp de Pavlos Melas à Salonique. La terreur est indescriptible… »

En octobre 1947, la presse du KKE et de l’EAM furent interdits, en conséquence de quoi la réponse fut, le 24 décembre 1947, l’annonce de la formation d’un « gouvernement démocratique provisoire de la Grèce libre », avec en réaction l’interdiction du KKE et de l’EAM.

Il était clair que c’en était fini de l’option de marcher sur deux jambes et de tenter de parvenir à un compromis. La guerre civile s’était cristallisée, mais, de par l’intervention américaine, les réactionnaires avaient pris l’initiative et la tendance ne s’arrêtait pas.


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