Université-Usines-Union
« Insurgé » n°1
22 janvier 1969
DE MAI A DÉCEMBRE.
MAI 68 ! L’U.L.B. connait une effervescence qu’elle n’avait jamais connue auparavant. Explosion libératrice contenue par tout le poids de l’académisme de la tradition, du bureaucratisme. La masse des étudiants, chercheurs et assistants de l’université, encouragés par l’exemple français libère son énergie sur le thème de la solidarité avec les mouvements étudiants de France et d’ailleurs. Le mouvement prend conscience, confusément encore, du lien de l’université et de la société dans laquelle elle est insérée.
Il affirme sa solidarité avec les ouvriers et proclame son refus de la société capitaliste. Par une nécessaire et salutaire opposition à tout ce qu’elle avait connu auparavant, et notamment par opposition au bureaucratisme des organisations politiques traditionnelles, la base du mouvement exige la démocratie directe et refuse toute forme d’organisation toute forme de structuration, mais, par là-même elle se condamne à un immobilisme évident. Le refus de toute délégation de pouvoir conduit à l’impossibilité de toute action.
Le travail est essentiellement concentré à l’Assemblée Libre occupante. Les éléments les plus dynamiques se désintéressent des facultés où les réformistes tentent d’utiliser le mouvement à leurs propres fins et entrent dans les commissions paritaires. Cependant certains éléments actifs commencent à sentir la nécessité de s’organiser.
DÉCEMBRE 68 : Le conflit part cette fois d’une situation concrète à l’université : le refus d’information de la part des autorités et l’appel aux forces policières. Le mouvement étudiant est brutalement confronté aux nouvelles autorités de l’université. Il réplique par une opposition massive et décidée à la répression et par des revendications concrètes telles que le droit à l’information, l’inviolabilité du campus…
Des comités de grève se forment dans les facultés, en même temps qu’un comité central, pour coordonner la réplique à l’offensive des autorités, pour organiser les diverses actions. Les liens entre organisation facultaire et centrale ne sont cependant pas encore très clairement définis, le mouvement d’interaction d’un niveau à l’autre est parfois défectueux.
Décembre a montré qu’en six mois, le mouvement étudiant avait mûri. Mai nous a permis de nous débarrasser de nos chaînes de soumission et de passivité.
La récupération du mouvement de mai par les autorités et les réformistes nous a appris la nécessité de nous organiser et la nécessité d’une réflexion sur notre université et sur sa fonction. D’autre part, trois mois de participation et l’appel aux forces de police nous ont dévoilé le véritable visage des nouveaux dirigeants. Le mouvement étudiant en a tiré les leçons. Nous ne devons compter que sur nos propres forces, sur notre propre organisation, parallèlement aux structures mises en place par les autorités officielles.
Décembre 68 a été le début de cette structuration à la base, dans les facultés, l’organisation de la semaine de grève marque une différence qualitative avec le mouvement de mai, l’effort de dépassement de l’ultra-démocratisme, la recherche de formes d’organisation issues de la base.
C’est avec les éléments les plus actifs que dans chaque section, dans chaque cours, nous devons créer des comités d’actions pour aborder notre condition d’étudiant, les problèmes posés par l’université, mais aussi les problèmes politiques qui nous touchent. C’est dans cette perspective que nous devons travailler actuellement pour prendre nous-mêmes l’offensive contre l’autoritarisme, pour le droit à l’information.
POURQUOI UNE ACTION SUR L’INFORMATION ?
I. L’action de décembre, qui mit en avant la revendication du droit à l’information, la posa cependant en des termes très vagues, et facilita de ce fait la réaction des autorités académiques. Dès la fin du mois de décembre, le premier numéro d’un bulletin édité par le rectorat et devant paraître tous les quinze jours, fit son apparition. Son but explicite était de renseigner la communauté universitaire sur la situation générale de l’université.
Cette hâte à ta réponse, cette revendication immédiatement entendue, ont de quoi nous étonner Voyons donc quels buts sont poursuivis par les autorités académiques en diffusant ce bulletin.
1) en prenant l’initiative de la publication du bulletin, les autorités espèrent garder le contrôle de l’information, la limiter selon leurs besoins, la diriger sur les sujets qui leur conviennent, la résumer et la sélectionner. Elles ne répondront pas à des questions mais alloueront l’information, abordant uniquement les thèmes choisis par eux.
2) l’information conçue de cette façon perpétue le rapport autoritaire et encourage la passivité. Il est clair, en effet, que les tâches et les rôles ont été définis à l’avance : aux autorités académiques d’informer, à la communauté universitaire de prendre connaissance des informations. Dans la « structure d’information » toute unilatérale qui vient d’être mise en place, l’intervention active de la communauté universitaire n’a pas été prévue.
3) le bulletin vise enfin, selon la technique répandue des « public relations » utilisée dans les entreprises et les institutions à créer une solidarité entre tous les membres de la « maison », à susciter un sentiment d’appartenance collective.
Les divers buts que nous venons d’indiquer sont clairement exprimés dans un passage du Bulletin d’information numéro 1 (p. 2) :
« Pour être efficaces, il suffira que les membres de la communauté fassent l’effort de prendre connaissance des feuilles périodiques d’information. Ainsi chacun situera peu à peu la maison à laquelle il appartient connaîtra mieux ses particularités, appréciera mieux son effort d’enseignement et de recherche, et par là même, se sentira plus solidaire d’elle. »
II. Pourquoi revendiquions-nous en décembre le droit à l’information ? Pourquoi entamons-nous aujourd’hui une action en ce sens ? Quelle information voulons-nous Que voulons-nous en faire ? C’est à cette série de questions que nous voulons maintenant répondre brièvement. Nous posons comme principe que les informations que nous demandons, loin de répondre à un besoin de « savoir », nous sont au contraire indispensables pour engager des actions, pour continuer la lutte engagée l’an dernier contre la fonction et les structures de l’université bourgeoise.
Il est bien évident que cette exigence d’information et l’exigence parallèle du droit à l’intervention sur base de ces informations, ne doivent pas être confondues avec une revendication de participation, avec des visées co-gestionnaires.
Quand nous disons que l’information, que la connaissance des données essentielles relatives à l’université nous sont nécessaires pour notre action, c’est de l’action autonome des étudiants que nous voulons parler, de l’action organisée de façon indépendante des « structures de dialogue » mises en place lors de la réorganisation néo-capitaliste de l’université. L’article « Participation ou autonomie du mouvement étudiant » développe plus amplement ce thème, aussi, nous ne nous y attardons pas.
Ceci étant posé, notre objectif étant défini, quelles sont alors les informations que nous voulons obtenir ?
La série de questions que nous proposons ci-dessous centre son intérêt sur deux domaines principalement :
a) la nature des rapports existant au sein de l’université entre les divers corps qui la constituent.
Ces éléments : notamment la position de classe des professeurs, c’est-à-dire leurs fonctions extra-académiques, permettront de mieux comprendre les raisons qui font de l’enseignement universitaire un enseignement de classe un enseignement idéologique.
b) la nature des liens que l’université entretient avec le système dans lequel elle se trouve.
Ceci nous indiquera mieux dans quelle mesure l’université, loin d’être cette institution autonome et indépendante qu’elle se veut quelquefois, est en réalité insérée dans le circuit concurrentiel de l’industrie, financée par certaines entreprises − auxquelles, toute « neutre » qu’elle soit, l’université doit fournir en retour des prestations scientifiques −, consultée ou commanditée par d’autres.
Cette présence de la vie économique et donc des besoins spécifiques de l’industrie et de l’administration se manifeste également dans la composition du Conseil d’Administration. L’université est donc totalement intégrée dans le procès de production capitaliste.
La connaissance exacte de l’ensemble de ces interrelations dégagera mieux la fonction de l’université et éclairera de façon indiscutable les raisons essentielles de son orientation idéologique. Elle nous fournira des armes supplémentaires dans notre lutte.
III. C’est au sein des comités d’action que les questions proposées ci-dessous pourront le mieux être complétées, discutées, précisées, concrétisées par des exemples.
C’est dans nos années que, sur base de notre propre expérience, nous pourrons déterminer quelles sont les questions qui nous seront les plus-utiles et quels seront les moyens les plus appropriés pour y obtenir des réponses. Organisons des discussions dans nos facultés et préparons-y l’action sur l’information.
IV. Enseignement
1. Nomination des professeurs.
− Par qui les candidats sont-ils proposés ? Par leurs anciens professeurs ? Par des personnalités extérieures à l’université ?
− Oui juge de leur compétence scientifique et pédagogique ?
− Quels sont les critères de nomination ? Y a-t-il des critères scientifiques ? Lesquels ?
2. Le travail des professeurs est-il lié à des critères ?
− doivent-ils donner régulièrement cours ?
− sous quelles conditions peuvent-ils s’absenter ?
− peuvent-ils cumuler plusieurs emplois ?
− ont-ils un horaire de présence obligatoire à l’université ?
− doivent-ils être à la disposition des étudiants en-dehors des heures de cours ?
− les professeurs doivent-ils publier des notes imprimées ?
− quelle marge de profit peuvent-ils réaliser sur ces publications ?
− peuvent-ils interdire la publication de notes par les étudiants ?
3. L’université peut-elle à sa guise alourdir les programmes ?
− quels sont les critères d’horaires prévus ?
− l’université peut-elle ajouter de nouveaux cours à ceux prévus par la loi pour l’obtention d’un diplôme légal ?
− les professeurs peuvent-ils surcharger leurs cours ?
− les assistants peuvent-ils utiliser les séances d’exercices pour donner des suppléments importants de théorie ?
4. Les cours, séances d’exercices etc. sont-ils une tâche prévue dans le contrat du personnel scientifique ou une tâche supplémentaire exigée par leur patron ?
− les professeurs peuvent-ils exiger du personnel scientifique travaillant chez eux des services d’ordre personnel ?
− les assistants sont-ils au service des professeurs ou au service des étudiants ?
Recherche scientifique
− quels sont les contrats de recherche exécutés ë l’université ?
− par qui sont-ils commandés ?
− par qui sont-ils subventionnés ?
− quels sont les liens entre la recherche et l’industrie privée ?
− quelle est l’influence du privé sur l’orientation des recherches ?
− quelle est l’utilisation des résultats de ces recherches ?
− quelle est la part, dans le budget de l’université des subventions de l’état ?
− quels sont les autres fonds reçus ?
− de qui et sous quelles conditions ?
− quels critères président à la répartition de ces fonds au sein de l’université ?
CITATIONS.
On a beaucoup discuté dans les milieux étudiants de la fonction de l’université dans la société. Les contestataires de mai refusaient le rôle de l’université bourgeoise au service de la société capitaliste, au service exclusif de la classe bourgeoise. C’était trop en dire ou pas assez. Affirmer et ne pas démontrer. Affirmer sans montrer les implications et les conséquences de ce rôle, pour les étudiants comme pour la masse des travailleurs.
Que le lecteur se rassure : notre propos n’est pas de produire une longue analyse du rôle de l’université de 1969 dans la société capitaliste. Ce ne serait peut-être pas inutile, mais ça risquerait d’être fastidieux Nous nous efforcerons, par des citations, de souligner certains aspects du rôle que les conseils d’administration des sociétés privées, les syndicats patronaux et les technocrates à leur service assignent à l’université et aux étudiants.
Chap. 1 − Les prémisses sous forme d’un chant à quatre voix.
Le point de vue du technocrate bourgeois :
« Chaque université aurait avantage à institutionnaliser en son sein un dialogue permanent avec les représentants des utilisateurs »
(L’Enseignement universitaire et la préparation des futurs dirigeants − Troisième cahier : Evolution de l’université − fédération Industrie-Université).
− Le point de vue de l’étudiant constructif, cher à Simonet :
Voilà qui est magnifique ! Par ce dialogue, l’université pourra fournir à l’économie privée les cadres dont elle a besoin. Plus de risques de surproduction de diplômés. Les dirigeants des banques, des compagnies d’assurances, des syndicats patronaux (Fédération des Industriels Belges, Fabrimétal) pourront fixer le nombre de cadres dont ils auront besoin dans quelques années. L’université les formera à leur usage.
Ainsi, plus de chômage des licenciés, perspective si alarmante de notre temps. Plus de licenciés en physique s’inscrivant au chômage aussitôt leur diplôme obtenu. Plus de docteurs en droit tenant le vestiaire de boites de nuit. Une production planifiée ; directement du producteur au consommateur !
Soyez licenciés, nous ferons le reste ! Son diplôme en poche, l’étudiant sera tout de suite 68Sé. Seuls les révolutionnaires destructeurs, dont Monsieur Simonet a si bien parlé, y trouveront encore à redire.
− le point de vue des utilisateurs :
« La parole est aux milieux utilisateurs des cadres techniques et d’opérateurs : l’industrie et le commerce d’abord, mais également les pouvoirs publics dans leurs multiples ramifications. Tous ces consommateurs devraient faire chaque année au moins un relevé systématique des collaborateurs qu’ils embauchent.
Même s’il ne leur est pas possible d’établir des prévisions à plus d’un an de date, cet effort régulier de mise au point permettra, après quelques années, de déceler des tendances générales fondamentales et de conseiller en meilleure connaissance de cause notre jeunesse ».
(21ème rapport annuel de la Fédération des Industriels Belge − juin 1967)
− Notre Point de vue : sous forme d’un petit problème.
Etant donné que la F.I.B., la F.I.U. et tous les organismes économiques, privés veulent un dialogue permanent avec l’université, mais étant donné d’autre part que la F.I.B. affirme qu’elle ne peut prévoir ses besoins en cadres à plus d’un an, sachant, en outre, qu’il faut quatre ans au minimum pour produire un licencié, à qui servira la liaison directe entre l’université et les dirigeants de l’économie privée ?
Les auteurs des 40.000 premières réponses exactes recevront gratuitement la panoplie politique de l’étudiant révolutionnaire destructeur, tant abhorré par Monsieur Simonet…
(à suivre)
PARTICIPATION OU AUTONOMIE DU MOUVEMENT ETUDIANT :
Participation…
L’autorité, lorsqu’elle se sent contestée et que s’organise un mouvement de masse qui la défie, a habituellement recours à l’une ou l’autre des deux méthodes surventes la résorption ou les promesses de réformes, le bâton ou la carotte l C’est ainsi qu’après mai les autorités académiques n’avaient qu’un mot à la bouche : la participation.
Les étudiants de l’ULB ont pu découvrir, et très concrètement, ce que recouvrait la participation, la cogestion la démocratisation des structures de l’université, et tutticuanti.
Même d’un point de vue formel cette participation est une vaste duperie. Les commissions paritaires ne sont que des organes consultatifs, l’organisation des élections au Conseil d’Administration (la population étudiante de plus ou moins 12.000 a été ramenée à un corps électoral de 4.50O, dont après le boycott des flamands mis dans l’impossibilité mathématique d’élire un délégué, plus ou moins 2.500 ont voté etc….) et le fonctionnement de ce conseil (40 membres dont 8 extérieurs et 7 étudiants) sont viciés au départ.
Et, en fait, comment fonctionne cette participation ?
La masse des étudiants qui est mobilisée, qui se sent concernée (cfr mai) est invitée à se décharger du lourd fardeau de l’action sur des « délégués », des « représentants » qui vont tout arranger avec l’autorité et qui bien· sûr promettent qu’ils rendront des comptes.
La passivité de la masse est ainsi encouragée et l’éventuel arrivisme ou carriérisme des candidats délégués favorisé. Si le délégué est honnête (c’est-à-dire si sa campagne électorale n’a pas été financée par un puissant parti politique ou un organisme industriel-universitaire) il lui arrive la chose suivante : alors que la masse a été démobilisée par le fait même des élections et qu’il ne se sent donc plus soutenu et fort pour exiger, il est au cours de longues et fastidieuses séances, chambré, raisonné, amadoué… ou dégoûté par des professeurs prestigieux, qui ont le monopole de l’autorité, et qui à ta fin de l’année, seront d’ailleurs ses juges.
L’autorité est d’autant plus prête à ce de dialogue que, détenant le pouvoir, elle peut toujours (et le laisse sous-entendre) dire non, ne rien céder et se retirer. Dans le meilleur ces cas (celui où l’honnête-délégué-étudiant a voix au chapitre les dont il peut traiter et délibérer sont tous de façon technique on a x francs et y besoins, comment répartir ? Il ne s’agit jamais d’aborder le fond. C’est ainsi que le délégué qui vient à se sentir responsable des problèmes du pouvoir, à les assumer (« Ah si vous saviez tous les soucis qu’on a ! » et à défendre « sa » maison et sa direction… plus que ses mandants !
En offrant la participation les autorités poursuivent les buts suivants :
1) jeter des illusions sur la démocratie qui régnerait dans l’université et dissimuler les rapports autoritaires qui président à son fonctionnement.
2) intégrer la masse étudiante au système universitaire établi et créer « un esprit de solidarité avec notre maison ».
3) récupère, à leur profit la combativité du mouvement étudiant, disposer d’un appui parmi la masse (les délégués devant jouer le rôle de courroie de transmission), briser la dynamique propre de la lutte.
Si le mouvement étudiant cautionne ces structures de participation (des commissions paritaires au Conseil d’Administration en passant par les constituantes) il se retrouve dans une situation sans issue.
D’une part il a accepté la « démocratique règle du jeu » (« Adressez-vous-à-vos-délégués ». « Vous-n’aviez-qu’à-voter pour-un-autre »).
D’autre part il ne reçoit aucun pouvoir réel de décision, et les autorités sont bien décidées à ne lui en donner aucun « il serait tout-à-fait anormal que le Conseil d’Administration renonce à ses responsabilités dans certains domaines et en transmette à des organes à créer » (Déclaration Jottrand). Il ne recevra jamais aucun pouvoir réel de décision car le pouvoir se trouve à l’extérieur de l’université.
Le mythe de l’université autonome s’écroule ! L’université humaniste et indépendante a fait place à une université de plus en plus liée au besoin direct de la production, aux exigences de la finance et de l’industrie. Tous les secteurs de la vie sociale et économique (état, presse, industrie, banques, syndicats, enseignement…) sont peu à peu contrôlés, concentrés par le capitalisme monopolistique.
Infrastructure et superstructure se lient étroitement. L’université en particulier devient un des rouages fondamentaux de la production capitaliste. C’est ainsi que la fameuse « réforme de l’université » qui est en train d’être mise en place est celle voulue par la Fédération des industriels de Belgique et son annexe Industrie-Université. Les cadres formés seront en qualité et quantité (ce qui implique bien sûr une rigoureuse sélection) ceux voulus par la FIB, l’idéologie diffusée sera moins que jamais « indépendante », les laboratoires se convertiront en services de recherches appliquées travaillant sur commande etc….
Cette situation aura de nombreuses conséquences sur la condition des étudiants et des chercheurs. Elle infirme les théories sur l’indépendance de l’université.
… ou autonomie du mouvement étudiant
Pour mettre en œuvre la réforme de l’université qu’ils ont décidé, les trusts financiers et monopolistiques disposent de tout un appareil, d’une organisation : état, parti, presse, hommes… Au sein de l’université, l’autoritarisme, l’atomisation de la masse étudiante et les promesses de réformes doivent permettre de garder le contrôle de la population étudiante.
L’autorité essaie de nous encadrer par des structures établies par elle et qui complètent le rôle rempli par l’enseignement l’organisation systématique de la passivité et du consentement. Notre réponse, notre alternative c’est la constitution d’un mouvement de masse des étudiants. C’est la mise sur pied d’une organisation autonome des étudiants progressistes. Aux formes représentatives, participationnistes et intégrantes qu’on nous propose nous répondons par l’auto organisation de la masse.
Pour être à même de lutter il nous faut nous aussi nous organiser autonomement, en dehors des structures établies.
Par rapport à quoi œuvrons-nous être autonome ?
1) Autonomie par rapport à l’administration, à ceux qui détiennent le pouvoir. Nous devons nous organiser en dehors des structures mises en place par l’autorité. Notre but ce n’est pas la participation, la cogestion, ni le « dialogue » mais l’aboutissement d’objectifs que le mouvement des étudiants progressistes se fixe indépendamment.
2) Autonomie par rapport aux structures et au contenu oppressif de l’enseignement. Les rapports autoritaires et l’idéologie diffusée concourent à un même but : organiser notre consentement au système. Si nous ne luttons pas contre l’autoritarisme et si nous ne développons pas une idéologie scientifique qui soit l’alternative de celle qu’on nous impose nous tombons forcément sous te contrôle de l’autorité.
3) Autonomie par rapport aux structures bureaucratiques du mouvement étudiant traditionnel ? Calquées sur le modèle parlementaire représentatif ou celui des partis traditionnels ces organisations, coupées de la base sont soit inefficaces, soit jouent précisément ce rôle d’organes représentatifs que désire l’autorité.
4) Autonomie par rapport aux partis et syndicats traditionnels qui sont les rouages indispensables d’encadrement de la population contrôlée et intégrée par eux au système établi. Si le mouvement étudiant se soumet à une direction d’un des partis existant ou une direction syndicale il est tout simplement récupéré mais par une voie détournée.
Cette autonomie du mouvement étudiant ne peut signifier corporatisme. Ce n’est pas seulement de « la défense des intérêts étudiants » qu’il s’agit. Le mouvement des étudiants progressistes est une force qui intervient dans la lutte politique contre le pouvoir (lutte contre la répression, contre le monopole de la presse, contre l’université bourgeoise, solidarité avec les luttes ouvrières). Sa lutte rejoint celle des autres forces sociales soumises et exclues du pouvoir et en particulier celle des lycéens et des écoles techniques etc…. et celle de la classe ouvrière.
Qu’implique notre autonomie ?
Nous devons avoir une pratique autonome. C’est par notre pratique et en particulier dans des situations de conflit que nous pouvons découvrir la véritable nature du système universitaire et ses liaisons avec la société. Nous ne pouvons en aucun cas nous laisser entraîner, comme en mai, dans des actions voulues par d’autres forces. Nous devons nous-même choisir le terrain de lutte, le moment, les objectifs. Ce n’est que par notre pratique autonome Que nous pourrons transformer l’université dans le sens que nous voulons.
Sur le plan de la théorie nous devons disposer d’une méthode scientifique d’analyse de notre pratique et de la réalité sociale. Notre théorie doit servir à guider notre pratique. Nous n’étudions pas, nous n’analysons pas pour le plaisir dilettante de l’intellectuel mais pour pouvoir faire avancer notre pratique. Il est bien évident que pour notre formation politique nous ne pouvons nous en remettre à l’enseignement qui nous est diffusé et qui, loin d’être « neutre », a un contenu idéologique bien précis déterminé par ceux qui exercent le pouvoir dans l’université et que précisément nous remettons en cause.
Notre organisation, cela a été dit, doit être autonome. Ce dont il s’agit ce n’est pas de mettre en place une structure représentative ou destinée au dialogue, ni même au stade actuel une organisation centralisée, mais bien une organisation politique pour la masse des étudiants progressistes qui nous permette de poursuivre la lutte de façon systématique et avec le plus grand nombre possible d’étudiants…
Concrètement que devons-nous faire ?
Avant décembre déjà, dans certaines facultés, étaient constitués des comités d’action regroupant les étudiants progressistes qui voulaient mener en dehors des structures de participation la lutte politique dans l’université. Ce sont surtout de nouveaux étudiants bien souvent inorganisés politiquement avant, qui y participaient. Décembre a vu apparaître une nouvelle vague des militants. La tâche des comités d’action est maintenant de regrouper les étudiants actifs du mouvement de décembre tous les étudiants progressistes qui veulent participer activement à la lutte et avec eux prendre en main l’organisation systématique de cette lutte : tirer les leçons de décembre, fixer les objectifs, répondre aux offensives de l’autorité (cf. « la campagne d’information »), décider des actions à entreprendre, les organiser dans les moindre détails, se rendre dans les années pour y organiser des débats, intervenir partout où c’est possible, (assemblées facultés), faire les analyses indispensables, diffuser les propres matériels politiques, organiser et politiser les moins conscients en un mot devenir la structure de base du mouvement de masse des étudiants progressistes.
Des agitateurs venus de l’extérieur ?
(variations sur un air connu…)
ou
« Universités-Usines-Cumul »
M. Simonet n’avait pas tort : il a même visé très juste.
Si les flics et autres gendarmes peuvent pénétrer dans les usines pour réprimer les grèves ouvrières, les étudiants ne feraient-ils pas bien de comprendre qu’il doit en être de même à l’université ?
M. Simonet avait raison il ne peut qu’en être de même !
CE SONT LES MÊMES QUI APPELLENT LES FLICS « DANS LES USINES », ET A LA RÉPRESSION DU MOUVEMENT ETUDIANT !!!
Ce sont LES MÊMES qui s’engraissent en exploitant le masse et qui « enseignent » et dirigent l’université suivant les nécessités de leurs profits.
Ce sont LES MÊMES autorités, les mêmes membres du corps enseignant de cette université qu’on retrouve à la tête de centaines de sociétés privées, qui tiennent en main l’enseignement, qui contrôlent et orientent la presse, qui dirigent les administrations et ministères, qui font de la recherche pour l’OTAN. etc.
C’est ce qui montrera concrètement ce feuilleton.
On verra que si tous nos professeurs ou autres assistants n’ont pas l’appétit d’un R. VANDERLINDEN (administrateur de la société AEROBEL, administrateur des ciments d’Outremer − CIMOUTREMER, administrateur des Ciments du Katanga (sté) CIMENKAT, membre du Conseil d’administration du Centre Scientifique et Médical de l’ULB en Afrique Centrale, administrateur du Centre Belge d’Etude de la Corrosion, administrateur de la CCCI : Cie du Congo pour le Commerce et l’industrie, membre de l’Académie Royale des Sciences d’Outremer , administrateur vice-président de la Cie Générale d’Automobiles et d’Aviation au Congo CEGEAC, administrateur délégué à Bruxelles CHANIC, administrateur de la Sté Africaine de constructions SAFRICAS… et chargé de cours à l’Institut du… Travail ! de l’ULB).
Ou l’envergure d’un J. DELOBE, professeur ordinaire (administrateur délégué du Comité Belge de l’Electrothermie et de l’Electrochimie, admirateur délégué du Comité d’Etude Technique de la Production et de la Distribution d’Electricité en Belgique, administrateur délégué de la Communauté de l’Electricité, administrateur-directeur de la Fédération des Centrales électriques, directeur général, membre du comité de direction de l’Union des Exploitations Electriques en Belgique), qui semble vouloir se vouer au monopole de l’électricité en Belgique.
On verra que si tous n’ont pas les mêmes exigences quant aux places qui peuvent leur tomber sous la patte, nos enseignants (?) notre « élite » (?) ne se porte pas si mal qu’on pourrait le craindre (?) notre bourgeoisie tient bien son université en main…
Et si nous connaissons déjà un peu nos adversaires, il restera à remercier M. le Président-Député-Bourgmestre, notre « homme fort », d’avoir clairement désigné au mouvement étudiant son allié privilégié, sans lequel il ne savait avoir de signification, le mouvement ouvrier.
(à suivre)
UNIVERSITÉS-USINES-UNION RÉPOND A JOTTRAND
extraits du tract distribué le 13-1.
Le professeur Jottrand, bras droit du recteur Jaumotte, a diffusé à l’occasion de l’assemblée générale des conseils paritaires (13 janvier 1969 un texte particulièrement dynamique. Voici éclairé le débat qui oppose, après une première expérience de la participation, les tenants d’une nouvelle et enfin bonne forme de participation (amélioration des commissions paritaires, réunion d’une constituante) et ceux qui ne se font pas d’illusions sur la participation.
Ce texte a l’avantage de mettre une chose en lumière : par-delà tous les discours sur « l’université la plus démocratique de l’Europe », c’est l’autoritarisme qui règne et qui continuera à régner à l’université.
Citons quelques pensées du président de faculté Jottrand.
« Il n’y a aucune raison pour que l’organe suprême de l’Université qu’est le Conseil d’Administration soit constitué à parts égales de représentants du corps professoral, du corps scientifique, des étudiants et du P.A.T.O.
……s’il est normal que ces corps puissent directement faire entendre leur voix au Conseil, il est absolument contraire à l’intérêt de l’Université que cela se fasse sur une base de « parité ». »
Voilà pour ceux qui espèrent pouvoir obtenir à tous les niveaux une tripartite ou une quadripartite, car ils pensent que cette mesure, qui relève de la démocratie formelle, pourrait modifier la nature du pouvoir exercé à l’université.
Leur erreur provient du fait qu’ils ne voient pas que le contrôle sur l’Université vient de l’extérieur.
« Il est indispensable que le Conseil continue à comporter des membres extérieurs assurant la liaison avec les milieux politiques, économiques et sociaux ».
Ce qui complète la déclaration du recteur Jaumotte :
« C’est par l’extérieur que notre expansion doit être soutenue ».
Voilà pour ceux qui croient encore au mythe de l’autonomie et de l’indépendance de « Notre Alma Mater ».
« Il n’y a aucune raison et il serait tout à fait anormal que le conseil d’Administration renonce à ses responsabilités dans certains domaines… et les transmette à des organes à créer… Les décisions finales et en particulier celles qui concernent l’élaboration des statuts futurs de l’Université font partie des responsabilités importantes du Conseil et c’est celui-ci qui doit se prononcer en dernier recours. »
Mais :
« Il semble souhaitable de créer un organe permanent de contact entre les différentes couches de la communauté universitaire et entre les différentes facultés…
Une assemblée générale des conseils paritaires des facultés et école conviendrait sans doute mieux.
Le rôle d’une telle assemblée serait :
− d’être un forum de discussions où des idées neuves indispensables à l’évolution de l’Université dans une société en transformation rapide, seraient soumises à une première discussion ».
Après le décès, oh combien tragique, de feu le parlement étudiant, mort d’une crise aigüe de comitardise, d’un étouffement à coups de motions, amendements, et d’une asphyxie faute d’intérêt de la masse des étudiants, voilà que la président Jottrand veut en relancer une version revue et corrigée.
« − d’être le pouls de la communauté universitaire en permet, tant aux Autorités et au Conseil d’Administration de connaitre rapidement les réactions de cette communauté dans des périodes de crise ».
Nous sommes désolés d’apprendre que les autorités s’attendent à de nouvelles « périodes de crise » et qu’elles manquent tragiquement d’un moyen rapide d’information sur l’état d’esprit de l’ensemble de la communauté étudiante, moyen d’information qui devrait, en outre, lui permettre de mettre aussi rapidement fin à l’action subversive des « Insurgés professionnels », lors de la prochaine offensive.
Les autorités universitaires sont prises dans une contradiction fondamentale : d’une part ils doivent sous la poussée du mouvement étudiant accorder des illusions de parcelles de pouvoir ou de contrôle ; d’autre part, ils doivent adapter l’université à une technicité croissante, dont la nécessité est rendue plus impérieuse par la tendance irréversible de la bourgeoisie à concentrer les moyens de production dans le plus petit nombre de portefeuilles possibles.
Dans cette optique, les formes de participation ne seront jamais qu’un voile pudique destiné à camoufler des tendances de plus en plus autoritaires. Face à l’offensive d’étudiants qui croient encore à des formes de démocratie formelle dans l’université, un Jottrand est amené à démasquer très crûment ses batteries.
Cette contradiction conduit toutes les officines dirigeantes, au niveau de l’Etat comme au niveau de l’Université, à renforcer l’autorité. D’où l’évolution vers l’Etat fort ; d’où un Simonet, candidat au pouvoir, prêt à appeler les flics à l’université dès que ça « bouge ».
Il ne faut pas prendre Jottrand pour un imbécile ! Il joue sur l’isolement des C.P. vis-à-vis de la masse étudiante pour éviter un conflit ouvert. Il se dit que face à sa provocation les « participationnistes » recentreront le débat sur la nature de la participation, débat où il joue gagnant, car il sait lui quelle participation les autorités sont disposées à accorder.
Ne donnons pas dans ce panneau, les canards sauvages (comme dirait un voisin général) ne doivent pas discuter sur la sauce à laquelle ils seront mangés. Centrons la discussion sur les moyens de nous organiser entre étudiants pour arracher ce que nous voulons quand nous te voulons.
L’autonomie du mouvement étudiant est la seule alternative à L’autoritarisme.
FORD GENK
PENDANT LA GRÉVE QUI A OPPOSE TRAVAILLEURS ET PATRONS A FORD-GENK, LE SVB DE LOUVAIN A EFFECTUE UNE ENQUÊTE EXPLIQUANT, NOTAMMENT CES CONDITIONS SPÉCIFIQUES DE L’EXPLOITATION DES TRAVAILLEURS
VOUS POUVEZ VOUS PROCURER CETTE BROCHURE INTITULÉE « FORD-GENK, BEGIN OF EINPUNT ? », AU SVB − EIKSTRAAT, 5 − LEUVEN
UNE VERSION FRANÇAISE « GRÉVE A FORD-GENK OCTOBRE/NOVEMBRE 68 » EST EN PRÉPARATION.