[Article publié dans la revue Crise n°13]
La crise de 2008 a été importante pour le capitalisme, mais elle n’est nullement comparable à celle de 2020. Si elle est une obsession pour les pseudos-marxistes, c’est en raison de sa nature financière. Pour la petite-bourgeoisie, en effet, le capitalisme moderne consiste en le capitalisme financier et en le capitalisme financier seulement. Alors que Lénine parle pour définir l’impérialisme de fusion du capital industriel et du capital bancaire, la petite-bourgeoisie est obsédée par le « grand capital » l’empêchant de devenir bourgeoise, un « grand capital » assimilé aux banques, à l’argent.
La petite-bourgeoise est en fait incapable d’aborder la question de la production, en raison de sa négation du prolétariat ; coincée entre prolétariat et bourgeoisie, elle déforme la réalité pour s’imaginer exister (alors qu’elle n’est pas une classe). Voici un exemple tout à fait représentatif, tiré de la « cause du peuple », un média d’escrocs passant son temps à paraphraser (de manière erronée) le PCF(mlm) tout en le dénigrant totalement. C’est l’exemple même d’une déformation petite-bourgeoise, d’une tentative contre-révolutionnaire de saboter la science matérialiste dialectique.
On lit de la part de ces gens :
« La nature de l’impérialisme n’a pas changé en 2021. Mais depuis les années 1980, il s’est déroulée une accélération de la décomposition de l’impérialisme. Celui-ci est entré dans une crise générale, et tous ses aspects sont devenus, pour ainsi dire, enflés comme des boutons d’acné.
Nous voyons le chômage massif, la pauvreté qui subsiste dans tous les pays, la lutte contre la montée des prix, la crise du logement, la défense acharnée des marchés, les crises bancaires, financières, politiques, sociales, environnementales… (…) Depuis, ce capitalisme financier a approfondi sa domination. Tout d’abord, il faut comprendre le rôle de la finance. Elle était déjà importante avant 1980, mais elle a pris une place majeure (…).
Le capitalisme financier contemporain est tout simplement un autre nom pour l’impérialisme en crise. C’est le monde dans lequel nous vivons. »
Le capitalisme financier serait ici au pouvoir depuis les années 1980 et le capitalisme en crise depuis cette période. Or, n’importe qui voit que la chute du bloc de l’Est ouvre une période de capitalisme florissant, avec une série de révolutions techniques se généralisant (internet, ordinateurs portables, smartphones, livraisons rapides, viande systématisée, jeux vidéo, cinéma…), alors que le Chine est devenue l’usine du monde.
Comment ne pas voir le formidable développement productif du capitalisme depuis 1989 ? Et c’est vrai à l’échelle mondiale, alors le niveau de vie des masses mondiales s’est considérablement élevé par ailleurs. D’où le phénomène migratoire, massif et concernant les zones arriérées, où une population masculine (ou éduquée) fuit son propre pays afin de profiter du développement capitaliste.
Le mode de vie capitaliste a d’ailleurs considérablement évolué, étant bien plus ancré dans la vie quotidienne des gens, accentuant encore plus le 24 heures sur 24 du capitalisme dans les métropoles impérialistes. De la montre connectée au McDonald en passant par les réseaux sociaux et les séries, la PMA et Tinder… Le capitalisme a conquis encore plus d’espaces dans la vie des gens.
C’est donc un bien étrange impérialisme en décomposition qu’un tel capitalisme se développant à travers tous les pores de la société !
Cela, la petite-bourgeoisie ne peut pas le voir, elle ne peut pas le voir, car elle critique la bourgeoisie, y compris de manière « marxiste », uniquement pour lui faire concurrence et devenir elle-même bourgeoisie. C’est là que la crise de 2008 a une fonction idéologique pour elle.
En quoi consiste la crise de 2008 ? Pourquoi fascine-t-elle tant la petite-bourgeoisie ?
En fait, l’ensemble du secteur financier américain a été dérégulé à partir des années 1980. Or, il y a également une paupérisation générale des masses américaines. Si l’on prend les 50 % d’Américains les plus pauvres, leur salaire annuel moyen est de 16 000 dollars par an en 1982, 17 000 dollars en 2000 (et 16 500 en 2014). Inversement d’ailleurs, les 1 % les plus riches gagnaient annuellement 440 000 dollars en 1982, 1,1 million de dollars en 2000 (et 1,3 million en 2014).
Il y a ainsi eu une contradiction se posant entre des masses pauvres empruntant et un marché financier dérégulé. Pour faire simple, il y a eu des prêts massifs, sans vérification de la solvabilité des emprunteurs, voire même avec des falsifications effectuées par les banques dans de fous espoirs de spéculation. Des entreprises financières comme Long Beach, Ameriquest, Countrywide,
Fremont, Ninja loans, New Century… se sont lancées à l’aventure ; si l’on prend cette dernière, New Century, 40 % des prêts ne demandaient pratiquement rien voire rien comme informations aux emprunteurs. Ninja loans prêtait à des gens sans revenus ni propriété. Les dettes des emprunteurs sont alors passées de 5 300 milliards de dollars en 2001 à 10 500 milliards de dollars en 2007.
La crise de 2008 est ainsi une crise du remboursement, ébranlant le secteur financier américain. La banque d’investissement Lehman Brothers, fondé en 1850 et la quatrième du pays, fit faillite, la banque d’investissement Bear Stearns fondé en 1923 fut racheté par JPMorgan Chase, l’État américain intervint pour sauver American International Group, etc.
L’impact fut significatif dans d’autres pays, évidemment. Le Royaume-Uni dut nationaliser Northern Rock, Bradford & Bingley, la Royal Bank of Scotland, etc., alors que l’Allemagne mit en place une institution de soutien aux banques, comme la France par ailleurs (la Société de financement de l’économie française).
Les pays du G7, avec les décisions du 10 octobre 2008 à Washington, décidèrent également d’une remise à plat pour aider les banques. Il y a d’abord la suspension de certaines normes comptables internationales des banques. Il y a ensuite l’intervention des États pour aider aux financements des banques, voire un apport direct auprès de celles-ci, ou même une aide à leur reprise en raison de leurs faillites.
Comme on le voit, ce dont on parle, ce sont des banques. La crise de 2008, c’est une crise bancaire, pas une crise concernant le mode de production capitaliste à tous les niveaux. Cette crise est ainsi une remise à plat, une crise d’un aspect du capitalisme, d’un aspect seulement.
Mais cet aspect est tout ce que voit la petite-bourgeoisie. On a en effet d’un côté les banques, de l’autre l’État. Ce sont deux formes que la petite-bourgeoisie déteste. La petite-bourgeoisie considère que les banques l’empêchent de devenir bourgeoise. Et de par son individualisme, elle méprise l’État, qui n’est pas « son » Etat, alors que de toutes façons elle n’est pas une classe de toutes façons.
La petite bourgeoisie charrie en fait les préjugés propres à une société capitaliste pacifiée, avec l’individualisme prédominant, le carriérisme individuel, l’opportunisme dans tous les domaines, etc.
Elle s’allie pour cette raison aisément avec la bourgeoisie moderniste, qui porteuse de nouvelles initiatives capitalistes, fait vaciller la bourgeoisie traditionnelle, offrant de ce fait de nouvelles opportunités.
Notons d’ailleurs que l’ensemble de l’actualité de la crise de 2008 a d’autant plus interpellé la petite-bourgeoisie que tout tournait de manière ininterrompue entre les banques et l’État (que ce soit au niveau gouvernemental ou celui de la Banque centrale).
Mais donc, en quoi la crise de 2008 est-elle censée réellement ébranler le capitalisme ? C’est juste un aléa de parcours, car le capitalisme est par définition instable, avec des avancées et des reculs… jusqu’à la crise générale où là l’ensemble des aspects sont touchés. Et c’est là que c’est d’autant plus significatif. En fait, mettre en avant la crise de 2008 a clairement une fonction idéologique, celle de nier la seconde crise générale du capitalisme.
Si on dit que tous les problèmes du capitalisme passent par la crise de 2008, alors on dit que le capitalisme ce sont les banques et leur soutien par l’État. On réduit le capitalisme à une question faisant la petite-bourgeoisie l’alpha et l’oméga de la critique du capitalisme. Et c’est une erreur fondamentale.