Essayons de résumer, dès le départ, la démarche de Hegel, qui est difficile à saisir de par son haut niveau de problématisation. Cela est nécessaire pour comprendre son approche, qui consiste à affirmer que le fini s’auto-transforme, et par conséquent porte en lui la notion d’infini.

C’est là la grande thèse de La science de la logique et son intérêt historique essentiel.

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Qu’implique cette thèse ? Concrètement, elle veut dire que poser une équivalence, c’est fausser la réalité, car celle-ci n’est pas statique, elle porte en elle le mouvement lui-même, en tant que tel.

Cela revient ainsi à donner une définition statique et formelle, morte, de quelque chose de vivant, en mouvement, en développement.

Disons par exemple qu’il soit dit que :

1 + 1 = 2,

On entend par là une simple équivalence, c’est-à-dire qu’on aurait pu tout aussi bien écrire :

2 = 1 + 1.

Or, Hegel remet en cause cette approche, pour deux raisons. D’abord, parce que le « 1 » n’est pas défini et qu’on applique une méthode extérieure à lui, ce qui sépare le processus d’interprétation du phénomène. C’est là se décaler par rapport à la vérité, qui veut que le processus de transformation n’ait pas une source externe, mais interne.

Hegel porte donc un regard critique, tout à fait correct, sur les mathématiques en tant que mode opératoire, mode qui rate par définition la substance des choses.

Ensuite, parce que « 1 » n’est pas « 1 », au sens où il n’est pas seulement « 1 », il est aussi « -1 » et même « O », car il en porte en lui sa propre finitude. Il n’est pas de choses, en effet, qui ne soient finis ; aucune chose n’est éternelle.

Qui plus est, cette finitude est aussi un dépassement, car tout se transforme.

Les mathématiques ratent donc le principe du processus, de par leur formalisme, de par ce qui est un objectivisme, leur démarche se focalisant sur l’accumulation (ou son inverse) ; elles se résument à une approche quantitative, ratant le qualitatif.

Voilà pourquoi, si l’on suit le raisonnement de Hegel, on devrait reprendre les gens disant :

1 + 1 = 2

car si l’on regarde bien, ils ont en tête déjà le résultat, ils présupposent le résultat à la base même du calcul ; ce qu’ils veulent dire, en réalité, c’est que :

2 = 1 + 1.

Ils ne posent donc pas la question du processus, ils ne raisonnent pas en termes de développement à partir de la nature interne des choses. Ils photographient un moment de la réalité, le moment où le rien a laissé la place à quelque chose, quelque chose qui lui-même a perdu sa dynamique et se pose une fois son saut qualitatif passé.

Les mathématiques montrent le passage entre l’être et le rien, le moment du passage de la possibilité, potentialité, à la réalité temporaire, cependant on n’est ici que dans le temporaire, le figé.

Or, les mathématiques font l’erreur de définir cela comme un moment absolu, éternel, toujours et partout valable, alors que le processus de transformation est en réalité infini. Ce raisonnement logico-mathématique est que font Pythagore et Platon, puis Descartes, avec un monde mathématique idéal situé au-delà de la matière, ayant façonné celle-ci.

On est là dans quelque chose de statique, avec une absence de mouvement de la réalité elle-même, qui est figée dans des nombres, nombres eux-mêmes absolument figés et n’étant pas leur contraire, ni placés dans un processus contradictoire qui est la vie elle-même.


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