De son côté, Jiang Jieshi (Tchang Kaï-Chek) avait été obligé jusque-là de faire face à toute une série de généraux provinciaux en révolte. Il finit par saisir toute la mesure de l’établissement de cette base rouge, et lança de 1930 à 1934 cinq grandes offensives dites d’encerclement et d’anéantissement.
Les quatre premières échouèrent et les contre-offensives furent ravageuses.
Toutefois, la cinquième campagne d’encerclement et d’anéantissement manqua de porter ses fruits. Seule une compréhension approfondie du matérialisme dialectique par Mao Zedong permit au Parti Communiste de Chine de briser l’encerclement de ses troupes d’environ 130 000 hommes par les troupes ennemies d’environ 400 000 hommes.
C’est d’ailleurs à cette occasion que Mao Zedong accéda en tant que tel au poste de dirigeant du Parti.
Mieux encore, Mao Zedong organisa une vaste opération de retrait stratégique. C’est « la longue marche », l’armée rouge se divisant en trois blocs distincts et traversant onze provinces, parcourant 12 000 kilomètres, d’octobre 1934 à octobre 1935.
La longue marche fut effroyablement difficile, avec le froid, la faim amenant parfois à manger les plantes sauvages, les escarmouches en moyenne deux fois par jour, les marches de nuit qui eurent lieu 18 fois en raison de l’aviation menaçant l’armée rouge.
En moyenne, 39 kilomètres furent effectués chaque jour, le paquetage étant de dix kilos, avec une couverture, un uniforme d’hiver matelassé, trois paires de chaussures de toile, aux semelles de corde ferrées au bout et au talon.
La réussite de la traversée du pont de Luding, constitué de chaînes, malgré les attaques, devint un des symboles de la longue marche, que Mao Zedong décrit dans un poème, avec des notes pour bien saisir les références faites.
L’Armée rouge a tout vu dans ses longues campagnes.
C’est peu que tous ces flots, que toutes ces montagnes.
Les Cinq Chaînes, pour nous, rides de fine houle (2),
Wumeng le mont colossal à dévaler en boule (3).
Le Sable d’or chauffant ses roches flagellées (4),
Dadu tendu d’un pont tout en chaînes gelées (5),
Et Minchan dont la neige immense nous attire (6) :
Quand l’Armée a passé, se répand le sourire.1) Ayant quitté en octobre 1934 sa base du Jiangxi, l’Armée rouge des Ouvriers et Paysans est arrivée en octobre 1935 dans la base du Shanxi du nord, au bout d’une longue marche de 25 000 lis après avoir passé les provinces : Fujian, Jiqngxi, Ghuangdong, Hunan, Guangxi, Guizhou, Yunnan, Xichang, Sichuan et Gansu.
2) Cinq chaînes s’étendent sur 4 provinces : Hunan, Guangdong, Guangxi et Guizhou.
3) Wumeng, chaînes de montagnes sur les confins du Yunnan et du Guizhou.
4) Nom donné au Yangtsé pour son cours supérieur, précisément la section au Yunnan.
5) Rivière située au Sichuan sur laquelle est jeté un pont appelé Luding formé de 13 chaînes tendues d’une rive à l’autre.
6) Chaîne située à la frontière du Qinghai, du Gansu et du Sichuan.
Seulement 20-30 000 combattants purent survivre. C’était le prix à payer pour un événement historique : la longue marche eut un immense écho national.
Après avoir résisté aux quatre campagnes d’anéantissement et d’encerclement, l’armée rouge témoignait de sa capacité à échapper à la destruction, pour relancer une nouvelle séquence.
La révolution démocratique était inébranlable et Mao Zedong pouvait constater :
« A propos de la Longue Marche, d’aucuns posent la question : “Quelle en est la signification ?”.
Nous répondrons que la Longue Marche est la première de ce genre dans les annales de l’histoire.
Elle est à la fois un manifeste, un instrument de propagande et une machine à semer.
Depuis Pan Kou, qui sépara le Ciel de la Terre, depuis les Trois Souverains et les Cinq Empereurs’, l’histoire a-t-elle jamais connu une longue marche comme la nôtre?
Pendant douze mois, dans le ciel, des dizaines d’avions nous traquaient et nous bombardaient chaque jour; sur terre, une force colossale de plusieurs centaines de milliers d’hommes nous encerclait, nous poursuivait, s’opposait à notre avance et nous arrêtait au passage; sur notre chemin, nous nous sommes heurtés à des difficultés et à des dangers incalculables.
Cependant, en nous servant seulement de nos deux jambes, nous avons fait plus de 20.000 lis, traversant en long et en large onze provinces.
Dites-moi, est-ce que dans l’histoire il y a jamais eu une longue marche comme la nôtre?
Non, jamais.
La Longue Marche est un manifeste.
Elle a annoncé au monde entier que l’Armée rouge est une armée de héros, que les impérialistes et leurs valets, Tchiang Kaï-chek et ses semblables, ne sont bons à rien.
Elle a proclamé la faillite de l’impérialisme et de Tchiang Kaï-chek dans leur tentative de nous encercler, de nous poursuivre, de s’opposer à notre avance et de nous arrêter au passage. La Longue Marche est un instrument de propagande.
Elle a fait savoir aux quelque deux cents millions d’habitants des onze provinces traversées que la voie suivie par l’Armée rouge est la seule voie de leur libération.
Sans cette Longue Marche, comment les larges masses populaires auraient-elles pu apprendre aussi rapidement la vérité incarnée par l’Armée rouge? La Longue Marche est aussi une machine à semer.
Elle a répandu dans les onze provinces des semences qui germeront, porteront des feuilles, des fleurs et des fruits, et qui donneront leur moisson dans l’avenir. En un mot, la Longue Marche s’est terminée par notre victoire et par la défaite de l’ennemi.
Qui l’a conduite à la victoire? Le Parti communiste. Sans lui, une longue marche de ce genre eût été inconcevable. Le Parti communiste chinois, sa direction, ses cadres et ses membres n’ont peur d’aucune difficulté, d’aucune épreuve.
Quiconque met en doute notre capacité de diriger la guerre révolutionnaire tombe dans le bourbier de l’opportunisme. »