À l’échec des communistes à Canton répondit l’expression limpide du caractère correct de l’analyse de Mao Zedong sur la paysannerie, amenant un saut qualitatif titanesque pour le Parti Communiste de Chine.
L’épisode historique qui permit l’établissement de cette base fut, en 1927, l’insurrection de la Moisson d’Automne, organisée par Mao Zedong, contre les propriétaires terriens et le Kuomintang (KMT – Parti Nationaliste chinois) dirigé par Jiang Jieshi (Tchang Kaï-Chek).
Ce choix porté par Mao Zedong aboutit alors à la formation d’un bastion dans les régions du Kiangsi (ou Jiangxi) et du Hounan.
Un autre soulèvement se produisit également dans la capitale du Kiangsi (ou Jiangxi), Nanchang, les communistes rassemblant plus de 20 000 insurgés, échappant ensuite aux opérations de destruction, parcourant 600 kilomètres pour rejoindre les monts Tsing-kang, entre le Kiangsi et le Hounan.
C’était la naissance de l’armée rouge et les communistes disposaient d’un territoire libéré. Leur politique consistait à mener la révolution agraire sur ce territoire, réaliser l’égalité des sexes, instaurer des écoles pour enfants jusqu’à l’âge de quatorze ans, des écoles du soir, abolir l’opium et les jeux de hasard, interdire la pratique des pieds bandés.
En novembre 1928, Mao Zedong pouvait constater la chose suivante :
« Actuellement, c’est seulement en Chine qu’on a vu apparaître, à l’intérieur d’un pays, une ou plusieurs régions où triomphe le pouvoir rouge, au milieu de l’encerclement du pouvoir blanc.
D’après notre analyse, les scissions et les guerres incessantes qui déchirent les classes des compradores et des despotes locaux et mauvais hobereaux sont une des raisons de ce phénomène.
Aussi longtemps que dureront ces scissions et ces guerres, les bases révolutionnaires crées par les forces armées des ouvriers et des paysans pourront subsister et se développer.
Il y faudra, en outre, les conditions suivantes :
1) une bonne base de masse ;
2) une forte organisation du Parti ;
3) une Armée rouge suffisamment puissantes ;
4) un terrain propice aux opérations militaires ;
5) des ressources économiques suffisantes.
Les bases révolutionnaires doivent adopter une stratégie différente à l’égard des forces des classes dominantes qui les entourent, selon qu’il s’agit d’une période de stabilisation temporaire du pouvoir de ces classes dominantes ou d’une période de rupture entre elles. »
À l’été 1930, les communistes disposaient d’une quinzaine de bases, avec environ 65 000 hommes en armes, organisées en treize armées.
Voici les trois règles et les huit recommandations pour les soldats, dans leur version finalisée en 1947, mais qui existaient déjà alors :
« Les trois grandes règles de discipline sont les suivantes :
1) Obéissez aux ordres dans tous vos actes.
2) Ne prenez pas aux masses une seule aiguille, un seul bout de fil.
3) Remettez tout butin aux autorités.
Les huit recommandations sont les suivantes :
1) Parlez poliment.
2) Payez honnêtement ce que vous achetez.
3) Rendez tout ce que vous empruntez.
4) Payez ou remplacez tout ce que vous endommagez.
5) Ne frappez pas et n’injuriez pas les gens.
6) Ne causez pas de dommages aux récoltes.
7) Ne prenez pas de libertés avec les femmes.
8) Ne maltraitez pas les prisonniers. »
L’organisation militaire était de plus en plus développée, avec un niveau de discipline toujours plus élevé et un commissaire politique au centre des décisions. C’est le département politique de l’armée qui organisait la nouvelle administration.
À cette occasion Mao Zedong dénonça les points de vue erronés, consistant d’un côté en le militarisme, de l’autre en « l’ultra-démocratisme », ainsi qu’en le subjectivisme, l’individualisme, l’égalitarisme absolu, etc.
Mao Zedong constate notamment la chose suivante au sujet de la déviation militariste :
« On s’imagine que les tâches de l’Année rouge sont semblables à celles de l’armée blanche, qu’elles consistent seulement à faire la guerre.
On ne comprend pas que l’Armée rouge chinoise est une organisation armée chargée d’exécuter les tâches politiques de la révolution.
Dans la période actuelle en particulier, l’Armée rouge ne se limite pas du tout aux activités militaires; outre les combats qu’elle doit livrer pour anéantir les forces années de l’adversaire, elle assume encore nombre d’autres tâches importantes: la propagande parmi les masses, l’organisation des masses, l’armement des masses, l’aide donnée aux masses pour créer le pouvoir révolutionnaire, et même l’établissement des organisations du Parti communiste.
L’Armée rouge ne fait pas la guerre pour la guerre, elle la fait dans le but de mener la propagande parmi les masses, d’organiser les masses, de les armer, de les aider à créer le pouvoir révolutionnaire; sans ces objectifs, la guerre n’aurait plus de sens, et l’Armée rouge plus de raison d’être. »
Au sujet de l’ultra-démocratisme, il explique la chose suivante :
« Au point de vue théorique, il faut détruire les racines de l’ultra-démocratisme.
Tout d’abord, il faut montrer que l’ultra-démocratisme menace de saper les organisations du Parti jusqu’à les détruire complètement, qu’il menace d’affaiblir et même de miner tout à fait la capacité combative du Parti, ce qui le mettra hors d’état d’accomplir sa tâche dans les luttes et conduira, par conséquent, la révolution à la défaite.
Il convient de montrer ensuite que l’ultra-démocratisme tire son origine de l’indiscipline petite-bourgeoise.
En pénétrant dans le Parti, celle-ci se traduit, sur le plan politique et sur le plan de l’organisation, par des conceptions ultra-démocratiques, absolument incompatibles avec les tâches de combat du prolétariat. »
Néanmoins, la ligne militariste l’emporta partiellement, avec à sa tête Li Lisan, aboutissant à une offensive tout azimut à l’été 1930, soldée par de lourdes défaites.
Cette erreur fut corrigée, et l’établissement de bases rouges fut suffisamment un succès pour que le 7 novembre 1931 ait lieu le premier congrès des soviets, avec la date choisie en référence à la révolution russe.
Cérémonie de fondation de la république soviétique chinoise, le 7 novembre 1931, dans la province du Kiangsi (ou Jiangxi)
610 délégués, membres des soviets locaux ainsi que du Parti Communiste, de l’armée rouge, des syndicats, y ratifièrent la constitution provisoire de la République chinoise.
Mao Zedong fut quant à lui élu président de la République le 27 novembre 1931.