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L’irruption de la pandémie de COVID-19 en 2020 a été un crash test pour tous les révolutionnaires du monde. Etaient-ils capables de faire face à une crise mondiale, de la comprendre et de donner les clés pour y faire face de manière adéquate ? Ou leur était-il seulement possible d’accompagner les événements ?

Cela dépendait bien sûr de ce qui avait été fait dans la période d’avant la crise. Si les révolutionnaires avaient compris comment les forces productives se sont développées depuis 1989, comment la nature était attaquée, comment les animaux étaient asservis à des niveaux industriels partout dans le monde… alors ils pouvaient comprendre comment la crise est arrivée et quel sens elle porte.

Si les révolutionnaires étaient dans la fiction que le capitalisme est en crise depuis dix, vingt, cinquante, cent ans… alors ils ne pouvaient pas comprendre qu’il s’est passé quelque chose de nouveau, quelque chose avec un saut qualitatif.

Un bon exemple en est donné par la revue brésilienne A Nova Democracia. C’est même absolument typique, dans le sens où un tel point de vue était celui de la plupart des mouvements se définissant comme marxistes-léninistes voire maoïstes. Ils n’ont tout simplement pas compris ce qui s’était passé.

L’article d’A Nova Democracia « Économie mondiale vers la récession : LE CORONAVIRUS MASQUE LA CRISE DE L’IMPÉRIALISME », publié en mars 2020, exprime assez purement cette profonde incompréhension. Voici ce qui est dit :

« La production industrielle et la bourse du marché financier se sont effondrées début mars dans le monde entier.

Le déclencheur, selon le monopole mondial de la presse, est l’expansion du coronavirus. Or, il s’agit en réalité de la crise de surproduction relative de capital.

Le coronavirus lui-même ne pourrait pas avoir un tel impact dans l’économie mondiale. La raison de l’arrêt de la reproduction du capital est le capital lui-même.

Le portail Crítica da Economia, citant un journal de la réaction, a observé que le coronavirus est aujourd’hui moins mortel que la grippe : « Les données internes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent qu’en 2020, la simple grippe saisonnière a déjà causé plus de victimes (76,537 décès) que le nouveau coronavirus (2,812 décès) ; c’est-à-dire que notre grippe bien connue et familière a déjà tué 2,720% de personnes de plus que le mystérieux nouveau coronavirus ». »

En juillet 2021, un tel discours apparaît bien sûr facilement comme pathétique. Néanmoins, c’était assez courant à l’époque ou même une règle pour les ultra-gauchistes. Les pandémies seraient surestimées par les États pour mettre des lois strictes, ce serait presque un canular de nature contre-révolutionnaire.

Ce n’est même pas une méconnaissance de la crise, c’en est une négation, même au niveau sanitaire. Et la raison en est une croyance considérant que l’économie mondiale est organisée par des monopoles et la finance mondiale, que le capitalisme « pense », est capable « d’agir » de manière calculée, etc.

A Nova Democracia exprime parfaitement cette conception, où la crise consiste en la surproduction de capital, qui étoufferait l’économie et le monde. L’article dit :

« L’apparition du coronavirus n’est qu’un fait qui aggrave l’économie. Cependant, derrière ce fait, il y a déjà une surproduction relative du capital latent.

La crise de surproduction de capital relatif survient lorsque la production de capital extrapole la capacité de consommation de la société définie, en définitive, par la contradiction entre le caractère social de la production et l’appropriation capitaliste du produit.

Pour s’en faire une idée, le taux de chômage aux USA a atteint, en octobre 2019, le plus bas record de 3,5%. Cela équivaut pratiquement au « plein emploi ». C’était le taux le plus bas des 50 dernières années, résultant du taux d’intérêt qui propulse le crédit pour la production.

Cependant, en octobre, la création de nouveaux postes de travail dans l’industrie a diminué pour la première fois en six mois, bien que la production ait augmenté de 1,1% en novembre. C’est une énorme augmentation de la production mondiale qui croît de manière disproportionnée par rapport à l’ajout de la capacité de consommation mondiale.

La crise de surproduction en est la conséquence inévitable. La preuve en est que tous les économistes yankees prévoient que l’économie va ralentir à court terme, c’est-à-dire qu’elle ne trouvera pas de marchés pour poursuivre l’expansion. »

Il est bien sûr totalement faux de comprendre le capitalisme en termes de comptabilité, avec des entrées et des sorties. Si ce que dit A Nova Democracia est vrai, alors le capitalisme ne se développerait jamais ni même n’existerait, car il y a toujours un décalage entre la production et la consommation… Surtout au début du capitalisme, avec l’accumulation primitive, un thème essentiel.

Bien sûr, concernant l’aspect sanitaire, A Nova Democracia a totalement changé de point de vue par la suite, disant par exemple en avril 2020 dans l’article « LE 21ème SIÈCLE ET LE MOYEN ÂGE : L’échec historique et politique du système impérialiste » :

« C’est une sinistre renaissance des temps presque anciens de l’histoire de l’humanité alors qu’au milieu du XVe siècle, la « Peste noire » s’est produite, balayant l’Europe et l’Asie, tuant 200 millions de personnes ; ou encore avec l’épidémie de grippe espagnole et la mort de dizaines de millions de personnes. »

Mais le même article explique aussi, de manière assez choquante :

« Résultant soit d’une évolution biologique naturelle, soit d’une machination de l’impérialisme yankee (hypothèse qu’on ne peut pas du tout ignorer puisqu’elle correspond aux « wargames » criminels du Pentagone, fervent adepte du malthusianisme*), le coronavirus agit comme un petites bombes atomiques invisibles dans une autre forme de guerre mondiale.

On ne peut oublier les artefacts atomiques que possèdent les États impérialistes et certains de leurs laquais, en grande quantité et en grande quantité dans leurs arsenaux, visant à intimider en permanence les peuples de la Terre.

Le problème est qu’avec la pandémie, la négligence des gouvernements, ils élimineront les populations considérées par eux comme des populations excédentaires, en particulier les personnes âgées et malades.

Dans l’ensemble, cela signifie détruire les forces productives pour justifier de nouveaux et miraculeux « plans Marshall » pour récupérer l’économie pour une nouvelle expansion.

La négligence est intentionnelle, résultant de la nature impérialiste mais tordue avec des doses réglables de dramatisation par les monopoles de la presse – Globo Network, un leader au Brésil – pour atténuer le soulèvement des masses.

C’est la loi de l’impérialisme : la crise du système n’est que partiellement éradiquée avec la destruction des forces productives, le massacre des travailleurs et des populations « excédentaires », la concentration/centralisation du capital et la conquête de nouveaux marchés (guerre avec un arsenal d’armes). »

Nous avons un double problème, ce qui est typique. Le premier est de considérer que le capitalisme a une vue d’ensemble sur lui-même. Le second est d’affirmer que le capitalisme peut « choisir » de détruire le « surplus » de marchandises et de travailleurs. Rien de tout cela n’est vrai, bien sûr.

Et pour comprendre cela, il n’y a qu’un petit aspect à voir : la question des personnes âgées et malades. Si l’on prend les pays impérialistes, il y a longtemps maintenant que ces personnes âgées et malades sont intégrées au capitalisme. Depuis 1945, et maintenant de manière très importante, elles sont un élément du capitalisme, en tant que consommateurs de produits qui leur sont directement destinés.

Pour prendre deux exemples assez clairs, on peut voir que l’Allemagne importe des prolétaires des pays de l’Est pour les utiliser comme aide particulière bon marché pour les personnes âgées, et que le Portugal a fait des impôts faibles pour les retraités français.

Bien sûr, A Nova Democracia ne peut pas voir cela. Dans sa vision, le capitalisme mondial consiste en la finance, et en la finance uniquement. Il n’y a plus de mode de production capitaliste, mais des masses mondiales contre un petit groupe de gens super riches. A Nova Democracia ne voit donc tout simplement pas l’évolution du quotidien, les progrès du capitalisme, sa systématisation à tous les niveaux de la vie.

Et c’est la clé. Soit il y a la compréhension que le capitalisme s’est développé depuis 1989, amenant le monde à une nouvelle étape, avec une nouvelle crise générale. Ou on suit les événements, dans la conviction qu’il n’y a pas eu d’évolution des forces productives depuis les années 1930.


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