Edmund Husserl entend dire « je pense quelque chose donc je suis », il ne veut plus d’un Dieu support de la conscience. La conscience doit se voir prouver son existence… par elle-même. C’est le subjectivisme, d’autant plus agressif qu’il lui fait combattre le matérialisme ayant atteint son niveau dialectique et donc assumant d’autant mieux le déterminisme, la réfutation du « libre-arbitre ».
Edmund Husserl lève donc le drapeau du moi absolu et dit que Descartes a échoué a justifié suffisamment le moi, et que lui va le faire en justifiant le moi par le moi lui-même.
Voici ce qu’il dit dans les Méditations cartésiennes données comme conférences à Paris en 1929 :
« Contrairement à Descartes, nous nous proposerons pour tâche de dégager le champ infini de l’expérience transcendantale.
Si l’évidence cartésienne — celle de la proposition : Ego cogito, ego sum — est demeurée stérile, c’est parce que Descartes a négligé deux choses : d’abord d’élucider une fois pour toutes le sens purement méthodique de l’ἐποχή [épochè, c’est-à-dire la suspension du jugement] transcendantale, — et, ensuite, de tenir compte du fait que l’ego peut, grâce à l’expérience transcendantale, s’expliciter lui-même indéfiniment et systématiquement ; que, de ce fait, ce moi constitué un champ d’investigation possible, particulière et propre. »
Il va de soi que la difficulté intellectuelle propre à l’étude du subjectivisme, c’est qu’on passe dans un discours justement à la fois idéaliste et subjectiviste, qu’il tend à devenir ainsi toujours plus cryptique, incompréhensible, avec différentes couches accumulées de discours obscurs pour masquer le caractère délirant de la démarche.
Ce que dit Edmund Husserl ici, c’est que Descartes fait d’une fin en soi son « doute » l’amenant à réfuter le monde pour se tourner vers la conscience, et qu’il ajoute Dieu comme support à la conscience. Edmund Husserl entend modifier cela : il va changer ce « doute » et faire se tourner la conscience non plus vers Dieu, vers elle-même en la tournant vers un monde partiel, subjectiviste.
Ce que cela veut dire, c’est que contrairement à Descartes chez qui la conscience existe, mais de manière vide, chez Edmund Husserl elle existe mais de manière pleine, et même elle n’existe que de manière pleine.
Edmund Husserl théorise en fait une sorte d’egologie, de discours sur l’ego. La conscience, c’est un ensemble de vécus subjectif virtuellement sans limites (d’où « transcendental », traversant toute la réalité ou plutôt ici tous les possibles).
Dans les Méditations cartésiennes, Edmund Husserl parle ainsi de la conscience comme d’un assemblage de vécus formant une entité mouvant dans l’univers, à sa manière :
« Il est cependant possible de montrer que l’évidence absolue du Je suis s’étend aussi, nécessairement, aux multiplicités de l’expérience interne que nous avons de la vie transcendantale et des particularités habituelles du moi (…).
Le « je suis » transcendantal embrasse dans l’universalité de sa vie une multiplicité indéfinie et inachevée d’états concrets individuels. »
C’est le subjectivisme le plus complet, puisque tout le monde est différent, car chacun est une entité constituée d’une conscience consistant en des pensées intentionnelles sur des choses spécifiques.
C’est au sens strict l’idéologie du mode de production capitaliste.